La basilique Saint-Marc à Venise
L'école vénitienne se développe autour de l'activité musicale à la basilique Saint-Marc entre les années 1550 et 1610. C'est un musicien flamand, Adrian Willaert (1490-1562) qui en fut l'initiateur. Il est nommé en 1527, à l'âge de 47 ans, maître de chapelle de Saint-marc et occupera ce poste jusqu'à sa mort à l'âge de 82 ans. Il y exploite les potentialités acoustiques offertes par l'architecture particulière de la basilique où deux tribunes se font face et dans lesquelles sont installés deux orgues et deux choeurs. Il est ainsi possible d'obtenir des effets d'écho en faisant alterner différentes masses sonores tant chorales qu'instrumentales. Car innovation majeure, les instruments (leur nombre pouvant varié de 8 à 20) prennent place dans la basilique et ajoutent leur couleur particulière aux oeuvres sacrées (particulièrement les vents : saqueboutes et cornets à bouquin). La musique de Saint-Marc devient vite une des grandes attractions de la ville, alors au sommet de sa splendeur.
L'écriture pour double choeur, la polychoralité, est à l'origine du style concertant qui se développera de façon spectaculaire à l'époque baroque. La polychoralité est réalisée par les cori spezzati, ou choeurs divisés. (Ex. les Salmi spezzatti à 8 voix de Willaert, 1550).
Renommé pour sa musique religieuse (messes et motets), Willaert s'intéresse également à la chanson française et compose nombre de villanelles et de madrigaux. Point important dans l’histoire de la musique parce que s’opère la synthèse entre la polyphonie nordique et le raffinement mélodique italien.
L'apogée de l’École vénitienne est atteint avec Andrea Gabrieli (~1510 - 1586) et surtout son neveu, Giovanni Gabrieli (1555-1612). La publication en 1597 des Sacrae Symphoniae par ce dernier, marque l'histoire de la musique, en ce qu'elles constituent une transition entre la polyphonie héritée du Moyen-Âge (a capella et quelque peu austère) et le style concertant qui s'épanouira à l'âge baroque.
Les Sacrae Symphoniae sont composées de 62 pièces pour choeurs et divers ensembles d'instruments. Elles sont les premières oeuvres pour lesquelles l'instrumentation est précisée pour chaque partie. Mentionnons également le recueil des Canzoni et sonate qui paraîtra à titre posthume en 1615.
[Entendre quelques exemples de la musique de Giovanni Gabrieli sur Youtube]
Par Heinrich Schütz (1585-1672), qui fut l'élève de Giovanni Gabrieli, la musique italienne est introduite en Allemagne.
Heinrich Schütz (1585-1672)
Son séjour à Venise, entre 1609 et 1612, auprès du maître Giovanni Gabrieli lui permet de s'initier à l'art de madrigal. Il est en contact avec les autres grands maîtres du genre : Marenzio, Gesualdo et Monteverdi. En 1611, Schütz fait paraître un Premier Livre de madrigaux à cinq voix.
En 1615, Schütz se fixe à la cour de Dresde comme maître de chapelle du Prince Électeur de Saxe. Il y connaît une carrière fructueuse dans les premières années, avant que la vie de cour ne soit perturbée par la guerre de Trente Ans (1618-1648).
En 1619 paraissent les Psaumes de David. Son Histoire de la Résurrection (1623), est le premier oratorio allemand connu. Les Cantiones sacrae (1625), oeuvres spirituelles, renouent avec l'art du contrepoint hérité de Lassus mais avec un souci d'en faire ressortir tout le potentiel expressif à la manière du madrigal italien.
En 1628, il retourne à Venise pour parfaire son art auprès du grand Monteverdi. Ce dernier l'initie au stile nuovo (chant monodique, virtuosité de la ligne mélodique, indépendance des voix). Il fera trois séjours à la cour de Copenhague. En 1629, le Premier Livre de symphonies sacrées résulte de ses recherches. En 1655, à la mort du vieux prince, Schütz peut enfin prendre sa retraite. Il consacre les 15 dernières années de sa vie à la composition d'oeuvres religieuses magistrales comme les 12 Chants spirituels (1657), l'Histoire de la Nativité (1664), 3 passions et un Magnificat.
Heinrich Schutz vers 1650/60