Donner avec ses tripes

Une femme qui donne avec ses tripes !

LUC 21.1-4

Pourquoi la lecture de ce texte à des trésoriers ?

En effet, je ne suis pas sûr que ce texte nous soit d’une grande utilité pour faire de l’animation financière. Mes chers trésoriers, je ne vous conseille pas de le lire comme cela sans commentaire pour introduire la collecte du dimanche. Je ne vous encourage pas non plus à citer ce texte dans votre lettre de relance financière… Je crains en effet que cela soit contreproductif. J’ai peur que l’effet produit soit contraire à l’effet recherché. Nous le savons tous….c’est le B A BA de la communication ; si l’on veut sensibiliser nos paroissiens à donner davantage, il ne faut surtout pas commencer par les culpabiliser…sinon ils vont se bloquer ! Peut-être même se rétracter…Les plus riches en tout cas et même les plus modestes, car franchement, lequel d’entre nous peut prétendre ressembler à la veuve de notre récit ? Lequel d’entre nous peut prétendre donner tout ce qu’il a pour vivre ? Moi en tout cas, je me sens visé ! J’ai le sentiment d’être dans le collimateur ! Et de faire partie de tous ceux qui ne donnent pas assez.

Mais au fait, est-ce que c’est cela le message de ce texte? Jésus veut-il nous inciter à donner davantage en instaurant une proportionnalité entre nos dons et nos revenus. C’est à celui qui donnera le plus proportionnellement à ses revenus ! Et on pourrait établir des tableaux comparatifs et les publier dans le CEP par exemple, à la fin de nos chroniques paroissiales : Mme DUPONT : 5% de ses revenus. Mr et Mme DURAND 10%. Mr DUSCHMOL 15 %...Mme DUTRONC 20%....Qui dit mieux ???

Elle a donné tout son bios

Non ! Jésus ne cherche pas à culpabiliser ses auditeurs. Il n’organise pas non plus un concours avec mise en concurrence qui déboucherait immanquablement sur un classement avec les meilleurs, les bons et les moins bons. Ce qui touche Jésus c’est que cette femme donne avec ses TRIPES. Excusez mon vocabulaire un peu cru, mais si l’on s’attache aux mots utilisés dans notre texte, c’est bien cela que veut dire Jésus : il y a plusieurs façons de donner : on peut donner son superflu, on peut donner quelque chose qui n’a pas grande valeur pour soi…quelques chose qui reste périphérique, secondaire….Ou bien, on peut donner « tout son BIOS » dit le texte grec. C’est à dire, on peut donner toute notre vie. On peut donner dans un élan qui part du plus profond de nous même. On peut donner avec ses tripes… Et alors c’est un don qui nous engage entièrement. C’est un don qui fait sens.

Et pour faire le lien avec l’animation financière, je poserai la question : Au fait, comment nous faisons pour donner envie aux gens de donner ? Comment faisons nous pour qu’ils se sentent entièrement concernés ? Sachant que l’on ne donne vraiment que lorsqu’on donne avec ses tripes…Cela veut dire qu’il faut que ça les touche au plus profond d’eux-mêmes. Et cela nous renvoie à ce que nous disons de l’Évangile et à ce qu’il représente pour nous. Comment en parlons-nous ? Est-ce que cela représente un superflu ? Est-ce que c’est juste un vernis posé à l’extérieur, ou bien est-ce que c’est quelque chose qui nous prend de l’intérieur. Un élan vital, une Parole essentielle ?

En fait, c’est l’authenticité de notre témoignage qui peut convaincre les autres de donner aussi. Il suffit de voir comment sont organisées les campagnes d’appel aux dons par le Téléthon ou par d’autres organisations caritatives. Ça marche lorsque les gens sont pris aux tripes, lorsqu’ils sont émus de ce qu’ils entendent, lorsque leurs entrailles tressaillent

Et cependant, je ne crois pas qu’il faille en faire une technique d’animation financière… essayer à tout prix de faire pleurer les gens ou de les faire rire pour espérer récolter de gros billets. Mais en dehors de toute démagogie, il faut simplement être conscient que pour donner, chacun a besoin d’être convaincu que cela va servir à quelque chose d’important. Et que donc il ne s’agit pas seulement de donner pour une Église ! Il ne s’agit pas seulement de donner pour une organisation ! Il s’agit de donner pour que l’Évangile puisse toujours être annoncé…. Et parce que cet Évangile c’est quelque chose d’essentiel et de vital dont on ne peut pas se passer. Et d’ailleurs, c’est bien comme cela que ça se passe. Au moment d’un deuil, lorsque quelqu’un s’est senti accompagné soutenu par l’Église, lorsqu’une parole l’a touché au plus profond de lui-même ou une présence attentive, bienveillante, et bien il aura envie d’exprimer sa reconnaissance par un don. Ou au moment d’un baptême, lorsque les parents sont touchés par la qualité de l’accueil qui leur est réservé, lorsqu’ils sentent bien que cet accueil est inconditionnel c’est à dire qu’il ne dépend pas de leur statut social ou de leur savoir faire ou de leur compte en banque, ou bien lorsqu’ils entendent un message qui leur va droit au cœur, alors ils auront envie de donner plus qu’un billet à la collecte…Ils auront envie de donner d’eux-mêmes ? Comme la veuve de notre récit….oui bien sûr, nous le savons, ce n’est pas aussi automatique que cela. Il arrive que nous fassions tout ce qu’il faut, que l’accueil soit de qualité, que le message soit fort et que cependant des personnes ne restent insensibles ou qu’elles ne se sentent pas vraiment concernées…..et cela pourrait nous décourager ! Alors, il est bon de se souvenir de ce que Dieu dit de sa Parole, par la bouche du prophète…… « Ma Parole ne retourne pas à moi sans avoir produit des effets… » Une façon de nous convaincre que la semence doit être jetée partout, même si on ne sait pas où elle germera.

Au fait donner une offrande pourquoi ?

Mais revenons au récit de Luc…car il contient une note polémique que je ne voudrais pas occulter. En attirant les regards sur la pauvre veuve, Jésus s’élève contre un système politico- religieux qui exploite les plus faibles. Et en ce temps-là, les veuves faisaient partie des catégories les plus fragiles. Et Jésus n’hésite pas à dire plus haut au sujet des maîtres de la loi qu’ils « dévorent les biens des veuves ». Et ils le font pour sauver une institution qui n’a plus de sens aux yeux de Jésus ; il s’agit de l’administration du temple dont il annonce la ruine justement, quelques lignes plus loin.

Et là, nous sommes renvoyés à ce que nous disons de l’Église. Est-ce que nous la présentons comme une institution ou comme un patrimoine qu’il faut sauvegarder à tout prix sans expliquer pourquoi ? Est-ce que nous nous contentons de dire où va l’argent qui est versé ; le salaire des pasteurs, leur formation, leur retraite, les dépenses de logement, la voiture de service etc.…bien sûr c’est une information importante, mais le plus important c’est que les gens arrivent à comprendre à quoi ça sert tout cela, à quoi ça sert l’Eglise, en quoi c’est un lieu vital où il nous est donné de partager quelque chose qui est de l’ordre de l’essentiel, et non du superflu. En région parisienne, une étude a été faite sur les Églises en croissance, c’est à dire les Églises dont le nombre de F.O.N. augmente un peu….or, il s’agit d’Eglises qui se trouvent dans des contextes socioculturels et économiques très différents et ce qu’il est intéressant de constater c’est que ces Eglises en croissance ont 3 points communs

1°) elles ont défini un projet précis

2°) il y a une équipe solide pour porter le projet

3°) elles ont beaucoup travaillé sur l’accueil et la communication

Un projet, une équipe, un bon accueil. Voilà ce qui donne envie à d’autres de venir ! Des gens qui sont motivés et qui donnent non pas du superflu mais quelque chose d’essentiel, qui part du plus profond d’eux-mêmes…voilà ce qui donne envie à d’autres de donner aussi d’eux-mêmes. Ainsi, l’animation financière, ce n’est pas qu’une affaire de trésoriers, même s’ils jouent un rôle important, notamment en communication. L’animation financière, c’est l’affaire de tous…Car c’est une affaire de témoignage. Lorsque quelque chose compte pour moi de façon ultime, lorsque quelque chose me touche et me prend aux tripes…Alors j’ai la responsabilité d’en parler au plus grand nombre. Une lumière pour qu’elle brille, on ne met pas sous le boisseau, on la met en hauteur afin qu’elle éclaire toute la maison.

Amen.

Christian Bouzy le 25 avril 2009 à Nîmes, journée des présidents et trésoriers