UN JOUR CA IRA est né lorsque nous venions d’achever un premier documentaire, déjà à quatre mains (DES CLÉS DANS LA POCHE) sur des personnes à la rue qui se reconstruisent en Auvergne; Éric Pliez, à la fois Président du Samu social et directeur d’Aurore (l’association parisienne qui accompagne les SDF ou les mal-logés) nous a téléphoné, en nous disant laconiquement : « venez voir, on tente un truc ».
Nous l’avons suivi. Nous sommes allés voir. C’est comme ça que tout a commencé pour nous à l’Archipel…
L’Archipel a été pendant des décennies le vaisseau amiral de l’innovation française (INPI : l’Institut National de la Propriété Intellectuelle) et est devenu, avec la crise, un canot de sauvetage pour les naufragés de la vie.
Ce radeau s’est transformé en bateau-pilote de l’innovation sociale, en inventant une autre manière de prendre en charge les sans domicile.
Près de 300 personnes, dont 70 enfants vivent dans ce centre conçu pour abriter des familles à la rue, souvent composées d’une mère... et de ses enfants.
Évidemment, rien n’est luxueux. Les douches sont spartiates, la cantine impersonnelle, les chambres sont d’anciens bureaux pas toujours bien adaptés. C’est bien d’un centre d’hébergement d’urgence dont il s’agit. À part qu’ici s’invente une alchimie unique qui veut rendre « le beau accessible au bas ». Et c’est ce qui nous a séduits. On est à l’Archipel, loin des garages à pauvres, loin des centres d’hébergement isolés. On est au bout d’une ligne de bus aléatoires qui enferment encore plus dans la pauvreté et l’isolement : pour ces gens qui n’auraient rien d’autre à faire... que de survivre.
En plein centre-ville, les hébergés peuvent plus facilement effectuer les démarches administratives nécessaires et envisager une vie après, une vie dehors. Accompagnés par les travailleurs sociaux du centre, ils peuvent croire que rien n’est définitivement perdu, et que leur destin leur appartient.
En fait, la force de l’Archipel réside dans sa capacité à agréger des initiatives et des énergies.
Car les mondes, les univers, les parcours cohabitent et parfois se mélangent dans ce lieu original. Insérés, exclus, entrepreneurs, travailleurs sociaux composent cette tour de Babel sociale. Il y a à l’Archipel des destins, des vies, des parcours, mais aussi un projet politique, une expérimentation sociale unique en Europe et d’une ampleur inédite.
Finalement, Eric Pliez a rendu les clés et tous ont quitté le lieu pendant l’été 2016, pour laisser la place aux aménageurs qui « valoriseront » cette emprise foncière exceptionnelle au cœur du 8e arrondissement de Paris.
C’est pour cela que, nous sommes allés vers un film qui questionne la place des « pauvres » dans l’espace public.