Introduction à la technologie microréacteur

Les Microréacteurs

Un microréacteur ou réacteur microstructuré est un dispositif confiné de dimensions inférieures à 1 mm dans lequel se déroule une réaction chimique. Les microréacteurs sont étudiés dans le domaine de l’ingénieurerie des micro procédés en flux. Les microréacteurs offrent de nombreux avantages par rapport aux réacteurs conventionnels, tels que l’amélioration de l’éfficacité énergétique de réaction via des phénomènes de transferts (chaleur, matière, …) plus ou moins améliorés à ces petites échelles selon les matériaux utilisés. L'étude des écoulement de fluides au sein de ces dispositifs fait appel à différentes notions de mécanique des fluides regroupées sous le nom de microfluidique en lien avec les microdébits appliqués.

Le principe d'utilisation de ces nouveaux dispositifs est relativement simple. Les réactifs mis en solution sont pompés à un certain débit et introduits dans des microcanaux qui se rejoignent dans une zone appelée zone de mélange au sein de laquelle les fluides entrent en contact. Les réactifs réagissent alors ensemble dans un espace tubulaire confiné (zone de réaction chimique - diamètre < 1 mm) puis les produits sont analysés en sortie. Le débit de sortie correspond à la somme des débits d'entrée. Le temps de séjour au sein du dispositif est appelé temps de résidence, il est calculé de la manière suivante :

La zone de mélange et la zone de réaction chimique constituent les éléments clefs de la réactivité au sein des microréacteurs dépendant des contraintes liées à la réaction chimique elle même (temps de réaction, température, pression, ...). Ainsi, il n'existe pas de microréacteur "génial" pour lequel n'importe quel type de réaction pourrait être menée de façon optimisée et le dévellopement du microréacteur doit s'adapté au système réactionnel envisagé.

Le mélange dans ces dispositif est dominé par la diffusion moléculaire. De cette manière, les microréacteurs peuvent réaliser un mélange complet en quelques microsecondes alors que les réacteurs classiques mélangent à l’échelle de plusieurs secondes ou plus. Ce résultat est traduit mathématiquement par le temps de diffusion (en seconde) qui correspond au temps caractéristique d’une molécule pour traverser de part en part la section de conduite.

A ces petites échelles, le temps de diffusion est donc très petit, de l’ordre de la microseconde. En conséquence, afin d’augmenter la vitesse de mélange diffusif il est nécessaire d’utiliser des dispositifs qui présentent un rapport surface sur volume le plus élevé possible et également d’augmenter le plus possible la surface interfaciale entre les flux entrant. De cette manière, les mélanges diffusif seront plus ou moins rapides en fonction de la géométrie du micromélangeur et de la distance caractéristique (diamètre pour un cylindre) du canal réactionnel. Néanmoins comme nous le verrons par la suite, pour des raisons d'effets de surface, la diminution du canal à l'extrème afin de favoriser le temps de diffusion et ainsi la réactivité n'est pas une approche rationnelle.

La Microfluidique

La microfluidique est un domaine de recherche particulièrement dynamique, initialement issu du développement de méthodes d’analyses chimiques en flux intégrant des modules miniaturisés permettant la manipulation de volumes d’échantillons réduits (chromatographie en phase liquide à haute performance, électrophorèse). Ces stratégies ont clairement démontré l’amélioration de la sensibilité et de la résolution des techniques analytiques associées. Plus récemment, la microfluidique a largement profité des techniques de microfabrication, développées à l’origine pour la micro-électronique et les microsystèmes (MEMS) via le développement de microcircuits fluidiques sur puce par exemple. Au cours des dix dernières années, l’effort fournit dans ce domaine a été particulièrement important avec une meilleure compréhension des phénomènes mis en jeu à ces échelles. Aussi, de nouvelles applications sont apparues dans les domaines de la chimie de synthèse, de la manipulation d’objets biologiques, ou encore dans le domaine de la microélectronique.

A l’échelle microscopique, les phénomènes physiques macroscopiques sont bouleversés. Certains phénomènes négligeables deviennent prépondérants, comme la capillarité ; inversement, d’autres forces telles que la gravité deviennent négligeables. Le rapport entre les forces d’inertie et les forces de viscosité (Nombre de Reynolds) devient très petit et les forces de viscosité deviennent ainsi prépondérantes. Ceci se traduit par des flux essentiellement laminaires produits à ces échelles. De la même manière le paramètre diffusion devient essentiel. Si l’on s’intéresse à l’échelle moléculaire, la microfluidique voir nanofluidique prend tout son sens, la réduction d’échelle permet de minimiser les temps de diffusion dans le milieu et ainsi de s’approcher, petit à petit de l’échelle de temps moléculaire malgré les défis techniques associés. D’un point de vue purement fondamental, les conséquences attendues à plus long terme sont une meilleure compréhension des phénomènes moléculaires facilitée par une manipulation rendue plus aisée au sein de dispositifs miniaturisés.

Compte tenu des faibles dimensions du microcanal, les effets de paroi deviennent très important et les fluides deviennent très visqueux, par conséquence le nombre de Reynolds calculé est très faible (10-6 < Re < 250). Ces valeurs traduisent des forces visqueuses très supérieures aux forces d’inertie et ainsi l’application d’un régime laminaire (Re < 2000) sur toute la longueur du dispositif microfluidique.

Le nombre de Péclet (Pe) est un nombre adimensionnel utilisé en transfert massique. Il représente dans le cadre de transfert de masse le rapport entre le transfert par convection et le transfert par diffusion (PeM).

Aux petites échelles, le nombre de Peclet est élevé (10-4 < Pe < 105), le transfert massique par convection est donc très important par rapport au transfert massique par diffusion. De cette manière, la géométrie du canal aura un effet très important sur le transfert de masse et les flux de matières au sein du fluide seront bouleversés par les effets de paroi et les obstacles au fluide. Ainsi, toute modification de paroi aura un effet important sur le phénomène de convection au sein du fluide. Afin de travailler en milieu essentiellement diffusif, il faudra donc que le canal présente une surface de paroi la plus lisse possible ou bien le phénomène de convection l’emportera. Plus le diamètre du microcanal est petit et plus le nombre de Peclet massique augmente. Néanmoins les phénomènes convectifs ou chaotiques peuvent présenter un intérêt afin d'améliorer le mélange des réactifs. Les fabricants de microréacteurs sur puce adoptent aujourd'hui cette approche afin de maximiser le mélange tout au long du canal réactionnel. Une telle approche est un avantage considérable en comparaison aux microréacteurs tubulaires à paroi lisse.

Le phénomène de pertes de charge est également un paramètre clef lorsque l'on s'intéresse aux écoulements dans les microcanaux. Les pertes de charges sont causées par le frottement intérieur qui se produit dans les liquides ; ces frottements sont constatés dans les conduites lisses aussi bien que dans les conduite rugueuses et est relié à la viscosité du fluide.

Afin de calculer la perte de charge au sein d’une conduite cylindrique horizontale en régime laminaire, on peut utiliser la Loi de Poiseuille qui relie le débit volumique d'un fluide à la différence de pression entre de point donnés de la conduite.

En conséquence, entre deux points séparés par une longueur, dans une conduite cylindrique de diamètre quelconque apparaît une perte de pression. Cette perte de pression est d'autant plus importante que la section du microcanal est petite. Ce dernier point peux constituer une limitation importante en fonction du procédé considéré. En effet, au plus la pression nécessaire sera importante en entrée au plus le système de pompage et les connectiques devront être robuste.

Transfert de chaleur à l'échelle micro

La convection est un mode de transport d’énergie par l’action combinée de la conduction, de l’accumulation de l’énergie et du mouvement du milieu. La convection est le mécanisme le plus important de transfert d’énergie entre une surface solide et un fluide. Le transfert d’énergie par convection d’une surface dont la température est supérieure à celle du fluide qui l’entoure s’effectue en plusieurs étapes :

Etape 1 : la chaleur est transmise par conduction de la surface chaude aux molécules du fluide qui lui sont adjacentes. L’énergie ainsi transmise augmente la température et l’énergie interne de ces molécules de fluide.

Etape 2 : les molécules se mélangent avec d’autres molécules situées dans une région à basse température et transfèrent une partie de leur énergie. Dans ce cas l’écoulement transporte le fluide et l’énergie. L’énergie est, à présent, emmagasinée dans les molécules du fluide et elle est transportée sous l’effet de leur mouvement.

Etape 3 : La transmission de chaleur par convection est désignée, selon le mode d’écoulement du fluide, par convection libre et convection forcée.

Lorsqu’il se produit au sein du fluide des courants dus simplement aux différences de température, on dit que la convection est naturelle ou libre. Par contre si le mouvement du fluide est provoqué par une action externe, telle une pompe, le processus est appelé convection forcée.

Le transfert de chaleur au sein de microcanaux peut être assimilé à un problème de convection forcée et le transfert de chaleur quantifié.

Sous cette forme, l’équation de la convection semble être tout à fait simple. En réalité, il n’en est rien, car cette équation est une définition de l’unité de conductance thermique moyenne par convection plutôt qu’une loi de transmission de la chaleur par convection. Le coefficient d’échange de chaleur par convection est, en effet, une fonction de l’écoulement du fluide, des propriétés thermiques du milieu fluide et de la géométrie du système. Sa valeur numérique n’est généralement pas uniforme sur une surface et elle dépend également du lieu où on mesure la température. A l'échelle micro, la mesure de température est rendue compliquée.

Comme le transfert d’énergie par convection est très intimement lié au mouvement du fluide, il est nécessaire de connaître le mécanisme de l’écoulement du fluide avant d’examiner celui de l’écoulement de la chaleur. Lorsque la vitesse du fluide et la turbulence sont faibles, le transport d’énergie n’est que faiblement aidé par les courants de mélange à une échelle macroscopique. Par contre, si la vitesse est grande et si le mélange entre le fluide chaud et le fluide froid contribue notablement au transfert d’énergie, le mécanisme de conduction devient moins important. En conséquence, pour transporter par convection à travers un fluide une quantité de chaleur donnée, il est nécessaire que le gradient de température soit plus grand dans la région à faible vitesse que dans celle où la vitesse est élevée. Au voisinage immédiat de la paroi la chaleur se meut par conduction pure, les molécules du fluide étant stationnaires par rapport à la frontière de la couche limite (vitesse moyenne nulle en paroi à cause des forces de frottement). On compte naturellement sur un grand gradient de la température dans cette couche. A mesure que l’on s’éloigne de la paroi, le mouvement du fluide favorise le transport d’énergie et le gradient de température diminue de moins en moins vite pour atteindre finalement celui du courant principal.

Le rapport du gradient de température dans le fluide en contact immédiat avec la surface sur le gradient de température de référence ((Tsurface - Tinfini)/Lc) correspond au nombre de Nusselt (Nu). Ce nombre est une quantité adimensionnelle. En pratique, le nombre de Nusselt est une mesure commode du coefficient d’échange de chaleur par convection.

Compte tenu des faibles dimensions des microréacteurs (< 1mm), le coefficient de transfert de chaleur au sein des microcanaux est élevé et se traduit physiquement par un transfert de chaleur extrêmement rapide. La représentation graphique de la distribution locale de température au sein des microcanaux permet d’apprécier ce type d’échange de chaleur rapide et l’on s’aperçoit qu’une longueur de 1 cm est suffisante pour passer de l’eau de 20 à 100°C dans un microcanal de 190 µm de diamètre pour une vitesse moyenne de 0,271 m.s-1.

Cette caractéristique s’avère particulièrement intéressante en chimie pour le contrôle de réactions très exothermiques en condition isothermales et ainsi éviter tout risque d'explosion. Par opposition avec les réacteurs classiques cette approche permet d’éviter la formation de points chaud au sein du mélange réactionnel en assurant une homogénéité de répartition de chaleur en flux laminaire et ainsi d’éviter l’apparition de réactions parasites et par la même d’améliorer la sélectivité.

Avantages et limitations des microréacteurs

D’un point de vue fondamental :

- Meilleur contrôle des conditions opératoires (température, pression, temps)

- Possibilité de travailler en conditions supercritiques

- Sélectivité des réactions accrue

- Couplage avec différentes technologies d’activation externe optimisée (activation thermique, activation photochimique, activation microonde, activation ultra-sonique, activation électrochimique, …)

- Meilleur contrôle des réactions poly-phasiques

- Automatisation des dispositifs possible (séquençage, possibilité d’inclure des processus analytiques et de purification en ligne)

- Etudes cinétiques facilitées

- Synthèse multi-étapes en ligne possible par optimisation des étapes séparément

- Les réactifs sont compartimentés et leur ordre d’introduction est mieux contrôlé

- Champ élevé de découvertes

D’un point de vue industriel :

- Production en flux continu

- Sécurité du procédé accrue

- Montée en échelle plus aisée qu’en réacteur classique par simple parallélisation du procédé optimisé à petite échelle

- Echanges énergétiques finement optimisés

- Dispositifs transportables et peu encombrants

- Production sur site à la demande (Nouveau Business Model)

Limitations :

- Limité aux réactions rapides

- Limitation aux conditions de solubilité parfaite en phase homogène (risques de bouchages)

- Dispositifs très sensibles aux pertes de charges (Les pompes pour la production de molécules supportent des pressions maximales de l’ordre de 600 bars)

- La montée en pression représente un coût

- Prototypage et dispositifs commerciaux encore trop coûteux