La restauration de l'orgue (2010-2011)

Muet depuis plus de vingt ans, l'orgue de la Basilique Saint-Étienne va bientôt retrouver sa voix

Coût estimé de la restauration

100.000 -150.000 euros

Entièrement couvert par la donation

merci à M. X, avocat à Paris

à la mémoire de son fils Jean-Denis tué à la fin de l'année 2000

dans un tragique accident de voiture en Syrie,

à l'âge de 20 ans...

RIP

Deux frères dominicains du couvent St Étienne se trouvaient alors de passage à Damas. Ils furent contactés par leur ami commun, M. Charles-Henri d'Aragon, ambassadeur de France à Damas, pour rencontrer les parents éplorés.

Une amitié solide est née de ces tragiques circonstances...

Le facteur d'orgue choisi par le généreux donateur est M. Bernard Dargassies, de la

Manufacture Vosgienne de Grandes Orgues

1, rue du Commandant Petitjean

Vieux Chemin de Brû

88700 RAMBERVILLERS

Vues de l'atelier

L’orgue de la Basilique

L'orgue du couvent des Frères Prêcheurs, construit au début du XX° siècle, fait partie des orgues les plus anciennes de la ville de Jérusalem. L'orgue de l'Hospice autrichien et celui de l'église Notre-Dame des Sœurs de Sion semblent avoir été construits un peu plus tôt, à la fin du XIX° siècle. Par contre, l'orgue de la Dormition a été construit bien plus tard, au milieu du XX° siècle. Il est de style baroque allemand, comme l'orgue du Temple du Rédempteur ainsi que celui de l'église St George des Anglicans. Enfin, le plus gros orgue en nombre de jeux et le plus récent se trouve chez les mormons. Cet orgue, sans style sonore défini, offre la possibilité d'interpréter une littérature variée couvrant le répertoire du XVIII° au XXI° siècle. Il a l'avantage d'être un orgue "à tout jouer", mais sans avoir la capacité de répondre parfaitement à un style de musique.

Les archives du couvent Saint-Étienne ayant été détruites, nous ignorons tout des raisons qui ont conduit les frères à faire appel à la manufacture autrichienne Mauracher. Nous n'avons en possession ni courriers échangés entre la manufacture et la communauté, ni devis relatif à la construction de l'orgue. Cet orgue, commandé fin XIX°- début XX° siècles, a été conçu et réalisé en Autriche. Il fut très certainement acheminé par bateau jusqu'au port le plus proche de Jérusalem puis par train jusqu'à Jérusalem. Il fut remonté sur place, dans la Basilique.

Deux écussons décorent la façade du buffet. Ces deux écussons symbolisent à la fois l'Ordre des Frères Prêcheurs et le martyr de saint Etienne. Il ne s'agit donc pas d'un orgue de seconde main. Par ailleurs, ces mêmes écussons sont surmontés d'une couronne dorée, ornée de sept boules blanches.

Il semble que l'orgue ait été spécialement conçu pour le lieu car il trouve parfaitement sa place entre deux piliers de l'édifice. La Basilique devait déjà être construite lors de l'élaboration des plans de l'orgue ou tout du moins, les dimensions en étaient parfaitement connues par le facteur d'orgue.

Enfin, ne trouvant pas de trace de modifications dans la structure des stalles, modifications qui auraient pu être faites lors de l'installation de la mécanique de l'orgue, il est pratiquement certain que l'orgue a été monté dans les mêmes temps que les stalles. Du fait de l'importance des stalles, à cause des célébrations liturgiques, l'orgue et les stalles ont dû être installés peu de temps après l'édification de la Basilique. L'orgue actuel doit donc être le premier orgue qui occupa les lieux.

a. Son passé

La transmission de l'orgue de Saint-Étienne est une transmission dite pneumatique. Ce genre de transmission était certainement à la pointe du progrès à l'époque de la réalisation de l'instrument. Les progrès de la facture d'orgue européenne avaient mis au point diverses transmissions pneumatiques de type tubulaire plus ou moins perfectionnées. Ces nouveaux procédés voulaient succéder à l'ancienne transmission dite mécanique qui était en usage depuis plusieurs siècles et ainsi échapper à sa part d'incommodité. Mais avec l'arrivée de l'électricité et son grand champ d'action, la construction d'orgue à transmissions pneumatiques a été interrompue.

La transmission pneumatique a plusieurs avantages. Tout d'abord, elle permet l'installation de combinaisons. Ces combinaisons fixes étaient une prouesse technique pour l'époque. Il suffit à l'organiste d'enclencher une de ces combinaisons pour avoir immédiatement un mélange sonore prédéterminé. En une seconde l'organiste peut par lui-même changer sa registration et passer d'un Tutti à un Piano. Il n'était plus nécessaire de tirer ou de repousser un à un les jeux désirés ou de faire appel à une "troisième main". Les combinaisons permettent une plus grande aisance de jeu pour l'organiste ainsi qu'une plus grande autonomie d'exécution.

Le second avantage d'une transmission pneumatique est la souplesse des claviers. Une transmission mécanique classique nécessite une certaine force dans les mains pour pouvoir jouer avec vélocité. Une transmission pneumatique est beaucoup plus légère, elle n'oblige pas à avoir le même tonus dans les doigts.

Il faut ajouter à cela que le pneumatique n'a pas que des avantages. Ce genre de transmission impose un enfoncement important des touches aux claviers. Il faut donc que l'instrumentiste articule son toucher en conséquence, ce qui peut être un handicap pour l'exécution rapides de certaines pièces. De plus, vu la configuration ergonomique de la console propre à l'orgue qui nous intéresse, il est très facile, d'un geste, d'annuler l'une ou l'autre des combinaisons enclenchées lorsque l'on joue au Grand Orgue. Enfin, le reproche majeur que l'on doit faire à ce genre de transmission est son retard dans l'exécution. Que ce soit dans le tirage des jeux ou le tirage des notes, les informations transmises depuis la console mettent un certain temps avant d'être exécutées par l'instrument. Pour cela, la transmission mécanique est bien plus efficace puisqu'elle est instantanée.

Pour ce qui est de sa composition, l'orgue du couvent est, à l'origine, un orgue de type "romantique allemand". L'orgue romantique a pour caractéristique d'avoir une majorité de jeux de 8 pieds, quelques jeux graves de 16 pieds, quelques jeux aigus de 4 pieds et très peu de jeux plus aigus. Enfin, seules les orgues romantiques de grandes dimensions possèdent quelques jeux de mutation et des batteries d'anches. Il en est tout autre pour l'orgue du couvent Saint-Étienne. De dimension modeste, il comptait à l'origine douze jeux de fond et un seul jeu d'anche. Sur les treize jeux de l'orgue, neuf jeux étaient de 8 pieds (les deux tiers !). L'instrument avait deux jeux de 16 pieds et deux jeux de 4 pieds. En conformité avec son style, le clavier de Récit n'avait que peu de jeux (cinq jeux). Bien que datant du début du XX° siècle, l'orgue du couvent Saint-Étienne avait, à l'origine, la composition des orgues romantiques françaises de la seconde moitié du XIX° siècle. Ce type d'orgue peut être qualifié d'orgue de transition puisqu'il se situe entre les deux grands styles : classique et symphonique.

A l'origine, la sonorité de ses jeux devait être assez douce et ronde. Le timbre des jeux se rapprochait des timbres des orgues de la manufacture Merklin, bien connue en Europe. Le seul inconvénient est que l'orgue romantique en général et tout particulièrement l'orgue du couvent des Dominicains ne pouvait pas offrir une sonorité variée à son auditoire.

b. Son actualité

Bien que l'orgue du couvent soit seulement du début du XX° siècle, il faut admettre qu'en moins de cinquante ans, il a subi un nombre important de modifications tant au plan de la transmission qu'au niveau sonore.

- La soufflerie a été modifiée, lors de l'électrification de l'instrument. La pompe d'origine, à pieds ou à bras, qui permettait l'alimentation en vent a été supprimée et remplacée par un ventilateur électrique.

La première conséquence de l'électrification de la soufflerie fut de modifier le soufflet principal. Il faut savoir qu'à sa conception, la soufflerie était différente. Pour éviter que l'orgue ne se trouve à court de vent alors que l'organiste joue, le soufflet d'origine avait été spécialement conçu de grande dimension.

Cette grande réserve d'air offrait au souffleur une marge de manœuvre. Même si l'instrumentiste consommait plus d'air en jouant que le souffleur ne pouvait en procurer par sa propre force, l'orgue ne se trouvait jamais aphone grâce à son importante réserve d'air contenue dans son soufflet. Avec l'installation du moteur électrique et en raison de son débit important et constant, le soufflet était devenu surdimensionné. C'est à cette occasion que la capacité du soufflet devenue sur dimensionnée a été réduite de moitié.

Est-ce aussi à cette occasion que la transmission pneumatique a été profondément remaniée ? L'installation du moteur électrique et de la boîte régulatrice à rideau a peut-être nécessité de modifier le parcours de la tuyauterie de la transmission des notes.

A l'origine, la transmission pneumatique était de très belle facture. Il s'agissait de petits tuyaux de cuivre, rigides, correctement maintenus par des pièces de bois parfaitement ouvragées. Les trois quarts de la transmission de tubes de cuivre ont été remplacés par des tubes de plomb, mous, maintenus par des bandelettes de tissu et des planchettes de récupération en sapin. Le résultat de ce bricolage ne s'est pas fait attendre : en moins de cent ans, l'orgue est devenu muet.

- Malgré la taille modeste de l'instrument, les différentes interventions au niveau sonore ont permis de modifier l'esthétique romantique de l'orgue pour tenter d'en faire un orgue plus classique. Pour ce faire, il a fallu éclaircir l'instrument en supprimant quelques jeux de 8 pieds et y ajouter des jeux plus aigus. Ceci étant fait dans l'optique légitime d'élargir le répertoire de l'orgue. L'ajout de jeux aigus permet en particulier de jouer des pièces allemandes du XVIII° siècle ou des pièces contemporaines. L'installation de deux jeux de mutation au Grand Orgue et l'installation d'un jeu de mutation au Récit a permis de conserver, de manière élégante, l'équilibre des plans sonores entre les deux claviers.

Il faut constater qu'un travail considérable de ré-harmonisation a été exécuté sur l'ensemble de la tuyauterie. Si l'intention n'était pas mauvaise, la réalisation a été très négligée. Il faut regretter en effet que ce travail n'ait pas été fait dans les règles de l'art de la facture d'orgue. Le résultat sonore n'est pas satisfaisant et bon nombre de jeux se trouvent irrémédiablement endommagés.

Au Récit, un jeu de 8 pieds, la Céleste jugée trop romantique, a été supprimée et remplacée par un jeu de mutation, un Larigot. Ce nouveau jeu, aigu, peut être utilisé de façon multiple, soit en solo soit dans le tutti.

Au Grand Orgue, le jeu grave de 16 pieds a été décalé et mis en 8 pieds. Un des nombreux jeux de 8 pieds a été supprimé. Un jeu de 4 pieds a été ajouté ainsi qu'un jeu de 2 pieds. Deux jeux de mutation, la Sesquialtera et le Plein Jeu, ont été installés sur un sommier neuf.

c. Son avenir

La vie d'un orgue ne se compte pas en semaines ou en mois, ni même en dizaines d'années mais en centaines d'années. Une restauration générale détermine l'orgue pour les générations à venir. Prendre la décision de faire un relevage minutieux et complet d'un orgue muet ne s'aborde pas de la même manière que d'entreprendre un simple dépoussiérage annuel de la tuyauterie. Vu le coût des travaux, nous n'avons pas le droit à l'erreur, pour cela nous devons être parfaitement certain de ce que nous attendons d'une restauration.

Dans l'état actuel où se présente l'orgue, il est impossible d'envisager une restauration partielle de l'instrument. L'orgue a déjà trop souffert de la profusion de retouches désordonnées qui l'on conduit au mutisme total. Deux options s'offrent à nous : soit tenter de remettre l'orgue dans son état d'origine, c'est-à-dire en faire à nouveau, un orgue romantique, soit opter définitivement pour le courant qui a été choisi pour cet instrument, il y a maintenant plusieurs décennies, qui consiste à en faire un orgue totalement classique.

Redonner à l'orgue son style d'origine revient en fait, à reconstruire pratiquement toute la partie sonore de l'instrument. Comme nous l'avons vu plus haut, la tuyauterie a été profondément remaniée, il est impossible de redonner à l'orgue sa couleur d'origine, tout en conservant le matériel actuel. Par ailleurs, revenir à l'état d'origine aura pour conséquence de revenir à un orgue très pauvre en couleurs sonores et avec un répertoire déterminé assez limité.

Puisqu'il faut définitivement envisager une restauration complète de l'instrument, il est tout à fait possible de poursuivre et de terminer, dans les règles de l'art cette fois, ce qui a été entrepris par nos frères aînés. Il faut cependant rappelé que l'intention précise des frères à l'époque était de transformer radicalement l'orgue en supprimant toute trace de romantisme (style du XIX° siècle) pour en faire un orgue intégralement classique (style du XVIII° siècle).