Commençons par quelques précisions sur le fonds Jacques Belin consultable sur le site des Archives Diplomatiques (https://archivesdiplomatiques.diplomatie.gouv.fr/) où je découvris cette photographie. (source, présentation du fonds Belin sur https://archivesdiplomatiques.diplomatie.gouv.fr/)(copies d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
Description physique du fonds : Le fonds se compose d'environ 100 000 photos sous forme de planches contact de tirages argentiques noir et blanc et de négatifs.
Origine : Photographies de Jacques Belin, ancien correspondant de guerre engagé dans les Forces françaises libres, puis photographe quasi-officiel auprès des autorités du Protectorat.
Biographie ou Histoire : Jacques Belin, photographe (1910-1974). Jacques Belin fait ses premières armes de photographe à Paris, au journal Le Jour (1933-1939), où il fut reporter-photographe sous les ordres de Léon Bailby. À la déclaration de guerre, il s’engage et est envoyé comme correspondant de guerre du Service cinématographique de l’armée, en Afrique du Nord.
Activité au Maroc : Démobilisé à Rabat en juillet 1940, il est accueilli par la résidence générale et utilise les laboratoires photos de la direction de la Police. Dès 1941, il devient photographe officiel de la résidence générale pour laquelle il travaille sous contrat et installe ses bureaux à l'Office de tourisme, avec lequel il gardera des liens jusqu'à la fin du protectorat. De 1943 à 1945, participe aux campagnes d’Italie, de France et d'Allemagne, comme correspondant de guerre. Distingué pour sa bravoure, il est trois fois cité et blessé en Allemagne le 10 avril 1945. Après son retour à Rabat, l’essentiel de son activité est consacré à la résidence générale, dont il tire 90 % de ses revenus. En 1953, il transfère ses bureaux et laboratoires passage Karrakchou, au 1er étage. Mais la suppression du régime de protectorat, entraînant la perte des commandes officielles de la résidence générale, est fatale à son activité professionnelle. En 1960, il se voit contraint de solliciter un prêt de soutien afin de maintenir son activité au Maroc. Un an plus tard, faute d’amélioration notable, il décide de rentrer en France.
Retour en France : Il quitte Rabat le 26 février 1963 pour s'installer en France, à Cannes. Durant quelques années, il maintient son activité au profit de quelques organes de presse dont Paris-Match.
Histoire de la conservation : Fonds retrouvé à Rabat lors de la mission archives de mai 1989. Il est entré au CADN par versement de l'ambassade en janvier 2005.
Présentation du contenu : La production photographique de Jacques Belin illustre les événements liés à la présence française au Maroc : visites officielles, compétitions sportives, manifestations publiques, inspections du résident général etc. Tout en étant indépendant, Jacques Belin va régulièrement vendre ses clichés à la Résidence générale jusqu'à la fin du protectorat. Il travaillera également pour l'office de tourisme dans lequel il installe ses bureaux à partir de 1941. Le fonds se présente sous forme d'albums photos d'une dizaine de planches contact par album, organisées en 2 séries :
- une série alphabétique (21MA/1) de formats divers.
- une série numérique (21MA/2) avec uniquement des clichés au format 6x6.
Chaque planche-contact est légendée (sujet et dates) au niveau du reportage ou le cas échéant, de la prise de vue.
Ces précisions documentaires en font une source d’informations inégalée pour l’histoire de la présence française au Maroc entre 1940 et 1961.
Commentaires : ce qui étonnent, peut-être : la découverte tardive de ce fonds et le temps de latence entre les retrouvailles (1989) et le versement aux archives (2005). Ce qui étonne, encore : Jacques Belin aurait quitté Rabat en 1963 sans ses photographies, qui sauf celles vendues à la Résidence ou à l’Office du Tourisme, lui appartenaient. Ce qui étonne, enfin : le parcours de vie professionnelle de Jacques Belin, qui côtoya les « grand.es » de ce monde à une époque et à la fin du Protectorat cela semble se fendiller sérieusement.
Les planches du fonds sont magnifiques, titrées avec un bandeau tapé avec une machine à écrire d’antan et son ruban d’encres noire et rouge (une Remington peut-être) puis découpé et collé, avec parfois des annotations et des correctifs. Le fonds est immense, et demande de l’attention. Je cherchais des photographies d’une visite officielle du Résident Juin au Tadla, et sur une planche AIT ISSEHACQ [Aït Ishaq aujourd’hui, Moyen-Atlas à 20 kilomètres environ au Sud de Khénifra ; note de Q.T.] (10 mars 1954) je vis le Monument de Kasba-Tadla. Jacques Belin avait corrigé. Il y a donc peut-être au milieu de cette immensité photographique des clichés égarés à exhumer. Voici donc la seule, pour le moment, photographie du Monument de Kasba-Tadla où apparaissent une partie des plaques de marbre noir gravées - voir un extrait du texte et une description dans l’autre article consacré au Monument.
© Copyleft Q.T. 13 janvier 2025
« La première question que l'on ne manque pas de poser au voyageur, qui a parcouru et étudié quelque peu le Maroc, est celle-ci : « Est-ce vraiment un pays riche, et le Maroc est-il une bonne affaire ? » Le Maroc (Géographie - Histoire - Mise en valeur) - Victor Piquet, Librairie Armand Colin, Paris 1917 (livre personnel, également disponible sur gallica.bnf.fr)
Que de bêtises traînent sur Internet sur ce monument au premier abord énigmatique. Toutes les communes françaises possèdent un, voire plusieurs, monuments aux morts comme « le Monument ».
Un livre « Sur les traces glorieuses des pacificateurs du Maroc » du Colonel L. Voinot (Charles-Lavauzelle et Cie, Editeurs, 1939), illustrations de Théophile-Jean DELAYE (disponibilité partielle sur https://book.google.fr ou ma) fait une recension de 116 monuments commémoratifs importants du Maroc, et le « monument de Tadla » y apparaît.
En voici des extraits concernant spécifiquement « le monument », les autres pages apparaîtront, avec le titre « Combats au Tadla 02 » (reconnaissance OCR et corrections manuelles, avec respect de l'orthographe donnée par l'auteur des noms propres)
« Aux 4 347 officiers, sous officiers, hommes de troupe, supplétifs et partisans tombés au cours des combats livrés, de 1912 à 1933, pour la pacification du Tadla. »
Telle est la dédicace gravée sur la plaque centrale du monument, qui se dresse au sud-ouest de la ville, près de la route de Khenifra. On a érigé celui-ci avec des fonds de la Résidence Générale, du commandement supérieur des troupes et des dons d'officiers ayant servi au Tadla ; il est construit en ciment armé, recouvert d'une peinture pétrifiante, et diffère beaucoup du modèle courant. Quatre grandes lames, étroites et parallèles, le constituent ; elles sont reliées à la base par de la maçonnerie remplissant les intervalles. Les massifs en question supportent trois plaques de marbre. Sur celle de gauche on lit : « Le groupe mobile du Tadla a été dissous le 1er octobre 1933, après avoir pris, pendant plus de vingt ans, une part glorieuse à la pacification du Maroc et livré 77 combats classés. » La liste des affaires se trouve au-dessous de ce texte. Sur la plaque de droite, l'inscription débute ainsi : « Aux officiers morts au champ d'honneur », puis elle donne, par année, les noms des 84 officiers tués. Le total des pertes, indiqué sur la plaque du centre, comprend 2 162 supplétifs et partisans ; c'est le chiffre officiel, mais il semble inférieur à la réalité.
En somme, ce monument commémore l'œuvre entière du groupe mobile du Tadla. Mais la campagne de 1914 à Khenifra relève plutôt de la stèle de Dar-Caïd-Ito ; d'autre part, les combats livrés en haute montagne sont rappelés par les stèles d'Arbala, du R'Nim et de Babn'Ouyad. Dans ces conditions, il ne faut rattacher au monument de Kasba-Tadla que les opérations en basse montagne.
Commentaires : aucune photographie, à ma connaissance, du « monument » montre les plaques et leurs inscriptions ; l'auteur souligne bien que le nombre de morts parmi les supplétifs et partisans est probablement inférieur à la réalité et on lui en sait gré ; dans le titre, « Pacificateurs » fait oublier les mots guerre, colonisation, civiliser, pillages, morts avec tout ce que traînent derrière eux ces termes. Longtemps les guides touristiques ont indiqué ce point de vue remarquable sur la ville qui blottie dans un méandre du fleuve a fini par s'étendre dans toutes les directions sur la meseta. Il est étonnant de constater que positionné sur l'ancienne « place de France » devant la municipalité, le « Monument » est visible, est-ce une coïncidence ou une volonté délibérée des édificateurs ?
L'accès au monument est maintenant goudronné, éclairé, végétalisé ; les jours de canicule, les tadlaoui.as y montent, s'y posent le soir pour enfin respirer, des marchands y traînent leur carriole, installent des chaises, proposent divers mets quasiment jusqu'à l'aube.
Films en suivant les liens suivants :
le Général Guillaume en tournée en 1951 : passage par le barrage de Bin-El-Ouidane en construction et au Monument de Kasba-Tadla : ici
quelques panoramas de Kasba-Tadla filmés depuis le Monument : ici
quelques photographies du Monument : ici
© Copyleft Q.T. 15 octobre 2020 modifié le 27 janvier 2024