Paris Honorary Doctorate Acceptance Speech

Monsieur le Recteur, Monsieur le Président de l’Université, Mesdames et Messieurs les Professeurs, Chers Collègues bibliothécaires, Chers Amis.

Il m’est presque impossible de trouver les mots pour exprimer le sentiment de profonde gratitude que je ressens pour l’honneur que vous me faites aujourd’hui. Pour ceux d’entre nous qui travaillent dans le milieu académique, le plus grande récompense que nous puissions recevoir est celle de l’estime de nos collègues, et il ne peut pas y avoir d’expression plus précieuse de celle-ci que d’être honoré par une des plus grandes universités d’Europe. Et comme si ce n’était déjà pas suffisant, cet honneur me vient d’une grande université française.

Vous êtes peut-être surpris d’apprendre que je suis Ecossais. Si l’Ecosse n’est pas encore membre de la Francophonie, tous les Ecossais considèrent que leur pays est le fondateur de la Francophilie. Deja dans les annees 1460’s (mille quatre cent soixante) trois Ecossais, Patrick Leitch John Ireland et Thomas Kennedy furait elu Recteurs de l'Universite de Paris. Tous les Ecossais aiment à se rappeler qu’en 1558 , (Quinze cent cinquante huit) votre roi Henri II a accordé la citoyenneté française à tous les Ecossais. La « Vieille Alliance » reste un des grands principes de la pensée politique écossaise, et vous savez que mon homonyme John Law fut un temps banquier en France. Heureusement pour vous je connais rien au sujet du Mississippi et moins que rien au sujet de la

Bourse. Le poète Robert Burns apporta l’idéal républicain en Ecosse dans les années 1790, (Mille sept cent quatre vingt dix) et naturellement nous pensons vous et nous la même chose des Anglais depuis plus de mille ans… Cette brève leçon d’histoire est une manière assez détournée de dire que, pour un Ecossais, il n’y a pas de plus grand honneur qu’un témoignage venant de France.

Aujourd’hui, vous récompensez un groupe de bibliothécaires et de spécialistes de l’information. Les bibliothécaires travaillent depuis cinq mille ans, de manière généralement discrète, peu reconnue et peu applaudie. Des personnalités historiques aussi diverses que Mao Tsé Toung, Casanova et Golda Meir ont tous été des bibliothécaires, même si on se les rappelle pour d’autres raisons! Et pourtant la perte d’une bibliothèque – la Grande Bibliothèque d’Alexandrie - est généralement considérée comme un des plus grands désastres de l’histoire. Les bibliothécaires ont conservé et protégé notre culture et notre science pendant tous ces millénaires, et ont fermement soutenu les deux principes qui reconnaissent que la connaissance est universelle et qu’elle doit être mise à la disposition de tous les citoyens.

On pense généralement, et sans doute avec raison, que nous sommes en train d’entrer dans la troisième ère de l’humanité. Après les Eres Agraires et Industrielles, nous voici au seuil de l’Ere de l’Information, dans laquelle les structures internationales concurrencent les Etats, et où les réseaux mondiaux inondent les citoyens d’une information qui est parfois juste, parfois fausse, parfois adéquate, parfois inadéquate, mais toujours en trop grande quantité. Une évocation très parlante la compare au fait d’essayer de boire au jet d’une lance d’incendie. Il y a un réel danger qu’en obtenant accès à des quantités d’information toujours en augmentation, nous ne négligions nos capacités à transformer cette information en compréhension. Et maintenant on commence à voir les bibliothécaires comme des intermediaries – clés de cet âge de l’information. Le cours de base le plus fundamental enseigné dans les écoles de bibliothécaires s’intitule : « L’organisation du savoir ». Et ce dont l’information électronique est dépourvue par dessus tout, c’est de cette organisation. Je crois très fortement que les gestionnaires de l’information seront les personnels les plus importants de la société de l’information. C’est donc notre tâche de nous assurer que nous faisons bien partie de ce groupe – et de nous assurer que toutes les formes d’information sont bien reconnues à leur juste valeur. Thabo Mbeke a fait notoirement remarquer lors d’une réunion du G8 qu’il y a plus de téléphones à Manhattan qu’en Afrique sub-saharienne. Ce n’est pas tout le monde qui pourra avoir librement accès à l’information électronique, mais les bibliothécaires peuvent aider à combler le fossé entre ceux qui sont riches et ceux qui sont pauvres dans le domaine de

l’information. Notre premier défi est de nous assurer que chacun comprenne l’importance de l’information – sous toutes ses formes – et que nous tirions bien le maximum des services traditionnels d’accès à l’information, réels ou potentiels. Et il faut que nous continuions à travailler au niveau international pour assurer la disponibilité universelle de cette information.

J’ai le privilège de travailler au sein de la Fédération Internationale des Associations de Bibliothécaires – dont la Présidente, ma chere amie Christine Deschamps, est française et est dans l’auditoire aujourd’hui. Les activités fondamentales de cette Fédération comprennent l’accès universel aux publications, le transfert universel des données, la liberté d’expression, et la liberté d’accès à l’information.Ces activités sont encore plus importantes à une époque où notre patrimoine intellectuel est menacé autant par la négligence que par l’hostilité, où le néologisme « cybercolonialisme » laisse prévoir que les réseaux de notre siècle feront aux langues et aux cultures ce que les armées des grandes puissances européennes firent aux ressources de bien des pays du dix-neuvième siècle. En Ecosse comme dans la plupart des pays Européens, une chaîne de télévision montre de merveilleux programmes sur la guerre de Sécession dans les années 1860 (Mille huit cent soixante) entre l’Union Confédérée et les Etats Nordistes en Amérique. Cette série s’appelle « La Guerre Civile », comme s’il n’y avait jamais eu qu’une seule guerre civile dans un seul pays. Le danger, bien sûr, est que nos enfants le pensent, parce que nous ne faisons pas ce qu’il faut pour nous assurer que notre histoire et notre culture soient bien connues de nos concitoyens.

Mais je ne veux pas être un prophète de malheur. L’arrivée de l’ordinateur a ouvert une des périodes les plus remarquables pour le progrès humain dans tous les domaines. Les sujets et les langues les plus obscurs peuvent rapprocher leurs savants et leurs partisans grâce à l’Internet, et toutes sortes d’activités moins connues profitent d’un nouvel épanouissement. Personnellement, je m’intéresse à l’histoire maritime du 14ème (Quatorzième) siècle, en rapport avec l’Ecosse, sûrement un sujet aussi obscur que possible. Je peux maintenant correspondre et discuter régulièrement avec des chercheurs en France, en Espagne, dans les pays Baltes, et en Amérique du Nord. Je ne pense pas les rencontrer jamais, mais je les considère comme des collègues et comme des amis. Et au milieu de cet étalage d’érudition, le bibliothécaire continue - peut-être avec un profil amélioré - continue d’acquérir, d’enregistrer, de mettre à disposition et de conserver la connaissance humaine, pour tout le monde, et partout. Cela aussi, c’est une tâche qui a été facilitée par l’ordinateur. Mais cela a toujours été notre défi professionnel, et c’est un défi que nous relevons avec optimisme et enthousiasme.

Peut-être le meilleur exemple du résultat extraordinaire de la jonction de l’ordinateur et de l’information est-il celui du Projet du Génome Humain. C’est un grand triomphe de la science, qui nous promet de grandes avancées dans les domaines scientifiques et médicaux. Tous les codes génétiques ont été attribués, même si on ne les comprend pas encore bien tous. Je sais que ceci est authentique, car je crois, que moi – et beaucoup d’autres – nous possédons un gène précieux mais non encore identifié, appelé le gène francophile. C’est ce gène qui me rend si fier qu’être aujourd’hui devant vous, en ce jour où je deviens français par qualification et non simplement par inclinaison.

Je vous remercie.