Seuil

Remarques préalables concernant la notion de Seuil

- Le terme "Seuil" employé seul ne signifie rien. Il faut en préciser sa définition exacte et la méthodologie permettant sa détermination.

- Le terme "Seuil" accompagné du cadre dans lequel il est défini ne signifie malgré tout pas grand-chose ... :-)

De quoi s'agit-il ?

Certains physiologistes/entraîneurs ont pensé qu'il existait une vitesse précise séparant le fonctionnement purement aérobie du fonctionnement anaérobie. Avant cette fameuse vitesse, l'effort pourrait être maintenu quasi-indéfiniment et au delà de celle-ci, le coureur serait obligé de rapidement stopper son effort pour cause de "fatigue" excessive. Tout le problème réside dans la détermination de cette vitesse, seuil entre l'aérobie et l'anaérobie appelé "Seuil anaérobie".

L'un des principes de l'entraînement serait alors de travailler à (ou pas très loin de) cette fameuse vitesse afin de "repousser" ce seuil anaérobie et de fait, à une même vitesse constater alors une moindre fatigue du coureur.

NB : Nous ne parlons pas ici d'un autre "Seuil" appelé "Seuil Aérobie".

De quel seuil parle-t-on ?

Selon certains experts, il existe plus d'une trentaine de méthodes/principes permettant d'évaluer "un" seuil.

Je résume ici les principales orientations :

    • Seuil de type cardiaque : La Fréquence Cardiaque (FC) augmente linéairement en fonction de la vitesse jusqu'à un point d'inflexion à partir duquel la FC prend une pente plus faible. Ce point d'inflexion correspondrait à la vitesse Seuil Cardiaque. Il s'agit de la théorie de Conconi.
    • Seuil de type ventilatoire (SV2) : Au début d'un test d'effort avec vitesse croissante, on mesure le volume d'oxygène consommé et le volume de CO2 rejeté dans l'air. A une certaine vitesse, nommée Second Seuil Ventilatoire (SV2), le rapport CO2 rejeté sur oxygène consommé devient supérieur à 1. Simultanément, l'évolution du débit ventilatoire change de pente.
    • Seuils de type lactique : Le lactate est un produit issu de la dégradation du glucose (glycolyse) lors du métabolisme anaérobie lactique. Il est souvent rendu responsable de beaucoup de maux et notamment son acidité entraînerait une "fatigue" musculaire. Il a été constaté lors d'un test continu en rampe (succession de phases uniquement transitoires et non stabilisées) que la concentration en lactates dans le sang (lactatémie) augmentait de manière lente en début d'effort et voyait une croissance rapide à mesure que la vitesse augmente.
      • Il a ainsi été estimé qu'à partir d'une certaine vitesse (SL2), la lactatémie s'écartait trop de valeurs "normales" (4mmol/l), pouvait devenir source de fatigue et que cette vitesse serait la vitesse seuil (second seuil lactique) recherchée.
      • Le lactate étant produit mais aussi recyclé en permanence (théorie de la navette lactate) on peut également trouver une autre notion de seuil lactique basée sur la recherche d'un équilibre en état stable entre production et métabolisation du lactate. La détermination de ce seuil passe par la réalisation successive de deux exercices (au minimum via méthode de V. Billat) non exhaustifs à intensité constante d'une vingtaine de minutes chacun. Les intensités seront choisies de telle manière à encadrer une première estimation de la vitesse recherchée. On mesure alors la différence de concentration en lactate à la 20ème minute d'effort par rapport à la 5ème minute pour les deux intensités d'effort testées. On déduit de ces observations la vitesse à laquelle la différence est nulle.
        • Pour des vitesses "faibles" après s'être un peu élevé, le taux de lactate va redescendre ou rester stable.
        • Pour des vitesses "élevées", le taux de lactate va croître continuellement jusqu'à l'arrêt de l'exercice.
        • Pour une vitesse intermédiaire, le taux va rester stable ("maximal lactate steady state") vitesse au delà de laquelle cela n'est plus vrai

Une absence de consensus

Quelques remarques autour de la notion de Seuil :

    • Des déterminations parfois impossibles :
      • Concernant le Seuil Cardiaque (Conconi), les courbes FC/Vitesse ne se prêtent pas toutes au profil théorique décrit précédemment et donc à l'interprétation qui en est faite.
      • Concernant le second Seuil Ventilatoire (SV2), certains coureurs ne présentent non plus pas la courbe attendue d'où une difficulté de la détermination de ce Seuil. De plus d'autres méthodes sont également utilisées pour la détermination de ce seuil ventilatoire et n'aboutissent pas forcément à la même valeur.
      • Concernant le Seuil Lactique, on peut reprocher la valeur arbitraire de 4mmol/l qui n'aura pas forcément la même incidence sur tous les coureurs (selon la théorie défendue comme quoi une hausse de la lactatémie induit une hausse de la fatigue musculaire) :
        • « Le lactate n’est que le témoin innocent de la présence des protons H+ » (Callier et coll., 1996), et nous savons que la part la plus importante de ces derniers est issue de l’hydrolyse de l’ATP et non de la glycolyse et de la glycogénolyse.
        • [Quand bien même,] l’acidose métabolique qui en résulte est considérée par de nombreux auteurs comme le principal facteur de fatigue et d’arrêt de l’exercice intense et de courte durée : 30 s. à 5 min. (Sahlin, 1991)
        • [Cependant,] bien que l’acidose soit concomitante de la fatigue musculaire et de l’incapacité fonctionnelle, [les] données expérimentales semblent indiquer qu’il n’y a pas de relation de cause à effet entre la chute du pH et la baisse de la force contractile.
    • Des déterminations différentes n'aboutissant pas à une même valeur :
      • Chacune de ces méthodes indique une vitesse et ces vitesses sont différentes entre elles ; parfois peu (auquel cas on pourrait parler de "zone Seuil" commune), parfois beaucoup.
      • Des observations chez des patients victimes de la maladie de Mac Ardle (impossibilité de dégrader le glycogène et donc de créer de l'acide lactique) montre qu'en absence de seuil lactique ils présentent malgré tout un seuil d'hyperventilation ... embêtant lorsqu'on essaie de relier l'hyperventilation à l'excès d'acide lactique ...
    • Des déterminations sans "justesse" :
      • Ces méthodes aboutissent également parfois à des résultats différents selon les réserves en glycogène emmagasinées avant le test => problème de justesse du test.
      • La valeur de ce "seuil" n'est pas constante dans le temps et nécessiterait une mise à jour régulière ... mais peu pratique au quotidien.
    • Le seuil existe-t-il seulement ?
      • Tous les processus et métabolismes fonctionnent de concert et c'est peu probable qu'il existe naturellement un Seuil bien identifié entre fonctionnement aérobie et anaérobie ... au mieux une zone "Seuil". D'ailleurs la concentration du lactate dans le sang (lactatémie) n'est pas représentative de ce qui se passe dans le muscle. Ainsi alors que la courbe de lactatémie en fonction de l'effort semble exponentielle, elle est linéaire quand on s'attarde sur le lactate au niveau musculaire ... et dans ce cas, bien fort est celui qui détectera un seuil sur une droite

Pour exemple, voici ci-dessous l'évolution conjointe de la lactatémie sanguine (Las en bleu) et musculaire (Lam en vert) lors d'un sprint de 400m, avec une évaluation tous les 100m (source : savoir-sport.org) :

:-)

Bref, on est loin de tout savoir

mais les notions de "lactate" raison 1ère de tous les maux et de "seuil" sont bien loin de s'évaporer.

Dans quel but ?

Un entrainement cohérent s'oriente vers la pratique régulière de TOUTES les vitesses. La vitesse "Seuil", quelle qu'en soit sa définition et même s'il parait impropre de la nommer ainsi, est située entre l'endurance fondamentale et la Vma. Le seuil fait donc partie intégrante des vitesses à travailler en hors-stade et il n'y a donc pas de raison particulière de le bouder.

On peut également constater que la vitesse "Seuil" se situe entre la VMA et l'endurance fondamentale et l'entrainement à ces deux vitesses passe par :

    • une pratique en intermittent pour la Vma
    • une pratique en continu pour l'endurance

L'entrainement au "Seuil" pourrait ainsi s'envisager selon ces deux modes, intermittent ou continu, en faisant une sorte de synthèse entre courir vite et courir longtemps.

La travailler, Pourquoi ?

Quelle que soit la véracité de son existence et le moyen de déterminer ce "Seuil", il peut être éventuellement utile pour un suivi longitudinal du coureur en suivant l'évolution de cette vitesse (avec un détermination de celle-ci par un protocole toujours identique). Le but étant de voir cette vitesse augmenter.

Le but du travail au seuil anaérobie est également de faire fonctionner la clairance du lactate à plein régime. On sait qu'à cette vitesse il y a une sorte d'équilibre entre production et métabolisation du lactate. On peut comparer cette notion du travail de la VMA, vitesse à laquelle la "machine aérobie" fonctionne à pleine puissance.

Il semblerait également que ce type de séance améliore particulièrement l'Endurance Aérobie (EA).

La travailler, Comment ?

Nous ne disposons pas pour la plupart d'entre nous de tests et d'équipement suffisants pour déterminer avec précision cette vitesse "Seuil anaérobie". Nous nous basons alors sur des approximations statistiques. Il est ainsi couramment admis que la vitesse "Seuil anaérobie" est proche de la vitesse tenable environ 1h en compétition ou VS1H. Selon l'endurance du coureur cette vitesse peut varier entre 80 et 90% de la VMA.

- En balayant la zone d'intensité de 80 à 90% VMA

- avec des volumes de 20 à 40'

- avec des fractions moyennes de 6 à 10'

- avec des récupérations de 3 à 1'