Le Voyageur immobile 

« Un jour je recevrai un coup, l’un de ces coups qui vous anéantissent complètement, et tout, tout sera fini. Tout ce chaos, ce désir, cette ignorance, tout cela, cette reconnaissance et cette ingratitude, ces mensonges et ces illusions sur soi-même, ce croire savoir et ce pourtant je-ne-sais-jamais-rien. »

    

« Je suis né le 15 avril 1878 à Bienne, dans le canton de Berne, en Suisse, d’un commerçant Appenzellois et d’une Emmentaloise, nous étions huit frères et sœurs. Jusqu’à l’âge de quatorze ans, j’ai fréquenté l’école, après quoi j’ai fait un apprentissage de banque qui a duré trois ans… J’ai vécu sept ans à Berlin, me montrant par moment un écrivain assez productif… »

Ecrivain ignoré du public de son temps et pourtant reconnu par ses pairs les plus glorieux, dont Franz Kafka, Robert Musil ou encore Walter Benjamin, Robert Walser a émergé lentement de l’ombre jusqu’à devenir l’une des figures marquantes de la littérature du 20ème siècle. Sa carrière d’écrivain dura trente-cinq ans, passés pour l’essentiel à Berlin, à Bienne, puis à Berne. En 1929, il est interné dans un asile psychiatrique près de Berne. Il y demeure trois ans tout en continuant d’écrire et de publier. En 1933, il sera transféré dans un autre établissement du canton d’Appenzell. Il y passera vingt-trois ans sans qu’aucun manuscrit ne soit publié.

    Robert Walser, un écrivain à la fois inquiétant et touchant, parvient à travers son écriture à créer un écho en chacun de nous. Parfois d’une lucidité dérangeante, il parle de nos solitudes, de cette frontière si fragile entre la raison et la déraison. Quiconque lit Walser est touché par l’esthétisme de son écriture et par la profondeur du sens qu’il veut en donner. Avec ses mots,  il incarne à la fois la sagesse et la folie, l’émerveillement et le désespoir, l’orgueil et la modestie, la violence et aussi beaucoup de silence. 

En présentant ce spectacle, Delphine et Matthieu Nolin, comédiens et metteurs en scène, fondateurs et directeurs artistiques de la Compagnie l’Art m’Attend, rendent hommage à l’écrivain et poète Robert Walser. Le choix des textes montre avec esthétisme les liens invisibles et fragiles entre la folie et la création. Les pensées profondes du poète sont évoquées à travers des personnages fantomatiques, surréaliste, des ambiances sonores, des voix qui résonnent, des corps statiques qui se mettent lentement en mouvement. La pièce se compose comme des tableaux, des reproductions vivantes qui dessinent peu à peu l’esprit inquiet et fragile de l’auteur. « Le voyageur immobile » est un miroir de l’esprit créateur de l’écrivain.

Adapatation, mise en scène et interprétation (2003)

par Delphine et Matthieu Nolin