Nils Thornander

(1958 - 2022)

J'ai fait la connaissance de Nils Thornander à l'automne 2017. C'est Marina Egidi qui nous a présentés, en vue d'un Laborigins de Marie-Odile Monchicourt consacré au beau thème de La Science et l'Imaginaire, que Marina animera avec talent le 12 novembre 2017 au théâtre de la Reine Blanche (http://laborigins.com/2017/10/la-science-limaginaire), en compagnie de l'astro-photographe Serge Brunier.

Avec Nils, la rencontre entre les Sciences et les Arts allait de soi, c'était de ces évidences immédiatement partagées dont il avait le secret et qui découlaient naturellement de sa générosité. Avec lui, l'esprit est simultanément intelligence, humour et source d'ivresse. La joie est quasiment un impératif catégorique, son art se nourrit de science et de métaphysique en même temps qu'il les nourrit de méditations sans borne. Sa prestation lors du Laborigins sur l'imaginaire et la science est magnifique, nous le suivons au plus près de sa peinture en tant que création matérielle qui s'inscrit dans l'histoire cosmique. C'était sa vision poïetique de l'art et du cosmos, et comme je la partage spontanément j'ai particulièrement apprécié le spectacle ! Le film tourné ce soir-là par Christian Do Huu permet de s'y replonger avec bonheur.

La Science et l'Imaginaire (2017) avec N. Thornander, S. Brunier, S. Dugowson, organisée par M. Egidi

A la fin de cette rencontre au théâtre de la Reine Blanche, Nils a projeté le clip de son TIDADAM, une chanson géniale dont il signe la musique et, avec Mildred Simantov, des paroles qui reflètent merveilleusement sa vision solaire et exploratrice de l'Univers, de la Vie et de l'Existence ! Ouverture extraordinaire à l'infini et aux autres !

J'ai retrouvé Nils à l'IRCAM, en avril 2019, dans le cadre du séminaire Mamuphi de François Nicolas pour une journée intitulée

L'instant, la durée, l'intemporel : enjeux d'interaction

(une rencontre mathématique, philosophique et musicale)

Accompagné à la voix et au piano par Geraldine Ros, Nils Thornander y a notamment présenté plusieurs de leurs pièces. En hors d'œuvre, une version raccourcie de la Symphonie Monoton-Silence d'Yves Klein, composée de deux parties : d'abord une séquence continue d'un seul accord, un ré majeur répété pendant une durée de vingt minutes, puis un silence absolu de même durée. Les interventions suivantes de Nils et Geraldine invitaient également à une paradoxale écoute du silence (ou peut-être vaudrait-il mieux dire : des silences...), thème philosophiquement essentiel, tant l'on peut se demander ce qu'une écoute qui ne saurait pas accueillir le silence serait susceptible d'entendre.... Par ses relations au non-silence, par la richesse intrinsèque du "silence" concret d'une salle de conférence, par ses résonnances philosophiques et métaphysiques.... Pourtant, d'une façon pour moi totalement surprenante mais finalement assez comique, la performance fit scandale ! Malheureusement, les images de cette journée semblent avoir été perdues...

Il y a quelques semaines, j'avais parlé avec lui des deux conceptions principales concernant la nature de la conscience :

  • 1) la conception neuroscientifique dominante actuellement selon laquelle la conscience est produite par le cerveau,

  • 2) l'idée, en plein essor, soutenue par le philosophe David Chalmers, d'une forme de "panpsychisme" : la conscience est de nature universelle et impersonnelle, elle traverse selon leurs diverses natures les organismes vivants.

Lui comme moi nous sentions naturellement en accord avec la deuxième conception plutôt que la première, ce qui ne retire rien à l'intérêt des études sur le cerveau, souvent passionnantes... Evoquer l'idée de l'universalité de la conscience dans sa nature impersonnelle avait dans cet échange quelque chose de plutôt rassurant, finalement. Et en tout cas de très rafraîchissant. Et parfaitement en accord avec TIDADAM...


L'Univers est comme un point

Qui se déplace dans l'infini

En allumant des incendies

A chaque nouveau lever du Jour


Esprit tourné vers l'infini, vers l'intemporel, vers l'essentiel autant que vers l'expérience de la diversité de la manifestation, esprit lucide, non-conformiste, étranger à toute bien-pensance, à tout politiquement correct, son humanité lui a donné un sens de l'amitié extraordinaire. Son humour puissant --- durant le confinement, combien de fou-rires lui avons nous dû sur Facebook ?--- reflétait ses qualités : son intelligence, sa générosité, sa sensibilité... Inspiration ! Enthousiasme !

Son œuvre où dansent le visible et l'invisible nous invite à les retrouver. Par delà le Silence.

Où la Présence est elle-même la source...



Stéphane Dugowson,

le 19 juin 2022

Composée après le massacre du Bataclan (2015) :


L'émerveilleur

(juin 2022)

Musique N. Thornander, textes E. Poindron