Année 2026
Politique et Innovation : de la responsabilité du citoyen et de l’état
(programme en cours de finalisation)
Politique et Innovation : de la responsabilité du citoyen et de l’état
(programme en cours de finalisation)
Objectifs année 4
Le terme grec politikós désigne à la fois la gestion des affaires de la cité et les citoyens qui y participent. Derrière cette notion se trouve une problématique claire : comment doit s’organiser la vie publique et privée, et qui doit y prendre part ? Au cœur de ce questionnement l’innovation est une nouvelle fois au premier plan.
Les trois premières années du séminaire nous ont permis d’avoir un premier regard philosophique et historique sur la notion d’innovation, également d’analyser les critiques de celle-ci au cours des siècles et plus particulièrement au XXe et début du XXIe siècle. L’an passé fut l’occasion de s’arrêter sur une critique à la fois plus vive et plus complexe de l’innovation, à partir de la sobriété.
Cette quatrième année s’intéresse donc à la question politique à partir de l’innovation. Celle-ci est au cœur du politikos à plusieurs titres : innovation institutionnelle (transformations des règles du jeu politique), technopolitique (utilisation des technologies numériques pour transformer les pratiques politiques), idéologique ou programmatique (émergence de nouvelles idées) ou encore organisationnelle (structures des partis). Mais ce sont aussi les politiques d’innovation, c’est à dire l’ensemble des mesures, instruments et stratégies déployés par les pouvoirs publics pour stimuler l’innovation technologique, sociale, industrielle ou organisationnelle dans un pays ou une région.
Dans un contexte géopolitique complexe, une Europe qui peine à sa construction et une politique intérieure incertaine, ce séminaire veille donc, à partir de l’innovation, à remettre la pensée philosophique au premier plan de la gestion de la cité et à évaluer le rôle du citoyen.
Séance 1 : En quoi la politique est-elle une innovation ?
Jeudi 22 janvier 2026
La politique est d’abord une innovation organisationnelle, visible chez les sociétés primitives et en Mésopotamie (codes d’Hammurabi, écriture). Elle devient une invention conceptuelle en Grèce avec la polis, l’isonomie et la philosophie politique de Platon et Aristote, qui définissent l’homme comme animal politique (zoon politikon). De l’Antiquité aux idéologies modernes, elle reste une création permanente, mêlant tradition et transformation. Ce séminaire interroge son actualité : comment réinventer la démocratie face aux défis contemporains ? La prochaine séance explorera l’innovation citoyenne.
Séance 2 : L’innovation citoyenne pour une autre politique
Jeudi 19 février 2026
Le citoyen, d’abord défini comme l’habitant libre d’une cité (Athènes, Rome), devient avec Rousseau un acteur de la souveraineté populaire. L’innovation citoyenne, tirage au sort, coopératives, budgets participatifs, monnaies locales, émerge comme une réponse collective aux défis sociaux, écologiques ou politiques. Inspirée par Foucault, elle incarne une résistance aux pouvoirs établis, proposant des alternatives horizontales. Pour Dewey, elle est une démocratie expérimentale, où la participation active et l’adaptation permanente redéfinissent la cité. Ces initiatives, locales et pragmatiques, transforment les rapports de pouvoir en plaçant l’humain et le bien commun au centre.
Deuxième partie, Najat Vallaud-Belkacem, Directrice de l'ONG One France, Présidente France Terre d'Asile, Conseillère Maître à la Cour des Comptes
Séance 3 : L’éducation comme arme politique
Jeudi 5 mars 2026
L’éducation, depuis Platon jusqu’à Dewey, est présentée comme le levier central de l’innovation politique. Platon en fait l’outil pour former des gouvernants-philosophes capables de diriger une Cité juste, tandis que Rousseau et Kant y voient un moyen d’émancipation individuelle et collective. Dewey, lui, transforme l’école en laboratoire de démocratie, où l’apprentissage par l’action prépare les citoyens à agir dans la société. Cependant, Bourdieu et Illich critiquent ce modèle : l’école reproduit les inégalités sociales (Bourdieu) et aliène en monopolisant le savoir (Illich). Pour eux, une éducation libératrice doit sortir des cadres institutionnels, favorisant l’autonomie et la créativité. Arendt, Habermas et Castoriadis proposent des alternatives : une éducation responsable (Arendt), délibérative (Habermas) et imaginative (Castoriadis), capable de cultiver l’esprit critique et l’innovation politique. L’enjeu est de repenser l’éducation non comme un outil de reproduction, mais comme un espace de transformation sociale.
Deuxième partie, Thierry Pacquot, philosophe, professeur émerite
Séance 4 : Politique d’innovation
Jeudi 2 avril 2026
Les politiques d’innovation, de la France 2030 à Horizon Europe ou au CHIPS Act américain, ne se limitent pas à des stratégies économiques : elles redéfinissent le rôle de l’État, les rapports de pouvoir, et les finalités mêmes du progrès. En France, le passage d’un colbertisme centralisé à une approche « mission-oriented » (Mazzucato, Aghion) interroge la capacité de l’État à concilier souveraineté technologique, transition écologique et justice sociale. L’Union européenne, elle, tente d’articuler compétitivité, régulation démocratique (Habermas) et inclusion, tandis que l’Asie illustre des modèles contrastés, entre planification étatique (Chine, Corée) et harmonie sociale (Japon). Aux États-Unis, l’innovation reste ancrée dans une philosophie schumpétérienne de destruction créatrice, mais avec un retour marqué de l’intervention publique.
Séance 5 : L’art comme outil d’innovation politique
Jeudi 21 mai 2026
De Platon à Rancière, l’art est un espace de reconfiguration du politique, entre critique et proposition. Les avant-gardes (constructivistes russes, muralistes mexicains) l’ont mis au service de projets révolutionnaires, tandis que l’art activiste contemporain — Banksy, JR, Ai Weiwei, Pussy Riot, détourne les symboles du pouvoir pour révéler ses contradictions. Au-delà de la contestation, l’art devient un outil de délibération : budgets participatifs artistiques, parlements expérimentaux (Parlement des Invisibles), ou interventions dans l’espace public. Face aux défis écologiques, numériques et autoritaires, il invente de nouvelles formes de mobilisation, art écologique (Not An Alternative), art numérique (mèmes, AR Graffiti), ou résistance aux populismes (Hongrie, Pologne).
Deuxième partie, Philippe Aghion, économiste, professeur au Collège de France
Séance 6 : La commune de Paris, l’innovation par le peuple et la démocratie en question
Jeudi 18 juin 2026
En seulement 72 jours, la Commune de Paris (1871) représente une innovation politique majeure, rompt avec les modèles traditionnels et expérimente une démocratie directe et sociale : mandats impératifs et révocables, égalité salariale, autogestion des ressources, école laïque et gratuite. Puisant chez Rousseau, Proudhon, Marx ou Bakounine, elle traduit en actes des idées révolutionnaires, mêlant héritage des Lumières et socialisme utopique. Plus qu’une simple révolte, elle propose une refonte des institutions, du travail et de l’éducation, en impliquant directement les citoyens dans la gestion collective. Bien qu’écrasée dans le sang, son expérience résonne encore comme un laboratoire politique, questionnant les limites de la représentation et ouvrant des pistes pour repenser la démocratie, la participation et la justice sociale. Son actualité persiste face aux crises contemporaines de légitimité et d’inégalité.
Bibliographie : A venir