De plus en plus d’études s’intéressent à l’importance du geste graphomoteur dans le développement de la compétence à écrire au primaire et au secondaire.
Longtemps sous estimée, la graphomotricité est maintenant considérée comme une composante essentielle de l’apprentissage de l’écriture.
Les pratiques actuelles d’enseignement du geste d’écriture diffèrent tant dans leur nature que dans leur fréquence.
Environ 12 à 44% des élèves présentent des difficultés avec les gestes moteurs d’écriture (CTREQ, 2018).
On sait maintenant que les pratiques pédagogiques ont un impact sur les habiletés graphomotrices.
Graphomotricité: réfère au processus, au geste permettant de tracer les lettres. Provient du mot grec « graphein » qui signifie écrire, et du mot « motricité » qui signifie l’ensemble des fonctions permettant le mouvement.
Calligraphie: réfère au résultat, à la « trace » laissée par la pratique de l’art de former des lettres. Provient du mot grec « kalligraphia » qui signifie belle écriture.
Les habiletés graphomotrices réfèrent aux apprentissages liés à la mémorisation de la forme des lettres, à la gestion du tracé, à la reconnaissance des formes graphiques et au développement d’une fluidité d’écriture.
Les termes graphomotricité, écriture manuscrite et écriture manuelle font référence au même concept.
C’est l’habileté de tracer les lettres sans avoir à penser à tous les détails nécessaires à leur réalisation. C’est généralement le résultat d’un apprentissage, de répétitions et d’entraînement. L’automatisation des gestes d’écriture est un processus, qui débute dès l’apprentissage du tracé des lettres et qui se poursuit tout au long du primaire.
Pendant ce processus, une décharge cognitive se fait progressivement; c’est-à-dire que plus l’automatisation est amorcée, plus l’énergie cognitive consacrée au geste d’écriture diminue, permettant à l’élève de se concentrer sur les composantes de plus haut niveau de la production écrite.
"En début d’apprentissage, le geste graphique mobilisé dans l’action d’écrire résulte d’un mouvement volontaire dont tout le déroulement est sous le contrôle conscient et continu de l’apprenant et demande un effort soutenu d’attention de sa part. » (Labrecque, Morin & Montésinos-Gelet, 2013).
Le geste graphomoteur doit être automatisé le plus rapidement possible dans l’apprentissage pour que l’élève puisse écrire sans effort cognitif conscient et ainsi se concentrer davantage sur les autres habiletés pour développer sa compétence à écrire. (https://blogs.learnquebec.ca/2022/05/lettres-detachees-ou-lettres-attachees/)
Pour favoriser l'automatisation des gestes d'écriture, il est recommandé d'éviter le double-apprentissage, c'est-à-dire les pratiques où on enseigne un style en début de parcours scolaire, puis un autre style plus tard (ex.: script en 1e année, puis cursif vers la mi 2e année).
Présentement, les données scientifiques ne sont pas suffisantes pour justifier le choix d'un style plus que l'autre. Il revient donc à l'équipe-école de prendre une décision éclairée quant au style d'écriture qui sera enseigné.
Pour favoriser l'automatisation des gestes d'écriture, des pratiques pédagogiques efficaces doivent être mises en place en classe, peu importe le style d'écriture enseigné.
Il est important de s'intéresser à la composante graphomotrice au delà des périodes de "calligraphie". Les élèves ont besoin de pratique fréquente et suffisante pour en arriver à une automatisation.
L'enseignement des habiletés graphomotrices devrait être une responsabilité partagée par tous les enseignants, du préscolaire au 3e cycle du primaire. Les interventions s'inscrivent dans un continuum: préparation (préscolaire, voir l'onglet pré-écriture/éveil à l'écrit), enseignement explicite efficace (1e cycle), révision et consolidation (2e et 3e cycles).
L'enseignement formel du tracé des lettres se fait en première année du primaire. Voici quelques stratégies efficaces pour faire cet enseignement.
Pour enseigner le geste d'écriture:
Modélisation en gestes et en paroles
Autoverbalisation
Guidance motrice (main sur main)
Autoévaluation
Pratique
Différenciation pédagogique
Autres stratégies efficaces:
Catégoriser les lettres en familles de lettres, qui ont un tracé de départ commun
Pratiquer d'abord le tracé dans de grands espaces, sans interlignes (ex.; sur un tableau blanc effaçable, dans les airs, dans le dos d'un ami, dans une assiette de riz)
Enseigner le placement de la lettre dans les trottoirs une fois que les élèves maitrisent le bon geste
Encourager la fluidité et la lisibilité de l'écriture plutôt que de s'attarder à la perfection du tracé
Utiliser un référentiel imagé pour le placement des lettres dans les interlignes (ex.: lettres singe, girafe et coccinelle)
Prévoir des périodes pour pratiquer les gestes d'écriture, même une fois que tous les tracés ont été vus (ex.: jogging d'écriture, activités ludiques pour pratiquer l'écriture des mots de vocabulaire). Ces périodes ne devraient pas mettre l'élève en situation où il doit penser à ses idées et à l'organisation de son texte (voir les idées d'activités dans le document ci-dessous).
Révision des tracés plus difficiles au besoin (ex.: en écriture cursive, certaines attaches sont plus difficiles et doivent être révisées)
Révision pour le placement des lettres dans les interlignes
Enseigner la disposition des mots et des phrases sur les lignes (transition vers feuilles lignées ou cahier Canada)
Encourager l'autoévaluation (autant sur l'aspect graphomoteur que sur les autres processus de planification et de mise en texte)
Encourager une écriture manuelle fonctionnelle, c'est-à-dire, fluide et lisible.
Voici quelques pistes d'intervention pour les élèves qui présentent des difficultés graphomotrices, à essayer après la mise en place des stratégies efficaces nommées plus haut.
Diminuer/éviter les situations de double-tâche
Permettre de donner des réponses à l’oral
En évaluation, permettre de dicter les réponses
En lecture, permettre de surligner les réponses dans le texte plutôt que de les recopier
Réduire la quantité d’écriture demandée, au profit de la qualité
Ne pas écrire lorsque ce n’est pas l’intention pédagogique
Offrir des dictées trouées
Consulter une ergothérapeute
Voici d'autres ressources utiles portant sur les habiletés graphomotrices:
Le document Le point sur la graphomotricité, publié par l'Ordre des ergothérapeutes du Québec (OEQ, 2021)
https://www.oeq.org/DATA/NORME/59~v~lepointsurlagraphomotricite.pdf
Ce document par l'OEQ résume plusieurs concepts importants en lien avec la graphomotricité, ainsi que les approches à privilégier pour l'enseignement de l'écriture.
Ce qui est important à retenir:
Il est primordial d'assurer un positionnement optimal avant d'intervenir au niveau de l'écriture.
Il est recommandé d'adopter seulement un style d'écriture pour éviter le double apprentissage;
L'écriture n'est pas seulement lié aux habiletés de motricité fine, mais aussi aux habiletés de motricité globale, cognitives et perceptuelles. Il est donc important de prendre en considération l'ensemble de ces composantes dans nos approches;
Il est important de viser l'automatisation de l'écriture, et plusieurs approches sont à privilégier afin de favoriser le développement de celle-ci à travers un enseignement explicite.