Le contrat d’engagement républicain (CER)
Le contrat d’engagement républicain (CER) est régi par les articles 10-1 et 25-1 de la loi n° 2000- 321 du 12 avril 2000 et son décret d’application n° 2021-1947 du 31 décembre 2021.
Le CER concerne l’association ou la fondation qui demande une subvention auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial, ou encore pour toute demande d’agrément auprès de l’État ou d’un de ses établissements publics qui entre dans le cadre du tronc commun d’agrément.
Le CER comporte sept engagements qui doivent être respectés par ses signataires, conformément aux articles 10-1 et 25-1 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000, son décret d’application n°2021-1947 du 31 décembre 2021 et la circulaire NOR INTD2216361C du ministre de l’intérieur et des outre-mer. Ils s’entendent de la manière suivante.
Engagement n°1 : Respect des lois de la République
L’engagement àrespecter les lois de la République s’entend comme : - l’interdiction d’entreprendre ou d’inciter àtoute action manifestement contraire àla loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves àl’ordre public (a) ; - l’interdiction de se prévaloir de convictions politiques, philosophiques ou religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant ses relations avec les collectivités publiques (b) ; - l’interdiction de remettre en cause le caractère laïque de la République (c).
S’agissant du (a), eu égard àla décision n°2021-823 DC du 13 août 2021 du Conseil constitutionnel, les actions portant atteinte àl’ordre public sont les actions susceptibles d’entraîner des troubles graves àla tranquillitéet àla sécuritépubliques. A titre d’illustration, est considérécomme constitutif d’un trouble grave àl’ordre public, conformément àl’article L. 212-1 du code de sécuritéintérieure :
- une association qui provoque des manifestations armées ou des agissements violents àl’encontre des personnes ou des biens ; - une association qui présente, par sa forme et son organisation militaires, le caractère d’un groupe de combat ou d’une milice privée ;
- une association dont l’objet ou l’action tend àporter atteinte àl’intégritédu territoire national ou àattenter par la force àla forme républicaine du Gouvernement ; - une association dont l’activitétend àfaire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalitérépublicaine ;
- une association qui a pour but soit de rassembler des individus ayant fait l’objet de condamnation du chef de collaboration avec l’ennemi, soit d’exalter cette collaboration ; - une association qui provoque ou contribue par ses agissements àla discrimination, àla haine ou àla violence envers une personne ou un groupe de personnes, ou propage des idées ou théories tendant àjustifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ;
- une association qui se livre, sur le territoire français ou àpartir de ce territoire, àdes agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou àl’étranger.
A également étéconsidéré, par le passépar les juges, comme légitimant un retrait de subvention, le cas d’une association locale de défense de l’environnement s’opposant àl’implantation d’un site de stockage de déchets radioactifs, dès lors qu’elle a organiséàcette fin des actions violentes telles que la destruction de matériels ou la mise àsac de locaux administratifs (CE, 1er octobre 1993, Commune de Secondigny, n°112406).
Àtitre d’exemple du b), pourrait être considérée comme s’affranchissant des « règles communes régissant ses relations avec les collectivités publiques » : - une association qui déciderait de s’adresser dans une langue autre que le Français, par exemple une langue régionale, àl’administration ;
- une association qui refuserait de répondre àun courrier de l’administration au motif que l’agent qui a adresséle courrier est une femme ;
Àtitre d’exemple du c), pourrait être considérécomme remettant en cause le caractère laïque de la République le fait pour une association de se prévaloir de sa dimension religieuse pour solliciter une entorse au principe constitutionnel de laïcitéqui s’impose àl’administration.
Engagement n°2 : Liberté de conscience
L’engagement àrespecter la libertéde conscience s’entend comme l’obligation de ne pas exercer de prosélytisme abusif àla fois envers les membres, salariés, bénévoles mais également envers les tiers, notamment les bénéficiaires des services de la structure concernée.
Il ne s’agit pas de l’application du principe de laïcité, inapplicable àune association dépourvue de mission de service public, dans l’exercice de ses activités (Cass. Soc. 19 mars 2013, n°12-11.690).
Le prosélytisme abusif est caractérisédès lors qu’il est exercésous la contrainte, la menace ou la pression.
La Cour européenne des droits de l’homme considère que le prosélytisme abusif « peut revêtir la forme d’activités [offrant] des avantages matériels ou sociaux en vue d’obtenir des rattachements à[une] église ou [exerçant] une pression abusive sur des personnes en situation de détresse ou de besoin», selon le même rapport, voire impliquer le recours àla violence ou au «lavage de cerveau»; plus généralement il ne s’accorde pas avec le respect dûàla libertéde pensée, de conscience et déreligion d’autrui » (CEDH, 25 mai 1993, Kokkinakis, n°14307/88).
Àtitre d’illustrations, pourrait être considérée comme exerçant un prosélytisme abusif envers ses membres ou envers des tiers : - une association sportive qui contraindrait ses adhérents àprier dans les vestiaires avant ou après la séance de sport ;
- une association (de soutien scolaire) qui obligerait ses membres àporter des signes religieux ostentatoires ; - une association qui entretiendrait des relations avec des penseurs ou prédicateurs affiliés àl’islam radical.
En revanche, le fait pour une association ou une fondation de détenir dans ses locaux des objets qui manifestent son inspiration confessionnelle mais dont les activités sont ouvertes àtous ne peut être considérécomme du prosélytisme abusif susceptible de caractériser une violation du CER.
Engagement n°3: Liberté des membres de l’association
La libertéd’association comprend la libertéd’adhésion àune association, qui a pour corollaire la libertéde ne pas adhérer. Il en découle que les membres d’une association peuvent s’en retirer àtout moment et qu’ils ne peuvent en être exclus de façon arbitraire.La Cour de cassation a, par exemple, jugéque les statuts d’une association ne pouvaient pas prévoir que tous les habitants d’une commune seraient membres de celle-ci (Cass, 1re civ., 8 novembre 1978, n°77-11.873).
De même, un commerçant, lors de son installation au sein d’une galerie marchande, ne peut se voir imposer contractuellement l’adhésion àl’association des commerçants de cette galerie (Cass, 3e civ., 5 décembre 2001, n°00-14.637).
Cette position est confirmée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui a jugéqu’un chauffeur de taxi ne pouvait pas être astreint, sous menace de perdre le bénéfice d’une licence nécessaire àl’exercice de sa profession, àfaire partie d’une association défendant des opinions contraires àses convictions personnelles (CEDH, 30 juin 1993, Sigurjonsson, n°16130/90).
Les statuts d’une association peuvent prévoir l’exclusion de plein droit de tout membre qui ne respecterait pas une obligation souscrite en y adhérant (Cass., 1re civ., 2 juillet 2014, n°13- 18.858). Cette exclusion est toutefois subordonnée àune mise en demeure infructueuse ou àune procédure disciplinaire permettant àl’intéresséde présenter sa défense (Cass., 1re civ., 21 novembre 2006, n° 05-13.041).
Engagement n°4 : Égalité et non-discrimination
Le principe d’égalitéet de non-discrimination impose de ne pas opérer de différences de traitement qui ne reposeraient pas sur une différence de situation objective en rapport avec l’objet statutaire de la structure concernée.
Il ne contrevient pas àla libertédes associations de choisir leurs membres et donc de constituer une association fermée, c’est-à-dire une association ayant organiséstatutairement le contrôle des adhésions et pouvant la refuser àune personne ne remplissant pas les conditions fixées (CEDH, 27 février 2007, Associated Society of Locomotive Engineers and Firemen (ASLEF), n°11002/05, §39).
Cette différence de traitement n’est possible que si elle est prévue par les statuts ou en rapport avec l’objet statutaire licite de l’association. Il est par exemple possible qu’une association communale de chasse refuse l’adhésion d’un chasseur ne pouvant justifier d’un domicile sur le territoire ainsi que le prévoient les statuts (Cass., 1re civ., 25 mai 2016, n°15-15.754). De la même manière, une association féministe ou de prévention des violences faites aux femmes peut réserver ses adhésions aux seules femmes.
Engagement n°5: Fraternité et prévention de la violence
L’engagement àprévenir la haine s’entend comme le fait, pour une structure, tant dans le cadre de son activité, de son fonctionnement interne que de ses rapports avec les tiers : - de ne pas provoquer àla haine ou àla violence envers quiconque ; - de ne pas cautionner de tels agissements ;
- de rejeter toutes formes de racisme et d’antisémitisme.
Ainsi, porte une atteinte àcet engagement le fait pour un dirigeant, salarié, bénévole ou membre d’une association de tenir, au nom de l’association, des propos racistes ou antisémites ou provoquant àla haine ou la violence.
Dès lors, les publications d’une association sur les réseaux sociaux ouvertement antisémites ou des propos faisant l’apologie des crimes contre l’humanitéconstituent un appel àla haine et àla violence.
Engagement n°6: Respect de la dignité de la personne humaine
Le principe du respect de la dignitéde la personne humaine s’entend comme le fait de n’entreprendre, ne soutenir, ni ne cautionner aucune action de nature àporter atteinte àla sauvegarde de la dignitéde la personne humaine.
Le manquement àce principe peut viser différents agissements, de nature àtroubler l’ordre public ou pouvant aller jusqu’àêtre assimilables àla traite d’êtres humains. Par exemple, pouvait être considérée comme une atteinte au principe de la dignitéde la personne humaine susceptible de provoquer des troubles àl’ordre public, la distribution publique par une association d’une soupe au cochon, considérée comme volontairement discriminatoire (CE, 5 janvier 2007, association « Solidaritédes français », n° 300311).
Pourraient également être considérées comme portant atteinte àla dignitéde la personne humaine : - la promotion d’idées dégradantes pour la dignitéhumaine, comme le fait de prôner l’excision des femmes ;
- la promotion d’actions dégradantes pour la dignitéhumaine, comme la promotion du lancer de nains (CE, Assemblée, du 27octobre 1995, com. de Morsang-sur- Orgen°1367.2-7).
Engagement n°7: Respect des symboles de la République
Le respect des symboles de la République s’entend, dans le cas d’espèce, comme le
respect du drapeau tricolore, de l’hymne national, et de la devise de la République.
Conformément àl’article R. 645-15 du code pénal, pourraient par exemple être considérés comme des outrages au drapeau tricolore : - le fait de détruire celui-ci, le détériorer ou l’utiliser de manière dégradante, dans un lieu public ou ouvert au public ;
- le fait pour l’auteur de tels faits, même commis dans un lieu privé, de diffuser ou faire diffuser l’enregistrement d’images relatives àleur commission.
Il convient toutefois d’apprécier la question des éventuels outrages aux symboles de la République àla lumière de la libertéd’expression politique ou philosophique ou de la libertéde création, comme l’a préciséle Conseil d’État au sujet de l’article R. 645-15 précité:
« le pouvoir réglementaire a entendu n’incriminer que les dégradations physiques ou symboliques du drapeau susceptibles d’entraîner des troubles graves à la tranquillité et à la sécurité publiques et commises dans la seule intention de détruire, abîmer ou avilir le drapeau; qu’ainsi ce texte n’a pas pour objet de réprimer les actes de cette nature qui reposeraient sur la volonté de communiquer, par cet acte, des idées politiques ouphilosophiques ou feraient oeuvre de création artistique, sauf à ce que ce mode d’expression ne puisse, sous le contrôle du juge pénal, être regardé comme une oeuvre de l’esprit » (CE, 19 juillet 2011, Ligue des droits de l›homme, n°343430).