La nécéssité d’une mise à jour
Malgré toutes les solutions trouvées pour adapter Mesha tant techniquement qu’esthétiquement à ses contraintes, le projet reste difficile à diffuser. Outre la lourdeur de la charge de calcul pendant le fonctionnement, le poids de stockage de l’application est disproportionné : plus d’une vingtaine de gigaoctets, principalement à cause des vidéos.
À la suite d’un apprentissage plus approfondi des outils de création de jeux vidéo, et plus spécifiquement du moteur Unreal Engine, il est apparu que l’implémentation de la médiation dans l’œuvre est non seulement faisable, mais nécessaire. L’exposition de Mesha au festival Accès)s( en 2022 a montré à quel point la fragilité d’une édition dégrade rapidement l’expérience des cartels déportés en support physique.
Enfin, les erreurs de modélisation 3D créent des contraintes qui réduisent les possibilités de choix esthétiques. Repenser la composition de ces espaces me permet d’en augmenter le niveau de détail et d’élargir les options d’habillage.
Une implémentation de la médiation
Dans cette nouvelle version de Mesha, j’ai saisi l’occasion de transposer les cartels directement dans le jeu. L’affichage comprend des emplacements pour un titre d’œuvre et un nom d’artiste à l’écran. Ces variables sont contenues dans un objet coordinateur du jeu, habituellement appelé game manager, ou game instance dans le moteur Unreal.
Pour remplacer ou effacer les textes à l’écran, j’ai conçu un système de communication avec les objets, lorsque le joueur entre en contact avec une œuvre d’art. L’œuvre contient en elle-même son cartel, sous forme de variables analogues à celles du coordinateur de jeu. Chaque objet reconnu comme une œuvre implémente une interface permettant de l’identifier. Une interface, dans un moteur de jeu, est une sorte de label que l’on associe à un script. Ce label contient des noms de fonctions, qu’il faudra définir dans chaque objet labellisé par cette interface. La différence avec un héritage par parenté est que, dans le cas de l’héritage, les objets enfants reçoivent directement les fonctions de leurs parents, tandis qu’avec une interface, chaque objet définit son propre comportement lors de l’appel de la fonction associée.
À ce système de cartels s’ajoutent des médiateurs placés dans chaque espace de l’abécédaire. Une silhouette, labellisée comme activable, délivre une présentation de l’accrochage au moyen d’une voix synthétisée à partir d’enregistrements de la mienne. Le fait de faire du médiateur un activable permet au visiteur de demander des explications lorsqu’il le souhaite, et surtout d’éviter tout effet de harcèlement si la voix se déclenchait systématiquement à chaque passage.
Une recomposition de l’exposition dans la villa
Dans la première édition de Mesha, j’avais utilisé de nombreuses pièces personnelles pour occuper toutes les lettres de l’alphabet hébraïque. Afin de mettre davantage en valeur le travail de mes artistes invités et de me concentrer sur l’expérience elle-même, j’ai retiré mes peintures, mes photographies et la majeure partie de mes vidéos. Il ne subsiste que quelques expériences co-produites, comme la pièce de Daleth, Phé ou Hé, ainsi que mon film Sous le ciel péruvien pour Shin, des balados méta pour Heith, et une mise en scène de mon oracle pour Teith, dont les dessins originaux d’Aziz Wood sont présentés en Aleph.
Je n’ai pas ajouté de nouvelles œuvres, préférant redistribuer les pièces existantes afin de proposer des espaces moins chargés, au bénéfice de leur pertinence. Les lettres Beith et Yod sont celles qui ont été le plus réduites.
Outre cette redistribution visant à rééquilibrer l’ensemble de l’exposition, les espaces accessibles ont également été diminués. Il n’était pas nécessaire de donner accès aux ateliers ou à l’amphithéâtre lorsqu’ils restaient vides. De même, je ne souhaitais pas remplir à tout prix l’ensemble des espaces de la Villa Arson, au risque de noyer son architecture dans un tsunami esthétique indigeste.