2- Français-philosophie
Cette épreuve est certainement parmi les unes qui créent le plus de différences au concours entre les candidats. Elle cause même l'élimination de certains ayant obtenu de très bonnes notes en mathématiques et en physique. Le mot d'ordre pour réussir cette épreuve est sans contestation la discipline. Pourquoi se faire priver du plaisir de l'étude de la problématique philosophique de l'année et du débat (ou se faire même éliminer) pour ne pas avoir passé assez de temps à lire les œuvres proposées et à y réfléchir ? L'exercice est simple quand on le voit de la manière suivante : à partir de, généralement, 3 œuvres littéraires, vous développez votre connaissance et votre réflexion autour d'une problématique philosophique. Le jour de l'épreuve, il vous est demandé de discuter un sujet lié à la problématique en usant des arguments que vous avez développés le long de l'année. Pour être prêt le jour J, il faudra alors avoir passé assez de temps sur les œuvres, réfléchi assez longtemps sur les arguments des auteurs et le fil de leur raisonnement et suffisamment exercé votre propre argumentation (munis de vos connaissances développées à partir des œuvres) en rédigeant certaines dissertations. Une opinion philosophique a besoin de temps pour maturer et vous avez besoin de la développer vous-même tout au long de l'année. On ne peut vous la résumer ou vous la donner à quelques semaines des concours car vous n'en serez alors pas entièrement et profondément convaincus et vous ne pourriez l'utiliser proprement à votre fin pour justifier votre position sur un sujet. Lisez alors vos œuvres en plusieurs couches et passez du temps à y réfléchir. Chaque semaine qui passe sans que vous vous donniez à cet exercice jouera en votre défaveur. C'est un état d'esprit avec lequel il faut s’imprégner et qu'on ne peut acquérir à la hâte. Certaines épreuves orales (au concours Mines, par exemple) testent votre capacité à dégager une problématique et à la discuter d'une manière générale, et sans que ce soit lié à ce que vous avez étudié durant l'année, à partir d'un texte qui n'a probablement rien de philosophique. Dépasser cet obstacle ne sera qu'un jeu d'enfant pour n'importe qui se serait entraîné durant l'année à lire entre les lignes et à se former une opinion justifiée. Le reste de ces épreuves orales peut déboucher sur plusieurs questions : définir certains mots du texte (un dictionnaire est fourni pendant la préparation) ou tester votre connaissance générale à partir de questions liées au texte ou à l'une de vos réponses. Les chaînes Abri d'Oiseaux vous fournissent quelques playlists pour fortifier vos connaissances sur certains sujets qu'on juge essentiels pour un élève de classes préparatoires de maîtriser (voir, par exemple, la playlist Histoire). Pour avoir une idée plus détaillée sur les attentes du jury pour les épreuves écrites et orales ou des exemples de sujets ou de textes proposés, on vous suggère de lire les rapports des concours des deux ou trois dernières années.
Lu dans les rapports des concours (Mines/X):
Épreuve écrite:
Pour comprendre et traiter ce sujet, chaque étudiant devait appliquer de façon attentive et méthodique un conseil maintes fois répété dans les rapports des années précédentes : toute dissertation doit commencer par une analyse précise, approfondie, détaillée de la citation. Les candidats devaient se livrer à un minutieux travail préparatoire d’analyse lexicale et de réflexion sur le sens.
Lire ne signifie pas mémoriser mécaniquement le contenu de surface d’un texte, lire dans toute sa puissance et dans toute sa vitalité, signifie décrypter sous les mots particuliers d’un texte toute l’acuité du regard sur le monde que son écriture contient et présuppose.
Les œuvres au programme, de ce fait, doivent être utilisées tout au long du devoir, de façon équilibrée, y compris lorsqu’elles sont plus austères ou plus ardues [...]. Cela suppose un travail de fond et une connaissance personnelle des œuvres, qui repose à la fois sur une lecture globale et sur des relectures globales ou partielles. Toute lecture vivante et personnelle des œuvres donne lieu à de belles réussites.
Nous avons regretté que certains candidats s’obstinent à refuser de penser par eux-mêmes, croyant qu’un corrigé plaqué sur le sujet ou qu’une succession de banalités déconnectées des œuvres feront illusion.
Comme souvent, les candidats ne retiennent du sujet que ce qui leur permet de régurgiter les cours qui leur ont été prodigués durant l’année et les quelques idées et citations glanées dans les manuels généreusement proposés par les maisons d’édition. Il ne s’agit pas bien sûr ici de remettre en question les enseignements qui les préparent à cette épreuve. Loin de nous cette pensée. En revanche, on pourrait espérer que les candidats sachent tout à la fois s’en nourrir et s’en affranchir pour construire ( composer ) une réflexion personnelle et pertinente qui se confronte véritablement à la complexité du sujet.
Épreuve orale:
Afin que le champ de la réflexion soit largement ouvert aux candidats, le texte ne saurait avoir pour objet les thèmes des programmes de l’écrit des deux années précédentes et l’utilisation des œuvres de ces programmes, lors de la prestation orale, est malvenue.
Le choix des textes proposés va ainsi de la littérature ou de la philosophie la plus classique à des textes contemporains portant sur les arts, les sciences naturelles et humaines, le droit et les questions de société.
Les textes, qui sont proposés aux candidats, sont sélectionnés par les examinateurs au terme d’une procédure collective soigneuse, et ils sont empruntés, sans considération d’époque ou de langue ou de genre, aux différents domaines couverts par la notion à la fois historique et contemporaine d’ humanités (littérature, philosophie, arts et esthétique, épistémologie des sciences dites dures ou exactes, sciences humaines).
[Les entretiens] permettent d’appréhender les différentes facettes du talent du candidat : pénétrer la pensée d’autrui, construire une réflexion personnelle, mettre en œuvre sa culture, dialoguer enfin, c’est-à-dire être à l’écoute de son interlocuteur et capable de réagir de façon pertinente.
L’entretien n’est nullement fait pour piéger ou déstabiliser, encore moins pour bombarder l’impétrant de questions d’histoire littéraire ou culturelle, comme on nous a avoué que la rumeur le répandait ! […] Le jury cherche soit à lui faire corriger une erreur, soit à lui faire préciser une formulation incertaine, soit à lui faire découvrir des implications inaperçues, soit à lui faire développer ses esquisses – et systématiquement en lui offrant des chances pour faire la preuve de ses qualités de réflexion et de caractère.
Par ailleurs, on ne se contentera pas de lancer des pistes de réflexion très générales. Les thèses énoncées doivent être argumentées, de manière aussi variée que possible et les justifications étayées par des exemples.
Le commentaire est l’occasion de manifester une réflexion personnelle. On fuira donc la reprise d’un développement tout fait, plus ou moins habilement enté sur le sujet choisi.
Cette partie de l’épreuve [commentaire du texte] est aussi celle qui permet au candidat de manifester sa culture. Les références et les illustrations qui viennent à l’appui de ses propos témoignent de sa connaissance de l’art, de l’histoire, de la réflexion philosophique et plus largement de la façon dont il appréhende le monde dans lequel il vit, à travers les aperçus qu’il peut avoir de l’actualité.
Aucune érudition n’est exigée en termes d’auteurs ou de références : il s’agit avant tout d’avoir compris un texte et de développer une réflexion élargie et argumentée à partir de sa lecture attentive. Mais dès lors qu’une référence est donnée dans l’exposé, le jury attend qu’elle soit précise, maîtrisée et justifiée en fonction du fil conducteur qui a été privilégié. Il reste cependant surprenant de constater que des repérages chronologiques ou des données historiques élémentaires peuvent être totalement ignorées : certains candidats mélangent allègrement les périodisations usuelles, ne savent rien de l’identité d’un personnage comme Jean Moulin ou n’ont pas la moindre idée, même schématique, de ce qu’est la hiérarchie des trois ordres dans l’ancien régime.
On a pu entendre des réflexions intéressantes, mettant en œuvre les leçons de penseurs aussi divers que Sénèque, Montaigne ou Henri Bergson.
En matière de commentaire, le jury a des attentes raisonnables. Cependant, on est en droit d’espérer moins de systématisme dans l’emploi des références. Guernica n’est pas la seule œuvre susceptible de témoigner de l’engagement d’un artiste dans son siècle, 1984 de Georges Orwell et Farenheit 451 de Ray Bradbury ne sont pas les seules dystopies auxquelles l’on puisse songer. L’acquisition et l’entretien d’une culture générale de bon niveau sont une entreprise qui doit commencer le plus tôt possible. Les moyens de communication qui existent offrent de ce point de vue des facilités à tous. On peut visiter des musées de manière virtuelle, avoir accès à des œuvres littéraires, à des retransmissions de représentations théâtrales par l’intermédiaire d’Internet, consulter la presse en ligne.
Le jury écoute avec un intérêt spécial des analyses portées par une expérience précieusement personnelle, parce que, à la redite de références usées jusqu’à la corde (Guernica, 1984, Galilée), il sera toujours préféré le souvenir réfléchi d’une exposition, d’une lecture, d’une projection particulières, dont on s’aperçoit immédiatement que le candidat s’est trouvé singulièrement enrichi à un moment de sa vie et dont il dégage la possibilité de parler en accord avec le motif travaillé par lui. Il a été frappant, et satisfaisant, de constater à cet égard que quelques-unes des meilleures déclarations de personnalité que l’on ait entendues sont venues de candidats à titre étranger, là où de trop nombreux candidats français se contentaient, et même avec une assurance déplacée, du service minimum ou du préfabriqué ou du convenu.
Il est important de souligner le grand plaisir des membres du jury à entendre des exposés qui sollicitent et développent des connaissances précises, originales et éclairantes sur des domaines pointus qui leur semblent ajustées au questionnement choisi : cela va des arts les plus divers (y compris la danse, la sculpture, la photographie...) au domaine de la stratégie militaire, en passant par la philosophie et par les rapports entre sciences, droit, économie et société. Un exemple parmi d’autres : tel exposé fondé sur l’évocation de la querelle des anciens et des modernes a été nourri par une connaissance précise et non simplement scolaire des réflexions de Pascal sur le concept du vide, ce qui permettait d’élargir la réflexion bien au delà des seuls modèles esthétiques présents dans le texte.