E. Ewazen : To cast a shadow again
I.
Stopped by the stream
we steam like two workhorses
The moisture lies white
on the field and your shoulders
Our own fog melts
thin shingles of ice water
I lean over to kiss
your halo of moisture
My face comes away wet.
II.
Luminescent moonlight startles me
I’m wildly awake in the wrong season
Your foot hangs out of the covers
and like a lighthouse for the moon
directs its rays to a safe landing
there’s a pulse on your instep
Everything else is night
but your foot, the moon, my eyes
What woke me
the whiteness of your skin
III.
Two bees are fighting or courting;
I can’t tell which.
The ground’s covered with flowers
smooth as kid leather bats’ wings.
We sit surrounded, our backs hard
against the tulip magnolia.
Your words drift down
like blossoms around my ears.
IV.
That didn’t take too long;
I thought I was asleep. But
your hand –
currents over my hip.
Five seconds
changed the color of leaves
the smell of earth
the shapes of stars.
I’m awake now, always.
The moon is company. Its only comfort:
a blue whiteness on my body
where I long for your hand to cast a shadow again.
V.
Everyone says it snowed last night
but I know it’s the whitening of your love
blowing across my eyelids
where your lips used to rest.
A confused tree sends out one green branch,
covets its few withered leaves and won’t release them to the snow.
Not evergreen, but half green:
like us.
Our feet kick up white storms
wet ankles skim over the trails
This is what I want to hold:
One green branch on a hibernating tree.
It bent softly when I brushed against it.
VI.
Hands underwater on my body
gentle fingers flutter
frictionless, like fish
brush against me
and quick swim away.
Waves chop.
Your hands can’t rest, they find no purchase
I’m about to go under
You only touched me once under water
but this is how I remember it always:
your hands slide away.
VII.
Cordite surrounded you
Caps popped in my heart
the day we held fireballs in our mouths
red tongues dangerous drums
our small battles squealed roman candles
now you march
across the street to me
through a haze of gunpowder:
Battalion guarding my heart fortress.
VIII.
Lie down and cry.
And tears will roll into your ears.
Your words, my words, blank ceiling,
And my ears are wet, cold.
Your words did that to me.
© 1992 Katherine Gekker
Projeter encore une ombre
1
Stoppés par le courant, nous transpirons comme deux chevaux de labour.
L’humidité s’installe blanche sur le champ et sur tes épaules.
Notre propre moiteur/transpiration se transforme en minces filets d’eau glacée.
Je m’incline pour embrasser ton auréole de buée.
Mon visage en ressort mouillé.
2
La lumière scintillante de la lune me fait tressaillir.
Je me suis frénétiquement réveillé dans la mauvaise saison.
Ton pied pend en dehors de la couverture et comme un phare à la lune dirige ses rayons pour un atterrissage sûr, il y a une pulsation sur ton coup de pied.
Tout le reste c’est la nuit, mais ton pied, la lune, mes yeux,
Ce qui m’a réveillé, c’est la pâleur de ta peau.
3
Deux abeilles sont en train de se battre ou de se séduire;
Je ne saurais pas dire lequel des deux.
Le sol est couvert de fleurs, doux comme les ailes d’un bébé chauve-souris.
Nous sommes assis au milieu de tout cela.
Notre dos appuie fort contre le magnolia aux fleurs de tulipes .
Tes paroles divaguent/dérivent comme des fleurs autour de mes oreilles.
4
Cela ne m’a pas pris trop longtemps.
J’ai pensé que je m’étais endormie.
Mais ta main court sur ma hanche.
Cinq secondes ont suffi
pour changer la couleur des feuilles, l’odeur de la terre, la forme des étoiles.
Je suis réveillé maintenant, pour toujours.
La lune est une compagnie.
Sa seule consolation : une pâleur bleue sur mon corps
Où je frôle ta main pour projeter encore une ombre.
5
Tout le monde dit qu’il a neigé la nuit dernière
Mais je sais que c’est le blanc de ton amour
Qui souffle à travers mes paupières
Sur lesquelles tes lèvres ont l’habitude de se reposer.
Un arbre désorienté qui propulse une de ses branches vertes,
Protège ses quelques feuilles flétries
Et ne les libèrera pas de la neige.
L’arbre pas du tout vert, mais à moitié vert:
Comme nous, nos pieds font voler les blanches tempêtes de neige.
Nos chevilles mouillées au-dessus des traces de neige.
Voici ce que je veux tenir:
Une branche verte sur un arbre en hibernation.
Il courbait, doucement quand je l’effleurais
6
Des mains sous l’eau sur mon corps,
Les doux doigts flottent sans friction,
Comme un poisson qui m’effleurerait et qui rapidement nagerait au loin.
Les vagues clapotent.
Tes mains ne peuvent se reposer,
Elles ne trouvent aucune prise.
Je suis sur le point d’aller sous l’eau.
Tu m’as seulement touchée une fois sous l’eau.
Mais voilà comment/pourquoi je m’en souviens toujours :
Tes mains ont glissé loin…
7
Des cordites vous entouraient.
Des caps ont éclaté dans mon cœur.
Le jour où nous avons eu des boules de feu dans nos bouches.
Langues rouges, tambours dangereux,
Nos petites batailles ont fait jaillir des chandelles romaines (autre explosif ou bombe).
Maintenant tu traverses la rue vers moi,
À travers un nuage de poudre à canon,
Le bataillon garde la forteresse de mon cœur.
8
S’allonger et pleurer.
Les larmes couleront dans tes oreilles.
Tes mots, mes mots,
Le plafond blanc, et mes oreilles sont humides, froides.
Voilà ce que m’ont fait tes paroles.