Felix Nussbaum, un artiste juif durant la Shoah
Biographie de Felix Nussbaum :
Felix Nussbaum (1904-1944) naît à Osnabrück dans une famille juive de la bourgeoisie. Son père commerçant, Philipp, est amateur d’art. Felix étudie les arts décoratifs à Hambourg, puis la peinture à Berlin où il rencontre Felka Platek (1899-1944), juive de Varsovie et élève du peintre expressionniste Ludwig Meidner avec lequel Felix se lie d’amitié et reste en correspondance dans l’exil. Sa première exposition personnelle à Berlin en 1927 est remarquée par la critique. Il s’installe avec Felka dans son propre atelier, 23 Xantener Straße, à Berlin-Wilmersdorf. Suite à l’arrivée des Nazis au pouvoir, Félix et Felka subissent la législation antijuive : inscription au Registre des Juifs de Bruxelles (après avoir fui l’Allemagne), marquage de la carte d’identité par le cachet “Jood-Juif”, déchéance de la nationalité, saisie des avoirs au profit du IIIe Reich, affiliation forcée à l’Association des Juifs en Belgique (AJB). Dans la nuit du 20 au 21 juin 1944, Felix et Felka, victimes d’une dénonciation, sont arrêtés rue Archimède, à Bruxelles. Le 31 juillet, ils sont déportés par le dernier convoi de la caserne Dossin à Auschwitz, le Transport XXVI. Felix entre au camp, mais on perd sa trace après le 20 septembre 1944, lorsqu’il se trouve à l’infirmerie. Le 29 janvier 1946, Felix et Felka Nussbaum sont rayés du registre belge des étrangers, considérés morts. Ni Felka Platek ni Felix Nussbaum n’ont survécu à la Shoah. Lucide, les prémonitions de mort que Felix Nussbaum exprimait dans ses œuvres depuis 1939 se sont avérées fondées.
Mouvement artistique :
Concernant ses affiliations à des mouvements artistiques : Dans sa jeunesse, avant la guerre, Nussbaum est rattaché au mouvement artistique allemand de “Neue Sachlichkeit” (Nouvelle Objectivité), mouvement réaliste montrant le désastre social de l’après-guerre. A partir du milieu des années 1930, Nussbaum appartient aux artistes de l’art dit concentrationnaire, expression qui désigne les œuvres d’art réalisées dans les camps ou dont le sujet porte sur les camps.
Autoportrait du passeport juif, 1943, actuellement conservé à la “Felix Nussbaum Haus” à Osnabrück - Image appartenant au domaine public
Autoportrait du passeport juif :
Dans cet autoportrait, il donne à voir sa plus grande peur : celle d’être un jour arrêté. Nous pouvons voir Nussbaum entouré de murs gris (probablement une impasse), sous un ciel tout aussi sombre dans lequel tournent des oiseaux noirs. Il pose des yeux inquiets sur le spectateur, regardant de côté. Devant ce tableau, le spectateur est placé dans la peau d’une personne contrôlant l’identité de l’artiste. En effet Nussbaum remonte son col pour présenter une étoile jaune, comme il l’aurait fait devant un membre de la Gestapo. Il présente également au spectateur sa carte d’identité. Sur cette carte son lieu de naissance, en Allemagne, est effacé, sa nationalité indique "Sans" et les mots "JUIF-JOOD" sont sur-imprimés en rouge. La présence du mot juif, dans les deux langues, rappelle le fait qu’il est alors réfugié en Belgique. De manière singulière, la signature du tableau se trouve sur la carte d’identité représentée par l’artiste qui par là- même interroge son identité d’artiste et de juif pourchassé. En effet, Nussbaum peint cette œuvre alors qu’il est déjà entré dans la clandestinité (depuis sa fuite de Saint-Cyprien en 1940) passant son temps entre un atelier et une cachette dans un grenier. Les murs imposants qui entourent ici Felix Nussbaum montrent son impossibilité de s’échapper pratiquement. Il sait qu'on le recherche. Il illustre donc avec ce tableau sa condition de paria de la société.
Triomphe de la mort :
Grande toile au sujet apocalyptique de squelettes qui, sur un champ de ruines, annoncent de leur musique cacophonique la fin des temps, Le Triomphe de la mort, signé et daté du 18 avril 1944, est l’œuvre ultime du peintre, vision prophétique de l’effondrement général du monde et de la mort imminente de l’auteur. Nussbaum y évoque deux thèmes de la tradition chrétienne : le Jugement dernier et la danse macabre médiévale. Nussbaum se représente en joueur d’orgue de barbarie. Derrière lui, un squelette joueur de flûte, drapé de noir et ailé, rappelle l’ange de la mort, Azraël. Le paysage est désolé : sanctuaire délabré, mur ruiné, troncs d’arbres mutilés... Les vestiges de la civilisation remplissent l’avant-plan : fragments de colonnes, moulures et sculptures classiques, machine à écrire, balance, pions de jeu d’échecs, dés, téléphone, mètre pliant, globe terrestre, horloge... Effrayant bric-à-brac d’objets détruits, comme après un bombardement. Les squelettes qui envahissent le tableau sont des personnages décharnés, faisant penser aux Juifs dans les camps de concentration. Ces allégories de la Mort jouent de la musique, comme pour annoncer le Jugement dernier. En conclusion, sa dernière toile, Le Triomphe de la Mort, symbolise la victoire du Mal sur le Bien, de l’Horreur sur la Beauté, de la Barbarie sur les Arts et la Science. La Mort, incarnée par une dizaine de squelettes, danse sur la Civilisation. Il fait là le portrait de la Seconde Guerre mondiale.
Triomphe de la mort, 1944, actuellement conservé à la “Felix Nussbaum Haus” à Osnabrück - Dans le domaine public (L’auteur est mort en 1944 ; cette œuvre est donc dans le domaine public dans tous les pays pour lesquels le droit d’auteur a une durée de vie de 75 ans ou moins après la mort de l’auteur.)
Sources Texte :
Contributeurs à Wikipedia, 'Felix Nussbaum', Wikipédia, l'encyclopédie libre, 29 janvier 2024, 18:52 UTC, <https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Felix_Nussbaum&oldid=211972997>
Sabine Stamm / Felix Nussbaum, dossier pédagogique / https://www.mahj.org/sites/default/files/2022-07/felix-nussbaum-dossier-pedago.pdf
Sources Images :
Wikimedia commons, domaine public