Sur le bord d’une route, un motel et une station service, les voitures et les camions filent mais peu s’arrêtent. Lui rêve de quitter cet endroit, d’aller à l’aventure, de vivre enfin. Elles, elles attendent. L’une son mari partit chercher la fortune, l’autre, celui qu’elle a aimé et qui l’a laissé là, seule, à espérer son retour. Mais un beau jour ils reviennent, Sancho et Quichotte. Ils chantent leur vie, leurs rêves, leur nostalgie…
A leurs cotés une chanteuse et des musiciens témoins de leur vie les accompagne.
Depuis quelques années que je travaille avec la troupe « Les envies Polymorphes », nous avons abordé ensemble des textes contemporains, intimes, politiques ou psychiatriques (Derniers remords avant l’oubli de J.L Lagarce, Le Dragon d’E. Schwartz, Souvenirs Assassins de S.Valletti), du Shakespeare (Beaucoup de bruit pour rien), du théâtre avec chansons (Sortir de sa mère, de P. Notte). Projet après projet, nous essayons de pousser nos limites et d’expérimenter des formes variées, toujours avec une grande exigence littéraire. C’est dans cette démarche que nous avons décidé de travailler sur Quichotte, livret d’opéra de Jean-Luc Lagarce.
Quichotte selon Lagarce, c’est le contraire d’une vie d’aventure. Ici le personnage principal n’est pas Don Quichotte, c’est Toboso (Dulcinée de Toboso), la femme restée au pays et qui attend. Ce n’est d’ailleurs ni vraiment Dulcinée ni vraiment Don Quichotte, c’est une femme qui attend un homme parti vivre des aventures. Elle a vieilli, elle n’y croit plus, elle a attendu dans l’ennui toute une vie. Finalement il revient, et il meurt très vite. C’est l’histoire de la solitude d’une femme, la tristesse d’une vie à attendre le retour de l’autre, et la mort de l’être aimé. Un ratage total. Une tragédie absolue. C’est magnifiquement mélancolique
Quichotte a été écrit à l’origine pour l’ensemble de jazz Justiniana. Nous n’allons pas essayer de recréer cet opéra tel qu’il a été écrit, nous n’allons pas rechercher la musique originelle, nous prenons ce livret comme matériau pour écrire notre propre partition. Il s’agit pour nous de fabriquer une pièce musicale à partir de ce texte, avec ces comédiens-ci, avec les capacité musicales et vocales qui sont les nôtres. La première préoccupation de la mise en scène est donc de mettre en musique ce texte de manière à donner tout son sens à cette tragédie. Pour cela nous faisons appel à Patrick Loyat, compositeur, musicien multi-instrumentiste et inventeur, qui écrira la partition musicale au fil des répétitions, afin que la musique soit liée le plus étroitement possible au texte et à son interprétation par les comédiens. Le texte sera très souvent chanté et parfois parlé, mais toujours musical, comme le veut l’écriture.
Une fois la composition effectuée, deux autres musiciens se joindront à Patrick pour former « l’orchestre live » de cette tragédie musicale.
Il s’agit ici d’un travail singulier pour les comédiens qui vont devoir trouver la bonne manière d’interpréter ce texte qui, même mis en musique, reste un texte théâtral. Il va falloir trouver la bonne distance par rapport à l’incarnation, question complexe posée à l’acteur/chanteur. Ce travail promet d’être exigeant et passionnant.
C’est un espace double. Il y a le lieu où se situe l’action : une salle de bar routier, attenant à la pompe à essence, un lieu qui raconte le vide et l’ennui. Ce lieu sera représenté par quelques éléments évocateurs nécessaires et suffisants. Certains éléments de cet univers routiers (morceaux de carrosseries, bidons, tuyaux...) deviendront d’ailleurs instruments de musique, grâce à l’inventivité de notre compositeur-inventeur. Mais le vrai lieu est le théâtre : le lieu de la représentation. Les musiciens sont sur scène, intégrés au décor. Ils en sont partie prenante. Comme dans une tragédie grecque ils donnent à voir la mécanique de la narration. Comme dans une tragédie grecque également, et comme traditionnellement à l’opéra, le chœur est présent. Il intervient régulièrement pour commenter ou mettre en perspective. Ici, ce chœur sera interprété par l’ensemble des comédiens et des musiciens. Les cinq comédiens et les trois musiciens seront donc toujours présents sur scène, spectateurs lorsqu’ils ne sont pas acteurs, ensemble pour raconter l’histoire.
Jean-Luc LAGARCE
Auteur et metteur en scène , il est encore en licence lorsqu’il fonde le Théâtre de la Roulotte en 1980. Il met notamment en scène Marivaux, Labiche, Ionesco puis ses propres textes. En 1990, il reçoit le prix Léonard-de-Vinci (bourse de la Villa Médicis pour l'étranger) et part à Berlin où il écrira Juste la fin du monde.
La famille, les relations de couples (Pays lointain, Derniers remords avant l’oubli), le monde du Théâtre et du spectacle (Music-hall, Hollywood), les relations dans les lieux de pouvoir (Retour à la citadelle, Les prétendants) sont autant de thèmes abordés dans son œuvre. Mais dans les pièces de Lagarce, l’intrigue est on ne peut plus mince, tout est dans la langue, son écriture procède par incises, les personnages reprennent sans cesse ce qu'ils viennent de dire en le modifiant. Son théâtre interroge (entre autres) la capacité de tout un chacun à dire vraiment les choses.
Il meurt du sida à 38 ans, sa notoriété n’a cessé de croître depuis sa disparition et aujourd’hui Jean-Luc Lagarce est considéré comme un auteur classique contemporain et l’un des plus joué en France.
Source:Wikipédia