Dans une nouvelle de 1853, Herman Melville met en scène un énigmatique clerc de notaire Bartelby qui, petit à petit, refuse toutes les tâches qui lui sont confiées.
Il déclare à chaque fois et le plus simplement du monde qu’il préfèrerait mieux pas!
Rémis De Vos s’empare de cette phrase célèbre et tisse des situations avec des personnages actuels qui, à un moment donné, font un pas de côté pour dire non. Eux non plus ne préfèreraient mieux pas…
Rémi DE VOS
Né en 1963 à Dunkerque, Rémis De Vos arrête ses études après le bac. Il tente d’être acteur et exerce divers petits boulots. En 1994 fort de cette expérience du monde du travail il se met à écrire des pièces de théâtre et reçoit une bourse de la fondation Beaumarchais pour sa première pièce.
« Débrayage ». Auteur d’une vingtaine de pièces, il passe la réalité sociale et politique au crible de l’humour, du comique et de l’absurde. Son écriture incisive et percutante s’attaque aux clichés, au politiquement correcte et aux tabous.
Sources : Théâtre du Rond point
Il né le 1er Aout 1819 au sud-est de Manathan et meurt en 1891 à New York.
A 20 ans il s’engage comme simple marin sur un navire marchand puis sur un baleinier qu’il déserte pour s’installer aux Iles Marquises, ou il écrit ces premiers livres. Il remporte au court de sa vie plus ou moins de succès avec son œuvre et est presque oublié après sa mort. Il est redécouvert dans les années 1920 à travers son roman Moby-Dick et est considéré aujourd’hui comme une figure incontournable de la littérature américaine.
Bartelby sera publié sous forme de courtes fictions dans des magazines.
Sources : Wikipédia
Herman MELVILLE
Le spectacle que nous proposons ici fait co-exister des extraits de la nouvelle Bartelby d’Herman Melville avec la pièce Je préfèrerais mieux pas de Rémi De Vos. « Je préfèrerais mieux pas », c’est la phrase que sont amenés à dire les personnages de Rémi de Vos dans chacune des saynètes qui composent cette pièce. Cette phrase renvoie de manière évidente à la nouvelle de Melville et à la réponse invariable du scribe Bartelby à chaque demande de son patron : « I would prefer not to ».
"Faire cohabiter ces deux mondes "
Rémi de Vos s’inspire de Bartelby pour nous inviter à nous questionner sur les situations où un individu est légitimement amené à refuser de faire ce qu’on attend de lui. Autant les saynètes qui composent la pièce de Rémi De Vos portent un regard acéré et grinçant, parfois glaçant, sur notre monde moderne, exacerbé par une écriture ciselée et d’une remarquable efficacité, autant le texte de Melville est énigmatique et déroutant. Il m’a semblé intéressant de faire cohabiter ces deux mondes — inévitablement liés par la référence assumée de l’un à l’autre — ne serait-ce que pour porter cette référence à la connaissance d’un public qui ne lui serait pas familier, mais aussi pour ouvrir un autre paysage, une autre forme de narration, ce que permet la structure de la pièce Je préfèrerais mieux pas puisqu’elle est organisée en saynètes indépendantes les unes des autres.
Bartelby est un roman, c’est ainsi qu’il sera traité scéniquement : la narration-lecture est assumée, on prendra le temps d’entrer dans la forme littéraire. Les saynètes de Je préfèrerais mieux pas agiront par contraste, de par leur forme et leur écriture éminemment théâtrales et rythmiques. En plus de la fameuse phrase sus-citée, l’ensemble sera lié par la présence des quelques éléments de décor et accessoires qui seront communs à toutes les scènes et circuleront naturellement d’une forme à l’autre et d’une saynète à l’autre.
"[...] exercer sa liberté en refusant."
Si le personnage Bartelby est trouble et troublant, ceux de Rémi De Vos sont assez clairs dans l’affirmation de leur refus. Ils font acte de résistance en refusant de participer, de jouer le rôle qu’on leur demande de jouer. Chacun d’eux prend, à un moment, le risque d’exercer sa liberté en refusant. Cette question m’a toujours fortement intéressée : à quel moment un.e humain.e décide de ne pas faire ce qu’on attend de lui et pourquoi ? Quelle dose de courage faut-il pour résister ? Il me semble que donner quelques exemples, comme le fait Rémi De Vos — et à sa manière Herman Melville — ne peut qu’encourager chacun d’entre nous à se questionner plus souvent sur ce à quoi il participe et sur l’usage qu’il ou elle fait de son libre-arbitre. Si le théâtre peut servir à ça, c’est déjà bien.