Escher

" Trop longtemps avant l’apparition de l’homme sur terre, des cristaux s’étaient déjà formés dans la croûte terrestre. Un beau jour, l’homme vit pour la première fois un tel morceau à formes régulières, ou bien il le heurta avec sa pioche en pierre, le morceau se brisa et tomba devant ses pieds, puis il le ramassa, le regarda dans sa main ouverte et s’étonna. Il y a quelque chose qui vous coupe le souffle au contact de telles lois. Il ne s’agit pas, ici, de découvertes ou de créations de l’esprit humain, cela - " existe " - et - " est " - , tout à fait indépendamment de nous. Dans un moment de lucidité, l’homme peut tout au plus découvrir que cela existe et s’en rendre compte. " M.C.Escher, 1959.

Quand Escher commençait à parler de cristaux, il devenait lyrique. Prenant, dans sa collection, un minuscule cristal de grenat, il le posa dans sa main et le regarda comme s’il venait de le trouver au fond de la terre et n’avait jamais vu quelque chose d’aussi beau. " Ce merveilleux cristal a déjà des millions d’années. Il existait déjà avant qu’il y eut des êtres vivants sur terre! "

Escher était fasciné par la régularité et la nécessité évidente de ces formes qui paraissent évidentes et insondables pour l’homme. Il en fit des modèles dans toutes sortes de matériaux et en réalisa sur papier des constructions dans de nombreuses positions.

La passion d’Escher pour les polyèdres réguliers (que l’on rencontre dans la nature sous forme de cristaux) était partagée par son frère, le professeur de géologie Dr B.C.Escher. Celui-ci obtint, en 1922, la chaire de géologie générale, de minéralogie, de cristallographie et de pétrographie de l’univeristé de Leyde.

Afin de ne pas perdre de vue le rapport spatial des polyèdres platoniciens, Escher réalisa un modèle à l’aide de bâtons multicolores. En 1970, quand il déménagea de sa maison de Baarn, où il avait vécu pendant près de quinze ans, pour aller s’installer à la Fondation Rosa Spier à Laren, il donna beaucoup de ses affaires et envoya un certain nombre de modèles stéréotomiques, réalisés par lui-même, au musée municipal de La Haye. Mais il emporta avec lui ce grand ensemble de bâtons multicolores et lui réserva une place d’honneur dans son nouvel atelier.

Voici un dodécaèdre en étoile, un des polyèdres réguliers découverts par Kepler. Nous pouvons nous imaginer que cet intéressant polyèdre a été composé de différentes façons : au centre se trouve un dodécaèdre dont chaque face représente un pentagone équilatéral. Sur chaque face, on a disposé une pyramide à cinq faces. Escher aimait beaucoup cette figure spatiale, car elle était en même temps simple et compliquée. il s’en servit pour plusieurs de ses estampes. Dans le cas présent, chaque étoile forme, avec sa pyramide, un petit monde habité par un monstre ayant quatre pattes et un long cou. Et sans queue, car chaque pyramide ne possède que cinq ouvertures. C’est pourquoi Escher eut d’abord l’intention de faire habiter ce polyèdre par des tortues. Les parois de la " tente " de l’un des monstres servent de sol à cinq des autres onze monstres. Chaque plan qu’il est possible de voir sert donc aussi bien de paroi que de sol. Escher baptisa cette lithographie colorée à l’aquarelle La Pesanteur, car chacun de ces monstres lourds est indubitablement attiré vers le centre.La Pesanteur (1952)