Sur les pistes du Sud Lipez, des hauts et des bas

J25 : Dim 22/05/11


Après différents réaménagements du parcours, nous avons à cette date deux journées d'avance sur notre planning initial, une marge confortable au moment d'aborder la partie cruciale de notre voyage, celle dont beaucoup prétendaient qu'elle ne pouvait pas se faire sans tour-opérateur.

Alors que le circuit classique proposé par les agences se déroule en trois jours/deux nuits au départ d'Uyuni ou quatre jours/trois nuits depuis Tupiza, nous pensons le faire en cinq à sept jours en alternant des hébergements 5 étoiles (boliviennes !) et d'autres… plutôt 5 cactus !

Notre première étape doit nous amener à San Pablo de Lipez où nous devrions passer la nuit à l'hôtel Tayka Los Volcanes, classé confortable, mais nous n'avons fait aucune réservation et espérons qu'il sera ouvert en ce tout début de saison malgré sa situation excentrée.

Ci-après la carte de notre parcours sur les pistes du Sud Lipez.

Tout ceci va nous réserver bien des surprises et ce début de matinée commence déjà par quelques coups de sang !

Sortir el Coche du garage n'est pas une mince affaire. Réveiller les propriétaires garés derrière nous, trouver les clés, déplacer tous les véhicules, tout ça prend du temps ! Enfin, ça y est, nous voilà dans la rue mais pas encore partis pour autant. En effet, le marché du dimanche étale ses stands sur toute la rue principale, sans aucune déviation mise en place ! Nous tournons en rond ! C'est finalement en suivant par hasard une voiture locale que nous finissons par sortir de ce labyrinthe.

Ça y est, cette fois-ci, les formations en ailerons de la Quebrada de Palala, à la sortie de Tupiza, confirment que nous sommes bien sur le début de la piste vers le Sud Lipez. Nous voilà vraiment partis !

La route commence alors à escalader une quebrada abrupte et étroite pendant une dizaine de kilomètres jusqu'à une crête, prise en étau entre deux pics et deux vallées : el Sillar = la Selle !

Vous remarquerez les veines bleutées provoquées par la présence de plomb dans la roche et, à gauche de la photo, les zigzags de la piste !

Les flancs de la montagne sont recouverts d'une forêt d'aiguilles pétrifiées.

J'avais lu qu'il pouvait y avoir jusqu'à soixante véhicules de tour-opérateurs au départ d'Uyuni chaque jour. De Tupiza ils sont en général moins nombreux. En tout cas, pour l'instant, nous n'apercevons qu'un seul véhicule devant nous au Sillar et un autre loin derrière, c'est plutôt rassurant de savoir que l'on nous suit.

Cherchez le 4 X 4 !

De crête en crête, de versant en versant, la surprise est de tous les instants avec parfois l'impression de contempler ces paysages depuis le hublot d'un avion !

Petit à petit, nous avalons les dénivelés, doucement, parfois péniblement jusqu'à franchir le point culminant de la journée à 4390 mètres. Guère plus de 20 à 25 kilomètres à l'heure et parfois beaucoup moins ! Le déplacement risque d'être plus long que prévu !

En outre, pas ou peu de panneaux et quand les noms des localités sont indiqués, ils sont parfois différents de ceux mentionnés sur les cartes. A chaque carrefour, nous sommes obligés de nous arrêter pour vérifier notre direction.

Pour corser le tout, un vent terrible… à en ébouriffer le pelage des lamas et le plumage des nandous !

A la mi-journée, après plus de trois heures de route, une pause est bienvenue mais pas n'importe où, nous cherchons de préférence un coin abrité. Après avoir repéré un escarpement coupe-vent, Hervé s'écarte de la piste et s'engage… dans le sable mou !

Zut, zut, zut, nous sommes immédiatement ensablés ! Il me garantit que nous sortirons de là d'un coup de 4 x 4 mais il a beau faire, nous nous enfonçons de plus belle.

Bon, rien ne sert de s'acharner, il faut retrousser nos manches. Hervé commence à manier la pelle pendant que je vais ramasser un maximum de grosses pierres. A plus de 4000 mètres d'altitude, le souffle est court et la tâche éreintante.

Vautré dans le sable, Hervé rehausse el Coche à l'aide du cric et remplit le trou avec les pierres amassées. Déjà une heure que nous trimons comme des fous et je ne vois pas très bien comment nous allons nous en sortir. Il y avait bien un 4 x 4 derrière nous au départ mais je trouve qu'il aurait déjà dû nous rattraper… à moins qu'il n'ait pris une direction différente. Dans ce cas-là, allons-nous être obligés d'attendre ici jusqu'à demain ?

Juste à ce moment-là, je vois le 4 x 4 arriver. Je me poste en plein milieu de la piste en faisant de grands signes au conducteur. Le véhicule s'arrête et j'explique au chauffeur avec mes rudiments d'espagnol que "nuestro coche esta bloqueado aqui". - "Por que ?", me demande-t-il. Porque, porque… les mots me manquent, qu'il vienne plutôt voir !

Quatre touristes (parlant parfaitement l'anglais et l'espagnol), le conducteur et un jeune guide descendent de voiture. Hervé expose brièvement la situation et demande qu'on nous remorque.

Le chauffeur est perplexe : avec un 4 x 4, nous n'aurions pas dû avoir de problème. Il propose que tout le monde pousse, cela devrait suffire. Hervé se met au volant : à la une, à la deux, tout le monde pousse et… rien ne se passe !

Le Bolivien se gratte la tête : hum, il y a bien une touffe de "paja brava" coincée sous le châssis mais avec un 4 X 4… "Êtes-vous sûr d'avoir enclenché le 4 X 4 ?" interroge-t-il. Hervé persuadé que oui vérifie pour la bonne cause et là, honte à nous, honte à lui, dans l'énervement il l'avait bien enclenché dans la voiture mais pas sur les roues.

Il se remet au volant, tout le monde pousse d'une chiquenaude, el Coche bondit hors du sable sous les applaudissements.

Une des touristes a photographié la scène. Dommage, nous ne l'avons pas revue par la suite mais, qui sait, peut-être l'image traîne-t-elle quelque part sur un blog.

En tout cas, ils ont bien dû se moquer de nous !

Nous nous étions arrêtés pour déjeuner mais l'incident nous a, pour l'instant, coupé l'appétit. Il est 14 heures, nous repartons pour une heure et demie de plus en traversant des villages isolés, Cerrillos, Pululu… avant de manger un morceau, vite fait, debout à côté de la voiture.

El Coche avance comme une tortue et le soleil commence déjà à décliner quand nous arrivons près d'un village au pied du Cerro Lipez.

Il est 17 heures.

Nous pensions notre destination finale proche quand, tout à coup, en regardant attentivement le GPS, je me rends compte que nous n'avons pas invoqué le bon saint : ici c'est San Antonio et non San Pablo. ;-) Décidément, ce n'est pas notre jour !

Nous aurions pu dormir dans le carrosse ou chercher un logement chez l'habitant à San Antonio. Mais comme il nous reste une heure avant la tombée de la nuit, nous rebroussons chemin jusqu'au carrefour manqué pour prendre la direction de San Pablo afin de trouver plus de confort après toutes ces péripéties… à condition que l'hôtel en question soit ouvert.

Une vingtaine de kilomètres à peine mais une bonne heure de conduite sur une mauvaise piste… nous arrivons épuisés devant l'hôtel Los Volcanes. Ce que nous redoutions est arrivé : sans réservation, il n'y a personne !

En plus, les conditions de piste difficiles ont fortement entamé nos réserves de carburant et la jauge d'huile clignote. Au village de San Pablo, alors que la nuit vient de tomber, deux jeunes nous indiquent où trouver de l'essence (certains habitants ont des réserves) ainsi que la personne conservant les clés de l'hôtel.

Pendant qu'Hervé complète le réservoir et fait l'appoint d'huile, les garçons m'amènent à l'autre bout du village frapper à une porte. Le fils de la maison m'assure qu'il y a un gardien dans l'hôtel mais, en m'accompagnant à nouveau sur place, il est forcé d'admettre qu'il n'y a personne.

En discutant avec lui, je finis par saisir le mot "alojamiento" et la possibilité de dormir chez l'habitant. Le garçon nous accompagne alors chez Doña Flora qui nous propose pour 20 BOL (2 €) une chambre spartiate mais propre avec trois lits. Vu notre état de fatigue et l'heure tardive, nous la trouvons "muy bien". Bien sûr, à ce prix, les toilettes (avec chasse d'eau !) sont dans la cour, il n'y a pas de douche, tout juste un lavabo avec de l'eau froide et le petit déjeuner n'est pas prévu. Nous donnons à la vieille dame 10 BOL de plus, heureux d'avoir trouvé un toit. Après la journée qu'on vient de passer, c'est mieux que de dormir dans la voiture.

Nous avons finalement parcouru 230 kilomètres en 9 heures (dont une heure et demie d'arrêt), soit une moyenne de 20 km/h à peine. Les pistes du Sud Lipez sont vraiment difficiles, nous le confirmons, bien davantage que celles que nous avons expérimentées jusque-là dans l'Ouest américain ou même en Australie.

Après ça, dodo illico sans même dîner. Nous sommes KO.

J26 : Lun 23/05/11


J'ai eu du mal à m'endormir et ce matin, au réveil, je me sens un peu vaseuse. Est-ce en raison de l'altitude (plus de 4100 mètres) ou simplement parce que je n'ai pas mangé grand-chose hier ? Pour me remettre sur pied, Hervé me sert le petit déjeuner : eau chaude + café et lait en poudre + tartines déjà un peu rassises. Ça fait du bien !

Avant 8 heures, nous prenons congé de Doña Flora et de son mari en les remerciant de leur accueil. Comme nous avons dormi dans nos sacs de couchage, la chambre va être vite remise en ordre !

Un coup d'œil au village de San Pablo de Lipez avant de partir !

L'étape prévue est deux fois plus courte que celle de la veille, soit 120 kilomètres environ jusqu'à Quetena Chico où nous devrions trouver une auberge où passer la nuit. Nous espérons par conséquent faire un trajet moins fatigant et surtout moins long… mais rien n'est moins sûr !

Le clou de la journée devrait être le passage d'un col à près de 5000 mètres ! Waouh !

Pour atteindre cette altitude, la montée se fera par palier.

Il nous faut d'abord retourner à l'endroit où nous nous sommes aperçus de notre erreur hier : San Antonio de Lipez, au pied du Cerro du même nom.

Après San Antonio, la piste se met à chevaucher les monts environnants… pour s'envoler vers les sommets.

Un peu avant 10 heures, un premier col est atteint : 4690 mètres nous annonce un panneau à l'entrée de ce village fantôme. Ici c'est San Antonio Viejo… Emouvant, ce grand pueblo abandonné au pied du Cerro Nuevo Mundo… pour une sombre histoire de diable, paraît-il. Superbe site pourtant !

Mais ce n'est pas fini : après une courte descente, la piste repart vers des hauteurs extrêmes au prix de secousses incessantes. Je ne suis pas en grande forme et, lors de certains arrêts je n'ai même pas le courage de sortir de la voiture. Heureusement Hervé assure côté conduite et côté photos car les paysages sont fabuleux !

Il est 11 heures. Pourtant l'eau qui stagne dans cette prairie marécageuse est toujours gelée, preuve qu'il fait très, très froid. Ça n'a pas l'air de gêner les lamas !

Un quart d'heure plus tard, nous approchons du col !

4904 mètres : c'est le point le plus élevé de tout le parcours dans le Sud Lipez. Ça mérite que je sorte de la voiture malgré ma petite forme, et pour marquer l'événement, nous laissons el Coche et parcourons les derniers mètres à pied.

Juste après le col, voici qu'apparaît la lagune Morejon aux reflets gris-bleu, ourlée de sel, à 4855 mètres d'altitude, dominée par le volcan Uturuncu !

Il est maintenant 13 heures mais impossible d'envisager de manger en plein air, il y a beaucoup trop de vent. Alors quand à l'entrée de la réserve nationale Eduardo Avaroa les rangers nous proposent leur coin-salon, nous sommes soulagés après ces cinq heures de piste éprouvante. C'est aussi ici que nous réglons les droits pour le parc : 150 BOL/personne, entrée valable trois jours.

Requinqués par un bon casse-croûte, nous repartons pleins d'entrain, d'autant que nous savons notre destination finale proche. Il ne reste qu'une quinzaine de kilomètres jusqu'à Quetena Chico.

Après un dernier passage de gué large et boueux, nous arrivons au village un peu après 14 heures, heureux d'avoir fini notre journée de route.

Nous pénétrons dans la cour de ce qui semble être une auberge. En attendant la gérante, nous visitons les chambres toutes inoccupées à cette heure de la journée et destinées à des groupes de 2 à 6 personnes.

En demandant une chambre pour deux, la propriétaire annonce qu'il n'y en a pas pour ce nombre (mon œil !). Nous insistons en nous disant prêts à en louer une plus grande (30 BOL par lit ou 120 BOL pour une de 4 lits soit 12 euros). Rien n'y fait, elle veut absolument nous envoyer ailleurs, dans une autre auberge du village ou dans un village voisin. Mais nous ne voulons pas faire un kilomètre de plus et insistons encore. Elle finit par accepter à contrecœur.

Elle nous installe alors dans une chambre pour quatre. Les toilettes sont partagées, il y a un lavabo avec de l'eau froide, pas de chauffage mais, bonne surprise, une douche !

Nous nous empressons de nous renseigner sur son fonctionnement et tombons sur une aimable jeune femme qui nous affirme que dans une heure l'eau sera chaude. Parfait !

Peu après, celle qui nous a si froidement accueillis vient nous prévenir que pour la douche, ce sera 10 BOL (1€) de plus. Que ne donnerait-on pour prendre une douche, alors soit !

L'aimable jeune fille revient finalement toute gênée pour nous avertir que les tuyaux avaient gelé, donc pas de douche ! Info ou intox ? Bref, il faudra se contenter aujourd'hui encore d'une toilette de chat.

Nous passons tout l'après-midi à bouquiner, à préparer l'itinéraire des jours suivants, à nous détendre… jusqu'à l'arrivée d'un autre 4 x 4. Tiens, comme el Coche, il a un réservoir d'essence sur le toit ! En y regardant de plus près, nous découvrons l'autocollant de Petita, celui de notre loueur, apposé sur sa lunette arrière.

Ses occupants : un couple d'Allemands voyageant comme nous en individuels. Comme quoi nous ne sommes pas les seuls baroudeurs à se frotter aux pistes du Sud Lipez ! Ils font le parcours en sens d'inverse, c'est l'occasion d'échanger bons et mauvais plans.

Pour le dîner, nous nous concoctons une marmite de spaghettis à la sauce tomate… de quoi nous requinquer définitivement.

Alors qu'il fait nuit depuis belle lurette, un dernier groupe arrive : trois jeunes Russes en compagnie de leur chauffeur et de leur cuisinière. Nous craignons une ambiance bruyante mais non, très rapidement, c'est l'extinction des feux pour tous ! Nous dormons à 4100 mètres d'altitude.