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Les enfants représentent la force vive de l’Archipel. Ils en sont en tout cas la raison d’être. Nous avons donc eu spontanément envie de leur accorder une place centrale dans notre film et avons choisi deux d’entre eux.

Deux ados de 13 ans, une fille, un garçon, arrivés à l’Archipel accompagné chacun d’un de leurs parents. Djibi est un garçon seul avec sa mère, Ange une fille seule avec son père. Tous les deux sont collégiens. Ils ont le conformisme des enfants de leur âge avec en plus le « secret » de leur lieu de vie. Ils habitent au 115 comme ils disent. Ce qui, dans l’espace social, leur confère un statut « d’invisible ».

Ce sont deux ados d’une grande maturité acquise au contact des aléas traversés. Mais deux ados qui gardent évidemment aussi leur part d’enfance. Et de rêves sans limites. Ils encaissent, mais ils incarnent l’insouciance. Ils sont connectés à leur corps, à leur ressenti, ils sont spontanés et dans le présent.

Par conséquent, le monde vu à travers leur prisme est très intéressant. Ils vivent le monde de façon plus archaïque, quand ils regardent, ils ouvrent les yeux plus grands.

Dans les différents ateliers qui leur sont proposés, ils accouchent de choses époustouflantes même s’ils n’en ont pas forcément conscience.

Djibi et Ange livrent leurs regards et leurs perceptions à travers leurs écrits dans les ateliers d’écriture et de chant :

Djibi rédige des articles lors de l’atelier d’écriture pour qu’ils soient publiés dans le quotidien Libération. Écrire, se raconter, c’est pour lui s’approprier son destin, se réapproprier de l’intime, tout en se protégeant.

Pour une fois, on lui donne la parole, pour une fois, il a une voix, il est content. Il ne va pas témoigner, mais réfléchir. Sa parole y est construite, élaborée, assumée et lui permet l’introspection.

Dans son premier texte, il raconte son arrivée avec sa mère à l’Archipel un 31 décembre au soir. Il écrit sur la promiscuité du lieu, en imaginant la vie « derrière le mur de sa chambre » et bravache, il explique déjà que quitter le lieu ne lui fait pas peur, à lui qui est un « serial déménageur » ! Il décrypte au fur et à mesure le lieu et ses codes. Il est notre guide. Plus tout à fait enfant et pas encore adulte. Il dit de lui qu’il a vécu sa vie d’adulte... enfant et qu’il espère donc vivre sa vie d’enfant... adulte.

Il décrypte au fur et à mesure le lieu et ses codes. Il est notre guide. Plus tout à fait enfant et pas encore adulte. Il dit de lui qu’il a vécu sa vie d’adulte... enfant et qu’il espère donc vivre sa vie d’enfant... adulte.

Ange raconte son aventure au centre, à travers les chansons qu’elle compose à l’atelier chant. Cette activité représente pour elle un moment précieux d’évasion et un lieu privilégié d’expression.

Elle s’y sent écoutée, douée, et valorisée grâce à l’espace bienveillant créé par sa prof de chant. Elle peut donc sortir enfin de sa bulle, de son isolement, et échapper à la discipline paternelle. Elle trouve dans cet atelier le moyen de chanter dans l’urgence, et parfois de chanter son urgence.

À travers la construction et l’évolution de quelques morceaux choisis, nous la regarderons grandir et mûrir. Nous partagerons ses sentiments sur ce qu’elle vit, jusqu’à la représentation finale de ses chansons devant les parents, dans la chapelle de l’Archipel. Ange a décidé d’écrire une chanson sur son père, son unique et exigeant référent dans laquelle elle va raconter sa peur de l’abandon. Elle a également écrit sur sa mère et sur son parcours d’ado SDF. Un texte intitulé « Ange des rues », qui va susciter l’admiration de tous et lui offrir enfin le statut auquel chaque adolescent aspire.

Djibi et Ange vont recouvrer leur dignité, car comme tous les ados, ils veulent à la fois se démarquer et ressembler aux jeunes de leur âge aspirant à la « normalité ». Or, bien souvent, ils n’osent même pas dire où ils habitent tant la honte les étreint. Pour autant, tous les deux manifestent une volonté tenace de s’accrocher et de s’en sortir. Ils sont extrêmement méritants, ils croient en leur bonne étoile, ce qui les rend attachants. Ce sont des enfants qui doutent, mais qui sont résolument optimistes et se projettent dans une vie future rêvée. Chacun, à sa manière, est persuadé avec toute la confiance de son âge que forcément, « un jour ça ira » !

Pour Djibi et Ange, l’écriture et le chant s’inscrivent dans une progression forcément chaotique et empreinte de doutes, et sont tous deux porteurs d’un enjeu à forte valeur symbolique qu’ils ne sont pas certains d’atteindre. Aboutir à une représentation en public pour Ange, et obtenir une publication dans le quotidien Libération pour Djibi ne sont pas des perspectives qui leur paraissaient envisageables au début. Ils vont pourtant relever ce défi. Et par leur motivation, insuffler de l’énergie à l’ensemble du groupe d’ados.