Pour ce film, nous avons choisi le huis clos, d’abord pour insister sur la posture encalminée des familles hébergées. Elles sont comme emprisonnées dans un no man’s land. Elles sont dans un entre-deux qui engendre une véritable fatigue psychique.

Le huis clos géographique nous a permis de travailler sur les mouvements de frottement et de grâce liés à la grande promiscuité à l’Archipel et à la tension permanente ainsi créée. Rien n’est lisse. À l’Archipel, rien n’est linéaire. Le moindre événement crée un effet papillon. Notre défi a d’ailleurs été de faire rentrer l’extérieur dans cet univers notamment au moment de la crise des migrants qui se répercutera sur le centre.

De nombreux éléments du décor dévoilent les contrastes des différentes activités et époques qui se sont croisées à l’Archipel. Sur les portes des chambres des hébergés, on peut lire, sur du papier ordinaire, des noms de famille et le nombre d’occupants dans la chambre. À côté, il reste d’anciens écriteaux de l’INPI. Ici, les hébergés peuvent dormir dans une chambre, avec une double porte capitonnée, qui était le bureau du directeur général de l’INPI. Le nom du directeur est toujours là, et il côtoie celui des résidents temporaires griffonnés sur une feuille volante.

Ces familles hébergées sont inscrites dans une double temporalité : celle de leur vie faite d’urgence, et le cycle de la société à l’extérieur qui les oblige à développer une patience hors norme. Elles ont des besoins pressants, mais personne ne peut leur fournir dans l’instant un logement, un travail, des papiers... Le huis clos met en exergue le temps qui passe et la sensation d’étouffement que les familles ressentent.