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LA CHAPELLE DE DROMON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Institut Gallilléo

 

 

Les Sentiers de la mémoire 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un paysage magnifique, azuréen, onirique, qui suggère que ces lieux ont été le berceau des rêves humains, de leurs espoirs et peut-être de leurs utopies et de leurs luttes. Ce paysage baigné de lumière, c’est celui de la haute vallée du Vançon, territoire isolé des Alpes de Haute Provence aujourd’hui rendu à un silence presque parfait. Mais de ce silence, montent encore quelques murmures venus du fond des âges. Ces murmures peuvent être perçus par ceux qui ont des oreilles pour entendre. Les indices d’un vaste rébus peuvent aussi y être observés par ceux qui ont des yeux pour voir.

 

Ce territoire jalonné par quelques villages et hameaux (Entrepierres, Chardavon, Saint- Geniez, les Chaberts), semble hanté par des histoires et des légendes qui ont englouti les travaux de nombre de chercheurs, et illuminé bien des rêves farfelus.

 

Au départ de Sisteron, il faut prendre « La route du temps », qui se dirige vers l’Est. Cette route sinueuse, champêtre et sauvage, nous fait grimper vers une autre dimension, celle de la mémoire. Au niveau du défilé dit de la pierre écrite, une plaque gravée de caractères latins rend hommage à un Romain illustre qui avait décidé de se retirer en ces terres. En ces âges sombres, il avait donné à son fief le nom de Théopolis (La Cité de Dieu). 

Plus loin, sur le flanc du rocher de Dromon, se dresse une petite chapelle. Celle-ci recèle une mystérieuse crypte, abritant une énorme pierre ronde dite de fécondité.

 

D’autres signes énigmatiques parsèment le paysage.

Existe-t-il un lien entre tous ces signes ?

 

Pascal Grimault et Jacques Honnorat vous invitent à emprunter les sentiers de la mémoire …

 

 

Un peu de géographie

 

Lorsqu’on arrive près de Dromon on est tout de suite frappé par la beauté et l’étrangeté des reliefs.

Sans doute que les premiers habitants de ce lieu ont également été sensibles à la particularité de ce biotope : des rochers aux formes curieuses pouvant servir de forteresses naturelles, de lieux de culte, de caches, ou de tours de guet pour contrôler ce territoire retranché de la vallée de la Durance.

De l’eau en abondance grâce d’une part à l’existence de sources, et d’autre part à la présence de torrents comme le Vançon. Ainsi l’endroit a pu constituer un territoire de chasse privilégié.

Autres richesses, plus particulièrement liées aux sols, la présence de gypse (l’albâtre a été travaillé jusqu’à une période récente), de minerais qui ont favorisé l’activité des métallurgistes, et aussi la présence de fossiles qui ont pu être au néolithique considérés comme des objets magiques.

 

La zone est réputée aussi pour être très propice à la chute de météorites, et certains chercheurs parlent même d’un couloir météoritique.

Les lieux sont également connus pour une activité sismique peut-être à l’origine de mouvements de population à l’époque de l’antiquité tardive.

 

La zone du rocher de Dromon, située dans les Alpes de Haute-Provence, correspond donc à un territoire très riche d’un point de vue géologique.

 

Le Rocher de Dromon et la chapelle (Institut Galliléo- Pascal GRIMAULT)

 

Les Alpes provençales sont accidentées, leur relief culmine avec l'aiguille du Chambeyron    (3 400 m).

 

Différentes parties se dessinent :

 

 

 

 

 

 

Ce relief compliqué est fragmenté par les vallées d'un certain nombre de rivières. La Durance domine ce réseau hydrographique, car, à l'exception du Var, dans le sud-est du département, toutes les rivières, dont les principales sont l'Ubaye, le Sasse, la Bléone, l'Asse, le Verdon, le Vançon, confluent vers le canal durancien, artère respiratoire de la Haute- Provence.

 

Les Alpes de Haute Provence sont particulièrement remarquables par différentes manifestations géologiques : les rochers de Sisteron, les Pénitents des Mées, les cluses de Barles et de Chabrières, les Cadières de Brandis, surtout le formidable canyon du Verdon avec ses à-pic de 500 et 600 m, ne sont que les aspects les plus frappants d'une nature qui semble s'être complue à dresser ou à bousculer le roc, à le fouiller, à le sculpter avec un art fantastique. Nous verrons aussi à quel point le territoire qui entoure le village de Saint Geniez est marqué par une riche topographie.

Mais aux éléments rocheux, il faut ajouter bien d'autres richesses en paysages : amples forêts favorisées parfois par la désertion des campagnes, lacs naturels comme celui d'Allos, ou artificiels comme ceux que forment les barrages de Serre-Ponçon, Castillon, Sainte-Croix. Le climat est méditerranéen dans l'ensemble, mais se nuance d'alpestre au fur et à mesure qu'on va vers le nord. Les cieux sont très purs, le soleil éclatant.

Les ressources du pays sont tributaires, en bien et en mal, de ces conditions climatiques et orographiques. L'agriculture a presque entièrement délaissé la moyenne montagne, où elle était fort pauvre, faisant place à l'élevage du mouton, et s'est concentrée sur les plateaux, dans les vallées, principalement celle de la Durance. Lavande, cultures maraîchères, vergers, céréales, maïs prédominent. Le vignoble, qui donne quelques crus de qualité, est surtout l'apanage du sud de la vallée de la Durance et de ses coteaux. Les pâturages de la haute montagne continuent d'attirer la transhumance et assurent une certaine production laitière.

 

 

Le texte en italique qui suit, extrait de l’ouvrage de Marc de Leeuw « Histoire de Saint-Geniez de Dromon », nous renseigne précisément sur ces aspects.

 

« Le territoire de Saint-Geniez de Dromon appartient aux chaînes subalpines de Haug, comprenant du Trias (première période de l'ère secondaire caractérisée par trois types de dépôts : grès bigarrés, cal­caires coquilliers et marnes irisées), du Jurassique (ère secondaire marquée par le dépôt d'épaisses couches calcaires), du Crétacé (fin de l'ère secon­daire, période de formation de la Crau) et de la molasse rouge oligocène (grès tendre formé souvent dans les dépressions montagneuses)

En cette période la mer remonte jusqu'au niveau de la ville actuelle de Lyon, la région sera créée par le comblement progressif de sable et de galets déposés par les cours d'eau et la mer.

Ceci explique la présence des champs de fossiles de la réserve géologique qui s'étend sur les Alpes de Haute Provence.

 

Ammonite- Collection privée Jacques Honnorat- Cliché Institut Galliléo

 

 

«  Cette zone est caractérisée par des chevauchements et par une structure imbriquée. Ces chaînes subalpines s'enfoncent sous la zone gapençaise, phénomène bien visible aux Traverses.

Mais la zone des chaînes subalpines qui comprend les plissements de molasse miocène est caractérisée par des accidents tectoniques de direction Est-Ouest. En témoignent Chardavon et Saint-Geniez jusqu'aux Traverses et la montagne de Mélan.

 

 

Les dépôts triasiques, quartzites, calcaires, cargneules (calcaires magné­siens caverneux et cloisonnés de la région alpestre) et gypses indiquent qu'ils se sont constitués dans des lagunes après le retrait de la mer triasique.

Plus tard, au Miocène, un affaissement se produit et la mer revient par le Sud-Ouest puis se retire définitivement. C'est avant le retour de la mer que se forment la montagne de Saint-Geniez et ensuite la montagne de Vaumuse et du Forest d'Abros.

Saint-Geniez appartient à la zone des Barres qui s'étend sur les pays de Castellane, Barrême, Digne, Barles, Turriers, La Motte-du-Caire et Siste­ron. Les « barres » de rochers sont des structures complexes : elles sont constituées de calcaires tithoniques qui présentent une face rocheuse abrupte, presque verticale, et un plan plus ou moins incliné.

Les dues qui traversent ces masses solides sont courtes et les vallées pro­fondes et bien évasées. Les sommets qui entourent Saint-Geniez sont la montagne de Gache (1 335 m) avec le Lauzas (1 312 m), le Gourras ou Baume Rousse qui part de 1 352 m à l'ouest, descend à 1 219 m au Pas de l'Échelle et remonte vers le Trainon (1 654 m).

Du Trainon, la crête descend vers la route d'Authon à 1 233 m. À l'est, au lieu-dit Briançon, territoire d'Authon, la colline de Saint-Michel est à 1 287 m et celle de Vachères à 1 313 m.

Ensuite la majestueuse Cluchette culmine à 1 708 m. Vers le sud, la col­line de Saint-Joseph atteint 1 364 m et la montagne d'Aigues-Champs (au sud de Chardavon) 1 348 m au Pas de la Vache ».

 

 

 

 

 

« Les montagnes environnant  la vallée du Vançon » - Huile sur toile 1987-

Geneviève Honnorat

La haute vallée du Vançon, avec en fond le massif des Monges. Cliché Institut Galliléo- Pascal GRIMAULT

 

 

 

 

Les minerais.

 

En 1835, dans son dictionnaire historique et topographique de la Provence ancienne et moderne, E.GARCIN écrivait :

«  Le territoire de Dromon offre une mine de plomb, une fontaine d’eau salée imprégnée de foie de souffre, du vitriol, des pierres remplies de soufflures, qui font présumer que le pays a eu des volcans »

 

 

La chapelle de Dromon - Saint-Geniez. Cliché Institut Galliléo- Pascal GRIMAULT

Le christianisme en Provence au V eme Siècle

 

A l'époque romaine

La Haute Provence était alors peuplée de Celto-Liguro-Gaulois, qui ont vu arriver, environ cent ans avant Jésus-Christ, les Romains, ces derniers ayant annexé, entre autres, la

« Provincia Romana » (la Provence actuelle et le Languedoc), à leurs déjà larges possessions.

Ils imposent une autre civilisation, certains progrès techniques, mais aplanissent, normalisent la culture.

En ouvrant des voies de communication, les Romains intensifient les échanges. La Voie Domitienne, reliant l'Italie du Nord à l'Espagne, en passant par le col du Mont-Genèvre, Sisteron, Forcalquier, Céreste, Apt, a largement contribué à la circulation des hommes, à la diffusion des idées. Elle continuera, jusqu'au delà du Moyen Âge, son rôle de voie de communication en étant aussi le chemin des pèlerins.

Ce peuple celto-liguro-gaulois, déjà riche de plusieurs cultures, avait ses divinités, qu'il vénérait. Les Romains aussi avaient leur panthéon (Mercure, Sylvain, Esculape, Victoire, entre autres, dont on a retrouvé des fragments d'autel, lesquels se trouvent aux musées de Digne-les-Bains et de Riez.).

Tout cela pouvait cohabiter ou s'hybrider. La religiosité était intense, dans des sanctuaires comme Le Chastelard (commune de Lardiers), entre le premier et le troisième siècle de notre ère : des foules de pèlerins ont laissé, en signe de dévotion, des milliers de petites lampes à huile et autres objets votifs. De même pour le sanctuaire de La Cassine (commune de Montfort) où là aussi, entre le premier et le deuxième siècle, des hommes sont venus en nombre faire leurs dévotions.

 

 

Les premiers évangélisateurs

C'est dans cette société romanisée que, vers le troisième siècle, les premiers évangélisateurs arrivent en Provence, apportant des espérances nouvelles, si l'on occulte les légendes qui font aborder aux Saintes Maries de la Mer, une barque portant Marthe, Marie-Madeleine et Lazare. Les Provençaux ont l'aisance de transposer les événements chez eux ! Et les pastorales du dix-neuvième siècle feront volontiers naître Jésus dans un village de Provence.

Après avoir déjà atteint les grandes cités romaines, Lyon, Vienne, au cours du deuxième siècle, ils arrivent maintenant à Marseille, puis Arles, puis remontent vers Apt, qui est une des premières villes de l'arrière-pays à être christianisée, mais discrètement car la liberté religieuse n'est pas totale.

Il faudra attendre le début du quatrième siècle (313) pour que cette liberté soit reconnue par l'empereur romain Constantin. Plus libre, le christianisme va alors sortir des grandes villes pour s'étendre aux zones rurales.

 

Les premières abbayes

Au début du cinquième siècle, vers 410, Honorat, de retour d'Orient, où il a connu la vie monastique, fonde, aux Iles de Lérins, le premier monastère d'Occident. Cassien, venu de Roumanie, établit à Marseille, vers 415, l'abbaye Saint-Victor.

 

 

 

 

Abbaye de Saint Victor à Marseille

 

 

L'abbaye de Lérins rayonnera sur toute la Provence, et sera une pépinière d'évêques (Maxime, Fauste de Riez). De même les abbayes Saint-Victor de Marseille, de Montmajour, de Villeneuve-lès-Avignon essaimeront dans l'arrière-pays.

Une mystérieuse inscription, la « pierre écrite » à Saint-Geniez, signée du préfet romain Dardanus (au début du cinquième siècle), qui connaissait saint Jérôme et saint Augustin, fait état de sa retraite dans cette petite vallée, en un lieu nommé « Théopolis », la cité de Dieu, où il est venu chercher la sérénité. Tout cela demeure énigmatique !

Des évêchés sont fondés à Apt (à la fin du troisième siècle), à Digne, à Embrun (aux quatrième et cinquième siècles), à Riez, Senez, Sisteron, Entrevaux (aux cinquième et sixième siècles).

Et la tradition, la légende, l'histoire (il est souvent difficile de démêler les trois !) nous rapportent les noms des premiers évangélisateurs : Domnin et Vincent à Digne, Marcellin à Embrun, tous les trois venus, semble-t-il d'Afrique du Nord, Maxime à Riez.

 

 

Le temps des « barbares »

Dans ce même temps, la domination, la puissance romaine déclinent progressivement, et l'empire romain d'Occident s'éteint à la fin du cinquième siècle, laissant les voies ouvertes aux envahisseurs : Vandales, Wisigoths, Francs, Ostrogoths, Burgondes, Lombards, et Sarrasins, qui, pendant près de quatre siècles (du sixième au neuvième siècle) occuperont plus ou moins régulièrement, plus ou moins violemment, ce pays. Ils s'y installeront en gardant la culture latine comme base, et le mélange des populations se réalisera en partie par le christianisme, car les évêques et les abbayes vont récupérer une bonne partie du pouvoir politique et culturel.

 

                   

 

 

 

 

Dans ce milieu instable, le christianisme se répand lentement (baptistère de Riez du sixième au huitième siècle, autel de Digne du sixième siècle, chancels de Limans du septième siècle). Les sanctuaires chrétiens ont souvent été établis sur des sites gallo-romains ou antérieurs, car le christianisme a abordé un pays déjà empreint de religiosité, de croyances, de pratiques ancestrales, qu'il a fallu assimiler lentement, adapter en douceur.

 

 

Le christianisme change les croyances, mais maintient les usages, les habitudes. C'est, peut-être là son universalité, sa nouveauté, de pouvoir s'imprégner, et d'assimiler les apports les plus divers de chaque culture.

 

Le temps des « bâtisseurs »

A partir du dixième siècle, les monastères, couvents, abbayes, prieurés vont se multiplier. Du dixième au treizième siècle, le christianisme s'établit partout.

C'est le temps des bâtisseurs : du onzième siècle nous restent les églises Saint-Donat de Montfort, Saint-Martin de Volonne, la crypte de Vilhosc à Entrepierres, la crypte de Dromon à Saint Geniez.

 

 

 

 

Plan en coupe de la Chapelle de Dromon – Fond archives Institut Galliléo

 

 

 

 

La Chapelle

 

La chapelle Notre Dame de Dromon, sur le site de Dromon (antique oppidum, du XIIe siècle, mais reconstruite en 1656, en ruines dans les années 1970 et restaurée depuis. Les chapiteaux sont du Xe siècle. Elle se trouvait à proximité d’un ancien château du XIe siècle. Elle est bâtie sur un plan triconque : une abside en cul-de-four et deux absidioles. Elle possède une crypte datant des VIIIe/IXe siècles et aux décorations de style byzantin. La chapelle latérale de la crypte a presque disparu, il ne reste que l’abside. L’ensemble et le sol environnant sont classés monument historique.

 

 

 

 

 

Plans de la Chapelle.

 

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Fond documentaire - Institut Galliléo

 

 

 

Elle abritait une statue de la Vierge à l’Enfant, en albâtre, du XVIIe siècle (classée monument historique au titre objet). Celle-ci se trouve actuellement conservée à la Mairie de Saint-Geniez.

 

La vierge en albâtre - Cliché Institut Galliléo- Pascal GRIMAULT

 

 

Les éléments ci-après sont repris d’une étude approfondie de Fernand Benoît[1] :

«  Bâti semble-t-il au XIe siècle sur des vestiges antérieurs, l'édifice comporte deux niveaux. La crypte particulièrement émouvante possède des colonnes à chapiteaux sculptés de motifs, représentant entrelacs, végétaux et animaux. Le plan en trois parties de cette crypte a laissé supposer qu'elle était conçue pour conserver des reliques. On a alors pensé à celles de saint Genies, dont une partie des ossements auraient été transférés depuis Arles jusqu'ici au XIème siècle, par les bénédictins de l'abbaye de Saint-Victor.

La chapelle est constituée d'une nef centrale sans transept, qui donne directement sur une abside voûtée en cul-de-four, et d'une seule nef latérale, côté sud.

L'arc doubleau et la banquette presbytérale datent du XIe siècle ; le voûtement, lui, est du XVIIe siècle et a été restauré.

Des deux côtés de l'autel, les chapiteaux à feuille d'acanthe sont en albâtre, sans doute issus de l'ancienne carrière située au bord de la rivière "Le Vanson".

La crypte, quant à elle, date du haut Moyen-Âge et aurait été édifiée autour de l'an mille.

Elle a les mêmes arcs doubleaux que la chapelle supérieure : ils divisent en trois travées la nef, voûtée en berceau.

Les arcs sont soutenus par des impostes en grès qui reposent sur des chapiteaux d'albâtre sculptés. Le premier représente un paon et un bélier, le second des gerbes de blé ; leurs bases sont moulurées de tores.

Le classement au titre de monument historique de 1910 et l'inscription de 1993 ont été annulés et remplacés par un autre classement en 1997.

Au-dessus de la crypte, l'église haute était construite sur le même plan ; l'ensemble a été remanié au XVIIe siècle. Une partie de l'édifice s'étant écroulée, l'amputation d'un morceau de nef se retrouve sur les deux niveaux.

 

L’édifice

La construction primitive, transformée par la restauration du XVIIe siècle, comportait deux édifices juxtaposés, contemporains : une crypte en triconque, avec couloir transversal dote de deux entrées symétriques, àla­quelle est superposée une chapelle haute ; sur le flanc Nord de cette crypte, et en contrebas une seconde cha­pelle, dont il ne subsiste plus que la base de l'abside.

La chapelle haute fut agrandie au XVIIe siècle d’une travée vers l’ouest pour pouvoir accueillir l’affluence des pèlerins. La superficie en fut ainsi doublée ».

D’après F. Benoît, le plan primitif de l’édifice étant à deux étages, cet aménagement fut concomitant avec la destruction de la chapelle latérale nord (auquel se substitua l’église supérieure)

La consolidation de l'édifice, à pic du côté du Nord sur le ravin, et l'établissement d'un terre-plein à l'Ouest pour l'assise de la  nouvelle travée, rendirent nécessaire la construction d'un mur de soutènement au Nord. L'absidiole et l'entrée du couloir de la crypte furent murées.

Toute communication fut ainsi supprimée entre les deux édi­fices.

Seule l’abside de la chapelle latérale fut conservée de part son caractère sacré.

Ce ré agencement de l’édifice daterait de 1665.

F. Benoît mentionne :

 

« L’aménagement de la chapelle : statue en albâtre de la Vierge signalée dans l' Btat des paroisses du diocèse de Gap en 1707 ; cloche ornée de la figure de la Vierge, de 1674 ; bénitier d'albâtre de 1677.

 

Cliché- Institut Galliléo

De nombreux ex-voto, gravés sur les murs extérieurs par les pèlerins (gravure à  percussion de tradi­tion archaïque) mentionnent des dates, dont les plus anciennes remontent au milieu du XVIIe siècle) 1656, 1673, 1682,1761, 1765, 1773) et comportent parfois la mention du 2 juin, date  d'un pèlerinage populaire».

Sa construction a été faite  sur la déclivité de la pente inclinée du sud au nord.

 

L'abside centrale a une ouverture de 2,17m et une profondeur de 1,60 m.

 Les deux absidioles latérales : deux niches, ouvrant de chaque côté d'une travée couverte en berceau : 98 cm d'ouverture.

 L’absidiole du Sud, la seule visible, surélevée de deux marches, n'a que 1,80 m. de hau­teur. Elle est voûtée en Cul-de-four.

La première  travée, plus étroite, voûtée en berceau, est délimitée par deux doubleaux qui reposent sur des colonnettes d'al­bâtre avec chapiteaux, par l'interposition d'épais coussinets trapézoïdaux de grés, à la mode byzantine, de 0, 12 m. de hauteur et 0,60 m. environ de longueur, engagés dans le mur (sauf à l'angle N.-G. remanié).

« Elle formait une sorte de vestibule, précédant la triconque, pour le défilé des pèlerins : elle avait en effet deux entrées symétriques, l'une au Nord, large de 1,25 m. aujourd'hui murée, permettant d'atteindre la crypte en venant de l'église latérale, par quelques marches ou un plan incliné, l'autre, large de 0,70 m. seulement, donnant accès à la chapelle haute au niveau du presbyterium, par un étroit escalier tournant, en partie creusé dans le roc, compris dans la maçonnerie du monument primitif ».

 

 

La crypte : longueur 5,50 m

Elle est à demi-enterrée côté sud et s’élève au Nord et à l’Est au dessus du sol.

Elle est adossée à un quartier de roche appelé communément par les habitants de Saint- Geniez « roche de la fertilité ».

 

 

Au soleil levant, le soleil pouvait éclairer la crypte côté Est par une étroite lucarne percée de biais dans un mur qui est particulièrement épais.

 

 

« L'architecture de cette crypte présente des caractères d'ar­chaïsme qui offrent des similitudes avec les triconques de la Cayole et de Lerins).

 

Fernand Benoît, « Les chapelles triconques paléochrétiennes de la Trinité de Lérins et de la Gayole », Rivista di Archeologia Cristiana, 25, 1949, p. 3- 16. ...

On retrouve comme à la Gayole la substitution d'une voûte en berceau transversal à la coupole centrale habi­tuelle dans ce genre d'édifice ; mais les absidioles latérales, qui ne peuvent avoir été destinées à recevoir des sépultures, comme dans la chapelle funéraire de la Gayole, se présentent comme des niches exiguës et peu profondes, voûtées en cul- de-four, selon le plan traditionnel de l'édifice triconque ».

 

Les sculptures

Le fût de la colonnette du Sud-est, de 20 cm de haut, re­pose sur un dé d'albâtre de 30 cm de haut ; il est composé de deux to­res aplatis séparés par une gorge très haute et sans profondeur.

 

Son profil est à comparer à celui d'une base de colonnette monoli­the de la crypte de Saint-Vic­tor, à Marseille, et de celle du trône  épiscopal de la cathédrale de Vaison.

 

Cette base repose sur une plinthe haute de 0, 17 m. par l'intermédiaire d'un tore torsadé. Cette décoration se retrouve au sommet et à la base de la colonnette voisine.

 

Eléments comparables :

 

A la chapelle de la Gayole, l'origine ancienne de la mouluration tressée, qui se trouve dès le Bas-Empire sur des chapiteaux de Syrie, de Mauritanie et d'Italie et sur les chapiteaux à canistrum d'osier, à têtes de bélier des ateliers byzantins de Proconnese, et persistera dans l'art wisigothique et lombard, et même jusqu'à l'époque romane.

 

 

La pre­mière colonnette est composée d'un fût cylindrique de 0,20 m de diamètre, qui sup­porte un astragale indépendant, constitué par un disque de 0,06 m. d'épaisseur.

 

La seconde de même diamètre, est ornée vers le haut d'une moulure en torsade, qui joue Ie rôle d'astragale.

 

Un des chapiteaux est orné de têtes de bélier et de paons ; l'autre d'une corbeille à cercles entrecroisés en forme d'entrelacs. Trapus, ils ont les mêmes dimensions (haut. 0,25 m; diamètre à la base m. 0,20 m, et au sommet m. 0, 30 m) et sont dénués d'aba­que.

 

 

Ils soutiennent un massif coussinet imposte de forme trapézoïdale, selon le mode de l'architecture byzantine, sans nulle décoration. Ils paraissent contemporains, ainsi que Ie montre l'identité de matériau (albâtre très usé) et d'un motif ornemental, en forme de bulbe ou de lobe refendu verticalement, qui a tour à tour été pris pour un emblème phallique ou un épi de blé.

 

Le premier chapiteau est orné aux angles visibles de têtes de bélier ou de bucranes aux cornes enroulées, qui forment saillie en guise de volutes, selon le profil archi­tectural du chapi­teau corinthien. Sur les deux faces latérales, sont sculptés en méplats deux paons, remarquables par leur longue queue aux plumes ocellées.

 

 

 

 

Cette alternance de protomes ou têtes de bélier et de paons ou d'aigles se retrouve dans une série de chapiteaux byzantins, signalés à Constantinople, en Macédoine, en Syrie, en Palestine, en Egypte copte, en Afrique. II n'est pas inutile de noter qu'un très beau chapiteau de ce genre, en marbre de Proconnese, venu tout sculpté des ateliers de Constantinople, orné d'une corbeille à entrelacs à l'étage inférieur et de têtes de bélier, d'aigles et de paons est conservé au Musée d' Arles : provenant du musée de l' Archevêché, constitué au XVe siècle, il avait sans doute appar­tenu à la basilique Saint-Étienne, élevée vers le milieu du Ve siècle, et peut-être restaurée par saint Césaire au VIe siècle.

 

Ce double motif est symbolique. La tête de bélier ou le bu­crane, fréquent dans la décoration des sarcophages hellénistiques, et le paon, oiseau de la Résurrection, sont empruntés au réper­toire de l'art byzantin et copte.

 

 

Le motif des deux paons affrontés buvant dans un calice, par­fois en lutte contre les serpents, est l'un des thèmes de l'art méro­vingien, lombard et wisigothique ; on les trouve, incisés en faible relief, d'après des modèles paléochrétiens et byzantins, sur des épitaphes de la fin du Ve et du VIe siècle à Marseille, à Lyon et à Vienne, sur une table d'autel de Riez et sur des briques estampées de même époque en Espagne wisigothique, à Cordoue, ou des panneaux de cancel à Cabeza del Griego ; Le motif est fréquent à Ravenne et dans l'art lombard du VIIIe siècle à Pavie et à Modène, à Venise, à Sainte-Marie au­ Transtevere à Rome, en Ligurie dans un remploi de l'église San Paragorio de Noli . II subsistera à l'époque romane, par suite de copies plus ou moins maladroites du motif paléochrétien, en Italie méridionale (Tarente), en Corse sur les linteaux de l'é­glise Saint-Michel de Murato (arr. de Bastia), à Estagel (musée du Louvre) et en Forez sur les chapiteaux barbares de la crypte de Saint Romain le Puy, dont le modèle est certainement byzantin ; un autre de ses chapiteaux, orné d'entrelacs, porte en effet au sommet de la corbeille deux têtes de béliers cornus, de part et d'autre d'un triglyphe, au-dessus d'une natte torsadée.

 

La face antérieure de la corbeille, dépourvue de feuilles d'acanthe, a pour toute déco­ration, entre les deux têtes de bélier, qui font saillie aux angles, deux paires de lobes disposés sur deux éta­ges, refendus en haut de deux traits verticaux et en bas d'une seule raie médiane. La forme en « grain de café » de ce motif très saillant rappelle le lobe ova­lisé des chapiteaux de la crypte Saint - Bénigne de Dijon, qui se transforme en figure humaine. Le motif de Dromon parait être une stylisation de l’extrémité bulbeuse d'une feuille plate d'acanthe retournée sur elle-même, prototype du  chapiteau gothique, ainsi que l'a reconnu D. Jalabert pour certains chapiteaux romans ; on peut trouver des formes analogues dans des chapiteaux paléochrétiens de Marseille et wisigothiques de Tolède.

 

La présence de ce motif sur le chapiteau voisin, d'une inspiration toute différente, mais de dimension équivalente, montre la commune origine et la similitude de date des deux modèles. La corbeille, également sculptée sur trois faces, est décorée de cercles entrelacés, à trois brins, dont la jonction détermine une brisure de forme ovale, sur le type de plaques de cancels à entrelacs du Midi de la France et de l'église San Paragorio à Noli, en Li­gurie. Cette dernière est datée du milieu du VIIIe siècle.

 

 

C'est à la même époque que se rapporte un fragment de re­lief décoratif, trouvé dans la

chapelle de 0,22 m. de diamètre : il est décoré d'une sorte de rosace, à feuilles losanges du type de la feuille de saule, et a quelque analogie avec la sculpture en champlevé de l'art byzantin et wisigothique des VIe - VIIe siècle, et de plaques de cancel carolingiennes.

 

L'intérêt du dernier chapiteau est la dimension donnée à l'en­trelacs, dont chaque enroulement, adapté à une des faces de la corbeille, la couvre de haut en bas. Cette forme est originale : elle se retrouve dans le dessin de chapiteaux carolingiens du Xe -XIe siècle des manuscrits de l'école de Tours, qui dénoteraient une influence irlandaise ou un parti pris de simplification du minia­turiste. Les chapiteaux à entrelacs d'art carolingien tardif sont en effet toujours constitués par un décor plaqué de nattes entre­croisées de petite dimension, qui rappelle le décor en « corbeille d'osier» des chapiteaux byzantins et coptes : cette ornementa­tion couvre toute la corbeille sur des chapiteaux du clocher de Brantôme , de Saint-Bertrand-de-Comminges, du clo­cher de Saint-Pierre-de-Bessuejouls, dans le Rouergue, où le motif est parfois encadré d'un méplat, comme une ornementa­tion de cancel ; le plus souvent elle est conduite à une torsade associée à des volutes, des acanthes, des rosaces, qui forme un simple gorgerin à la base de la corbeille.

On est ainsi amené à voir dans ces sculp­tures une transposi­tion de cancels by­zantins, parvenue dans cette vallée des Alpes peut-être par l'influence arlésienne, qui avait con­servé le goût de la représentation natu­raliste de l'oiseau.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La crypte

Son architecture.

 

Hypothèse de datation de la chapelle et fonction cultuelle de l’édifice

 

L'histoire de la Haute Provence est mal connue pendant le haut Moyen Âge: aux incursions des Burgondes qui avaient occupé la Savoie avec Grenoble et Die au Ve siècle et des Lombards qui rava­gèrent la vallée de la Durance à la fin du VIe siècle, parait succéder, à l'époque de Charlemagne, une période de renaissance religieuse, qui précède 1'ère d'insécurité marquée par les invasions sarrasines en Haute Provence à la fin du IXe et au Xe s. En 812, l'évêque de Sisteron fonde à Volx dans la vallée de la Durance, une abbaye dont l'église Notre-Dame fut malheu­reusement rasée en 1907 ; elle succédait à plusieurs fondations paléochrétiennes.Il est vraisemblable de dater de cette époque, VIIIe ou début du IXe siècle, la chapelle de Dromon.

 

 

Intérieur de la crypte de Dromon

 

Les chapiteaux archaïsants de Saint Romain le Puy, du prieuré d' Ainay en Forez, du début du XIe siècle, donnent des exemples très grossiers de ces divers types, depuis l'entrelacs enroulé comme un feston jusqu'à la tresse bouclée au bas de la corbeille ; un des chapiteaux, orné aux angles de têtes de bélier, révèle le pro­totype byzantin de ce modèle, qui parait avoir subsisté à l'époque carolingienne. Si la torsade, nouée en boucle au bas de ce chapiteau, rappelle l'art wisigothique, le grand entrelacs de Dromon se rapproche de ceux des cancels d' Asie Mineure, de Li­gurie et de Provence, qui ne sont pas postérieurs au VIII e - Xe siècle.

 

L'association de ces deux motifs, sur deux chapiteaux qui sont contemporains, présente donc un grand intérêt par la diversité même de leur inspiration. L'exécution relativement habile et la recherche du volume dans une sculpture « à trois dimensions » diffèrent profondément de la technique des chapiteaux barbares qui nous ont donné des points de comparaison, en particulier ceux d' Ainay et de Saint Romain le Puy. Le placage du paon, figure de profil sur la corbeille, sans proportion avec relief apparaît en Gaule à l'époque mérovingienne. De tels animaux, tau­reaux, oiseaux à grande échelle, sont souvent figurés en guise de chapiteaux, sur des colonnes, dans des manuscrits carolingiens.

 

 

Mais la richesse de décoration et le plan de cette construction est surprenante dans une chapelle de pèlerinage, éloignée de tout centre d'art, à 1100 mètres d'altitude. L'impor­tance architecturale donnée à cet édifice correspond sans doute à une fondation religieuse d'un caractère particulier : ni le plan en triconque, ni la décoration des chapiteaux ne s'accordent avec le caractère rural d'une simple chapelle de pèlerinage ;

Ces éléments s’identifient bien plus vraisemblablement avec les caractéristiques d’une chapelle funéraire et sans doute avec un "martyrium", en grande vénération à l'époque carolingienne.

 

La forme de la triconque correspond en effet à un type de construction religieuse, qui associe étroitement le lieu de culte à l'édifice funéraire. Le plus ancien exemple en Gaule est le mausolée de Lanuejols, en Lozère, élevé à la mémoire de deux enfants.

Ce plan avait été adopté en Provence pour la construction de deux chapelles d'époque mérovingienne, la Trinité de Lérins et la Gayole ; cette dernière abritait plusieurs tombes, encore en place dans le sous-sol des absidioles, ce qui explique la forme rectangulaire de leur chevet, et contemporaines de l'édifice, puis­que l'un des piliers au sud repose sur un sarcophage en brèche.

La crypte de Dromon n'est pas une simple confession, placée sous l'autel de la chapelle funéraire, comme dans les primitives basiliques romaines. C'est une construction indépendante, à la­quelle avaient accès les fidèles. Elle était doublée du côté du Nord par une basilique. 

La présence de ce lieu de culte isolé ne peut avoir de signifi­cation, si l'on n'admet qu'il a été élevé pour bénéficier du caractère sacré du martyrium avec lequel il fait corps, ainsi que l'a net­tement établi A. Grabar, en étudiant les basiliques paléochrétiennes  établies en contact et en communication directe avec un martyrium, dans une aire cimetériale.

La crypte comportait en effet, devant la triconque, une travée, décorée par quatre colonnettes à chapiteaux, formant couloir d'accès rectiligne avec entrée et sortie (introitus ad Saint Romain le Puy) pour le défilé des pèlerins, dans le sens perpendiculaire à l'axe de la crypte.

La chapelle avait été construite pour recevoir la sépulture d'En­nodius Magnus Felix, ancien préfet du Prétoire des Gaules en 474, fils du consul Magnus de Narbonne et cousin de l'évêque de Pavie du même nom, et de sa parente Syagria, morte au début du VIe siècle, qui s'étaient retirés dans leur domaine pour y fonder un centre de vie chrétienne.

Ces triconques sont à la fois des cellae memoriae et des chapelles, ainsi que le montre la conservation, à la Gayole demeurée intacte, de l'emmarchement du presbyterium et de l’autel, les sarcophages étant rejetés dans les absidioles, de forme rectangulaire.

 

Au-dessus du martyrium s'élevait une chapelle haute, dont sub­siste la banquette du presbyterium ; englobée dans les constructions du XVIIe siècle, elle n'est visible extérieurement que du côté de l'abside centrale. Cette disposition, qui suit la tradition antique du mausolée à deux étages, comportant une salle de réunion au­-dessus de l'hypogée, a été signalée dans les chapelles à reliques.

La structure de cette crypte abritait peut-être un corps, mais les archives sont muettes à ce sujet. L'Etat des paroisses du diocèse de Gap en 1707 se borne à mentionner un pèlerinage « où les peuples du canton viennent en procession, en certains jours, pendant l'été » (Arch. H. Alpes, G 1102). Les registres du Conseil du XVIIe siècle, les plus anciens qui nous soient conservés, mentionnent la fête liturgique des saints Abdon et Senen, martyrs perses, célébrée non point à leur anniversaire le 30 juillet, mais reportée au lendemain de la Pentecôte (19 mai 1671; 22 mai 1673). Les consuls, entrant en charge au début de mai, s'y rendaient en procession générale avec les habitants des hameaux d' Abros et de la Forest et faisaient une distribution de froment cuit ou de pain aux pauvres qui y assistaient. Dès 1681, la commémoration des martyrs perses parait avoir disparu au bé­néfice de la fête de la Vierge : on se rendait en procession à la chapelle le dimanche de la Trinité (entre le 17 mai et le 20 juin) et à la Visitation, deuxième dimanche de juillet, fête instituée par Alexandre VII et Benoît XIII. C'est à cette dernière fête que fait allusion Millin, lors de son passage en 1804, lorsqu'il note qu'il y vient « plusieurs milliers de personnes en pèlerinage ».

C'est là le type le plus primitif du martyrium, adopté à l'époque carolingienne dans les cryptes de Saint-Phalier à Chabris (Indre), de Lere (Cher), de Saint-Quentin, de Saint-Médard à Soissons, de Bourges, etc. Eclairée par une étroite lucarne, exactement orientée, qui dispensait une « lumière irréelle » sur la tombe vé­nérée, elle obéit à la tradition du culte des reliques, si l'on en croit Grégoire de Tours ; l'impression mystérieuse, obtenue par cette demi obscurité, est toute différente de celle que l'on a dans les chapelles de Lerins et de la Gayole, largement éclai­rées par des baies dans chaque bras de la triconque.

L'intérieur de cette crypte a trop souffert pour que l'on puisse juger de sa décoration. Peut-être était-elle en partie revêtue de mar­bre : une plaque de Carrare (long. 0,22 m. larg. 0, I 2 m.  ; ep. 0,03 m.) a été retrouvée dans le sous-sol de l'entrée Nord.

Fête agricole, marquée par l'ouverture du marché de la laine, reportée à la Trinité? Elle serait peut-être en ce cas en relation avec une fontaine salée et « imprégnée de souffre », qui jaillissait autrefois « du sein du roc », et emplissait un bassin creusé dans celui-ci, sur le flanc N.-O. « au pied de l'ancien châ­teau de Dromon ». Cette fête entrerait dans le cycle de la Saint-Jean, à la date du 2 juin qui commémore en d'autres régions sainte Clotilde aux Andelys, saint Pothin à Lyon, saint Marcellin à  Boulbon en Provence.

 

Le site était l'objet d'une grande vénération dès le Bas-Empire (monnaies de Constantin) et durant le Moyen Âge : tombes en tuiles et à lauses (ou dalles plates), comme les chapelles de la Gayole et de la Trinité de Lerins, également élevées dans une aire cimetériale.

On peut donc supposer l'existence d'un culte local, dont la fête, à  la Gayole comme à Dromon, a été recouverte par celle de la Vierge. Ainsi on a tout lieu de pen­ser que ce culte, à la Gayole, s'était formé auprès des tombes d'En­nodius et de Syagria. A l'époque de l’antiquité tardive, la vie ascétique et monastique était un moyen de parvenir à la sainteté, la possession des restes de Dardanus et de Nevia Galla, ne suscita-t-elle pas un culte local analogue parmi ces populations alpestres, isolées des centres de chrétienté de la vallée de la Durance ?

La Symbolique des représentations animales au niveau des chapiteaux de la crypte.

 

La symbolique du Paon.

 

 

 

 

Le Paon de la crypte de Dromon-

Cliché Institut Galliléo- Pascal GRIMAULT

 

Chez les anciens Egyptiens la plume, symbole de justice, dont le poids suffit à rompre l'équilibre, est associée à un symbole lunaire représentant la croissance de la végétation. Symbole de puissance aérienne, la force ascensionnelle de la plume libère l'homme des pesanteurs de ce monde. Mais aussi symbole solaire dans la plume de paon, lié au déploiement de sa queue en forme de roue.

La symbolique du Paon dans la mythologie grecque : les « yeux » visibles sur la queue du paon y furent placés par Héra pour commémorer son fidèle gardien, Argos, qui avait cent yeux (Ovide I, 625). Selon la légende, Argos fut engagé par Héra pour espionner son époux, (Zeus), qu'elle soupçonnait d'adultère. Lorsque celui-ci s'en rendit compte, il fit tuer Argos. Héra décida de faire un hommage à son protecteur en mettant ses cent yeux dans la queue de son oiseau préféré : le paon. Voilà pourquoi ses plumes de queue semblent avoir tant d'yeux.

Dans la mythologie de l’Inde ancienne : deux poèmes épiques de Kalidasa (Meghaduta et Kumarasambhava), illustrent le fait que la beauté du paon a été utilisée en tant qu'outil littéraire fleuri.

Au Moyen-Orient « le Trône du Paon » est le nom du trône de certains shah d'Iran.

Le paon peut représenter plusieurs symboles : pour les premiers chrétiens, il est considéré de façon bienveillante car sa chair passait pour être imputrescible comme le corps du Christ au tombeau. La chute et la repousse de ses plumes au printemps étaient interprétées comme symbole de renouveau et de résurrection. Il faut donc voir le paon comme symbole d'immortalité.

En Europe, le paon, symbole d'immortalité connaît une grande diffusion au IV è s. (cimetière saint Janvier à Naples).

Au Moyen Âge, le paon continue d’être un symbole d’immortalité.

Selon une croyance populaire, le sang du paon passait aussi pour écarter les démons. Le paon a souvent été représenté sur les images de la nativité. Deux paons buvant à une coupe indiquent la renaissance spirituelle et les ailes des anges sont souvent en plumes de paon.

La symbolique du Bélier.

 

Le bélier est le mâle non châtré de l'espèce Ovis aries réservé pour la reproduction (production d'agneaux). On désigne le mâle et la femelle, sans faire de distinction de sexe, sous le terme générique de mouton.

Étymologie du mot « Bélier ».

Le mot bélier vient de l'ancien français belin (avec changement de suffixe). L'origine du mot belin est elle moins certaine. Soit un emprunt au mot néerlandais bel « cloche », bel « testicules » ou encore bal « boule », avec un suffixe -in. Soit une adaptation du néerlandais belhamel composé de bel « cloche » et de hamel « mouton », littéralement le « mouton à sonnaille », en référence à la cloche que portait le bélier marchant en tête du troupeau. Le mot "belin" est utilisé dans le sud-est de la France pour parler des parties génitales, plus particulièrement du pénis. Il semble qu'il y a eu un glissement de sens à partir du néerlandais.

Mythologie et religions

Dans la majorité des civilisations antiques ayant côtoyé le bélier, cet animal a pris une grande force symbolique. Bien que les symboles qui lui sont associés varient d'une mythologie à l'autre, il existe, malgré tout, certaines similitudes comme l'incarnation de la force de la nature. Il peut paraître surprenant qu'un herbivore de taille modeste ait une si grande prérogative, mais c'est peut-être justement le fort contraste qui existe entre cet animal si paisible en temps normal et parfois capable de se lancer dans des joutes d'une extrême violence, qui fascinait tant les hommes.

Ses cornes, en forme de spirale, sont également un élément symbolique très fort que l'on retrouve sur les casques, les armes de butoir (bélier de siège), à la proue de certains bateaux et dans l'architecture.

Les cornes du bélier, en forme de spirale, symbolisent l'élan vers la vie, l'éternel recommencement ou l'éternelle renaissance de la vie, de la lumière, correspondant au début du printemps dans le cycle des saisons. Dans la Bible, le bélier est sacrifié par Abraham, en lieu et place de son fils, Isaac. Jésus, l'agneau du sacrifice, réactualise ce mythe dans l'histoire chrétienne. 

Dans l'Égypte antique, le bélier est associé à de nombreux dieux, dont le plus prestigieux est le dieu dynastique Amon. Il est également le symbole des eaux bondissantes des cataractes du Nil et de son inondation annuelle (Khnoum).

Le Bélier, ce hiéroglyphe, se décode à partir de son apparence, nous avons nommé ses Cornes et sa Toison...

 

 

Allée des béliers, Temple de Karnak- Egypte. Cliché Institut Galliléo – Pascal GRIMAULT

 

À cet égard, le dieu égyptien Amon, dont un temple fut érigé à Karnak, et qui était aussi le dieu de Thèbes, était représenté avec une tête et des cornes de bélier. Les prêtres et scribes égyptiens lui attribuaient le pouvoir de porter à la lumière les causes cachées des forces secrètes de la vie. Cf.: le dieu Khnoum dans le temple d'Abou Simbel , Allée des béliers, Temple de Karnak à Louxor (Égypte).

 Il avait une fonction d'oracle. L'Ammon grec, qu'Alexandre le Grand vénérait et consultait régulièrement dans le sanctuaire de l'Oasis, près d'Athènes, dérivait du dieu Amon de l'Égypte ancienne. Les Grecs lui attribuaient des vertus assimilées à celles de Zeus Jupiter. Dans la mythologie grecque, le bélier est également un symbole important dont le mythe de la toison d'or n'est que l'un des nombreux aspects.

Dans le mythe grec de la Toison d'or, qui s'apparente au signe du Bélier : pour obtenir la couronne du royaume de Pélias, fils de Poséidon, Jason défie le roi qui lui a promis qu'il héritera de son royaume, s'il trouve la Toison d'or, celle d'un bélier sacré, ce qui mettra un terme à la malédiction qui pèse sur son peuple. Après de longues épreuves, Jason découvrira la Toison d'or. Puis il épousera Médée, la prêtresse d'Hécate, la déesse magicienne et nourricière de la jeunesse. S'inspirant de ce mythe, on prédit souvent une vie mouvementée et pleine de luttes aux natifs du signe du Bélier.

 

 

L’analogie faite parfois entre le tonnerre, la foudre, l'orage et le signe du Bélier, que l'on retrouve encore dans le mythe de Thor, le dieu de l'orage germanique, lui aussi en analogie avec le signe du Bélier. 

D'après le Dictionnaire archéologique et explicatif de la science du blason

Comte Alphonse O'Kelly de Galway — Bergerac, 1901.

 

Dans la mythologie celte, le bélier symbolise la force de la nature ainsi que la fertilité. Belinus ou Beli, le dieu suprême de la lumière chez les Celtes, dérive peut être de Bel,  le dieu babylonien de la terre,  lui-même issu de la déesse sumérienne Belili, présidant au culte de la naissance et de la vie. Le latin médiéval belinus a donné l'ancien français belin, qui signifiait mouton. Au XVIe siècle, beliner signifiait s'accoupler au sens figuré, pour les humains, figurant ainsi l'accouplement du bélier et de la brebis.

Le bélier est le symbole du printemps. Comme cet animal s'exerce les cornes dès qu'il a atteint certain développement, on le désigne comme l'emblème de la provocation au combat.

Ariès, le nom latin du signe du Bélier, désignait aussi une machine de guerre à tête de bélier, dont les Romains usaient pour enfoncer les portes des forteresses de leurs ennemis.

À Rome, on offrait un bélier aux parents d'un mort, en cas d'homicide par imprudence.

 

 

 

 

 

 

 

La symbolique des épis de blé

 

Aux temps les plus anciens, le blé était consommé à l'état de galettes et de bouillies avant que la fermentation spontanée et la cuisson d'une pâte n'aient permis à l'homme de découvrir un produit possédant textures, saveurs et arômes nouveaux: le pain. Des peintures murales témoignent de son existence chez les Egyptiens 1300 ans avant notre ère.

 

Pour les anciens Égyptiens, l'épi de blé était un emblème d'Osiris, symbole de sa mort et de sa résurrection. Le blé croissait sur le corps d'Osiris.

Dès l'Ancien Empire, lors de la fête de la procession de Min, dieu de la végétation et de la fertilité (divinité identifiée à Horus, fils d'Osiris), le roi coupait, avec une faucille de cuivre incrustée d'or, une touffe du blé qu'un prêtre lui avait apporté.

Cette gerbe était déposée devant la divinité, tandis qu'un épi était remis au roi.

La gerbe pouvait être également présentée à d'autres divinités, comme Harsomtous, dieu enfant du couple Horus Hathor.

 

Principe de vie, le blé symbolise le passage de l'ignorance à la révélation. L'épi de blé est l'un des emblèmes du dieu des Egyptiens Osiris. Comme Osiris ressuscité après avoir été tué et jeté dans le Nil, le blé est enfoui dans la terre avant de revivre dans les terres libérées par la décrue du fleuve.

Dans la Grèce antique, si l'on en croit la légende d'un hymne homérique, la déesse Déméter, mère des céréales et donc de l'agriculture accorda à l'Attique la connaissance des bienfaisants mystères d'Eleusis qui offraient les charmes de la fertilité. La symbolique des grains et des graines se répète dans toutes les civilisations. La graine est un embryon en devenir, issue d'une plante qui attend la mort dès qu'elle a enfanté; elle procède de la vie et de la mort, de l'air que l'on respire et de la terre qui ensevelit, de la lumière et des ténèbres. Nourrissant le germe fécondé dans l'obscurité de sa matrice, la terre donne naissance à un épi d'or sorti de la glèbe noire.

Dans la Rome antique, pour cultiver le blé, don de Dieu, les hommes prient leurs dieux. Cérès la latine est fêtée à chaque étape de la végétation du blé : la fête des semailles, les sementinae fin janvier pour protéger les grains déjà germés contre le gel, les rites de la fécondité (cerialae), les fêtes de la maturation et la fête des récoltes qui comporte le sacrifice d'une truie.

L'Occident chrétien reprendra nombre de ces fêtes.

En Occident, le pain symbolise l'aliment et le droit de tous les peuples à se nourrir.

Dispensé par la grâce de Dieu, il est sacré. Avant de l'entamer, on le bénit ; le poser à l'envers porte malheur. Son partage est signe de bienvenue, d'amitié et de reconnaissance des autres. À partir du blé, seule céréale panifiable, se fabrique le pain, fruit d'une seconde naissance résultant de la fécondation de l'eau et de la farine par le levain. À l'inverse, l'hostie eucharistique faite de pain azyme, non fécondé et non levé, est symbole de pureté et de vie spirituelle.

 

 

 

La pierre de fécondité

L’intérieur de la crypte avec au fond la « Pierre de fécondité ».

Cliché Institut Galliléo- Pascal GRIMAULT

 

 

Au fond de la crypte se trouve une pierre de taille importante aux formes arrondies, qui évoque le ventre arrondi de la maternité.

 

Cette pierre est connue sous le nom de « pierre de fécondité ». Elle est enchâssée dans le bâti de la chapelle. Sa réputation est d’ordre magique, ou surnaturelle, puisqu’elle favorise d’après les anciennes croyances la fertilité des femmes. Elle est à elle toute seule, le motif de pèlerinages anciens et même celui de visites actuelles.

 

Sans doute que cette pierre était là avant même la construction de la crypte. On peut émettre l’hypothèse qu’à l’origine on pouvait en faire le tour, et qu’elle a été dès les périodes néolithiques ou plus anciennement encore, l’objet d’un culte.

Le sanctuaire de la crypte ne serait alors que le prolongement d’un lieu sacré plus ancien encore. Cette hypothèse fournirait une explication au fait que la crypte ait été bâtie à cet emplacement si peu enclin aux constructions.

Il est fort probable que la perpétuation de cultes païens, se soit poursuivie autour de cette pierre alors même que le christianisme cherchait à s’imposer.

Ici comme dans bien d’autres lieux, le christianisme aurait cherché à substituer le culte de la vierge, aux cultes anciens et païens rendus aux déesses mères.

 

La pierre pourrait également dissimuler l’entrée d’une cavité (salle, ou tunnel), mais à ce jour aucune fouille archéologique n’a été conduite pour le vérifier.

 

 

L’histoire de Dardanus et de Théopolis

Le destin de Dardanus.

Caius Postumus Dardanus, ou (Claudius Postumus Dardanus) est un préfet du prétoire des Gaules du début du Ve siècle qui se déclara contre Jovin, considéré comme usurpateur de l'autorité impériale, et qui lui fit subir le dernier supplice après qu'il eut été vaincu à Valence par le roi des Goths Athaulf. Celui-ci le captura et le livra au préfet Dardanus. C'est Dardanus qui fit exécuter Jovin à Narbonne en 413, puis envoya à Honorius, alors en résidence à Ravenne, les têtes du supplicié et de son frère Sebastianus.

Selon toute vraisemblance, Dardanus est issu d'un milieu modeste et doit à ses études et à ses capacités le fait d'atteindre le statut de patrice (c'est-à-dire au patriciat, qui est plus une fonction honorifique au Bas-Empire que l'acquisition du statut effectif de sénateur), puis d'accéder au poste de préfet des Gaules par deux fois, vraisemblablement une première fois en 401-404 ou en 406-407 et une seconde fois en 412-413 après le transfert en 407 du siège de la préfecture du prétoire des Gaules de Trèves à Arles.

Outre le fait que Claudius Postumus Dardanus fut un préfet du prétoire des Gaules, probablement deux fois (en 402 et en 412) et un riche propriétaire arlésien, il fait partie des fidèles de l'empereur légitime Honorius contre l'usurpateur Jovin qu'il aurait personnellement exécuté après sa capture en 413 avant de diriger une sévère répression contre les aristocrates gallo-romains qui avaient suivi cet usurpateur.

Dardanus se convertit ensuite au christianisme et se retire dans les Alpes où il entreprend une relation épistolaire avec saint Jérôme et Saint Augustin. Il fait partie de ces cadres de l'Empire récemment convertis au christianisme. À ce titre, on le rencontre sur le plan littéraire, comme correspondant de Saint Jérôme et de saint Augustin. Admirateur de saint Augustin avec lequel il avait noué des liens épistolaires (cf. la bibliographie), il serait à l'origine de la fondation d'un établissement appelée Théopolis (en grec : « Cité de Dieu »), établi sur son domaine, pour laquelle il fit élargir les deux côtés de la route menant à l'actuel village de Saint-Geniez depuis Sisteron et à laquelle il donne des murailles et des portes. Il ne reste aucun vestige archéologique de cette cité permettant d'en vérifier l'importance, si ce n'est l'élargissement du défilé rocheux où passe la route et où se trouve une inscription latine gravée dans la paroi rocheuse. Était-ce une grosse villa fortifiée ou une petite ville, une sorte de monastère ? Aucun autre document que cette inscription n'atteste de cette fondation. La question de la fondation d'une Theopolis par un nouveau converti au Christianisme est mise en perspective dans l'ouvrage de François Châtillon : fonder un établissement agricole sous les auspices de la religion chrétienne, mêlant travail et prière, sans pourtant verser dans le monachisme ou l'érémitisme est un fait intéressant, de la part d'un fonctionnaire impérial.

Dardanus est connu par plusieurs documents, dont des lettres qui attestent de son inquiétude pour la vie future, à laquelle saint Jérôme et Augustin d'Hippone répondent sous forme extensive, et un écrit de Sidoine Apollinaire qui le dépeint de manière très négative :

 

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           Une chose est claire : au moment où il se retirait de la vie publique, Dardanus misait tout sur l'espérance chrétienne puisque la lecture des premiers livres de La Cité de Dieu, qui paraissent alors, lui inspira, de donner ce nom à son domaine. L'inscription précise que Dardanus a fait réaliser ces travaux de voirie et de fortification en tant que propriétaire (in agrio proprio, sur ses terres) avec le concours de son épouse, Nevia Galla et de son frère Claudius Lepidus : sous le Bas Empire s'était déjà constitué le régime de grande propriété qu'on appellera plus tard la féodalité.

Selon Bernard Falque de Bézaure, "la famille Dardanus est la tige par mariage avec des familles d'origine wisigothe de nombreuses familles provençales, dont les Baux, princes d'Orange, les Adhémar seigneurs de Grignan, la famille de Castellanne, les d'Agoult, les Blacas, les Ganthelme et Hugolin, ainsi que toutes les familles qui se sont succédées par voie directe, indirecte et par mariage".

Nevia Galla fut l'épouse de Dardanus. Selon Bernard Falque de Bézaure, sa famille serait originaire d’Ephèse en Turquie (Cf. Sur les traces des templiers des Bouches-du-Rhône-p194-ISBN: 2-914438-09-5).

 

 

 

 

 

 

Le destin de Dardanus s'inscrit dans une période troublée, où après le partage de l'Empire, règne :

Flavius Honorius  (384-423)

Empereur d’Occident de 395 à 423

 

Né à Constantinople, second fils de Théodose I, et d’Aelia Flacilla, frère cadet d’Arcadius.

Il n’avait que 11 ans à la mort de son père en 395 et devint le premier monarque de l’Empire romain d'Occident. L’Empire romain fut alors partagé. Honorius reçut l’Occident et son frère Arcadius régna en Orient. Son père avant sa mort chargea Stilicon, général d’origine vandale, époux d’une de ses cousines, Serena, nièce de Théodose 1er, de veiller sur les deux frères.

Ce dernier maria ses deux filles à Honorius. Habile général, celui-ci réussit à contenir les barbares.

Il a à deux reprises, sauvé le trône d’Honorius des invasions germaniques par ses victoires militaires de Pollenza en 402 sur Alaric I et de Fiesole en 406 sur les Ostrogoths de Radagaise. C’est lui qui décida de transférer la capitale à Ravenne, protégée par une ceinture de marécages, où Honorius installa son palais, sa cour et son administration.

En 408 une coalition se forma contre Stilicon au sein de l’armée romaine inquiète des recrutements massifs de mercenaires barbares et reprochant à ce dernier de n’avoir pas réussi à protéger la Gaule de l’invasion des Vandales et des Suèves en 406-408. Il est assassiné avec sa famille sur ordre d’Honorius le 23 août 408 et remplacé comme préfet du prétoire par Olympius.

Les années suivantes virent l’invasion de la Gaule, puis la prise de Rome par Alaric en 410. Un instant, l’autorité impériale parut pouvoir se rétablir, après la mort d’Alaric, grâce à l’action énergique de Constance, nouveau généralissime et époux de la demi-sœur de l’empereur, Placidia, puis co-empereur avec Honorius. Mais la mort de Constance en septembre 421 laissa Honorius impuissant en face des nouvelles invasions barbares.

Il fut confronté à un grand nombre d’usurpations comme celles de Jovin, Priscus Attale, en 409-410, Maxime, en 409-411 et surtout celle de Constantin III en 407-411. Le général Flavius Constantius tente un ultime sursaut et réduit Constantin III à Arles puis l’autre usurpateur Maxime en 411. Il chasse de Gaule vers 414-415 Athaulf, le successeur d’Alaric I à la tête des Wisigoths, et épouse vers 415 Galla Placidia, veuve d’Athaulf et sœur d’Honorius. Il se fait proclamer Auguste en février 421, sous le nom de Constance III, mais Théodose II ne le reconnaît pas, et un conflit va s’ouvrir entre les deux empires, lorsque Constance III meurt en septembre 421.

Honorius meurt le 15 août 423. Théodose II aurait voulu rétablir l’unité impériale, mais face à l’usurpation de Jean en 423-425, il se résigne à couronner comme César en 424, puis comme Auguste en 425 le neveu d’Honorius, Valentinien III, fils de Galla Placidia et de Constance III.

L’époque de Dardanus correspond à celle de l’effondrement de l’Empire Romain d’Occident et des invasions barbares.

On sait que Dardanus a entretenu des relations avec les Wisigoths, et son destin est aussi lié à un  Chef  wisigoth : Athaulf.

Les Wisigoths, comme tous les barbares, étaient venus pour piller l'Empire romain (en 407), avec Alaric. Après la Gaule, ils sont allés en Espagne (comme leurs prédécesseurs les Alains, Vandales et Suèves, qu'ils ont d'ailleurs combattus en Espagne).

Mais les Romains préféraient les voir en Gaule qu'en Espagne ; de plus, ils leur seraient utiles pour rétablir l'ordre en Gaule. C'est ainsi qu’Athaulf a obtenu "l'hospitalité" auprès de Rome ; Rome a offert par décret aux Wisigoths l'autorisation de s'installer en Aquitaine, en 418.

En 451, les Wisigoths ont aidé les Romains à chasser les Huns de l'Est de la Gaule (champs Catalauniques). Il y avait dans l'armée romaine dirigée par Ætius d'autres auxiliaires barbares: des Ostrogoths, Francs, Burgondes, Saxons, Sarmates, Alains, ...

La capitale de l'Aquitaine wisigothique était Toulouse, où siégeaient les rois (Théodoric I, II, Euric, ...). Clermont-Ferrand fut aussi prise par les Wisigoths (vers 472), ce qui explique que son évêque Sidoine Apollinaire ait été exilé à Llivia (sur ordre d'Euric), car il était catholique, comme Martin de Tours (géographiquement, le catholicisme, comme les Francs plus tard, a remonté les affluents de la Loire : Touraine, Berry, Poitou, Auvergne), alors que les Wisigoths étaient ariens. Mais la situation s'est arrangée, l'évêque ayant été gracié par le roi Euric, après intercession d'un ami de Sidoine, bien placé dans la cour, Léon (qui habitait Narbonne), avec qui il était en liaison depuis Llivia. Toutefois, il n'a pas eu l'autorisation de regagner l'Auvergne tout de suite.

Les Wisigoths ont été chassés d'Aquitaine par les Francs (Clovis, en 507) et repoussés en Espagne (et en Languedoc aussi d'ailleurs), régions qu'ils ont occupées jusqu'à l'invasion arabe trois siècles plus tard. Ils ont alors été refoulés en Asturies (où d'ailleurs s'étaient réfugiés quelques Alains avant eux), et ont excellé dans la fabrication de charcuterie, bière, cidre et fromages. C'est le foyer d'où, plus tard, est partie la Reconquista chrétienne qui mettra pourtant sept siècles à refouler entièrement les Arabes hors d'Espagne.

À l'époque, on ne disait pas Wisigoths, mais Goths. Ce sont les historiens qui ont voulu différencier les Goths de l'Est (Ostrogoths) de ceux de l'Ouest (Wisigoths). En fait, les Wisigoths installés en Aquitaine rêvaient de faire la jonction avec leurs frères de l'Est qui étaient en Italie (un autre Théodoric) ; c'est-à-dire conquérir tout le pourtour méditerranéen : Narbonne, Marseille, ... ce qu'ils ont réussi à moitié : à la victoire des Francs, ils sont restés en Languedoc jusqu'à l'arrivée des Arabes, comme à Llívia sans doute, et en Espagne. Les Ostrogoths seront à l'Est du delta du Rhône (au sud des Burgondes donc) vers 510.

Mais contrairement aux barbares précédents (les Alains et les Vandales, qui n'avaient fait que passer en pillant), les Goths admiraient et respectaient le passé et les mœurs romaines: aqueducs, lois... Ils se sont "fondus" dans l'Espagne romaine et ont continué d'administrer le pays comme du temps des Romains. Ils ont construit les premières églises et cathédrales. Leur monarchie durera jusqu'en 711, date de l'arrivée des Arabes. Ils cesseront (enfin) d'être ariens vers 590.

Les Wisigoths, en Espagne, calqueront leurs lois sur celles des Romains : après Alaric qui écrira le bréviaire d'Alaric à Aire sur l'Adour (loi en vigueur dans tout le Sud de la France jusqu'en 1789), Euric la commencera, et elle sera terminée en 688 à Tolède sous le nom de fuero juzgo (Forum Judicum), qui continuera à servir de référence aux lois espagnoles jusqu'à aujourd'hui. La loi romaine de base (code Théodosien) sera d'autre part reprise par Justinien, empereur romain d'Orient. C'est sur ce dernier code romain que s'appuie notre loi actuelle française, par l'intermédiaire de Napoléon Ier (qui a remplacé la loi salique des Francs).

 

Et le trésor d'Alaric (appelé aussi "l'or des Wisigoths") ?

Juste avant la bataille de Vouillé (en 507), Alaric (II) avait dit à sa femme, restée sur Toulouse, que si la bataille tournait en sa défaveur (ce qui fut le cas), il faudrait déménager le palais (et son trésor) à Barcelone. C'est tout ce qu'on sait... On sait aussi que ce trésor provenait en grande partie du pillage de Rome par les Wisigoths, trésor qui comportait en partie des éléments pris à Jérusalem par les Romains lors de sa prise par le général Titus en 70 et la dispersion des Juifs (l'arche d'alliance, coffre plaqué or aux pouvoirs de mort –2 Sam 6 : 6,7-, aurait été perdue - ou sauvée ?- avant). Ce trésor aurait selon certains atterri à Rennes-le- Château dans l'Aude (autrefois forteresse de Rhedae), derrière la Montagne d'Alaric, sur une des routes de l'Espagne (vallée de l'Aude).

Athaulf est roi des Wisigoths de 410 / 411 à 415.

Beau-frère et successeur du roi Alaric, il appartient à la famille sacrée des Balthes. Alors que les Wisigoths se trouvent dans la région de Cosenza en Calabre où Alaric a été inhumé, il décide d'abandonner le projet de ce dernier d'une invasion de l'Afrique romaine par la Sicile et remonte vers le Nord de l'Italie ; entré en Gaule en 412, il enlève aux usurpateurs Jovin et Sébastien la Provence puis l'Aquitaine (413). Peu après, le 1er janvier 414, il épouse en grande pompe à Narbonne Galla Placidia, demi-sœur de l'empereur légitime Honorius, qui était captive du roi Alaric après le sac de Rome d'août 410. Mais sous la pression de Constance, qui reprend Narbonne, les Wisigoths passent en Espagne et prennent Barcelone en décembre 414. En 415 il est assassiné, trahi par l'un de ses officiers.

De son union avec Galla Placidia naquit en 414 / 415 un fils au nom, révélateur, de Théodose. Ce dernier meurt mystérieusement en bas âge, très probablement assassiné à l'instigation de la faction wisigothique hostile à Athaulf. En effet, ce dernier souhaitait restaurer l'Empire romain grâce à la force gothique, ce qui ne plaisait pas à une partie de la noblesse. Par son mariage avec Galla Placidia, il devait également songer à faire élire le fils de leur union, Théodose, empereur d'Occident, mais celui-ci meurt avant un an.

Le nouveau roi, Sigéric, règne à peine quinze jours avant d'être lui aussi assassiné au nom de la faide germaniquevendetta »), à l'instigation des anciens partisans du roi Athaulf. Le noble Wallia, un balthe, est alors élu roi.

L’usurpateur Jovin fut l’enjeu d’un marché d’alliance entre Dardanus et Athaulf .

J Jovin est un usurpateur romain en Gaule de 411 à 412 sous le règne de Flavius Honorius.

Aristocrate gaulois, il est élu empereur à Mogontiacum (Mayence) par ceux de son rang en 411 pour contrer l'incapacité d'Honorius et d'un autre usurpateur Constantin III à ramener la sécurité en Gaule après l'invasion de 406. Ses forces se résument à des Burgondes et des Alains enrôlés du côté romain, dans une Gaule dévastée par les barbares. Il est bientôt rejoint par le turbulent général Sarus.

Pour se concilier Athaulf et ses Wisigoths présents en Italie, il les laisse passer par les Alpes et entrer en Gaule en 412. Mais Athaulf préfère une alliance avec Constance, représentant du pouvoir impérial légal qui est mieux à même de lui offrir du ravitaillement. Athaulf capture donc Jovin à Valence et le livre au Préfet des Gaules Caius Postumus Dardanus qui l'exécute à Narbonne en 413, au profit d'Honorius. Sa tête est portée à Ravenne.

Cette brève tentative témoigne des effets du désastre de l'invasion de 406 : décomposition de la domination impériale romaine, et velléités autonomistes des élites gallo-romaines, qui vont en s'accentuant.

Jovin a régné quelques mois avec son frère Sebastianus qui est mort sans doute exécuté en même temps que lui.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Théopolis de Dardanus.

 

La « Cité de Dieu » nous est connue en premier lieu par la Pierre Ecrite

La Pierre Ecrite - Cliché Institut Galliléo - Pascal GRIMAULT

 

 

La Pierre Écrite (peira escricha) est une inscription romaine classée monument historique, sur un rocher, dans un défilé, un peu au-dessous de Chardavon. Elle daterait du deuxième quart du Ve Siècle (entre 425 et 450), et le dénommé Dardanus y signale la construction d’une route et d’une ville nouvelle pour qu’une communauté de chrétiens puisse s’y installer, formant une Théopolis, en référence à saint Augustin.

Théopolis semble n’être connue que par cette longue inscription latine gravée sur un rocher à Saint-Geniez dans laquelle sont mentionnés ses titres, le nom de son frère Claudius Lepidus, et de sa femme Nevia Galla.

 

 

 

 

En amont et en aval du défilé, se trouve une volée de marches qui permettaient d’éviter le passage par ce lieu resserré, en passant par les hauteurs.

Jacques Honnorat et Pascal Grimault fondateurs de l’Institut Galliléo font un repérage de ces marches

 

 

La dédicace gravée dans le rocher, a été traduite (GUYON): 

 

Le texte latin gravé :

CL, POSTVMVS DARDANVS V INL ET, PA

TRICIAE DIGNITATIS EX CONSVLARI PRO

VINCIAE VIENNENSIS EX MAGISTRO SCRI

NII LIB, EX QUAEST, EX PRAEF, PRET, GALL, ET

NEVIA GALLA CLAR, ET INL, FEM, MATER FAM

EJVS LOCO CVI NOMEN THEOPOLI EST

VIARUM VSVM CAESIS VTRIMQVE MON

TIVM LATERIB, PRAESTITERVNT MVROS

ET PORTAS DEDERVNT QUOD IN AGRO

PROPRIO CONSTITVTVM TVETIONI OM

NIVM VOLVERVNT ESSE COMMVNE ADNI

TENTE ETIAN V, INL. COM, AC FRATRE ME

MORATI VIRI CL, LEPIDO EX CONSVLA ....

GERMANIAE PRIMAE EX MAG MEMOR

EX COM, RERVM PRIVAT, VT ERGA OMN....

VM SALVTEM EORV

M STVDIVM

ET DEVO

TIONIS PVBLIC.... T...

TVLVS POSSET ......STENDI

 

 

 

 

« Claudius Postumus Dardanus, vir inlustris et patricia dignitatis, ex consulari provinciae Viennensis ex magistro scrinii libellorum, ex questore, ex praefecto pretorio (sic) Galliarum, et Naevia Galla, clarissima et inlustris femina, mater familia eius, loco cui nomen Theopoli est viarum usum, caesis utriumque montium lateribus praestiterunt, muros et portas dederunt, quod in agro proprio constitutum tuetioni omnium voluerunt esse commune, adnitente etian (sic) viro inlustri comite ac fratre memorati viri Claudio Lepido, ex consulari Germaniae Primae, ex magistro memoria, ex comite rerum privaterum, ut erga omnium salutem eorum studium et devotionis publicae titulus possit ostendi. »

« « Claudius Postumus Dardanus, homme illustre et revêtu de la dignité de patrice, ancien consulaire de la province de Viennoise, ancien maître au bureau des requêtes, ancien questeur, ancien préfet du prétoire des Gaules et Nevia Galla, clarissime et illustre femme, la mère de ses enfants, au lieu dit Théopolis, ont fourni un chemin viable en faisant tailler des deux côtés les flancs de la montagne et lui ont procuré murs et portes ; ce travail accompli sur leur propre terre, ils ont voulu rendre commun pour la sûreté de tous, avec l'aide de Claudius Lepidus, frère et compagnon de l'homme susnommé, ancien consulaire de (la province de) Germanie première, ancien maître (du bureau) des Archives, ancien comte des affaires privées. Afin que leur zèle à l'égard du salut de tous et le témoignage de la reconnaissance publique puissent être montrés. »  »

Nous possédons un dossier solide sur Claudius Postumus Dardanus, ancien préfet du prétoire des Gaules. Demeuré fidèle à l'empereur légitime Honorius, réfugié à Ravenne, dont le pouvoir était presque fictif, il était parvenu en déployant de remarquables talents de diplomate à maintenir sa province dans l'Empire : s'étant allié à Althauf, roi wisigoth, il avait réussi grâce à celui-ci à renverser l'usurpateur Jovin, l'avait tué de ses propres mains et avait ensuite dirigé une sanglante répression contre les sénateurs arvernes dissidents.

Ces événements se situent aux alentours de 411- 413. Dardanus était-il allé jusqu'au bout de ses intentions ? Ce farouche défenseur de la romanité fut-il satisfait du mariage de Placidie avec Althauf ? Il est permis d'en douter. Quoiqu'il en soit, Dardanus disparut ensuite de la scène politique. Il avait bien mérité de l'Empereur mais la brutalité de la répression qu'il avait menée lui avait valu des haines terribles dont Sidoine Apollinaire, descendant de victimes, se fera l'écho bien des années plus tard, accusant Dardanus de tous les vices. Il est donc vraisemblable que notre Préfet se retira avec les siens sur ses terres de Haute Provence.

Une page de sa vie était tournée : il avait lutté pour sauver ce qui pouvait l'être après qu'Alaric eût saccagé Rome, mais il était trop bien informé (son frère était gouverneur de Germanie) pour ne pas comprendre que l'Empire allait inéluctablement être balayé par les barbares. Intérieurement, comment vécut-il cela ?

Théodose avait organisé la liquidation du paganisme : si les élites sociales comptaient encore des païens, les postes de l'administration et de l'armée leur étaient (théoriquement !) interdits. Désormais les chrétiens se trouvaient à l'intérieur de l'Etat, non plus à l'extérieur, et cela remettait en question toute leur manière de penser et de vivre. En songeant à Dardanus, un Moderne se dit qu'ils ont dû apprendre à se "salir les mains".

Cet apprentissage de la vie publique fut d'autant plus difficile, d'autant plus douloureux que l'Empire s'effondrait. Pour les concitoyens païens il était clair que si le "limes" laissait passage aux hordes barbares, c'est parce qu'on avait abandonné des dieux qui veillaient sur la cité antique. Le Dieu des Chrétiens n'était pas capable de sauvegarder l'Empire. Terrible accusation. Pour relever le défi qu'elle lançait aux chrétiens, Saint Augustin écrivit son oeuvre majeure : La Cité de Dieu dont la thèse pouvait se résumer ainsi : "l'écroulement de l'empire n'était pas le monde qui mourait mais un monde nouveau qui naissait".

Une chose est claire : au moment où il se retirait de la vie publique, Dardanus misait tout sur l'espérance chrétienne puisque la lecture des premiers livres de La Cité de Dieu, qui paraissent alors, lui inspira, de donner ce nom à son domaine. L'inscription précise que Dardanus a fait réaliser ces travaux de voirie et de fortification en tant que propriétaire (in agrio proprio, sur ses terres) avec le concours de son épouse, Nevia Galla et de son frère Claudius Lepidus : sous le Bas Empire s'était déjà constitué le régime de grande propriété qu'on appellera plus tard la féodalité.

Théopolis est donc en quelque sorte un fief : le mot employé est celui de locus qui désigne en Provence à cette époque un ensemble de lieux de vie à la campagne, dans un pagus : bourgade de paysans (les pagani), forum, forteresse, sanctuaires. Un peu plus tard, le mot a servi à désigner un établissement monastique : certains ont voulu voir un signe annonciateur de cette évolution avec Théopolis et ont recherché la localisation exacte d'un tel établissement avec autant d'acharnement que les rêveurs en quête d'une ville de marbre rose ! Ceci nous paraît tout à fait arbitraire. La notion commune de locus se révèle la plus féconde sur le terrain : à tel endroit des traces d'habitation de l'époque gallo-romaine, à tel autre des silos souterrains de pierre sèche, ici un lieu de sépulture, là un castrum bien attesté au Moyen Âge... Le locus comportait un centre religieux qui a donné naissance à certaines paroisses rurales.

Bien que le pays ait été bouleversé à plusieurs reprises (invasions franques du VIè siècle, remaniements opérés au Xè par l'abbaye Saint-Victor de Marseille, peste, guerres de religion...) il est possible de glaner ici et là des éléments sur ce que put être la vie religieuse de ce locus pendant la période qui nous intéresse.

L'église du village de Saint-Geniez (XVIIè siècle) est placée sous le vocable de Notre-Dame des Groseilles : M. Guy Barruol a proposé d'y voir l'altération d'un antique vocable comme Notre-Dame de Grosel. Dans la région, en effet, les Anciens vénéraient un dieu des sources chaudes curatives, Groselos, ainsi que, les nymphes Grisélides, comme à Gréoux-les-Bains ; or il existe une telle source sur le territoire de la commune, dans une ravissante grotte.

Le nom même du village, Saint-Geniez, reprend le nom d'une église sise à Dromon et possédant deux chapelles : nous la connaissons par le Cartulaire de Saint-Victor de Marseille. Or Saint Geniez était un martyr tenu en haute vénération en Arles à l'époque de Dardanus. Pratiquement rien ne subsiste du village médiéval de Dromon, ni le Castrum, ni l'église ; au XVIIe siècle cependant, à la suite d'une apparition de la Vierge à un petit berger, Henri Masse, on découvrit sous un tas de pierres une crypte oubliée. La tradition rajoute que dans celle-ci se trouvait un autel à cippe contenant une relique apportée par Dardanus pour donner de l'importance à la chapelle de son domaine, à une époque où les évêques étaient très jaloux des prérogatives religieuses de la cité épiscopale.

Les moines de Saint-Victor de Marseille en savaient sans doute là-dessus plus long que nous. Ce n'est que très récemment que les travaux menés sur l'art roman en Provence ont abouti à la conclusion que la crypte de Dromon datait du Xe siècle. Jusque là, on avait avancé des datations bien antérieures, et il est possible que cette crypte ait  été construite dans un style volontairement archaïsant.

On y trouve même un chapiteau orné de béliers et de paons qui rappelle le chapiteau en marbre de Proconnèse qu'on peut admirer au Musée de l'Arles Antique. Dans cette symbolique chrétienne venue d'Orient, le bélier représente le Christ et les paons, pattes raidies par la mort, évoquent l'incorruptibilité du corps de gloire. En vis-à-vis, un autre chapiteau présente des corbeilles avec des gerbes de blé à six épis : six est le premier des nombres parfaits, mais aussi le nombre de lettres du nom du Sauveur en grec...

Après ces merveilles, la chapelle supérieure, construite au XVIIe siècle, est censée être dépourvue d'intérêt : il s’y trouve pourtant, maçonnée dans le choeur, une petite tête de Mithra bien reconnaissable avec son bonnet phrygien dont le badigeon bleu s'écaille laissant apparaître du rouge. Touchant réemploi fait par ces paysans du XVIIe siècle, et qui témoigne de la continuité de la vie religieuse dans un locus ! Mais nous pouvons aussi nous demander pourquoi une allusion à Mithra en un lieu si éloigné de la Via Domitia ? La chapelle avait-elle été un Mytraeum ? Dardanus entretenait-il une garnison sur ses terres ? Avait-il été lui-même un adepte de ce culte ?

De telles questions nous ramènent à la vie spirituelle de notre Préfet. C'était un homme profond dont la foi s'enracinait dans la méditation de l'Ecriture, quelqu'un qui avait vécu une conversion, une métanoïa. Tout cela, nous le savons parce qu'il s'en est ouvert aux deux plus grands exégètes de son temps, saint Jérôme et Saint Augustin. Ses lettres ne nous ont pas été conservées, mais nous avons leurs réponses. Tous deux le tiennent en la plus haute estime et font allusion à un changement d'ordre spirituel survenu dans sa vie qui le leur rend particulièrement cher.

La première lettre est celle de Saint Jérôme ; elle date de 414, de la période à laquelle Dardanus s'est retiré des affaires. Sa conclusion retient notre attention :

"J'ai dicté ces pages pour toi, ô grand savant, qui après avoir mené à bonne fin la charge honorable d'une double préfecture, est maintenant beaucoup plus honorable dans le Christ".

Celle d'Augustin, qui doit dater de l'été 417, lui fait écho :

"Très cher Dardanus, plus illustre pour moi par votre charité en Jésus-Christ que par votre rang dans le monde..."

Comment devons-nous comprendre le "nunc honratior in Christo" de Saint Jérôme ? Le professeur Marrou écrivait à ce sujet :

"Cette dernière précision peut s'entendre soit du fait que Dardanus, païen, se soit converti au christianisme, soit que, catéchumène, il s'est fait baptiser, soit enfin que, déjà chrétien, il a embrassé un état supérieur de perfection". Comme nous le disions plus haut, les édits de Théodose ne doivent pas faire illusion sur la christianisation réelle de la société ; les cercles chrétiens et païens s'interpénétraient, d'où il résultait une situation de dialogue extraordinairement enrichissante pour les deux camps. Les trois hypothèses se valent, mais une conclusion se dégage, très claire : cet homme qui avait tant cru à la romanité abandonne ce combat pour construire sur terre la cité céleste : il met tous ses moyens au service de ceux qui lui sont confiés en ces temps de péril ; enfin tout son cheminement spirituel s'organise autour d'une méditation scripturaire sur le thème de la terre.

Dans sa lettre à Saint Jérôme, il avait demandé (Saint Jérôme reprend sa question) :

"Quelle est cette terre promise, dont les juifs ont pris possession à leur retour d'Egypte, alors que leurs ancêtres l'avaient possédée auparavant et que, par conséquent, elle n'était pas promise mais rendue".

Dardanus songeait-il au lopin de terre dont Abraham avait fait l'acquisition pour y ensevelir son épouse ? Un contemplatif peut voir dans cet épisode une image de ce travail de deuil de l'âme auquel invite la voie du désert, mais cela n'explique pas pourquoi ce terme de "promise/rendue" revêtait tant d'importance pour Dardanus. C'est tout de même singulier ! En revanche, tout s'éclaire si l'on suppose que Dardanus, dans son imaginaire le plus profond, a établi une correspondance entre la Terre Sainte et le domaine où il se réfugie après son départ d'Arles.

Jérôme ne saisit pas la pertinence de cette insolite question car il avait en tête le discours d'Etienne dans les Actes selon lequel Dieu n'a rien donné comme terre à Abraham "pas même de quoi poser le pied" (dans ce passage Etienne s'appuie sur une tradition extrabiblique). Il explique à Dardanus que, de toute façon, la Terre Sainte elle-même n'était qu'un symbole de la véritable "terre des vivants" : "La terre des vivants, nous l'avons dit, c'est celle où sont préparés les biens du Seigneur pour les saints et pour les doux [...] Le sang du Christ est la clef du Paradis, quand il dit au larron : "Aujourd'hui tu seras avec moi en Paradis". C'est celle-là, avons-nous dit, qui est la terre des vivants".

Ces quelques lignes, extraites d'un texte d'une dizaine de pages, renferment l'essentiel de la pensée de l'auteur. Le sens général ne fait pas de doute : habiter la terre des vivants, c'est être avec le Christ. Telle est la nature ultime de l'espérance chrétienne. Les Evangélistes en racontant la Passion nous montrent que le Corps du Crucifié est vraiment le Temple Nouveau d'Ezéchiel et les chrétiens savent bien que c'est par la contemplation de la Passion et la communion au Corps et au Sang du Christ que l'on parvient à l'union divine. Seulement, le verset de Saint Luc choisi par Jérôme pose un sérieux problème d'exégèse qui n'a pas échappé à la perspicacité de Dardanus : il reflète en effet certaines spéculations du judaïsme tardif sur une différenciation du shéol, analogue à celle de l'Hadès dans la culture hellénistique, entre lieux de châtiment et de félicité.

Si le Paradis (ce terme signifie jardin) dont il est question en Luc XXIII, 43 est un lieu du shéol, où se trouve la terre des vivants où règne maintenant le Christ dans son humanité glorifiée ?

Pour obtenir l'éclaircissement de ce dernier point, après mûre réflexion, Dardanus va demander à Saint Augustin "de quelle manière nous devons croire que Jésus-Christ homme, médiateur entre Dieu et les hommes, est maintenant dans le ciel, puisque, lorsqu'il était attaché à la croix et sur le point de mourir, il dit au bon larron : "Tu seras aujourd'hui avec moi dans le Paradis" (Luc XXIII, 43).

On remarque l'insistance sur l'humanité du christ. L'apôtre avait dit : "Si le Christ n'est pas ressuscité, notre espérance est vaine". La résurrection du Christ en son humanité est le gage de notre propre résurrection. Si le salut dans le Christ n'est pas pour l'homme tout entier, alors Dardanus n'a rien à faire de la religion chrétienne. Saint Augustin nous a rapporté une magnifique réflexion de notre Préfet :

"Vous dites : "Que le Christ est Dieu tout puissant, et que vous ne pourriez pas le croire Dieu sans le croire également homme parfait." (Fin de la citation).

Cette expression "homme parfait" a mis Saint Augustin mal à l'aise puisqu'il a tenu à préciser comment lui l'entendait :

Ainsi, en le disant homme parfait, vous voulez comprendre par là tout ce qui compose la nature humaine ; or l'homme ne serait pas parfait si l'âme manquait au corps, l'intelligence humaine à l'âme".

On demeure pantois devant une lecture si réductrice alors que cette expression semble condenser l'hymne au Christ de l'Epître aux Colossiens :

Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toutes les créatures, car c'est en lui qu'ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles... Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui. Il est la tête du corps, c'est-à-dire de l'Eglise : il est le principe, premier-né d'entre les morts, car Dieu s'est plu à faire habiter en lui la plénitude et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix".

Pour la tradition patristique d'Orient, le Christ, en tant qu'homme Dieu, sera l'Homme parfait. On reconnaît ici le climat spirituel du monachisme provençal, alors en plein essor. Lorsque Dardanus s'est retiré des affaires, Saint Jean Cassien rentrait d'Egypte, apportant la tradition du désert de Scete. Il allait fonder le premier monastère de la Sainte-Baume, puis Saint Victor de Marseille. Nous avons conservé le nom de Cassien en raison de ses conférences qui demeurent un ouvrage fondamental dans la formation monastique, d'autres, qui n'ont rien écrit, par humilité, ont été oubliés. Dardanus était en relation avec ces milieux monastiques que Saint Augustin suspectait (à tort) de pélagianisme tandis que les moines provençaux s'inquiétaient fort, en maîtres spirituels avisés, des effets pervers que pouvait provoquer dans la vie spirituelle la théorie de la grâce formulée par l'évêque d'Hippone. Nous tenons la preuve de cette méfiance d'Augustin dans le Second livre des Rétractations où il a noté au sujet de sa lettre à Dardanus :

J'ai eu particulièrement en vue l'hérésie pélagienne quoique je ne l'ai pas expressément notée".

Pour être taxé d'hérésie par Saint Augustin, il suffisait donc de ne pas partager son pessimisme foncier, plus manichéen que biblique, au sujet de la nature humaine. Ce point de divergence entre Dardanus et le pasteur dont il ne méconnaissait pas le génie, se manifeste encore dans les objections que Dardanus fit en post-scriptum aux idées de saint Augustin sur le baptême des tout-petits. Dardanus voyait dans le tressaillement d'allégresse du Baptiste lors de la Visitation la preuve de la capacité inhérente à la nature humaine de connaître Dieu.

Pour réfuter cette position, Augustin réduit cet épisode à un miracle sans grande portée... Cela fait mal ! Consolons-nous en relisant les pages admirables que la tradition attribue à saint Jean Chrysostome : "Je vois le Seigneur [...] je n'attends pas de naître".

Mais revenons-en à la question de Dardanus sur Luc XXIII, 43. L'évêque d'Hippone ne veut pas s'enliser dans des considérations sur un terme ambigu, celui de paradis, qui ne pouvait trouver son sens absolu qu'après l'événement de Pâques. Pour couper court, il invite son correspondant à admettre qu'en ce verset le Christ parle en tant que Dieu ; dès lors le reste de la lettre va porter sur "la présence de cette nature que nous appelons le Dieu véritable et souverain, et du temple qu'il s'élève à lui-même dans le coeur des hommes" : aussi saint Augustin résume-t-il le propos de ce texte dans les Rétractations, ajoutant : "J'ai traité cette matière avec tout le soin possible".

Bien qu'il ne partageât pas l'anthropologie de son correspondant, Saint Augustin lui a néanmoins apporté, avec ce petit traité qu'il a intitulé "De la présence de Dieu", les éléments qui lui manquaient pour construire sa représentation de la terre promise/rendue, "la terre des vivants" qui s'avère finalement être le symbole de la présence de Dieu dans l'être intime du croyant.

Le renouveau des études bibliques et patristiques permet à notre génération d'appréhender en profondeur ce qui s'est joué à Théopolis. Dardanus fut un fondateur au sens où nous devons l'être si nous voulons sortir notre monde du désarroi dans lequel il est plongé. Du lieu où oeuvra pour le bien de tous cette petite communauté enracinée dans l'espérance subsiste le plus important : le nom. Le nom est en lui-même un message et ce message peut être déchiffré en relation avec la tradition dans laquelle il s'inscrit, au sein d'échanges avec l'Eglise universelle. Théopolis, tout à la fois montagne, cité, temple, autel est un lieu qui unifie l'homme et lui permet de retrouver avec sa propre symbolique, celle de l'univers qu'il habite. Ainsi seulement la foi peut s'incarner et donner naissance à une civilisation.

Après 417, nous ne savons plus rien de Dardanus. La crypte de Dromon, qui affecte la forme d'un martyrium comme il s'en construisit au Moyen-âge pour vénérer des tombes des IV-Ve siècles, abrite-t-elle le tombeau de Dardanus ? Le fond de la chapelle est constitué d'un superbe rocher maçonné : a-t-il servi à fermer une grotte comme il s'en trouve tant autour du rocher de Dromon et dans laquelle Dardanus aurait pu finir ses jours en ermite, puisqu'il n'y avait aucune construction en ces lieux à l'époque gallo-romaine ? "Il est des lieux trop importants pour qu'on les fouille", a dit un jour un vieil archéologue interrogé à propos de cette chapelle.

L’existence de Théopolis, son importance réelle et sa localisation ont fait l’objet de nombreuses publications, notamment de l’historien Henri Irénée Marrou, dans un article consacré à saint Augustin et plus récemment de la synthèse archéologique de Géraldine Bérard, auteur de la Carte Archéologique des Alpes de Haute Provence.

Les historiens ont d’abord considéré qu’il pouvait s’agir d’une ville complète. Actuellement, on considère plutôt que Théopolis a été un domaine privé rassemblant une petite communauté de chrétiens. La vallée de Chardavon, sur la commune de Saint-Geniez livre en tout cas de nombreuses traces d’occupation gallo-romaine (notamment des tegulæ).

S’il reste quelque chose de Théopolis, ce peut être dans la crypte de la chapelle Notre Dame de Dromon. L’église est attestée dès le XIe siècle, et le vocable sous lequel est placée la chapelle, Saint-Geniez, fait référence à saint Genès d'Arles, populaire dans l’Antiquité tardive.

Le foyer de vie religieuse qu'il avait crée s’éteignit-il à sa mort, vers le milieu du Ve siècle? Nous manquons de documents sur la vie de cette paroisse alpestre que Dardanus avait entourée de murs de défense pour pallier à l'insécurité grandissante. II serait tentant de supposer que sa sépulture, retrouvée et auréolée du prestige qui entourait les reliques paléochrétiennes à l'époque carolingienne, est en relation avec cette crypte construite sur Ie plan d'un martyrium et ornée de chapiteaux qui associaient à l’art nouveau des motifs d'époque byzantine, peut-être empruntés à la décoration de l'église du Veme siècle, influencée par l’architecture arlésienne.

 

 

Le Village de Saint-Geniez

    Le village de Saint - Geniez- Cliché : Marcel Palomba

 

Le village tire son nom d'un martyr chrétien, Genesius, mort à Arles entre 290 et 303.

« Le nom de Saint-Geniez vient par corruption du latin Sanctus Genesius dont la traduction ordinaire est Saint Genès », ainsi s'exprime en 1874 l'abbé Daspres.

Plus loin, il ajoute : « La France a connu peu de saints plus vénérés que saint Genès d'Arles ; son culte marchait de pair avec celui de saint Denis de Paris, saint Irénée de Lyon, saint Martin de Tours, saint Lazare de Marseille. »

Cette extraordinaire popularité, inimaginable de nos jours, a duré au moins 10 siècles. Les très nombreux villages, église, chapelles, portant le nom, souvent altéré, de saint Genès, témoignent de cette célébrité. Aujourd'hui, bien rares sont ceux qui connaissent l'histoire de ce personnage martyrisé à la fin du IIIe siècle.

Déjà dans son Péristéphanon, le poète latin Prudence (348-410) décrivait Genès comme « l'orgueil des Arlésiens ».

Nombre d'auteurs nous ont laissé des récits, souvent détaillés, sur le saint d'Arles et notamment saint Hilaire d'Arles, évêque (403-449), saint Grégoire de Tours, saint Apollinaire, contemporain de saint Césaire d'Arles, évêque (470-542).

Deux textes très proches l'un de l'autre ont généralement servi de base aux hagiographies de saint Genès: le Sermo de vita Sancti Genesii et la Passio Genesii par saint Paulin, évêque, dont le plus ancien manuscrit se trouve à la Biblioteca Nazionale de Turin.

Plutôt que d'écrire une nouvelle fois une « Vie de saint Giniez », il est peut-être plus intéressant de donner tout simplement la traduction du texte de saint Paulin, malgré les longueurs et le style déclamatoire de l'époque.

« Le bienheureux martyr Giniez appartient en propre à Arles, sa patrie d'origine. Par droit de naissance, il est son enfant ; par sa mort, il est son protecteur. Dès le début, l'amour des fidèles, les écrits des hommes d'Eglise se sont fait un devoir de le célébrer avec éclat, afin de transmettre à la postérité le souvenir de son glorieux martyre... Mais les temps troublés qui ont suivi ont fait disparaître les écrits. Seule est restée la transmission orale. Il s'impose donc maintenant de confier à l'écriture, à l'intention des générations futures, les faits que la mémoire conserve encore avec fidélité, de peur que, par la faute de ceux qui les raconteront ou de ceux qui les entendront raconter, ils ne soient considérés comme de vulgaires fables.

Saint Giniez, dès l'adolescence, s'engagea dans la profession de greffier. Il l'exerça avec application et compétence. Sa main allait aussi vite que la parole pour consigner, à l'aide de signes abrégés, les discours des avocats ou des juges. Il préfigurait sa gloire future, lui qui écouterait avec promptitude les commandements divins et les exécuterait avec fidélité.

Or il arriva que, dans l'exercice de sa charge, il entendit lire les décrets impies et sacrilèges de la persécution. Ses oreilles pleines de l'amour de Dieu, ne pouvaient les accepter, ni ses mains de les graver dans la cire. Jetant ses tablettes aux pieds du juge, le cœur déjà tout donné à Dieu, il renonça à une si triste profession. Pour ne pas désobéir aux préceptes évangéliques qui permettent et même ordonnent de ne pas se lancer au devant de la persécution, changeant non seulement de cachette mais de ville, comme il est écrit dans un autre passage de l'évangile : "l'esprit est prompt mais la chair est faible", il disparut pendant quelque temps des yeux du juge déchaîné contre lui. Ce dernier avait donné l'ordre de l'arrêter et de le lui amener immédiatement. Malgré la difficulté de découvrir la cachette de Giniez, il avait commandé au bourreau de l'exécuter aussitôt qu'il l'aurait trouvé. Informé par des messagers secrets ou par la rumeur publique, Giniez changea encore de cachette.

Entre temps, bien que ce ne fût pas encore nécessaire, désireux de confirmer sa foi, car il n'était pas encore rené de l'eau et de l'Esprit, il fit demander à l'évêque catholique, par des intermédiaires de confiance, le don du baptême. Mais celui-ci, soit empêché par les difficultés du moment, soit par défiance de l'âge du jeune homme, imposa un délai à l'ardeur de ses désirs et lui fit savoir fermement que l'effusion de son sang versé pour le Christ lui conférerait la plénitude de ce don. Ce retard imposé par l'évêque provenait, comme il l'admit aussitôt, d'une disposition divine. Les rites visibles d'une consécration solennelle n'étaient pas nécessaires pour celui à qui un unique baptême réservait une double grâce, celle de l'eau et du sang coulant de part et d'autre du Christ.

Mais déjà le Seigneur, connaissant le cœur du futur martyr, avait prévu la constance avec laquelle il subirait sa passion. Voyant que la victoire était acquise, il jugea bon de ne pas différer la couronne qu'elle méritait. Il offrit cette proie aux persécuteurs. Dès qu'il se sut découvert, Giniez, poussé par une inspiration divine, se dirigea vers le Rhône et lui confia son corps. Il parvint à la nage sur l'autre rive. A l'exemple de saint Pierre, tendant les bras vers le Christ, il avait pu marcher sur le gouffre des eaux. Arrivé sur le lieu que le Seigneur avait choisi pour qu'il y répande son sang, il est poursuivi par son persécuteur. Un coup d'épée le délivre et son âme se hâte vers Dieu. Il confie ses membres terrestres à la terre et laisse aller son esprit céleste vers le ciel.

Cependant les fidèles de cette époque prirent la précaution que les deux rives du fleuve que la ville entourait jouissent de la protection du martyr. Ayant laissé sur le lieu même de la bienheureuse passion les traces de son sang versé, ils transportèrent de l'autre côté du fleuve les reliques vénérées, afin que de chaque côté Giniez soit présent, ici par son sang, là par son corps ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

REFERENCES.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

·         R. Martindale, et alii, The Prosopography of the Later Roman Empire[14] Cambridge University Press, 1992, volume 2, pages 346-347. La notice de la PLRE fait la synthèse des sources littéraires et épigraphiques.

·         Myriam Philibert : Théopolis, « Cité de Dieu » Editions ARQA

 

·         Marc de Leeuw : « Histoire de Saint Geniez de Dromon »,

 

·         Dom P. MIQUEL, Dictionnaire symbolique des animaux, Zoologie mystique, Paris : Le léopard d’or, 1992.

 

 

 

 

 

 

Remerciements et amitiés à Lucette et Marcel PALOMBA, habitants de Saint-Geniez  qui s’engagent dans la préservation du patrimoine et qui apportent leur soutien à l’Institut Galliléo.

 

L'Institut Galliléo investit ses recherches sur le site de Dromon .

 

Vous pouvez consulter son site Internet

 

 http://sites.google.com/site/gallileosite/

 

L'lnstitut Galliléo a pour mission de rechercher les plus lointaines racines de la Civilisation. Galliléo explore et sonde le passé dans une démarche scientifique mais dégagée de tout dogme et dans un esprit d'interdisciplinarité.

 

 L'Institut s'intéresse en priorité aux nouvelles frontières de la connaissance sur un passé allant de la préhistoire au bas Moyen âge. La transmission des idées, des savoirs, et des techniques entre les différentes générations et les différents peuples constitue un objet d'étude où toutes les participations sont accueillies dans un esprit d'ouverture.

 

Galliléo  développe des méthodes s'appuyant sur l'interdisciplinarité: Recherche historique, Archéologie, Anthropologie, Paléographie, Philologie, Histoire des religions, Linguistique, etc., et vise à renforcer la transversalité entre les acteurs de ces disciplines. 

Fonctionnant sur le modèle des sociétés savantes, Galliléo s'attache à rassembler dans son centre de documentation toute l'information relative à son champ d'investigation, et à la mettre à disposition du public.

 

Actuellement l’Institut Galliléo milite à faveur de la réalisation de fouilles archéologiques officielles dans les sous sols de la crypte de Dromon.

 

 

Pour soutenir les  activités de l'Institut Galliléo vous pouvez adresser un chèque à l’ordre de :

 

Institut Galliléo

 

 

À l’adresse suivante : Institut Galliléo, 48 Avenue des Plantiers 04200 Sisteron

 

 

La contribution des membres de l’Institut Galliléo repose sur le bénévolat.

[1]  Archiviste paléographe - membre de l’école française de Rome - archéologue spécialiste des antiquités provençales. Conservateur de la bibliothèque municipale de la ville d’Arles, conservateur  du musée lapidaire et du muséum arlaten, membre de l’Académie de Marseille. Créateur du musée des docks romains de Marseille. Il a consacré une grande part de sa carrière à l’étude des cryptes de Saint-Victor. Il est l’auteur d’une étude intitulée  la crypte en triconque de Théopolis.