Oxydation sélective d'alcool benzylique en acide benzoique en microréacteur catalytique à base de nanoparticules d'or

Doctorant : Jamal Ftouni

Collaboration avec l'UCCS (Lille 1) : Jean-Sébastien Girardon, Edmond Payen

Financement :

Introduction

De nos jours, les technologies micro-nanofluidiques se développent rapidement, offrant une solution pour améliorer le contrôle fins de paramètres réactionnels tels qu'un transfert thermique plus rapide, un transfert de matière et un mélange plus rapide lié a un rapport surface/volume accru.

D'un point de vue catalytique, l'immobilisation de catalyseurs à l'intérieur de la cavité du microréacteur est une solution concrète afin d'améliorer son recyclage et constitue une alternative excellente aux réactions homogènes pour lesquelles la réutilisation du catalyseur apparaît fréquemment difficile. En outre, des conditions de flux continues appliquées à de tels microsystèmes offrent un avantage remarquable en termes d'automatisation comparée à la catalyse hétérogène classique. Pour des réactions catalytiques hétérogènes, les efforts ont été réalisés pour profiter d'un chemin de diffusion minimisé des réactifs et afin de limiter la perte de charge globale du système microfluidique par un design de réacteurs associés en parallèle.

Des phases actives catalytiques immobilisées en surface et des catalyseurs solides packés, y compris des structures mesoporeuses fonctionnalisées, ont récemment été introduits au seins de dispositifs microfluidiques. Avec des systèmes de catalyseur packés, des difficultés supplémentaires surgissent comme le contrôle de la perte de charge et le relargage de solide dans le flux pouvant entrainer des phénomènes de bouchage. Ceci s'applique aussi aux matériaux poreux comme il a été récemment rapporté. L'immobilisation du catalyseur à la surface du canal microfluidique apparaît ainsi un stratégie de choix.

Préparation de microréacteurs catalytiques à base de nanoparticules d'or

Dans le cadre d'une étude concernant le développement de nouveaux microréacteurs catalytiques nous avons récemment présenté des résultats concernant l'immobilisation nanoparticles d'or de type Turkevich (AuCitrate : d = 15 nm) ou encore recouverte de polymère tels que le poly-vinylalcohol (PVA-Au : d = 2,4 nm) ou le polyvinylpyrolidone (PVP-Au : d = 2, 1 nm) en surface de capillaires en verres.

Figure 1. Analyse DLS des particules d'or en solution colloïdale avant greffage en surface

Pour l'accrochage en surface, nous avons porté notre choix vers l'utilisation de deux différents linkers entre la silice de la paroi et l'or de type (3-aminopropyl)triethoxysilane (APTES) et (3-mercaptopropyl)triethoxysilane (MPTES). Dans le protocole utilisé, les particules sont introduites en solution colloïdales directement dans le capillaire fonctionnalisé par le linker. En fonction du type de particule utilisé, le pH de la solution colloïdale doit être préalablement calibré afin de permettre une accroche complète en surface. Nous supposons dans le cas de l'APTES qu'une liaison se forme entre l'ammonium généré selon les conditions acides de pH et les particules d'or de charge moyenne négative variable selon le type de particule considérée (-45 mV < Potentiel zéta < -5 mV). Dans le cas du MPTES nous supposons cette fois-ci un liaison covalente entre la particule d'or et l'atome de soufre.

Figure 2. Principe du greffage des particules d'or en surface de capillaire en silice fondue.

L'analyse par microscopie électronique à balayage (MEB) et la microanalyse par sonde électronique ont été utilisées pour caractériser la surface intérne et ont confirmé la présence de nanoparticules d'or sur la paroi du capillaire. L'analyse MED montre clairement une dispersion homogène des particules en surface. La microanalyse a donné une détermination qualitative de la composition atomique (or, silicium, oxygène et carbone) de la surface interne des microréacteurs.

Figure 3. Caractérisation de la surface interne du capillaire greffé MPTES/Au-Citrate par MEB (haut) et microanalyse (bas).

Figure 4. Caractérisation de la surface interne du capillaire greffé MPTES/Au-PVP par MEB (haut) et microanalyse (bas).

Oxydation d'alcools benzylique catalysée par les nanoparticules d'or en microréacteur catalytique

L'oxydation d'alcools est une des transformations les plus importantes en synthèse bio-organique. Depuis la découverte en 1981, par Haruta, de la réaction d'oxydation, catalysées par les nanoparticules d'or, du monoxyde de carbone par le dioxygène, cette réaction a été largement étudiée. Plus particulièrement l'oxydation sélective d'alcools en différents composés carbonylés (aldéhydes, cetones, acides carboxyliques et esters) a fait l'objet de nombreux articles au cours des dix dernières années. A ce titre plusieurs catalyseurs à base d'or pour l'oxydation d'alcools en aldéhydes ou acides carboxyliques ont été développés, principalement en présence d'oxygène moléculaire. Dans le cadre de cette étude, l'oxydation sélective d'alcool benzylique a été étudiée comme réaction modèle pour évaluer l'efficacité catalytique des différents microréacteurs à base d'or préparés précédemment. Dans ce travail, l'eau oxygénée a été utilisée comme co-oxydant pour réaliser la réaction dans des conditions de flux homogène en phase acqueuse et ainsi limité l'étude a un cas simple ou le mélange diffusionnel s'opère entre deux phase fluides de même nature.

Cette réaction menée dans l'eau peut conduire à deux produits successifs, le benzaldehyde et l'acide benzoique qui ouvre la question de la sélectivité de la réaction. La formation du dernier est basée sur une seconde étape d'oxydation sur l'intermédiaire de type acetal généré in situ par addition d'une molécule d'eau sur le benzaldehyde. Afin de suivre la réaction nous avons opté pour l'analyse continue du brut réactionnel par GC-MS à différents débits volumiques. Dans les conditions optimales, la réaction a été menée à 80°C en présence de 10 équivalent de H2O2 préalablement mélangés avant l'entrée du mélange sur la phase active à base de nanoparticules d'or.

Figure 5. Schéma réactionnel et procédé d'extraction en milieu acide pour l'analyse en GC-MS.

Au niveau du montage expérimental, le microréacteur catalytique (longueur : 100 cm, diamètre interne : 200 µm) a été placé sur une plaque chauffante avec du ruban adhésif thermique; la température a été vérifiée avec un thermomètre Infrarouge. Le ruban adhésif thermique a été utilisé pour assurer un bon transfert thermique. La plaque chauffante utilisée dans cette étude présente une déviation de température limitée (+/-2 °C) comparé à des plaques chauffantes magnétiques plus classiques. Pour la réaction seulement une longueur de 85 cm du microréacteur a été chauffée à une température constante de 80 °C. Les réactifs ont été alimentés séparément par deux seringues de 1 ml en verre (Hamilton Gastight) adaptées sur deux pousses seringues. La première seringue contient l'alcool benzylique (0.1 M) et le carbonate de potassium (K2CO3, 0.3 M) dans de l'eau permutée la deuxième seringue contenant le peroxyde d'hydrogène (1 M). Les deux solutions sont alors poussées dans un mélangeur en T (Upchurch Scientific) à débit constant utilisant un débit différent pour chaque seringue : seringue 1 : 1 µ L.min-1 et seringue 2 : 1.5 µ L.min-1. Après le mélange des deux solutions aqueuses dans le mélangeur T, les réactifs sont introduits à un débit total de 2.5 µ L.min-1 dans le microréacteur catalytique, de telle manière à ce que le régime soit laminaire (Re = 0,74 à 80 °C, avec la densité de l'eau à 80 °C = 0,98 et la viscosité dynamique de l'eau à 80 °C = 0,35) et le mélange s'opère par diffusion uniquement. Dans de telles conditions, l'influence de transfert de masse peut être négligée. Considérant un coefficient de diffusion calculé de 1.9 × 10-9 m2.s-1 pour l'alcool benzylique dans l'eau à 80 °C, le temps de diffusion correspondant dans le microracteur est environ 22 s, ce qui bien inférieur aux 639 s de temps de réaction. Ainsi environ 29 cycles de diffusion ont lieu le long de chaque capillaire évalué, et peuvent être estimés suffisant pour quantifier l'effet catalytique dans des conversions raisonnables. Chaque microréacteur catalytique a été soigneusement comparé en utilisant cette procédure systématique. En sortie, nous obtenons théoriquement un mélange d'alcool benzylique, d'acide benzoique et de benzaldehyde afin de déterminer avec précision la teneur en chaque élément, le milieu est acidifié en sortie de réacteur extrait par le dichlorométhane puis analysé par GC-MS à l'aide d'un étalon externe : le 1,4-dimethoxybenzene.

Figure 6. Schéma du montage expérimental

Les résultats obtenus sont les suivants :

Ainsi de haut rendements en acide benzoique ont été observés pour la plupart des microréacteurs préparés comparativement aux différents test blanc menés, confirmant que les particules ancrées sont la phase active catalytique dans notre système. Dans tous les cas, seules des traces de benzaldehyde ont été aussi observées. Comme attendu pour des réactions consécutives la proportion de benzaldehyde a augmenté quand le rendement global a diminué. Les microréacteurs Citrate-Au se sont avérés moins actifs que les microréacteurs PVP-Au ou PVA-Au. Même au cours des 30 premières minutes, le rendement maximum en acide benzoique est seulement de 56.5 %. Cette activité catalytique plus faible peut être attribuée à la taille de particule plus grande des Citrate-Au (15 nm comparés à la 2-3 nm pour PVA- et PVP-Au) qui expose moins de sites actifs en surface. La stabilité du système catalytique s'est montrée plus élevée lors de l'utilisation du MPTES comme linker, montrant ainsi l'importance du type de liaison chimique considéré.

Pour comparer l'activité catalytique de ce dispositif microfluidique à un réacteur batch classique, une expérience a été effectuée en verrerie classique en utilisant un pourcentage de catalyseur (PVA-Au ou PVP-Au supporté de la même manière sur silice amorphe) plus élevé de l'ordre 1%. Le mélange contenant la solution de particules d'or, l'eau, l'alcool benzylique (0.1 M) et la base (0.3 M) a été d'abord chauffée à la température désirée (80 °C) et ensuite l'eau oxygénée (1 M) a été ajoutée. La réaction a été maintenue à 80 °C pendant 639 s, ce qui correspond au temps de résidence dans le système microfluidique. Aucune conversion à l'acide benzoique ou du benzaldehyde n'a été obtenue. Plusieurs essais ont conduits aux mêmes résultats.

L'oxydation d'alcool benzylique en présence d'eau oxygénée catalysée par Au/TiO2 a été étudié par Cao. Ce catalyseur hétérogène supporté s'est révélé le plus efficace pour la réaction. Dans des conditions optimisées les auteurs ont obtenu une conversion de 99 %, mais avec la sélectivité n'est seulement que de 85 % pour l'acide benzoique après un temps de réaction de 150 minutes, utilisant un ratio substrat:H2O2:Au = 100:250:1. Dans notre cas, la quantification d'or ancrée par ICP-OES à l'intérieur du microréacteur le plus actif (MPTES/PVP-Au) a montré une masse totale de 1.0625 µg d'atomes d'or le long du microréacteur (85 cm). Le volume chauffé interne étant de 26.7 µL et le ratio de molaire d'alcool benzylique/or est donc 197 (%cat.= 0.5 % mol.) pour 639 s soit un ordre de grandeur similaire à celui de Cao.

Dans ces conditions nous avons observé un rendement de 95.5 % et une sélectivité de 98.8 % pour l'acide benzoique. Le ratio molaire alcool benzylique/or pour 120 minutes end'utilisation en continu, est 2222 pour le meilleur microréacteur (MPTES/PVP-Au) (%cat. = 0.045 % mol.) ce qui correspond à un TOF évalué de 0.28 s-1. Ce résultat témoigne du niveau très élevé de rendement catalytique pour le microsystème présenté. En comparaison avec le travail de Cao, un calcul rapide du nombre optimisé de microréacteurs catalytiques à associer en parallèle, supposant un transfert thermique constant le long du système final, pour convertir 10 mmol de substrat, démontre que 833 capillaires parallèles seraient suffisant pour rivaliser avec des système de verrerie classique à l'échelle du laboratoire.

Le débit molaire de substrat converti résultant pour un tel dispositif tournerait aux alentour de 0.076 mol.min-1 à 2 mL.min-1 avec seulement 0.0045 mmol de catalyseur d'or immobilisé dans le réacteur catalytique. L'utilisation la technique "Stack and Draw" couremment utilisée pour la fabrication de fibres optiques pourrait constituer une excellente approche pour préparer un tel réacteur et ainsi pénétrer pas à pas dans une stratégie de scaling-up à des fins industrielles.