Le Budo
Au Japon, l’Art du combat s’appelle le "Budo". Il désigne le sentier abrupt qui serpente au cœur des arts martiaux. On découvre vite que l’adversaire le plus dangereux n’est pas à chercher ailleurs qu’en soi-même. La Voie du combat revêt ainsi un tout autre sens.
Le Budo, répètent les Maîtres, ne se pratique pas qu’au Dojo. Il constitue un Art de vivre qui s’expérimente à chaque instant. Il produira ses fruits irrésistiblement, avec la patience et le temps.
« Une victoire relative est fragile, ... mais une victoire sur soi-même est absolue. »
Un Maître a dit un jour que trois choses étaient importantes : « Shin » (L’Esprit), « Wasa » (La Technique), « Thaï » (Le Corps). Ils doivent être unis. C’est leur parfaite union qui crée l’acte juste. Dans les arts martiaux, l’unité entre l’esprit, le corps et la technique, est essentielle.
L’esprit de la pratique des arts martiaux est résolument non dualiste, c’est-à-dire qu’on peut envisager le partenaire comme une autre partie de soi-même, un ami à qui l’on donne son corps et qui vous tend le sien. En aucun cas un ennemi ou un adversaire. Si nous nous complétons l’un l’autre, nous avons accompli la première étape de l’entraînement.
Le vrai Budo ne recherche pas l’attaque mais la protection de soi et d’autrui. Dans la pratique, son fondement n’est pas la confrontation, mais l’entraide mutuelle.
Le Ju-Jutsu Traditionnel n’est pas un jeu, mais un art martial transformé en Budo, c’est-à-dire un moyen d’éducation et de perfectionnement de soi. Ce qu’il y a de spécifique dans les arts martiaux, c’est que le chemin pour parvenir à la perfection est balisé d’exigences infimes qui régissent autant les rapports entre les individus, que le comportement dans le Dojo (même s’il est vide), que la façon d’entretenir sa tenue vestimentaire. Qui plus est, au-delà du respect de ces repères, ce qui est le plus important, ce n’est pas tant le but à atteindre, que de suivre le chemin et comment y parvenir. Dans la cérémonie du thé, l’idée n’est pas de mettre longtemps pour offrir un meilleur thé à son hôte.
Non, il est plus important de préparer le thé que de le boire.
Les exemples sont multiples qui montrent que le résultat est moins important que ce qui y conduit, que le fond est plus important que la forme, mais que la forme est essentielle pour que le fond puisse en jaillir. Tout pratiquant doit accepter de devenir un exemple pour celui qui débute son entraînement après lui. Par exemple, l’élève ceinture jaune doit déjà être un « modèle » pour l’élève ceinture blanche et ainsi de suite. C’est un système très élitiste, qui condamne à l’excellence. L’excellence peut être une vertu, mais il faut veiller à ne l’assortir ni de mépris, ni de prétention. L’humilité en est le remède. Le plus difficile, ce n’est pas de réussir un examen de passage de grade, mais d’être à la hauteur de la ceinture que l’on arbore. Il y a toujours quelqu’un dans le Dojo à qui vous servez de référence, aussi minime soit-elle, ne serait-ce que pour vous regarder nouer votre ceinture. Être pratiquant, c’est être héritier d’une tradition technique et d’une tradition morale, puisées abondamment dans les philosophies orientales.
Un vieux Maître disait : « Je n’ai rien à apprendre à ceux qui savent tout, j’ai quelque chose à apprendre à ceux qui savent quelque chose, mais j’ai beaucoup à apprendre à ceux qui savent qu’ils ne savent rien.»
Les arts martiaux
Le courage oscille toujours entre deux gouffres : la lâcheté et la témérité. Les véritables arts martiaux ne peuvent pas être confondus avec de simples sports de combat. Dans la compétition, il y a obligatoirement un vainqueur et un vaincu. Le vaincu souvent ne se retire pas sans quelque amertume et le vainqueur sans quelque vanité.
Les arts martiaux traditionnels débouchent sur une Voie qui permet à l’homme au prix d’un apprentissage long et difficile, d’approfondir son expérience de la réalité et de lui-même. Peu à peu, le pratiquant découvre toutes les subtilités qui régissent son art martial, et il apprend, que la qualité de ses œuvres dépend de ce qu’il peut maîtriser lui-même, de ce qu’il est.
Tout combat, qu’il se situe à l’intérieur ou à l’extérieur de nous, est toujours un combat contre nous même.
Mais par quel moyen peut-on devenir fort et sage à la fois ?
Comme vous le savez, les possibilités de notre corps et de notre esprit sont limitées, car nous ne sommes que des hommes. L’homme ne peut prétendre à la force physique du lion, il ne peut davantage prétendre égaler la sagesse de Dieu.
L’art martial est la discipline de toute une vie, et il est semblable à une pierre qu’il faut sans cesse polir. Dans le Dojo, le courage est essentiel. L’important n’étant pas de venir faire un petit tour, mais de durer. Parce qu’il y a beaucoup de choses à apprendre, l’apprentissage implique des rythmes et des pauses, obéi à des lois où il y a des temps de saturations, des temps de maturations. De plus, la mémoire aussi a ses limites. C’est ainsi que les impatients sont vite déçus parce que les progrès ne sont pas aussi rapides que leurs désirs ou même leurs rêves. Sans oublier que l’éthique du Budo impose de persévérer mais aussi d’évoluer.
Une des idées essentielles des arts martiaux, c’est qu’aucun progrès n’est possible sans les autres. Que la recherche d’efficacité, de perfection n’est possible qu’à plusieurs et dans le respect de chacun. C’est le principe « Jita Kyoei », « Entraide et prospérité mutuelle » qui associé au principe « Seiryoku - Zenyo », « Maximum d’efficacité d’utilisation de l’esprit et du corps, pour un minimum d’effort », constitue le fondement des arts martiaux traditionnels.
L’art martial est une école de liberté qui tient compte du partenaire qui n’est pas confiné dans le rôle de l’adversaire. Qu’il soit armé d’un sabre, d’un bâton ou d’un poignard, qu’il frappe de ses mains, de ses poings ou des ses pieds, qu’il saisisse ou qu’il esquive, il pose une question. La réponse se trouve dans l’adaptation et le contrôle de soi et de l’autre.
Un homme, un jour, voyait du haut d’un promontoire, la mer pour la première fois de sa vie.
« Que c’est beau ! Que c’est grand ! » disait-il, le souffle coupé.
« Et encore, … » lui dit son ami, « vous ne voyez que la surface ! »