Un test VMA pourquoi faire ?

Un test Vma pour quoi faire ?

Au fil du temps, je suis de moins en moins convaincu par la détermination de la Vma via un test de terrain(*) et surtout par l'utilisation qui peut par la suite en être faite pour l'entrainement du coureur.

C'est quoi la Vma ?

Tout d'abord soyons francs, la Vma est un concept difficile à appréhender. Il me parait simpliste d'affirmer qu'il s'agit de la vitesse de course que nous atteignons lorsque notre consommation d'oxygène devient maximale (=VO2max). En effet, il n'existe pas une vitesse unique pour laquelle on parvient à VO2max. Si cela n'est pas clair pour vous je vous oriente vers les concepts d'état transitoire et d'état stable, et de cinétique et de composante lente de VO2.

Quand bien même on se mettrait d'accord pour donner UNE définition de la Vma et sauf par un heureux hasard, sa valeur exacte est impossible à évaluer sans procédé de mesure de la consommation d'oxygène ... et telle est pourtant la situation pour l'écrasante majorité des coureurs.

Pour ceux qui voudraient s'orienter vers un test en laboratoire, si ce dernier peut effectivement permettre une détermination assez précise de la VO2max, raccrocher cette valeur à la Vma est alors plus difficile vu les conditions de réalisation du test qui s'éloignent des conditions réelles de pratique : en intérieur (pas de ventilation), équipement de mesure de la VO2 pesant et gênant les mouvements, nature du "sol" (tapis de course), foulée de "pseudo-course" car course sur tapis roulant, etc.

Des tests de terrains existent pour estimer la Vma !

Certes des tests de terrain ont été mis en place pour estimer cette grandeur mais ils sont à la base entachés d'erreur, obligatoirement, de par leur principe même de non-mesure de la consommation d'oxygène.

De plus, le profil plus ou moins "endurant/résistant" du coureur entrainera à l'issue du test une interprétation différente du résultat et dire si ce dernier coïncide avec sa VO2max sera peu évident. Un coureur typé demi-fond risque ainsi de surestimer sa Vma de par sa plus grande tolérance à l'acidose musculaire, car cette particularité lui permettra de pousser son test plus loin tout en ayant déjà atteint sa VO2max. Bref, quid de la représentativité de la valeur obtenue dans ce cas ?

Je remarque aussi qu'au fil du temps le coureur habitué à ce type d'exercice a souvent une motivation qui s'érode et des difficultés à mener le test jusqu'au bout car il sait que la fin sera difficile. Il a également été démontré qu'il est plus difficile de mener à terme un test exténuant sur une base de durée plutôt que sur une base de distance ... en plus dans le cas présent la "fin" n'est même pas déterminée. Bref encore une fois, quid de la représentativité de la valeur obtenue dans ce cas ?

Pour finir, si on se focalise beaucoup sur la détermination de la Vma, on pense rarement à réaliser le test qui devrait logiquement suivre concernant le temps de soutien de la Vma obtenue ... mais ce test à faire passer individuellement est peu pratique à mettre en place. L'entraineur se retrouve alors par la suite un peu dépourvu pour définir le profil complet du coureur et notamment déterminer le volume des séances alors qu'il est bien utile de connaître cette variable ... par ailleurs assez difficile à évaluer car encore une fois la fin du test n'est pas déterminée par avance.

Bref, si des "tests de terrain" existent pour permettre l'estimation de la Vma, ne serait-il pas plus raisonnable d'accepter dès le début les limites du concept mais d'utiliser ces limites afin d'orienter l'entrainement de type "Vma" vers d'autres bases plus sûres ?

Déterminer la Vma pourquoi ?

Revenons tout d'abord à l'essentiel, pourquoi veut-on déterminer ce paramètre ? Il faut alors revoir ici les concepts de vitesse/Vma, de consommation d'oxygène/VO2max et de rendement de course pour comprendre que la "séance de Vma", telle qu'on l'entend classiquement en France au niveau fédéral, associe lors d'une même séance deux objectifs différents :

- Un travail physiologique / bio-énergétique : Maintenir ou Développer sa consommation maximum d'oxygène (VO2max)

- Un travail bio-mécanique : Participer au maintien ou au développement de son économie de course.

Et si, comme on l'a fait précédemment, on définit la Vma par rapport à la consommation maximale d'oxygène, le but visé est alors avant tout physiologique et bio-énergétique avec pour but premier le maintien ou développement de la VO2max "spécifique" du coureur ; l'aspect bio-mécanique n'en découlant alors qu'indirectement. Je parle ici de "spécifique" car cette qualité est à travailler de manière spécifique à notre pratique ... donc en courant.

En découplant les objectifs visés, il sera alors temps par la suite de réaliser des séances spécifiquement orientées vers le travail bio-mécanique.

Également, une critique que je fais à l'utilisation souvent faite de la Vma est qu'on évalue la quasi-totalité des allures de courses à l'entraînement au travers du prisme de cette unique valeur : le travail de la Vma c'est 95 à 105% de la Vma, le travail de la VS10 c'est 85 à 90% Vma, le travail de la VS21 c'est 80 à 85% Vma, le travail de l'allure marathon c'est 75 à 80% Vma, etc. Mais dans ce cas, l'Endurance du coureur, soit la manière dont décroît sa vitesse selon le temps d'effort, n'est pas prise en compte dans la personnalisation de l'entraînement.

Le chrono, vraie référence et seul juge de paix !

Bref j'en reviens de plus en plus au simple résultat d'une compétition de distance car :

- Une course réalisée à plusieurs permet d'obtenir l'émulation et la motivation voulue,

- Une distance fixée à l'avance (et pas une durée comme le 1/2 Cooper) permet une meilleure appréciation et gestion de l'effort,

- En une seule épreuve exténuante, on obtient une vitesse associée à un temps de soutien.

Ainsi, sachant qu'il y a statistiquement très peu de chance que la Vma soit tenue au delà d'une dizaine de minutes, il serait sans doute préférable de trouver une distance de compétition correspondant à une telle durée et on sera ainsi certain d'atteindre le but fixé tout en réduisant certains risques :

- Obtenir une vitesse strictement inférieure à la Vma ... et donc de ne pas risquer un travail trop lactique lors de nos séances d'entrainement (pas d'intérêt en hors-stade voire contre-productif),

- mais on sera dans tous les cas suffisamment proche de la Vma pour travailler efficacement la VO2max

Je pense que c'est d'ailleurs en ce sens que Jack Daniels (JD) établit son allure "I-Pace" (Interval-Pace). Si on regarde bien les chiffres présents dans son tableau indiquant les allures de travail en fonction de chronos en course on peut effectivement en déduire que l'allure "I-Pace" correspond à une vitesse tenable 15' moyennant un indice d'endurance (IE) de -5. Si l'on se réfère à l'entrainement conseillé par Serge Cottereau (SC) la résistance dure est l’allure que l’on pourrait tenir pendant 12 à 20 minutes en compétition, cela est tout à fait cohérent avec la durée utilisée par JD.

En cela, et même s'il s'agit d'un test de durée et pas de distance, je serai même enclin à plutôt utiliser le résultat au fameux test de Cooper sur 12' ... et pas pour en déduire la Vma du coureur on est bien d'accord !

Du coup, en faisant un tel test (ou plutôt compétition), on n'a même plus besoin de se référer au tableau de JD qui tient compte pour son calcul d'un IE moyen pour tous les coureurs (qui considère d'ailleurs une endurance élevée !) et pas forcément propre à chacun. Par une course/test on obtient alors DIRECTEMENT sa véritable allure "I-Pace", totalement personnalisée, simplement en courant sur une distance en gros entre 2500 et 5000m (selon son niveau) pour correspondre au final à une durée de course avoisinant les 15'.

L'entrainement se basera alors sur cette indication de vitesse/allure et durée/temps de soutien pour travailler l'aspect "vma" ... ou plutôt VO2max.

Comment alors utiliser ce paramètre dans l'entrainement du coureur ?

Je n'invente rien et les sources d'information, malgré leurs origines variées, convergent assez pour montrer qu'un travail efficace de la VO2max à cette vitesse passe par des fractions unitaires courues autour de 4' (3 à 5'). On retrouve cela dans les préconisations de JD et SC mais aussi dans les écrits d'entraineurs travaillant sur la base de la Vma comme Bruno Heubi (BH). Il propose des efforts proches de 90% Vma sur des durées de 4' environ ... et 90% Vma coïncide assez bien avec un vitesse tenable 15' (en moyenne bien sûr car variable selon l'endurance).

Concernant le volume total (ou le nombre de fractions), théoriquement, une même durée totale de travail à cette vitesse appliquée à différents coureurs aura pour conséquence une charge externe comparable pour tous car ce sera un travail d'une même durée totale à une vitesse différente pour chacun mais tenable pour tous le même temps maximum.

Il faudra cependant aussi tenir compte du volume total de pratique hebdomadaire. On peut alors se baser sur des règles empiriques (ou plutôt un cadre) proposées par certains entraîneurs de renom (8% du kilométrage hebdomadaire pour JD, participe pour un total d'environ 5-6% de la durée hebdomadaire passée à courir pour SC).

On pourra aussi adapter à l'ancienneté de pratique du coureur à de telles vitesses car, même si nous avons déjà une vitesse ainsi qu'un volume personnalisés, il faudra appliquer le principe de progressivité chez les débutants en commençant par de petits volumes (même si cela devrait pris en compte par la règle juste au dessus avec des débutants commençant généralement à courir globalement peu dans la semaine).

Quelle récup' (durée et intensité) ?

Le principe est de solliciter une forte consommation d'oxygène donc théoriquement, la "meilleure" séance consisterait à courir en continu le plus longtemps possible à cette vitesse. Mais un autre principe est de totaliser la plus longue durée à un niveau proche de la consommation d'oxygène maximale et le travail en fractionné se révèle alors plus "rentable" que de faire une course en continu. Les phases de récupération doivent alors permettre :

- une bonne récupération neuro-musculaire et cardio-pulmonaire pour être frais et disponible pour la fraction suivante. On aura alors tendance à augmenter la durée des récupérations

- un bon recyclage des lactates produits, ce qui oriente vers une récupération assez active et donc en footing "modéré" et d'une durée plutôt longue

- de ne pas repartir d'une intensité trop basse pour permettre de revenir le plus rapidement possible à une intensité de travail "efficace". On aurait alors tendance à repartir assez vite et à limiter le temps de récupération.

Cependant, de par la durée relativement longue des fractions de course, celles-ci permettent malgré tout de passer (en ratio) un temps non négligeable à une intensité utile. Ce pourquoi toujours les mêmes entraineurs prônent une récupération quasi-complète ... du moins en début de cycle, quitte à la réduire un peu au fil de la saison. L'ordre d'idée est : temps de la fraction -1' jusqu'à la moitié du temps de la fraction. Sachant qu'il sera toujours préférable de ne pas trop réduire la durée des récupérations et permettre plutôt la réalisation d'une fraction supplémentaire.

Concernant le contenu de la séance pour le coureur, attention cependant ! Si tous vos coureurs pourront courir 15' à cette vitesse, faire une fraction de 3' sera différent que de courir durant 5'. En programmant par exemple des 1000m à cette vitesse, si les vitesses de travail s'échelonnent entre 12 et 20km/h, alors pour un volume total identique, disons de 15' pour simplifier les calculs, certains ne devront faire que 3 répétitions (de 5' chacune) alors que d'autres feront 5 répétitions (de 3' chacune).

Pour terminer, voici deux exemples pour illustrer les "dosages" que l'on pourrait appliquer sachant que j'ai rapproché la notion d'expérience du coureur en rapport avec le volume hebdomadaire qu'il est capable de "digérer" habituellement et que j'ai considéré une approche et un objectif communs du planning de préparation à l'objectif.

Premier CAS :

- Soit A un coureur "rapide" (5km courus en 15') et expérimenté (totalisant environ 70km par semaine)

- Soit B un coureur "lent" (3km courus en 15') et PEU expérimenté (totalisant environ 35km par semaine)

- Si l'entraineur oriente sa séance du jour vers l'option "Même distance de fraction (1000m par exemple) pour tout le monde", A pourra faire 5-6x1000m lors que B fera 3x1000m. En effet, 8% du kilométrage hebdo implique respectivement pour A et B un volume de travail de 5600m et 2800m.

- Si l'entraineur oriente sa séance du jour vers l'option "Même durée de fraction (4' par exemple) pour tout le monde", A fera des 1300m voire 1400m (car il court un 5km en 15' soit du 3' au km) alors que B fera des 800m (car il court un 3km en 15' soit du 5' au km). Si l'entraineur décide un volume total identique pour tous, alors A pourra faire 4x1400m (5.6 km au total) et B fera 3à4x800m (proche de 2800m au total).

Second CAS :

- Soit A un coureur "rapide" (5km courus en 15') et PEU expérimenté (totalisant environ 40km par semaine ... le chanceux !)

- Soit B un coureur "lent" (3km courus en 15') et expérimenté (totalisant environ 60km par semaine ... besogneux mais malchanceux !)

- Si l'entraineur oriente sa séance du jour vers l'option "Même distance (1000m par exemple) pour tout le monde", A fera 3x1000m et B fera près de 5x1000m. En effet, 8% du kilométrage hebdo implique respectivement pour A et B un volume de travail de 3200m et 4800m.

- Si l'entraineur oriente sa séance du jour vers l'option "Même durée de fraction (4' par exemple) pour tout le monde", A fera des 1300m/1400m et B fera des 800m (ici rien ne change par rapport au 1er cas). Par contre, si l'entraineur décide un volume total identique pour tous, alors A fera cette fois 2à3x1400 (3200m au total) et B fera plutôt 6x800m.

Dans les 2 cas les récupérations sont comparables :

- Option "fraction de 1000m pour tous" : La récupération sera alors typiquement de 1'30 à 2' pour A et de 2'30 à 4' pour B.

- Option "fraction de 4' pour tous" : La récupération est la même pour nos 2 coureurs : entre 2 et 3'.

On pourra bien entendu adapter la durée des récupérations :

- au moment de la saison : plutôt longue en début en la diminuant au fil de la saison

- à l'expérience du coureur : plutôt longue pour les "newbies"

- aux capacités propres de récupération du coureur : +longue si mauvaise récup'

- à la forme du jour ... toujours.

(*) : Par test de terrain j'entends les procédés se basant uniquement sur des mesures de distance/vitesse/temps et surtout les tests triangulaires avec intensité croissante intermittents (type TUBII) ou continus (type VameVal ou Brue) et dont la détermination de la Vma (ou plutôt l'estimation) se base sur le dernier palier atteint.