Verde et Blanca, des lagunes riches en couleurs

J27 : Mar 24/05/11


Réveil aux premières lueurs du jour. Les trois Russes sont déjà dans les starting-blocks, prêts à faire l'ascension du volcan Uturuncu (6006 mètres). Un peu comme au Cerro Toco au Chili, une piste y monte à 5750 mètres. Nous avions envisagé cette ascension mais, après l'expérience du Toco, nous préférons rester sur une réussite, d'autant qu'aujourd'hui la météo n'est pas vraiment clémente.

En effet, le ciel est très chargé et la voisine de l'auberge (à qui nous achetons un peu d'essence) nous annonce pluie et neige dans la direction que nous devons prendre.

Derrière le village de Quetena Chico, on aperçoit le volcan Uturuncu.

Une étape équivalente à celle d'hier (120 kilomètres environ) doit nous conduire au pied du volcan Licancabur, à proximité des lagunes Blanca et Verde où se trouve un refuge offrant une prestation équivalente à celle des hébergements précédents.

Au dire du couple allemand rencontré à l'auberge, la piste serait meilleure à partir de maintenant mais, à peine sortis de Quetena, les cahots reprennent. Cela ne nous empêche pas de pousser jusqu'à Barrancas, un détour de 6 km, pour admirer le village abandonné blotti au pied d'une falaise déchiquetée. Les ruines laissent apparaître quelques dates repères : 1925 pour l'église, 1993 pour l'école, preuves que les lieux n'ont été désertés que récemment.

Sans doute la faute du rio : aujourd'hui nous le franchissons à gué mais qu'en est-il quand il est en crue ? Les habitants devaient être piégés !

Après le village de Quetena Grande qui, en dépit de son nom, compte moins de maisons que son homonyme Chico, nous nous apprêtons à traverser des zones désertiques et reculées. Sous les nuages, elles paraissent encore plus hostiles !

La voisine de l'auberge avait raison : à l'approche des lagunes Hedionda et Kollpa, les intempéries se précisent.

Mais les averses sont très localisées. Au fil de notre progression, nous sommes les témoins privilégiés de la transformation des paysages sous des cieux changeants.

Ici, le plateau saupoudré de neige se plaît à se refléter à la surface de la lagune Hedionda sous un coin de ciel bleu.

Là, le soleil perce timidement en dépit d'une grande traîne nuageuse.

Mais, en prenant à l'ouest du salar de Chalviri la direction de Hito Cajon vers la frontière bolivo-chilienne, le ciel s'obscurcit vraiment dans une atmosphère dramatique.

L'aspect de la piste est aussi hostile que celle du ciel et, depuis ce matin, nous n'avons croisé qu'un seul véhicule.

Il est bientôt midi, nous approchons de la mine Orsu après avoir franchi à 4800 mètres le point culminant de la journée. A cette altitude, la piste est truffée de petites plaques de neige et de glace. Prudence !

Les lagunes Verde et Blanca ne sont alors plus très loin. Devant nous, le Juriques en robe carmin et, caché derrière son dos, le Licancabur, les deux sommets que nous observions depuis la fenêtre de notre lodge à San Pedro de Atacama. A droite, on devine les prémices de la lagune Blanca.

Nous avons couvert les 120 kilomètres de notre étape en quatre heures environ, notre vitesse moyenne est donc en légère hausse. Les Allemands avaient raison : la piste est un peu meilleure.

Il est 13 heures quand nous franchissons le seuil du refuge de la Laguna Blanca. Plusieurs groupes sont venus y déjeuner à l'abri car plus encore que les jours précédents, un vent fou balaie les abords de la lagune et s'engouffre dans le refuge, faisant claquer les portes et trembler le toit. Espérons qu'il ne va pas s'envoler !

On nous propose une chambre pour deux avec "baño privado" certes, mais comme le froid intense empêche toute installation sanitaire de fonctionner correctement, il n'y a pas d'eau courante ni au lavabo ni au WC et la douche n'est là que pour le décor. Pas de chauffage non plus, ni d'électricité permanente. C'est le système D : un fût rempli d'eau plus un broc et l'électricité entre 18 et 20 heures seulement. Le prix : 120 BOL pour deux (12 €). Le refuge peut aussi servir le dîner et le petit déjeuner pour quelques bolivianos supplémentaires. Nous prenons tout le package.

En attendant, pour ce midi, nous puisons dans nos provisions pour notre salade au thon journalière.

Nous aurions tellement aimé nous promener à pied autour du refuge, au bord des lagunes blanche et verte, mais impossible avec ce vent à 60 ? 80 ? 100 km/h ? Alors c'est à bord de notre tacot que nous allons les découvrir mais pas sans penser à glisser dans notre sac maillot de bain et serviette !!!

Entre les deux lagunes se dresse un petit abri en pierre et, à ses pieds, un bassin d'eau chaude. Les chauffeurs se gardent bien d'y amener leurs clients, ils se réservent, dit-on, ce petit bain pour eux tout seuls après leur journée de conduite. A cette heure-ci, ils sont encore tous au volant, alors à nous la baignade !

Bien que la température extérieure ressentie avoisine les - 5 °C, nous n'avons aucun mal à nous plonger avec délice dans ce bain à plus de 30 °. Pendant plus d'une demi-heure, nous profitons de la douce chaleur de l'eau dans ce décor de sel, de sable et de pierre, repoussant sans cesse le moment crucial d'en sortir.

Pour s'en extraire, c'est une autre affaire ! Affronter mouillé les rafales de vent glaciales, c'est pire que de se tremper l'été dans un torrent corse, au bout de quelques secondes, vous êtes anesthésié. Une expérience inoubliable !

Dire qu'il y a quelques instants j'étais en maillot de bain !

Après avoir fait le tour complet du couple de lagunes, retour au chaud au refuge. Chaud, chaud… tout est relatif. En réalité, la température à l'intérieur reste très correcte en journée tant que le soleil chauffe à travers le toit en polycarbonate (pour éviter la casse). Mais en soirée, dès qu'il se couche, il y fait très froid.

Sous-vêtements longs, pantalon de ski, petite et grosse polaire, doudoune avec capuche, bonnet, gants et lampes frontales : c'est dans cet accoutrement que nous nous présentons au dîner. Heureusement, une bonne soupe aux légumes nous prodigue un peu de réconfort. Nous n'en laissons pas une goutte !

Mais la chaleur, nous ne la trouverons réellement que sous la couette… plus exactement dans notre sac de couchage prévu pour supporter une température jusqu'à - 10 °. Cette nuit, c'est indispensable ! Altitude 4350 mètres.