C’est un peu par hasard que je commençais un inventaire des mosquées de Kasba-Tadla et de la voisine campagne. Ces édifices religieux, dont la fréquentation est importante sont de plus en plus nombreux ; chaque quartier, voire chaque pâté de maisons possède sa mosquée, parfois un simple rez-de-chaussée remodelé. Le magazine GEO, n°263 de Janvier 2001, proposa un texte de l’écrivain Abdelhak Serhane (né à Sefrou en 1950) qui évoque bien cette explosion du nombre de mosquées au Maroc ; il y évoque une « cacophonie criarde » qui remplaça une sorte de « berceuse », « Désormais, de minaret en minaret, la voix irritée des muezzins, lancée à fond par des haut-parleurs mal réglés, s’élève vers le ciel cinq fois par jour dans une cacophonie criarde. ». J’aurais parlé plutôt de polyphonie décalée, avec, c’est exact, souvent des crachotements auditivement douloureux ; le sentiment également que chaque mosquée essaye sonorement de prendre le dessus. J’ai par ailleurs épilogué sur l’emprise grandissante de l’islam au Maroc, pour ne pas y revenir ici.
« Certains ont fait des études. Ils poussent des charrettes pour faire vivre leur famille. » On pourrait penser que cette remarque sociologique n’a plus lieu d’être aujourd’hui. En 2022 je louais les services d’un charretier pour transporter du ciment, assis à ses côtés pour se rendre au lieu de livraison, il me parla en français de ses études (licence de littérature française), c’était un de mes anciens élèves tadlaouis qui conduit un attelage, attend une course pour quelques dirhams. Loin de moi l’idée que le Maroc soit figé, mais reconnaissons que certaines choses ne bougent qu'imperceptiblement.
Je rajoute au texte d’Abdelhak Serhane l’édito édifiant de Jean-Luc Marty qui montre bien la ligne éditoriale de ce magazine qui même s’il intègre un texte râpeux d’Abdelhak Serhane, reste terriblement dans la lignée de ce qui s’écrit pour « le grand public » sur le Maroc depuis des dizaines d’années. (source, GEO, n°263, Janvier 2001)(document personnel photographié puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
« TES PORTES VONT-ELLES ENFIN S'OUVRIR SUR L’ESPOIR ? »
Témoignage. Dans ce texte inédit, l’écrivain marocain évoque l’amour douloureux qu’il éprouve pour son pays. C’est aussi un appel où se mêlent amertume, impatience et espoir. Par Abdelhak Serhane (Né en 1950, Abdelhak Serhane est un ardent défenseur des droits de l’homme. Son œuvre le place au cœur du débat sur l’avenir du pays. « Le deuil des chiens », son dernier roman, a été récompensé par le prix de l’Afrique méditerranéenne.)
L’unique mosquée de la ville. Une bâtisse vieille de plusieurs dizaines d’années, son minaret dépassant toutes les autres constructions en dur ou en pisé. Cinq fois par jour, le vieux muezzin Haj Maati montait la cinquantaine de marches qui le menait au sommet de la tour. Il mettait sa main droite contre son oreille et appelait les fidèles à regagner la demeure d’Allah pour accomplir leur devoir envers le Créateur. Ses gestes habituels, presque mécaniques, et le son de sa voix, quelque peu éraillée, rythmaient notre quotidien en inscrivant le cycle de nos jours et de nos nuits dans la direction du levant. Dans mon sommeil d’enfant, j’entendais la voix du muezzin comme si elle provenait du fond d’un puits, légère, limpide et à peine distincte. Souvent emportée par la brise matinale, elle ressemblait à une berceuse dans les matins clairs du printemps et même dans les nuits glaciales de l’hiver. Haj Maati faisait partie de l’univers de mon enfance, construit par bribes, à partir de la vie de tous les jours. Je m’enroulais dans la couverture et laissais la parole continuer son chemin à travers les gestes lents des gens. Je rejoignais mon rêve là où je l’avais laissé et traversais le peu de temps de sommeil qui me séparait de l’école en me cramponnant à mes songes voluptueux. Des rêves enchanteurs au goût de mûres, de cannelle ou de framboises, lorsque les fillettes puisaient l’eau à la source en laissant traîner derrière elles des éclats de rire aussi subtils que le vol des hirondelles. J’habitais la vie et elle m’habitait comme deux amants entièrement voués au scintillement de leur passion. Le bleu du ciel emplissait mon cœur d’aise et mes yeux renfermaient des champs de glaïeuls et de boutons d’or. Mon pays de contrastes, mais aussi de charme, où la nature, à perte de vue, chantait ses refrains de beauté singulière et rassérénante. J’aimais Haj Maati. Il faisait partie des éléments pittoresques de la ville. Je le connaissais comme il connaissait tout le monde. C'était dans la petite ville de mon enfance qui comptait quelques milliers d’habitants, de rêves pleins d’espoir et de rires de jeunes filles. Désormais, de minaret en minaret, la voix irritée des muezzins, lancée à fond par des haut-parleurs mal réglés, s’élève vers le ciel cinq fois par jour dans une cacophonie criarde. Tintamarre de sons aigus, graves, enroués, sifflants, éraflés, qui se font écho de quartier en quartier, de rue en rue, pour profaner la pureté du matin de ceux qui, comme moi, préfèrent la chaleur d’un lit au paradis d’Allah. Après l’indépendance, vivre dans la dignité était un rêve simple, soigneusement enfermé dans nos poitrines. Il se brisa dès 1959, dans la répression du soulèvement populaire du Rif. En 1965, les champs de glaïeuls et de boutons d’or s’évanouissent sous les rafales de mitraillettes. Casablanca, « émeutes de la faim ». Un soldat tire sur des lycéens, un enfant tombe, c’était le sien. La même année, on assassine Ben Barka. Le crime plante ses griffes dans mon cœur. Oufkir, puis Dlimi transforment mon pays en vaste prison où les voix claires se fracassent contre les murs épais des centres secrets de détention. Le rire déserte les lèvres des jeunes filles et mes yeux n’arrivent plus à fixer le soleil. J’étais jeune. Mais, déjà, j’avais l'intuition qu’une nuit d’encre noire s’emparait de mon existence. Maroc de ma douleur, comment te raconter ? J'ai grandi dans cette atmosphère, où l’affliction faisait parfois place à l’espérance, où le découragement était suivi par la certitude que les choses finiraient par changer. La mort de Hassan II ouvrait les portes de l’espoir. Mohammed VI concrétisa cet espoir en allant vers les plus démunis de son peuple ... Ce Maroc, ce peuple, je les ai rencontrés dans un bidonville. Les murs ? Juste des bidons rouillés, aplatis, cloués les uns sur les autres. Sans eau courante. Sans électricité. Sans égouts. Là, il n’y a ni glaïeuls ni boutons d’or. Mais de la boue, et le regard luisant de malice et d’intelligence des enfants. Leurs cris de joie devant le crépitement d’un objectif d’appareil photo : un événement dans leurs jeux de poussière. Poupées de roseaux. Chiffons. Bouts de bois. Boîtes de conserve vides … Mais, derrière ce dénuement de l’enfance, des rires comme des éclats de lumière. Des femmes, leurs mères, allument un four rudimentaire en torchis, le couvrent de sacs de jute humide, cuisent le pain, le partagent avec moi dans un geste de générosité émouvante. Les jeunes filles remplissent leur bidon au robinet commun, sourient de mon étonnement et baissent les yeux. Les rues se tordent en suivant le cours d’eaux usées, tournent à l’infini du temps. Je suis arrivé là à l’improviste, avec des invités.
Les portes humbles s’ouvrent, sans questions. Les bras, aussi. Les cœurs sont grands comme la forêt. Un plateau de thé est servi dans la première demeure. La deuxième honore mes convives d’un plat de couscous aux sept légumes. Les hommes parlent. Certains ont fait des études. Ils poussent des charrettes pour faire vivre leur famille.
Des hommes hospitaliers jusqu’à la moelle. Une mère raconte, les yeux humides : « Hicham est le dernier de mes fils. Il est allé jusqu’à la licence. Après : chômage et dépression. J’ai vendu la vache, les tapis. Il a regagné Tanger. La mer l’a avalé … » Que Dieu prenne Hicham en sa miséricorde ! Mon Maroc à moi est aussi là. Celui qu’on oublie, qu’on place à la périphérie de nos complexes. Nous repartons, nous traversons le quartier industriel. Des cubes sont alignés. Le marchand de fruits et légumes collé au boucher, le barbier, le soudeur à l’arc, le marchand d’épices, l’opticien, le laitier ... toute la vie réunie en un même lieu, au milieu des appels de la cohue, des rires et de la pollution des autobus. Maroc du présent ! Mon Maroc, qui survit entre sécheresse et pauvreté. Maroc que j’aime pour la dignité sans faille de tes petites gens. Chaleur dans la détresse. Solidarité et hospitalité qui n'existent nulle part ailleurs. Mais Maroc où je n’ai plus le temps d'attendre, avant de clore à nouveau mes paupières sur tes champs de glaïeuls et de boutons d’or ...
GEO ÉDITO - LE MAROC DU NOUVEAU MILLÉNAIRE
Une nouvelle ère ! En ce début de millénaire, sous l’impulsion de son nouveau roi, Mohammed VI,
le Maroc engage son avenir. Rôle accrue des femmes dans la société, campagnes de solidarité, alphabétisation, prise en compte des difficultés rencontrées par le mode rural ... autant de chantiers.
autant de défis pour un pays qui compte de nombreux atouts. Les voyageurs connaissent la rudesse magnifique du Haut Atlas, les splendeurs des villes impériales, l’atmosphère atlantique d’Essaouira. Mais, au-delà de toutes ces richesses, il en est d’autres que révèle le dossier préparé par Vincent Rea et Eliane Faure. Une modernité dont témoignent les rues et la jeunesse de Casablanca. Le formidable appétit des Marocains pour envisager l’avenir, sans pour autant oublier leur histoire.
Un passé riche d’une identité arabo-berbère, d’une géographie entre Afrique, Europe, océan Atlantique et mer Méditerranée ... Mais, à travers ce dossier, ce que l’on sent par-dessus tout, c’est l’énorme générosité d’un peuple.
En témoigne la solidarité à l’échelle de la famille, de la tribu, jusqu’à celle reliant encore les Marocains exilés à ceux restés au pays. Le Maroc a du cœur. Celui de la photographe Yto Barrada bat pour Tanger. Tandis que l’écrivain Abdelhak Serhane nous entraîne des chemins nostalgiques de l’enfance à celui de l’adulte impatient du changement. Un espoir incarné par le nouveau roi et partagé par tous.
Toute l’équipe de GEO se joint à moi pour vous présenter ses meilleurs vœux en cette année 2001.
Jean-Luc Marty Rédacteur en chef
Album photographique, ici ; certaines photographiques peuvent apparaître comme des doublons, mais prises à des dates différentes, elles montrent les transformations, ou leur absence, de l’environnement proche.
© Copyleft Q.T. 10 février 2025
J’ai déjà beaucoup écrit sur Gauthier Langlois et les photographies d’une hypothétique visite du Résident Juin à Ksiba au moment de la fête nationale du 14 juillet, entre 1948 et 1951. J’ai montré que certaines des photographies prises au Cercle des Officiers de Kasba-Tadla avaient été prises par Jacques Belin le 14 février 1951. À cette occasion j’ai repris en les approfondissant des recherches sur les visites au Tadla du Général Juin pour localiser d’autres photographies mises en ligne par Gauthier Langlois sur le site https://paratge.wordpress.com/occident-et-orient/fetes-officielles-a-el-ksiba-vers-1950/. Avec l’occurrence Ksiba je découvrais des articles sur les piscines du Tadla dont un très intéressant rapportant des propos du Capitaine Vaugien, des Affaires indigènes de Ksiba, grand-père de Gauthier Langlois. Je serai obligé de revenir sur le texte du Capitaine Vaugien mis en forme et en ligne par son petit fils, une sorte d’hommage ; relisant ÉVOLUTION D’UNE TRIBU BERBÈRE DU MAROC CENTRAL, LES AÏT OUIRRA, beaucoup de choses boiteuses m'apparaissent.
La Vigie Marocaine, 14 juin 1949, (Source, gallica.bnf.fr / BnF)(capture d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
VOICI VENU LE TEMPS DES PISCINES (Photographies Verdy)
Est-il meilleur moyen de lutter contre la chaleur que de se baigner ans l’eau fraîche d'une piscine ? Aussi voit-on toutes les villes et tous les centres du Maroc - même les plus humbles - être dotés d’une piscine.
La dernière construite - elle est en voie d'achèvement - a été édifiée à Bin El Ouidane (photo du haut), dans un joli bois d’oliviers traversé par un petit ruisseau. Elle est dotée de deux bassins, un pour les grands et un pour les petits et l’inauguration a eu lieu lors du dernier passage du général Juin aux chantiers du barrage.
Au centre, la piscine de Ouezzane constitue une magnifique réalisation. Située en plein parc des sports, elle est entourée de bosquets et le coquet bâtiment qu’on aperçoit à gauche est une installation ultra-moderne de douches et de vestiaire.
En bas, la piscine d’El Ksiba, située dans un splendide cadre de verdure. C’est là que se baignent nombre d’enfants casablancais, puisque les camps de vacances de la Manutention Marocaine et de la S.M.D. sont situés dans son voisinage.
La Vigie Marocaine, 16 septembre 1950, (Source, gallica.bnf.fr / BnF)(capture d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
La saine politique des piscines
La venue à Casablanca du meilleur nageur d’Europe, Jany, et d'un autre ex-recordman du monde, Nakache, va susciter, au Maroc, de nouvelles vocations de nageur, ce qui ne fera qu’accélérer une « ruée vers l'eau » qu’ont provoquée les exemples des Vallerey et de Nicole Pellissard, noms prestigieux eux aussi auxquels ils conviendra d’ajouter bientôt celui de René Caumer. La pratique de la natation répond à un besoin dans le Protectorat où les distractions sont beaucoup plus rares qu'en France : elle donne à la jeunesse la santé, la beauté du corps, en même temps qu’elle « trempe », sans jeu de mots, son moral. « La punition la plus sévère à laquelle puissent recourir les parents envers un bambin indocile, c’est de l’obliger à sauter une leçon de l’école gratuite de natation », nous disait récemment M. Versini, moniteur du Service de la Jeunesse et des Sports.Ces cours obtiennent chaque année un tel succès d’enthousiasme et d’affluence qu'on peut pronostiquer que dans un très proche avenir Casablanca sera « la ville des nageurs », comme Tourcoing est celle des poloïstes et Copenhague celle des cyclistes. Dans le plus grand port du Maroc, on dispose de six piscines, dont trois, celles de la plage du Miami, ont été ouvertes au public cette année. En attendant la piscine d'hiver à laquelle aspirent les champions épanouis et les champions en herbe, ceux qui aiment s'ébattre dans l'eau ont toute facilité pour s'y desporter [??? ; note de Q.T.] entre la piscine municipale, dont le plan d'eau de dimensions fastueuses semble avoir été tracé par Le Nôtre, et le Sun Beach, où il est aujourd'hui de bon ton de nager avec des pattes de cygne … Sans être aussi favorisés, les habitants des autres Villes du Maroc disposent presque tous d'une piscine. Celle d’Agadir a été inaugurée tout récemment et il y règne une activité qui promet pour un proche avenir de belles performances.
Le mois prochain, un nouveau bassin, réservé aux Musulmans, sera mis en service à Ksiba, qui possède déjà la piscine du camp des campeurs. Au cours de récentes vacances, je suis tombé par inadvertance sur ce chantier où s’activaient, devant le décor de la montagne surplombant la ville indigène, des maçons qu’observait avec une évidente satisfaction le capitaine Vaugien, des Affaires indigènes, avec lequel j’eus bientôt fait connaissance.
« Les travaux de cette piscine ont-ils déjà éveillé quelque intérêt dans la population ? », avons-nous demandé. La réponse fut celle que nous attendions : « Questionnez les maçons eux-mêmes, ils vous diront que d’impatients nageurs viennent chaque jour, isolés ou en groupes, se rendre compte des progrès des travaux et deviser entre eux des plaisirs de l'eau qui leur sont promis … Certes, ajoute le capitaine Vaugien, les autorités du contrôle comptaient faire plaisir à leurs administrés, mais la joie qu’on exprime à l’approche de l’inauguration dépasse nos prévisions les plus optimistes. J'ai vu le lendemain, en compagnie d’un dirigeant du club local, M. Argent, la piscine de Kasba-Tadla. Cette ville, l’hiver, est d’un séjour agréable, mais qui resterait à Kasba-Tadla l’été, sans la piscine ? Le surlendemain, à Taghzirt, le lieutenant Cavalier m’a fait les honneurs d’un bassin frangé de roseaux, un bassin où l’on peut à la fois nager et pêcher, qu’il a fait établir en écartant les rives d’un oued. Bref, j’ai pu compter dans la région cinq piscines en 40 kilomètres, et dans l’Atlas ! Décidément pour ne pas savoir nager au Maroc, il faut avoir pris la résolution d'être têtu comme une borne et de rester un homme de pierre.
R.THOUMAZEAU
La Vigie Marocaine, 15 juin 1952, (Source, gallica.bnf.fr / BnF)(capture d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
UNE MAGNIFIQUE PISCINE À FQUIH-BEN-SALAH Le club de l'Office d'irrigation des Beni-Amir, à Fquih-ben-Salah, est maintenant doté d’une magnifique piscine, qui à été inaugurée ces jours derniers, par M. Tallec, chef du territoire du Tadla. Le miroir d'eau est entouré de vertes frondaisons. Un groupe de sirènes (au fond), œuvre du sculpteur Lugger Van Delfgaauw, orne la piscine. (Photographie Belin)
Commentaires : Ainsi Ksiba, bénéficia de deux piscines, une documentée, photographiée, citée de nombreuses fois, à Taghbalout N’Ouhlima, sur la route en direction d’Imilchil ; une autre non localisée avec certitude pour le moment, et réservée aux Musulmans et qui aurait été mise en service en octobre 1950 ; cette deuxième piscine correspond peut-être à l’actuelle piscine municipale de Ksiba ; on retrouve comme par hasard le Capitaine Jean Vaugien. Dans les milliers de clichés du fonds Jacques Belin , on trouve une photographie d’une piscine casablancaise avec la légende suivante : « CASABLANCA, 4 Septembre 41. Piscine Municipale. Le bassin à 0F,25. Fréquentée uniquement par des Indigènes. » R. Thoumazeau écrit « Le mois prochain, un nouveau bassin, réservé aux Musulmans, sera mis en service à Ksiba, ... ». Il fut donc un temps - de quelle durée ? - où Indigènes et Musulmans (mais ces deux mots désignent probablement les mêmes personnes) ne devaient pas se mélanger à ??? dans des lieux comme les piscines.
R. Thoumazeau cite aussi Vallerey. Le Monde consacra un portrait à ce nageur d’exception. (source, Le Monde, article réservé aux abonné.es) où est évoqué un bout de la vie au Maroc de cette famille :
JO 2024 : la saga du nageur Georges Vallerey, héros de la seconde guerre mondiale et médaillé olympique
par Elisabeth Pineau, publié le 02 avril 2024
Ce champion de natation a donné son nom à la piscine du 20ᵉ arrondissement de Paris, dans laquelle des athlètes des Jeux s’entraîneront. Grâce à ses exploits dans les années 1940 en France et au Maroc, Georges Vallerey a connu un destin fulgurant, en partie tombé dans l’oubli. Le vieux monsieur a posé devant lui la photo en noir et blanc, précieuse relique du roman familial. Il a pris soin d’exhumer ce cliché et quelques coupures de presse annotées, même si, à bientôt 85 ans, sa mémoire est encore une fidèle compagne. Assis dans son salon parisien aux murs grenat, Jacques Vallerey décline un à un les prénoms des membres de la glorieuse brochette, immortalisée dans l’immédiat après-guerre, en 1946, à la piscine des Tourelles, dans le 20e arrondissement de Paris. Il y a là ses parents, endimanchés, et leurs enfants, cinq fils et une fille, tous en maillot de bain, dont « Jacky » lui-même, le benjamin de 7 ans. Près de huit décennies plus tard, c’est le seul membre du clan encore en vie, le dernier témoin d’une époque où, du Maroc à la France, ils étaient surnommés « la Famille poisson ». « La natation, c’était notre sport, on prenait ça pour un amusement », résume cet ancien employé du château de Versailles en tirant le fil de cette singulière histoire.
Toute la tribu vivait alors pour la belle nage, aussi bien l’aîné, Jehan, né en 1925, que Georges-Urbain (1927), Gisèle (1930) ou les jumeaux Guy et Michel (1934). Tous ont brillé dans les lignes d’eau. « L’extraordinaire famille des Vallerey », titre ainsi le quotidien L’Equipe du 26 septembre 1946, ajoutant qu’il s’agit sans doute de « la plus sportive de France ». Les annales le confirment : Jehan fut recordman d’Europe par équipes en nage libre, Gisèle recordwoman du monde du 100 mètres brasse-papillon – à l’époque, la Fédération internationale ne distinguait pas encore les deux nages. Mais le plus doué reste Georges-Urbain, communément appelé « Georges » ou « Yoyo ». « C’était un grand champion », murmure Jacques, dont les yeux bleu-gris s’embuent à chaque évocation de ce frère emporté par la maladie, à l’âge de 26 ans. Malgré la brièveté de sa carrière, « Yoyo » s’empara sept fois de records d’Europe, compensant sa taille modeste (1,73 mètre) par une morphologie d’athlète. Pour prendre la mesure de cette saga, il faut revenir aux origines, et au parcours du père, lui aussi prénommé Georges. C’est avec ce robuste Breton que tout débute, à l’orée du XXe siècle. Ce fils d’amiral est tombé dans la marmite – salée – en apprenant à nager dans le port de Lorient (Morbihan), sa ville d’origine. « Il s’est inscrit aux Jeux olympiques de 1924 en amateur et il a été finaliste sur 100 et 200 mètres brasse », raconte son fils Jacques. Cet été-là, Vallerey père voit la légende de Johnny Weissmuller s’écrire sous ses yeux, dans la piscine des Tourelles. Avant de troquer le maillot pour le pagne, le futur Tarzan hollywoodien éclabousse de toute sa classe l’écrin à ciel ouvert construit pour l’événement, en décrochant trois médailles d’or.
Tombé amoureux du Maroc
Retourné à son quotidien d’employé de fromagerie, Vallerey, lui, s’installe à Amiens, où il fonde une famille avec Marie-Louise. Mais un stage avec l’équipe de France au Maroc l’a conduit à tomber amoureux de ce pays – alors sous protectorat français – où le soleil ne part jamais en vacances. En 1932, nommé dans la police, il embarque le clan presque au complet (« Jacky », notre témoin, naîtra en 1939) d’abord pour Rabat, avant d’être muté à Casablanca. Dans le port de la « ville blanche », Jehan et « Yoyo » enchaînent les battements de pied sous l’œil paternel, aussi exigeant que visionnaire. Bientôt, ils auront pour terrain de jeu la plus vaste piscine du monde – 480 mètres de long et 75 de large – et son bassin de compétition Georges-Louis, à l’endroit même où se trouve aujourd’hui la mosquée Hassan-II. « C’est mon père, partageant son poste de policier avec celui de directeur de la piscine, qui a appris à nager au futur roi, poursuit Jacques Vallerey. Nous étions souvent reçus au palais, à Rabat. »
A « Casa », la nichée grandit dans une villa baptisée « Mes Petits », où défilent nageurs et amis. « Nous n’étions jamais moins de quinze à table », atteste Jacques, en familier des banquets. Tout ce petit monde épris de sport se retrouve souvent le soir autour du ring de boxe qu’Antonio Cerdan a installé au milieu du café-bal familial, au cœur du quartier Mers Sultan. On y applaudit les débuts de son fils Marcel, lui aussi futur champion au destin glorieux et tragique et ami de « Yoyo ». En cette fin des années 1930, il flotte un air de légèreté de ce côté-ci de la Méditerranée. Plus pour très longtemps…
La guerre n’épargne pas le Maroc. Trois ans après le début du conflit, les troupes anglo-américaines débarquent sur la côte nord-africaine, dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942. Les Alliés ciblent le Maroc et l’Algérie, sous l’autorité du pouvoir de Vichy. C’est l’opération « Torch ». A Casablanca, le lycée Lyautey, où « Yoyo » est scolarisé, a fermé ses portes, la ville est en état d’alerte.
Dans l’après-midi du 8 novembre, sitôt fini le déjeuner dominical, le cadet des Vallerey (15 ans) décide avec un ami de la famille, Robert Guénet, d’aller voir de plus près les combats en cours dans le port. Trois navires de la marine française mouillent au large : le croiseur léger Primauguet et les contre-torpilleurs Albatros et Milan. Soudain, les bombes pleuvent du ciel. Les trois bâtiments sont touchés. A bord, c’est la panique, de nombreux marins se précipitent dans la mer. Or, beaucoup d’entre eux ne savent pas nager. Georges et Robert – de quatorze ans son aîné – se jettent à l’eau, couverte de mazout en feu. Au milieu des obus, ils enchaînent les allers-retours entre les navires et la côte. « A peine un corps est-il allongé, il s’élance de nouveau à la recherche d’une vie à sauver », témoignera Robert Guénet dans une biographie de « Yoyo » écrite par sa tante Andrée-Marie Legangneux (Georges Vallerey, la vie et la mort d’un grand champion, Maroprint, 1955), bluffé par ce « gosse qui se dépense en adresse, vitesse, courage, virtuosité ».
Recordman d’Europe
Un des torpilleurs donne de la bande et s’est désormais rapproché à environ 300 mètres de la côte. Sur le navire qui menace d’exploser, le commandant crie à Georges de s’éloigner. Trop tard. L’adolescent entreprend sa mission à l’aide d’une petite barque trouvée sur la plage. Les derniers blessés pourront ainsi être évacués. Les deux héros rentrent chez eux le soir sans s’étendre sur les heures qu’ils viennent de vivre. « Quand elle les a vus arriver sans leurs chemises, ils se sont fait enguirlander par ma mère, poursuit « Jacky ». Ça coûtait une fortune à l’époque ! Mon père, conscient qu’ils auraient pu y rester, les a aussi enguirlandés… »
Quelques mois plus tard, alors que « Yoyo » et Robert se promènent boulevard de la Gare, à Casablanca, ils croisent un officier qui se retourne vers le fils Vallerey. « C’est pas toi qui nous as sortis de l’eau ? », l’apostrophe-t-il. Il les conduit ensuite à l’amirauté. En mai 1943, sur décision du général de Gaulle, tous les deux seront décorés de la croix de guerre, avec étoile de bronze. Le nombre exact de soldats sauvés de la noyade ce fameux jour de l’automne 1942 varie selon les récits. Une cinquantaine, d’après le témoignage de Robert Guénet. La citation à l’ordre du régiment par Charles Noguès, résident général de France au Maroc, indique pour sa part « plus de dix marins ».
Ce n’est pas la première fois que le jeune « Yoyo » démontre ses talents de nageur et, surtout, sa bravoure. A l’âge de 11 ans, il avait déjà sauvé la vie d’une jeune fille aspirée sous l’arrière d’un remorqueur amarré au quai, dans le port de Casablanca. Très vite, cet ado aux cheveux blond paille collectionne les titres de champion d’Afrique du Nord. Mais il faut attendre le 3 juin 1945 pour que son sourire contagieux s’étale à la « une » des quotidiens français. Ce jour-là, il établit un nouveau record d’Europe sur 200 mètres dos dans le « bassin magique » Georges-Louis de Casablanca, où la désormais célèbre « Famille poisson » bat record sur record.
Les torpilles Jany et Nakache
Ces performances aiguisent l’appétit de la Fédération française de natation. Ses dirigeants convainquent les Vallerey de délaisser la « ville blanche » pour la Ville rose, Toulouse, alors capitale de la natation française grâce à son fleuron, le Toulouse olympique employés club et ses deux « torpilles », Alex Jany et Alfred Nakache. « Il fallait avoir un nageur de dos pour essayer de battre des records en relais, précise Jacques Vallerey. Pari gagnant : le 8 août 1946, le trio composé de « Yoyo » (dos), Alex Jany (crawl) et Alfred Nakache (brasse) bat le record du monde du 3 × 100 mètres trois nages. Une belle revanche pour le premier.« Lorsqu’il est arrivé du Maroc, Vallerey était un peu pris de haut, il a fallu qu’il fasse ses preuves », retrace l’écrivain et entraîneur de natation Bruno Giroux, qui mentionne le destin de ce « météore de la natation » dans son roman Chlore (Talent Editions, 2022). « C’est passé un peu inaperçu, mais il a battu en compétition Nakache, “la” référence à l’époque », poursuit-il. Ce même Nakache, le « nageur d’Auschwitz », connaîtra un destin hors du commun. Revenu de l’enfer, il ressuscitera en champion, même s’il ne gagnera pas de médaille aux Jeux de 1948, à Londres.
Dans la capitale britannique, Georges Vallerey sauve l’honneur de la natation française en décrochant la seule récompense individuelle, le bronze sur 100 mètres dos. « Si “Yoyo” n’a pas été champion olympique, c’est à cause des restrictions [d’après-guerre], veut croire son frère « Jacky ». Les athlètes ne pouvaient pas se nourrir, mon père avait miraculeusement trouvé un peu de viande… » Après les Jeux, Georges est courtisé pour aller s’entraîner aux États-Unis, mais il ne s’imagine pas si loin de son clan, retourné vivre à Casablanca.
Longue agonie
Le nageur (toujours) amateur décide de s’installer à Paris, où il monte un petit commerce de chemises rue Bréa, près de la gare Montparnasse. Il rejoint alors le Club de la plage de L’Isle-Adam. Le 13 juin 1950, il est en pleine séance de battements de pied dans ce bassin du Val-d’Oise lorsque ses jambes soudainement se raidissent, lourdes comme des poutres. Ses membres, d’un coup, ont doublé de volume. Les médecins concluront à une maladie rarissime, la néphrose lipoïdique, un dysfonctionnement des reins. S’ensuit une longue agonie. Quatre années le plus souvent otage de son lit, entre espoirs de guérison et rechutes. Le jeune homme a beau consulter les meilleurs spécialistes de part et d’autre de la Méditerranée, s’en remettant même à des rebouteux, chiropracteurs ou herboristes pour soulager ses douloureux œdèmes, rien n’y fait, aucun traitement ne vient à bout de cette maladie. « Il souffrait le martyre », se remémore son frère. Quand il rentre au Maroc, le solide « Yoyo » n’est plus que l’ombre de l’athlète qu’il fut. Il rend son dernier souffle le 4 octobre 1954 à la villa Mes Petits, peu avant son 27e anniversaire. « Sa courte existence a été un splendide feu d’artifice que rien n’éteindra », écrira par la suite Marie-Andrée Legangneux. En 2017, ce champion d’exception est entré au panthéon de sa discipline, le prestigieux International Swimming Hall of Fame de Fort Lauderdale, en Floride. D’Amiens à Berlin en passant par Créteil, des rues, des centres sportifs, des bassins portent son nom, à commencer par la piscine des Tourelles, à Paris. La doyenne de 1924 s’est offert un bain de jouvence à l’occasion de son centenaire. Sa nouvelle charpente doit être officiellement dévoilée fin avril, avant d’accueillir à l’entraînement les athlètes des Jeux à venir. Jacques Vallerey, lui, attend surtout le passage de la flamme olympique, qu’il devrait apercevoir de ses fenêtres. Une fois de plus, il songera à la « Famille poisson » et à « Yoyo ». « Je le vois toujours sur un plot de départ, ou en train de nager… »
Album photos, ici
Ajout du 07 mars 2025
Cette règle de non-mixité pour les piscines est confirmée par des propos d’Henri Ohana dans son témoignage précieux de 2019. Henri Ohana et Mélina Joyeux - Un enfant du mellah : itinéraire d'un Juif marocain (préface de Pierre Vermeren)(l'Harmattan, 2019), pages 154/155
« Cependant, pour en revenir à l'affaire de la piscine, l’action de Jo [cousin de Henri Ohana ; note de Q.T.] porta en partie ses fruits puisque la piscine fut désormais ouverte à tous en semaine. La ségrégation n’en persistait pas moins le week-end, pour des soucis de capacité d’accueil mais aussi, plus prosaïquement, car le dimanche était le seul jour de congé officiel. La piscine demeura donc réservée aux seuls musulmans le vendredi, aux juifs le samedi et aux Européens le dimanche. À cette ségrégation confessionnelle devait d'ailleurs succéder sournoisement une ségrégation financière. Pour contourner la mixité nouvelle de la piscine municipale, les Français, désireux de conserver un lieu réservé à l’élite colonialiste, avaient fait construire un club privé jouxtant la piscine municipale. Le Club Nautique possédait lui aussi un bassin magnifique mais seuls ses adhérents pouvaient y accéder, c’est-à-dire les bons nageurs, donc évidemment les Européens. Des exceptions existaient pourtant, et le critère financier supplanta le critère sportif : les juifs et les musulmans les plus fortunés pouvaient ainsi y être admis. Ce Club devint le lieu de rendez-vous privilégié d’une élite multi-religieuse composée en grande majorité de Français, de quelques juifs et de rares musulmans. La piscine devint alors ouverte à tous tout le temps, mettant un terme à un épisode qui avait secoué la vie meknassie en posant la question des conditions de coexistence des communautés sous le protectorat. »
© Copyleft Q.T. 09 janvier 2025 modifié le 07/03/2025
Le barrage de Kasba-Tadla, fut construit pour dériver une partie des eaux de l’Oum er-Rbia, via un canal longeant la rive gauche de l’oued – très remarquable réalisation avec tunnels, ponts, courbes – qui aboutit à Kasba-Zidania. L’eau dérivée franchit alors l’Oum er-Rbia par un siphon, une fraction de cette eau est turbinée dans l’usine hydro-électrique de Kasba-Zidania.
(source, ROYAUME DU MAROC MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE LA FORMATION DES CADRES - ADMINISTRATION DE L’HYDRAULIQUE. LES GRANDS BARRAGES AU MAROC. Publications de l'Administration de l'Hydraulique - Mars 1994) (archives.cnd.hcp.ma) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
Entre le plateau crétacé de Oued Zem et le moyen Atlas s’interpose l'imposante plaine du Tadla orientée Nord-Est Sud-Ouest d’une superficie de 3 600 km2 comprenant plus de 200 000 hectares de terres fertiles à une altitude de 400 à 500 mètres dans un climat continental ingrat où les précipitations annuelles sont à la fois faibles et surtout irrégulières (125 mm à 720 mm), où les températures sont brûlantes en été (plus de 40°C) et où les vents chauds sont fréquents. La plaine du Tadla joue un rôle très important dans l'économie du Maroc et permet en particulier la production de la betterave sucrière et du coton. Cette plaine est traversée par l'important Oued Oum Er-R’bia qui sépare les territoires des tribus Beni Amir sur la rive droite et Beni Moussa sur la rive gauche et dont les 4 300 km2 de bassin versant au droit de Kasba Tadla permet d'assurer un débit d’étiage ne descendant jamais en dessous de 10 m3/s. L’aménagement du périmètre des Beni Amir a été entrepris dans les années 1930 et a permis d’irriguer 28 000 hectares sur les 35 000 hectares dominés par les ouvrages. Il s’agit d’une dérivation des eaux de l'Oum Er-R’bia par un barrage poids de faible hauteur, un canal tête morte de 24 kilomètres établi sur la rive gauche de l’oued, pour un débit de 20 m3/s et un siphon à Kasba-Zidania qui permet de transiter les eaux sur la rive droite. La fraction du débit qui n’est pas utilisée par l’irrigation est turbinée par l'usine de Kasba Zidania équipée de deux turbines Francis à axe horizontal de 3 560 kW chacune. Le barrage de prise est construit à la hauteur de la vieille forteresse de Kasba Tadla située à environ 230 kilomètres à l’Est de Marrakech sur une fondation rocheuse affleurante. Le barrage est constitué d’un mur déversoir type poids de 12 m de hauteur maximale et de 170 m de longueur ; sa face amont est verticale, son couronnement a une largeur de 1 mètre et la pente de son parement aval est de 85 %. Cet ouvrage a nécessité l'exécution de 12 000 m3 d'excavation et la mise en place de 10 000 m3 de béton. Les ouvrages annexes situés en rive gauche comprennent un déversoir de prise de 20 m de longueur avec une vanne de dégravement, un bassin de décantation avec déversoir latéral et vanne de chasse ainsi que deux vannes de prise à la tête du souterrain constituant le départ du canal d'irrigation.
Commentaires : L’article spécifie bien que le climat de la plaine fertile du Tadla est ingrat avec une pluviométrie faible et irrégulière, des températures élevées et un chergui fréquent ; trois caractéristiques renforcées par le réchauffement climatique anthropique actuel. La plaine du Tadla est-elle en voie de désertification localisée ? Cet fiche est accompagnée d’une photographie aérienne très sombre, c’est dommage, et de deux schémas du barrage.
Moulay El Mehdi Falloul dans une publication : Économie et gestion de l’eau au Maroc, (disponibilité partielle sur Internet) (capture du texte) donne la date de 1929 pour la mise en service de ce barrage avec les précisions suivantes : hauteur, 12 mètres ; capacité de la retenue [sans envasement probablement ; note de Q.T.], 0,1 Mm³ ; Fonctions, énergie, alimentation en eau potable et industriel. Puis un copier-coller du texte de la publication de 1994. Le livre publié le 14/04/2015 par la plateforme edilivre.com avec le résumé suivant : « Dans cet ouvrage, l'auteur analyse les ressources en eau au Maroc, le potentiel hydraulique, les infrastructures en termes de barrages et de réseaux de mesures hydrauliques. Il met ensuite l’accent sur la politique de l’eau, ses modes de gestion et sa gouvernance. Cette étude est divisée en deux grands chapitres : le premier est consacré aux ressources en eau et le deuxième porte sur la gestion de l’eau. » Biographie de Moulay El Mehdi Falloul selon le site edilivre.com : « Moulay El Mehdi Falloul est un économiste statisticien. Il est Docteur de l’université Hassan II Mohammedia en finance et économie appliquée, spécialiste en statistiques et économie appliquée, en études stratégiques et en ingénierie de management. » Ce livre semble être auto-édité, donc à citer et regarder avec une extrême prudence (la photographie du barrage de Kasba-Tadla n’est pas créditée ; la probabilité que Moulay El Mehdi Falloul soit venu au Tadla photographier le barrage est nulle).
Une autre archive, rapportant des contributions au XIIIème Congrès International des Irrigations et du Drainage (Rabat 14/26 septembre 1987) paru dans Hommes, Terre et Eaux (disponible sur Internet) précise à propos du barrage de Kasba-Tadla : nom, Kasba Tadla ; sur l’oued, Oum-Er-R’bia ; année de mise en service, 1931 ; hauteur sur fondation, 11,5 mètres ; capacité de la retenue 0,1 hm³ ; capacité totale, 20,1 hm³ ; fonction, électricité et irrigation ; superficie dominée par le barrage, barrage = 27 500 hectares, total des superficies irriguées = 28 300 hectares ; puissance installée, barrage = 4,8 MW, total de la puissance installée 20,0 MW. La fonction du barrage de Kasba-Tadla est effectivement l’irrigation et la production d’électricité (à Kasba Zidania) et non celles avancées par Moulay El Mehdi Falloul « Fonctions, énergie, alimentation en eau potable et industriel » ; Moulay El Mehdi Falloul semble être un brasseur de vide.
Le barrage de Kasbah-Tadla. La Vigie Marocaine du 29 mai 1938, (Source, gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres) Le canal de dérivation de l’Oum er Rebia a son point de départ à Kasbah-Tadla, près de l’ancien pont portugais. On a construit là un barrage de 170 mètres de long et de 3 mètres de haut [12 mètres ; note de Q.T.], dont le rôle consiste à surélever le plan d’eau, pour permettre la dérivation d'une partie du fleuve dans le canal. Le reste passe par-dessus le mur déversoir et rejoint le lit naturel du fleuve. L’ouvrage comporte en outre des déversoirs latéraux et une vanne de chasse. À l’extrémité de la rive gauche, un mur de prise de vingt mètres de longueur forme brèche dans le barrage. C’est là que l’eau, après avoir franchi une vanne de garde commandant l’entrée d’un tunnel, pénètre dans le canal de dérivation proprement dit. Construit entre janvier 1929 et juin 1931, le barrage de Tadla n’a pas présenté de sérieuses difficultés d’exécution. Il nécessita cependant la mise en place de 10 000 mètres cubes de béton. On l’utilise accessoirement pour actionner une petite usine hydro-électrique qui alimente Tadla en éclairage et force motrice.
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KASBAH-TADLA, DÉGÂTS CAUSÉS PAR LES PLUIES, Le Petit Marocain du 01 janvier 1934 (Source, gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
À Kebbaha, à proximité de Tadla, un affaissement de terrain, causé par l'infiltration des eaux de pluies, a dans un tunnel en construction sur le parcours du canal de dérivation du barrage de Kasbah-Tadla, occasionné plusieurs accidents. Des indigènes travaillant dans ce tunnel ont été surpris par cet éboulement et l’on a relevé un indigène mort et un blessé.
Commentaires : Quand débuta exactement la construction du canal de dérivation ? Probablement et en toute logique au moment de la construction du barrage de Kasba-Tadla, en 1929. L’accident mortel rapporté par la brève du Petit Marocain ne fut certainement pas le seul, combien de morts pour construire ce canal ? La date de fin de construction du canal est imprécise. L’usine hydro-électrique de Kasba-Zidania construite entre 1934 et 1936 et produisant de l’électricité dès 1937, permet d’obtenir une fourchette de datation pour la fin de construction du canal. Le 29 mai 1938 le Résident Général Noguès se déplace au Tadla pour inaugurer, officiellement, « les ouvrages d’irrigation de la plaine des Beni-Amir », Le Petit Marocain du 30 mai 1938, (Source, gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres) ; ouvrages comprenant le canal de dérivation entre le barrage de Kasba-Tadla et l’usine hydro-électrique de Kasba-Zidania (24 kilomètres) et le grand canal rive droite de l’Oum er-Rbia irrigant la plaine surchauffée des Beni-Amir (17 kilomètres) (extrait – article complet à venir) :
On atteint ainsi le belvédère de Kebaha [non localisé mais je ne désespère pas ; note de Q.T.] d’où l’on a un magnifique coup d’œil sur la vallée de l’Oum-er-Rebia qui coule sur la droite du canal.
Le canal de dérivation
Du haut du belvédère, M. Picard, directeur adjoint des T.P., chef de la circonscription de l’hydraulique donne au résident général les explications que l’on peut suivre sur une carte de la région. Le canal de dérivation de l’Oum Er Rebia prend naissance, près de l’ancien pont portugais, tout à la sortie de Kasba Tadla. Les travaux publics sous la direction active et éclairée de MM. Chardeaux, ingénieur des Ponts et Chaussées, chef du 2e arrondissement des T.P. du Sud, et Boucher, ingénieur subdivisionnaire des T.P. ont construit un barrage de prise d'une longueur de 170 mètres et d'une hauteur de 4 mètres [12 mètres ; note de Q.T.], dont le rôle consiste à soulever le plan d’eau pour permettre la dérivation d’une partie du fleuve dans le canal. 31 kilomètres ont été déjà construits, 24 sur la rive gauche de l’oued, 17 sur la rive droite. Quatre kilomètres sont en cours de construction et cinq autres sont en projet d’approbation. Construit en forme de trapèze, sa largeur varie, selon les sections, de 7,50 mètres à 9,50 mètres à sa partie supérieure et de 3,50 à 5 mètres dans sa partie inférieure. Sa profondeur atteint de 3 à 5 mètres. À son enracinement au barrage, le canal est souterrain sur une longueur de 340 mètres, entre l’origine de la dérivation et le pont portugais. Il longe ensuite pendant quatre kilomètres la gorge rocheuse de l’Oum er Rebia, pour emprunter sur 2,500 kilomètres, un tracé assez difficile, puisqu'il comporte cinq tunnels et un pont-aqueduc de 64 mètres. Le débit du canal est de 21 m3/seconde. On voit donc le nombre impressionnant de mètres cubes qui chaque année iront irriguer les cultures. J’aurai tout dit sur le canal, lorsque j’aurai fait savoir qu’il est l’œuvre de M. Turpin, ingénieur des Travaux publics, assisté de MM. Robic et Charvet. À l’aide d’un canal secondaire, l’eau passe du canal au périmètre irrigué dans lequel elle se répand grâce à des canaux de distribution.
Un canal de 25 km de long. La Vigie Marocaine du 29 mai 1938, (Source, gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres) Mais laissons là le barrage, et suivons le canal de dérivation, dont les méandres nous conduiront à travers la plaine, jusque sur les champs d’irrigation des Beni-Amir. Les boucles du fleuve, de Tadla à Zidania, atteignent une longueur de 31 kilomètres, mais, pour la construction du canal, nos ingénieurs n’ont pas suivi exactement les méandres capricieux de l’oued. Coupant court à travers champs, ils sont parvenus ainsi à gagner six kilomètres et demi sur le trajet du fleuve, soit un gain de 20 %. Construit en forme de V, ou mieux, en forme de trapèze, sa largeur varie, selon les sections, de 7,50 à 9,50 mètres à sa partie supérieure et de 3,50 à 5 mètres dans sa partie inférieure ou « radier ». Nous en aurons enfin fini avec les mensurations en ajoutant que sa profondeur atteint de 3 à 5 mètres. À son enracinement au barrage, le canal est souterrain sur une longueur de 340 mètres, entre l’origine de la dérivation et le pont portugais. Il longe ensuite pendant quatre kilomètres la gorge rocheuse de l’Oum er R’bia, pour emprunter sur 2,500 kilomètres un tracé assez difficile, puisqu’il comporte cinq tunnels et un pont-aqueduc de 64 mètres. On se rendra mieux compte de la difficulté des études nécessitées par la construction du canal, lorsque nous aurons dit que, sur les seize premiers kilomètres de l’ouvrage, la pente ne doit pas dépasser vingt centimètres par kilomètre (sauf dans la partie souterraine, où elle atteint un mètre par kilomètre) et de dix centimètres seulement par kilomètre, sur les huit derniers kilomètres du trajet. L’ensemble du canal atteint 24,500 km entre Tadla et Kasbah-Zidania et l’entreprise a été répartie en plusieurs lots ayant chacun un entrepreneur différent. Sur toute la longueur du canal, on a aménagé un grand nombre d’abreuvoirs destinés aux troupeaux des indigènes de la région traversée.
Un débit de 15 m3 seconde dans une plaine desséchée
La quantité d’eau qui sera prélevée sur le barrage de Kasbah-Tadla s’élèvera à 23 mètres cubes-seconde, dont 8 mètres cubes seront destinés à la production d’énergie électrique et 15 mètres cubes à l’irrigation de la plaine des Beni-Amir. C'est donc 1 300 000 mètres cubes par jour et annuellement près de 500 millions de mètres cubes que les canaux de dérivation de l’Oum er R’bia iront déverser dans une contrée périodiquement ravagée par la sécheresse. La plaine des Beni-Amir est, en effet, à peu près dépourvue de cultures irriguées, et lorsque les caprices du ciel font que la récolte des céréales est mauvaise pendant deux ou trois campagnes, c’est la disette et la famine qui règnent dans la région. On assiste alors à un exode massif des populations vers des contrées où la vie est moins rigoureuse.
Puis, dès qu’une saison de pluie favorable le permet, on voit les fuyards venir en longues cohortes, pour reprendre le travail sur le bled ancestral ...
Cent mille mètres cubes d'eau accumulés
Un peu à l’Est de Kasbah-Zidania, le canal aboutit devant une boucle du fleuve, à un immense ouvrage dont la présence surprend au milieu de l’aridité environnante. C’est là, en effet, que l’eau du canal, avant d’être utilisée, s’accumule dans un vaste bassin de 45 000 mètres carrés. Ce bassin d’accumulation, construit en forme de « 8 », n’a pas moins de 500 mètres de long, 150 mètres de large et 2,40 mètres de profondeur, et il peut retenir 100 000 mètres cubes d'eau. Son rôle consiste à avoir toujours une masse d’eau disponible, rendue à pied d’œuvre, et à amortir le choc des ondes provoqué par l’arrêt éventuel des turbines de l’usine hydro-électrique, située en aval. La construction du bassin d'accumulation a nécessité le déplacement de plus de cent mille mètres cubes de matériaux.
À l’extrémité ouest du bassin, une vanne de sortie de l’eau s'ouvre sur une énorme canalisation de béton et d’acier de trois mètres de diamètre, qui répartit les eaux entre l’usine hydro-électrique et les canaux secondaires d’irrigation. Cette répartition s’effectue à quelques centaines de mètres plus loin, au point où cette canalisation monstre se divise, d’une part, en une conduite forcée de 40 mètres de chute et d’autre port, en un siphon de 960 mètres de longueur. Le bassin est, en outre, pourvu d’une vanne automatique d’évacuation à l’oued du trop plein. Lorsque l’eau du bassin dépasse de quatre centimètres son niveau normal, la vanne automatique se déclenche, l’eau se déverse directement à l’oued et, dès que le niveau normal est rétabli, la vanne se referme automatiquement. Des expériences effectuées par le génie rural à la ferme expérimentale de Kasbah-Zidania, il résulte que l’eau dérivée par le canal convient pour de nombreuses cultures et que sa distribution dans la plaine permettra notamment d’obtenir d’excellents résultats dans l’arboriculture et dans les cultures de luzerne et de coton, qui donnent des résultats considérables.
Commentaires : Les tunnels et le pont aqueduc de ce canal sont accessibles par plusieurs chemins praticables à bicyclette depuis Kasba-Tadla (voir plan sur photographie satellitaire).
TADLA : MODERNISATION D’UN RÉSEAU DE 310 KM DE CANAUX HYDRAULIQUE (source, AgriMaroc.ma avec MAP 12/04/2024, https://www.agrimaroc.ma/tadla-modernisation-reseau-310-km-canaux-hydraulique/) (capture du texte)
Le Bureau régional de développement agricole de Tadla annonce la modernisation réussie d’un réseau de 310 kilomètres de grands canaux hydrauliques, dans le cadre d’une initiative visant à réduire les pertes d’eau d’irrigation. Selon les données de l’Office Régional de Mise en Valeur Agricole de Tadla (ORMVAT), 194,5 kilomètres de ces canaux ont été modernisés entre 2015 et 2019, tandis que 115,5 kilomètres ont été rénovés entre 2020 et 2023. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la Grande Stratégie Hydraulique, avec pour objectif la modernisation d’une longueur totale d’environ 400 kilomètres de canaux d’irrigation d’ici 2030. Un des points forts de cette modernisation est la rénovation du canal principal Zidania, qui alimente le périmètre de Béni Amir sur une superficie d’environ 30 000 hectares depuis 1931. Ces travaux ont été réalisés grâce à une collaboration fructueuse entre l’ORMVA de Tadla et l’Agence du Bassin Hydraulique d’Oum Er Rbia. En parallèle, deux réservoirs d’une capacité de 200 000 mètres cubes ont été construits (avec 100 000 mètres cubes déjà en cours) dans le but de maintenir l’équilibre hydraulique au niveau du « Canal Principal G ». La modernisation de ces grands canaux hydrauliques revêt une importance cruciale pour la région, en contribuant à réduire les pertes d’eau dans le réseau de distribution sur tous les périmètres concernés. Cette avancée s’aligne parfaitement avec les objectifs économiques et environnementaux de la politique de l’eau dans la région de Béni Mellal - Khénifra. Dans cette optique, une stratégie d’économie et de valorisation de l’eau en agriculture est mise en œuvre, visant à promouvoir une agriculture résiliente et efficiente tout en préservant les précieuses ressources en eau de la région.
Commentaires : On notera dans la dernière phrase le mot indispensable aujourd’hui, partout, toujours, dans tous les sujets « résilient, résiliente », ainsi tout est dit.
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Source, Réalités Marocaines : Hydraulique, électricité (Société d'applications mécaniques et industrielles, 1951)(reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres) disponible sur le site cemaroc.com qui met en ligne sans se préoccuper semble-t-il des droits légaux et sans mention de l’origine, des livres scannés, recopiés, sur le Maroc du bon vieux temps ; le titre complet de ce forum que l’on peut aisément piller étant « Ce Maroc bien aimé - Mémoire de la présence Française au Maroc à l'époque du Protectorat », avec les précisions suivantes : « Ce forum a pour but de rassembler et présenter tous types de documents concernant l’histoire, la culture et le mode de vie au Maroc principalement pendant le « Protectorat ». ... Il met en valeur plus spécifiquement cette part d’histoire qui couvre la présence française de 1912 à 1956 et l’œuvre accomplie par les Français et les Marocains. ... Une attention particulière est portée à l’égard de la représentation et de la compréhension de la civilisation marocaine dans son authenticité originelle telle qu’elle apparaissait à l’époque. ... L’apport de souvenirs personnels fournis par les adhérents, visiteurs, et autres donateurs permet de ranimer et conserver la mémoire du destin des générations de nombreux Français et Marocains dont les parents ou eux mêmes ont vécu ces quelques décennies. ... Pour rappeler cette période révolue, notre service de numérisation propose une aide personnalisée aux membres inscrits désireux de faire paraître leurs souvenirs. L’esprit général du Forum se donne pour règle l’objectivité la plus stricte concernant les informations présentées. Il évitera toute prise de position à caractère polémique sur la politique, la philosophie, ou la religion. » Je relève seulement « L’esprit général du Forum se donne pour règle l’objectivité la plus stricte concernant les informations présentées. », rien que de choisir tel ou tel élément du corpus disponible, et quasiment impossible à lire et compiler en une seule vie, biaise l’objectivité affichée. Ce site est une source d’informations partielles qu’il faut agréger à d’autres sources partielles. (extraits) :
C’est en 1925 qu’a commencé l'aménagement de l’Oum-er-Rebia par la mise en chantier du barrage et de l’usine hydro-électrique de Si Saïd Machou. Fait caractéristique, c’est sur le cours inférieur de l’oued, et non pas sur les plus fortes pentes au débouché de la montagne, qu’a été réalisé le premier ouvrage destiné à capter la puissance hydraulique du cours d’eau. Une des raisons de ce choix réside sans doute dans le fait qu’à l’époque le cours supérieur de l’Oum-er-Rebia se trouvait encore dans une zone d’insécurité. La seconde réalisation fut la mise en service d’une usine hydro-électrique à Kasba Zidania. Elle utilise la dénivellation entre le canal d’amenée d'eau au périmètre d'irrigation des Beni Amir et le lit du fleuve. C’est actuellement l’ouvrage situé le plus loin de l’embouchure de l'Oum-er-Rebia, et c’est donc par lui que pour allons commencer la description des barrages et des usines de production électrique qui y sont rattachées. En descendent le cours de l’Oum-er-Rebia, on rencontre successivement l’ouvrage de Kasba-Tadla et l’usine hydro-électrique de Kasba Zidania, puis, sur le cours inférieur, le barrage d’Im Fout, son usine électrique et sa dérivation destinée à l’irrigation des Abda Doukkala, le barrage-usine de Daourat. achevé en 1950, enfin le barrage et l'usine de Si Saïd Machou, en service depuis 1929. C’est donc dans cet ordre que nous présenterons à nos lecteurs l'aménagement de l'Oum-er-Rebia.
L’USINE HYDRO-ÉLECTRIQUE DE KASBA-ZIDANIA
L’irrigation des Beni Amir n'est pas un problème nouveau. Dès 1925 le Protectorat entreprenait d’irriguer cette plaine du Tadla en faisant établir un barrage sur l'Oum-er-Rebia à Kasba-Tadla. Une prise d'eau, sur la rive gauche de l’oued, alimente un canal qui conduit les eaux destinées à l’irrigation à une trentaine de kilomètres de là, le long du cours aval de la rivière mais les terrains à irriguer se trouvant sur la rive droite, il fallut que le canal traversât l’oued par un siphon au lieu dit Kasba Zidania. Le niveau du canal étant alors à 35 mètres au-dessus du lit de l’oued, l’Énergie Électrique du Maroc songea à profiter de cette situation pour établir une usine hydroélectrique. Les travaux d’édification de cette usine furent menés à bien de 1934 à 1936. Dès 1937 l’usine produisait 39 millions de kilowatt-heures se classant ainsi immédiatement après l’usine de Si Saïd Machou. Les prélèvements pour l'irrigation ayant considérablement augmenté depuis cette époque, l’usine de Kasba Zidania produit actuellement moins de 30 millions de kWh par an. Les aménagements hydroélectriques de l’Oued El Abid, loin de diminuer son importance - car il est vraisemblable qu’elle sera incluse dans l’ensemble comme unité d’appoint et de secours - permettront peut-être, dans la limite du surplus des eaux de l’Oued El Abid [l’oued Oum er-Rbia ? ; note de Q.T.] acheminées par le canal principal d’irrigation, d’augmenter ses possibilités. Les aménagements se composent d’un bassin, réalisé par les Travaux Publics, capable d'une retenue de 90 000 m3, et des ouvrages d’amenée d'eau, réalisés par l’Énergie Électrique du Maroc, qui comprennent une conduite d'amenée de 335 mètres de longueur en béton armé coulé sur place, d’une section intérieure circulaire de 3 mètres. Elle repose sur un radier de gros béton dans le fond d'une tranchée comblée après travaux. La cheminée d’équilibre domine l’oued du haut d’un promontoire. Construite en béton armé, elle mesure elle-même 11 mètres de haut avec un diamètre intérieur de 9 mètres. Une conduite forcée de 69 mètres de long descend directement de la cheminée d’équilibre vers l’usine. Elle est prolongée par un collecteur métallique se raccordant aux vannes des turbines. Son diamètre est de 2,80 mètres ; elle est en béton armé avec enveloppe d’étanchéité métallique noyée dans le béton. L’usine elle-même est disposée sous la cheminée d’équilibre en bordure de l’oued où se fait immédiatement la restitution de l’eau usinée. En raison des conditions particulières du climat de cette région, tous les murs de l’usine, ainsi que sa toiture, sont à double épaisseur avec matelas d’air intermédiaire, et la façade Ouest, la plus exposée aux fortes chaleurs, est pourvue d’une véranda. Enfin, afin de résister aux affouillements éventuels du sous-sol, le bâtiment a été conçu comme un solide indéformable en béton armé. La centrale est équipée de deux groupes turbines-alternateurs comprenant chacun une turbine à axe horizontal, à roue double, tournant à 500 tours-minute, conçue pour absorber 11,6 m3 seconde sous une chute nette de 36,60 mètres. Un alternateur à courant triphasé de 4 450 kVA sous 5 500 volts est accouplé directement à la turbine. Deux transformateurs élévateurs 5 500/60 000 volts de 4 500 kVA complète l’installation qui dispose en outre de tout un matériel électro-mécanique permettant l’utilisation de l’usine en fonctionnement automatique. Le poste de transformation comprend un appareillage de 5 500 volts, un jeu de barres 60 000 volts sur lequel est branché un départ reliant l’usine au réseau général, un transformateur triphasé 60 000/22 000 volts de 2 500 kVA alimentant le réseau du Tadla, Beni-Mellal et de la région des Beni Moussa. C’est de Kasba-Zidania que vient le courant à 22 000 et à 60 00 volts nécessaire aux chantiers d’Afourer, Ait Ouarda et Bin el Ouidane dont nous parlons d'autre part.
Commentaires : Ce type de publications spécialisées, s’adressant à un public spécifique qui schématise sur un coin de table en bois recouverte d’une nappe à carreaux, un dimanche après-midi d’ennui océanique comme les autres après-midis de la semaine, l’usine et ses machines à partir de la flopée de nombres qui peuplent l’article apporte peu de choses. Cependant je note deux phrases :
- « Les prélèvements pour l’irrigation ayant considérablement augmenté depuis cette époque [1937 ; note de Q.T.], l’usine de Kasba Zidania produit actuellement moins de 30 millions de kWh par an. » ; quelle est la cause de l’augmentation des prélèvements pour l’irrigation ? Augmentation des surfaces cultivées de plantes gourmandes en eau ou … ?
- « En raison des conditions particulières de climat de cette région, tous les murs de l’usine, ainsi que sa toiture, sont à double épaisseur avec matelas d’air intermédiaire, et la façade Ouest, la plus exposée aux fortes chaleurs, est pourvue d’une véranda. » ; il est étonnant que par la suite, cette technique de construction ne se soit pas généralisée au Tadla ; il fallut attendre les années 2000 pour que les maçons tadlaouis élèvent des doubles murs séparés par un film d’air (de l’extérieur vers l’intérieur : parpaings de 20 cm d’épaisseur, 2 cm d’espace, parpaings de 15 cm d’épaisseur) ; mais certains propriétaires refusent cette technique qui, pour eux, « mange » de la surface habitable.
J’avais trouvé sur Internet le témoignage de X au sujet d’une crue importante de l’Oum er-Rbia à l’hiver 1963, le voici (la page Internet, ne semble plus active, https://diaposmaroc.pagesperso-orange.fr/EEM%201ERE%20PARTIE.htm)(copie du texte avec corrections manuelles) : Hiver 1963, sous des pluies diluviennes, l’Oued Oum er Rebia subissait une importante crue des eaux déversées de l’Atlas. Devant l’usine l’eau montait à vue d’œil, sous un débit de 3 000 m3/seconde. Sur place il y avait une équipe hydraulique et une électrique, tout ce personnel y compris celui de l’usine fut employé en continu, à remplir des sacs de sable pour construire un mur en bordure de l’oued pour éviter l’inondation de l’Usine. Le niveau de l’oued était monté jusqu’au bord du talus à droite de la photo. Toute cette masse d’eau défilait devant nous sous un très fort courant, charriant, arbres, meules de paille, noualas, toutes sortes de bétail, chiens, chats, volailles. La crue se stabilisa durant deux jours. Malgré la pluie et le froid, on avait eu chaud ! ! !
Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères par Jacques Thomas, Ingénieur civil de l'École nationale des Ponts et Chaussées, le 03 février 1940 (Source, gallica.bnf.fr / BnF)(reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres) (extraits)
Production électrique de l’usine hydro-électrique de Kasba-Zidania en 1938, 31 621 139 kWh
Usine de Kasba-Zidania. À 100 km de sa source, l'Oum er-Rebia pénètre dans la plaine de Dar-Ould-Zidouh que, dès 1925, le Protectorat entreprit d’irriguer par prélèvement sur le débit de l’oued à Kasba-Tadla, en relevant le plan d’eau par un barrage. Le canal d'irrigation devant traverser la rivière par un siphon au lieu dit Kasba-Zidania, et le niveau du canal présentant en ce point une dénivellation de 37 m avec le lit de l’oued, l’Énergie électrique du Maroc décida en 1934 d'y édifier une usine utilisant le débit du canal d’amenée qui ne serait pas absorbé par l'irrigation ; cette usine fut mise en service à l’été 1936. La hauteur moyenne de chute étant de 37 m et le débit maximum de l’ordre de 20 m3/s, la puissance disponible n’était que d'environ 7 000 kW. Toutefois, grâce à la constance du débit, le coefficient d'utilisation est élevé et l’usine fournit au réseau général une large fraction de son énergie de base.
Dès 1937, elle a produit 39 millions de kWh, se classant immédiatement après Sidi-Machou. À partir d’un bassin de 90 000 m3, réalisé par l’Administration, une conduite de 335 m aboutit à la cheminée d’équilibre. Cette conduite, en béton armé, a une section circulaire de 3 m de diamètre intérieur, et repose sur un radier de gros béton dans le fond d’une tranchée comblée ensuite. La cheminée d'équilibre, en béton armé (11 m de hauteur et 9 m de diamètre intérieur), amortit les mouvements de l’eau en cas d’arrêt brusque de l’usine à pleine charge, ou en cas de démarrage instantané à 40 % de la puissance installée. La conduite forcée, de 69 m de longueur et 2,80 mètres de diamètre, descend directement de la cheminée d’équilibre vers l'usine. Elle est en béton armé, avec enveloppe métallique d'étanchéité noyée dans le béton. La vitesse de l’eau, au débit maximum, n'y dépasse pas 3,75 m/s. L'usine, disposée sous la cheminée d'équilibre, en bordure de l’oued, comporte deux groupes comprenant chacun une turbine horizontale à réaction, à roue double, tournant à 500 t/mn, débitant 11,6 m3/s, sous une chute nette de 35,60 m, et un alternateur triphasé de 4 450 kVA à 5 500 V, 50 p/s. Pour chaque groupe, un transformateur de 4 500 kVA élève la tension de 5 500 à 60 000 V. Sur le jeu de barres à 60 000 V est branché un départ reliant l’usine au réseau général par l'intermédiaire de la ligne Kasba-Zidania – Sidi-el-Aïdi [voir carte dans l’album photographique ; note de Q.T.]. Un transformateur (5 500/22 000 V), de 125 kVA, alimente un départ vers le centre de Béni-Mellal et la zone de colonisation des Béni-Moussa. Le fonctionnement de l’usine n’est pas automatique, mais il serait aisé de le rendre tel.
Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères par Jacques Thomas, Ingénieur civil de l'École nationale des Ponts et Chaussées le 10 février 1940 (Source, gallica.bnf.fr / BnF)(reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres) (extraits)
Le barrage de Kasba-Zidania, construit en 1932 sur l'Oum-er-Rebia, à 100 km environ de sa source, a été établi pour irriguer les terres assez riches de la plaine de Dar-Ould-Zidouh el surtout les zones de colonisation des Béni-Amir, situées à une trentaine de kilomètres au sud-ouest du barrage. Dans la région considérée, l’Oum-er-Rebia a un débit d’étiage de 15 m³/s ; pour l'utiliser à l'irrigation de 50 000 ha de la plaine des Béni-Amir sur la rive droite, le barrage de dérivation de 5 mètres de hauteur est complété, sur la rive gauche, par un canal de 20 km, capable d’un débit de 23 m3/s. Les lots irrigables se trouvant sur la rive droite, un siphon traverse le fleuve. La capacité du bassin de retenue est de 90 000 m3. La centrale de Kasba-Zidania, de 9 000 kVA, établie à proximité du siphon, se sert de l’eau qui est inutilisable pour l'irrigation. Un secteur de 500 ha environ a été aménagé en 1937, et un second secteur de l’ordre de 5 000 ha a été aménagé en 1938 et 1939.
Plaine de Béni-Moussa. Cette plaine, qui s’étale sur la rive gauche de l’Oum-er-Rebia, en aval de la centrale de Kasba-Zidania, est desservie depuis deux ans par une ligne à 22 000 V, qui permet aux colons d'exécuter les pompages requis par leurs cultures d’agrumes et de luzerne.
Commentaires : Au delà des chiffres et de leur variation par rapport à d’autres publications, et même si cela n’apparaît pas ici, plusieurs parties de l’article du 03 février 1940, sont censurées, en particulier à propos des lignes électriques de 60 000 V.
L’usine électrique de Kasbah-Zidania La Vigie Marocaine du 29 mai 1938, (Source, gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres) La conduite forcée de quarante mètres aboutit à l’usine hydro-électrique située sur la rive gauche de l’Oum er R’bia. Cette usine, propriété de l’Énergie Électrique du Maroc, est conçue selon les données les plus modernes. Elle comprend deux groupes de 3 500 kilowatts chacun et une ligne à haute tension la relie au réseau à Boujad, d’où l’énergie est dirigée sur le centre phosphatier de Khouribga. Sur le débit total du canal qui atteint 23 mètres cubes-seconde, on sait que 15 mètres cubes-seconde sont réservés à l’irrigation et 8 mètres cubes-seconde serviront à alimenter l’usine. Cependant, l’installation a été prévue de telle sorte que l’usine pourra utiliser le débit total du barrage, jusqu’à ce que la construction des canaux secondaires d’irrigation soit terminée. L’inverse est également prévu et, en cas d’arrêt de l’usine, les 23 m3 seconde pourront être entièrement employés pour l’irrigation. L’usine de Kasbah-Zidania a été construite selon les plans dressés par le distingué architecte M. Prost, et elle ne dépare nullement le paysage au milieu duquel elle s’élève.
Un ouvrier indigène est tué accidentellement à Kasbah-Zidania Le Petit Marocain du 08 mars 1935 (Source, gallica.bnf.fr / BnF)(reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
Kasbah-Tadla, 7 mars. La fin de la journée du 6 mars a été marquée, sur les chantiers de Kasbah-Zidania, nouvelle agglomération située à 25 kilomètres de Kasbah-Tadla, par un accident mortel. Vers 17 h 30, les ouvriers quittaient un à un le travail. L'un d'entre eux, Mohamed ben Ahmed âgé de 25 ans, employé aux T.P. depuis 8 jours, s'assit par terre, attendant des camarades. Tout près, sur une brouette, le surveillant avait posé son fusil chargé. Un indigène, Lahoucine ben Chigdali, imprudemment saisit l’arme. À peine l’eût-il entre les mains qu’une détonation retentit. Un cri de douleur se fit entendre : Mohamed ben Ahmed était mortellement atteint au ventre. La gendarmerie de notre ville, prévenue vers 19 heures, se rendit sur les lieux et commença son enquête. Ce matin, le corps du malheureux Mohamed a été transporté à l'infirmerie indigène où il à été examiné par le docteur Delorme.
Commentaires : On peut supposer que les chantiers de Kasba-Zidania évoqués sont ceux de l’usine hydro-électrique et des canaux d’irrigation. On remarque, malgré la fin de la guerre de colonisation, l’armement du surveillant, ce dernier aussi imprudent que Lahoucine ben Chigdali.
Photographies, ici
© Copyleft Q.T. 05 septembre 2024
La Vigie Marocaine du 21 septembre 1937 (Source, gallica.bnf.fr / BnF)(reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
C’ÉTAIT UN RÊVE, UN JOLI RÊVE, BIEN TROP BEAU POUR ÊTRE VRAI !
Kasbah-Tadla vécut, en cette fin d’été, une fête grandiose consacrant l’inauguration de la piscine municipale. Tous les corps de troupes y apportèrent leur contribution et, devant l’importance des visiteurs, Air-France avait organisé des voyages supplémentaires. Mais ...
Kasbah-Tadla – Année 194 … (à venir)(de notre futur correspondant particulier). L’été venait de finir, le « four crématoire du Maroc » ralentissait l'ardeur de ses flammes, et dans un mouvement bienfaisant, la température elle-même apportait à notre cité, un peu de ce calme, et de cette fraîcheur si recherchée ... « 45 à l’ombre ». Mais qu’importent, aujourd’hui, les chauds rayons de notre soleil « chérifien », toute la ville est à la joie, tout le monde ne songe qu’à remplir son panier, et à se rendre aux abords de ce bassin municipal, dont l’inauguration doit se faire dans quelques instants … Toutes les personnalités de l’endroit se sont donné rendez-vous, et bientôt les troupes elles-mêmes, c’est-à-dire celles désignées pour les diverses manifestations portées au programme, se mettent en marche. Point de direction : « la piscine ». Car, enfin, nous l’avons cette piscine ; nous la tenons, et aujourd’hui même les « Tadlaouis » pourront faire trempette … De Casablanca, la ruée s’est précisée ; et devant l’affluence, un service spécial de circulation a été organisé. Bien mieux, les curieux, amateurs d’émotions nouvelles ont envahi, depuis trois jours, les bureaux de la compagnie « Air-France » qui, devant l’avalanche des demandes, a organisé des services spéciaux de transports Casa-Tadla. Et l’aéroport de notre ville reçoit à « atterrissage que veux-tu », les nombreux aéronefs qui, bien gentiment, se concentrent ici. C’est une véritable folie joyeuse qui se déverse sur notre centre, jamais de mémoire pourtant ancienne de « vieux briscards », telle affluence n’avait été connue. Toutes les délégations sportives spécialement convoquées pour l’inauguration du nouveau bassin de natation, sont à pied d’œuvre depuis deux jours, et dans un secret touchant, ont essayé de surprendre ces secrets cachés pour leur permettre d’établir de nouveaux records. À l’heure où je vous télégraphie ces lignes, c’est une véritable ruée populaire qui pousse des milliers de personnes vers cette vallée magnifique et verdoyante qui abrite notre piscine.
Sa description
Vite, quelques mots à la hâte pour vous en donner une description moderne. Le bassin a 50 sur 25 c’est dire que ses lignes sont, dès maintenant, retenues comme l’officiel et le plus populaire du Maroc (enfoncé Casablanca). À droite, d’immenses tribunes nous protègent des ardeurs tropicales. Devant, un jardin merveilleux où les tout petits peuvent satisfaire leurs ébats, pendant que les grands, dans la piscine, pratiquent la natation pure. Des petits bassins à profondeurs différentes, permettent à toute cette gent enfantine de s’asseoir sans danger, au milieu de cette eau qui continue à couler claire et limpide. Une verdure magnifique complète le tableau : c’est le paradis de la fraîcheur qui, placé là, en un coin de notre cité, nous permet d’oublier l’horrible sirocco soufflant la ville.
Fêtes grandioses …
Et maintenant, le coup de canon, consacrant l'ouverture officielle des fêtes, vient de retentir … Du haut de la colline environnante des milliers de cavaliers s’élancent ... défilent comme en une parade, devant les spectateurs placés dans les tribunes de la piscine. C’est un coup d'œil féerique, car le défilé dure un long moment. Voici maintenant arrivé le moment solennel de l’inauguration. En un coin de la piscine, le chef des services municipaux est là, entouré de toute la commission municipale. Les chefs de la préfecture se sont partagé les diverses besognes. Les services administratifs du ravitaillement, ainsi que les chefs militaires de notre centre, ont également revêtu leurs atours spéciaux ... nous disons bien spéciaux, car tout le monde se range ... se prépare ... c’est tout-à-coup le plongeon officiel de toutes ces édiles, dans l’eau limpide de cet immense bassin formant la « piscine municipale de Kasbah-Tadla ». Tous nos officiels tirent une coupe excellente ou nagent un crawl qui ne souffre aucune critique ... et par une justice qui semble couronner les efforts de tous, le vainqueur de cette course officielle est notre chef des services municipaux qui consacre à double titre son titre de premier citoyen de la ville. Dans la population, c’est du délire, les applaudissements crépitent, les acclamations s’élèvent et, pareil à un tonnerre, l’écho retransmet à l’infini cette joie d’une population qui, après avoir attendu de nombreuses années, voit ses espérances réalisées. Dès lors, le spectacle sportif se donne libre cours : nageurs, nageuses, équipes, poursuivent le programmé imposé, les records tombent. Ce n’est plus une lutte sportive, c’est une véritable hécatombe de performances. L’enthousiasme est si grand que la nuit survient sans qu’aucune des personnes présentes n’ait quitté les bords du bassin, ce qui nous permet d’admirer l'éclairage qui complète cette construction. Il faudra toute la persuasion de nos officiels pour encourager la population à regagner ses pénates, se restaurer quelque peu, afin de venir ensuite assister aux magnifiques fêtes organisées sur la place. À 21 heure précises, le bal populaire est ouvert, les officiels qui consacrèrent la piscine, ne ménagent pas leur concours. C’est à nouveau des acclamations sans nombre, c’est la grande fête familiale, car, en somme, il n’y a qu’à demander à Kasbah-Tadla pour être servi ! Chut ! Silence ! ... on va tirer le feu d’artifice … Il est merveilleux, car, jaloux de la réputation décernée à cette inauguration, notre chef artificier, pour être certain d’aucun raté, a essayé dans le courant de l’après-midi ce grandiose feu d’artifice. Et c’est à nouveau cette fois sous les acclamations de la foule, la répétition de ces pièces lumineuses, de ces fontaines, soleils, fusées éclairantes ou de couleurs … L’enthousiasme atteint son paroxysme … la fête se continue … Mais la sonnerie du réveil vient de retentir ! ... Il est huit 8 heures ! ... Notre ami vient de se réveiller. Aujourd’hui, 21 septembre, l’été a disparu pour faire place à l’automne, et pourtant la chaleur n’a pas abandonné ses droits. Ce qu’il fait chaud ! Encore sous le coup de l’émotion de cette fête grandiose qu’il vient de vivre, notre ami ouvre la fenêtre ... Qui le sait, à force de rêver pareille chose, peut-être bien que la piscine s’est construite. Hélas ! L’emplacement rêvé est vide ! … Rien ! ... le désert ! Ou plutôt le four crématoire continue à nous inonder de sa chaleur légendaire. C'était un rêve ... un jolie rêve ... bien trop beau ... pour être vrai.
Commentaires : Il faudra attendre 1944 pour que la piscine municipale de Kasba-Tadla soit inaugurée (voir dans cette même page). Tout le monde, journaliste compris, rêve, encore faut-il raconter avec finesse les rêves, les mots aussi font rêver, combien d’écrivain.es marocain.es, nous rappellent ce cliché, « les mots font rêver ».
© Copyleft Q.T. 02 août 2024
Une salle omnisports et une piscine semi-olympique à Kasbat Tadla. D’une capacité d’accueil de 900 places, la nouvelle salle a été édifiée sur une superficie de plus de 1 800 mètres carrés pour un coût total de 21 millions de dirhams. La piscine municipale couverte a nécessité une enveloppe financière de 7,4 millions de dirhams.
Source, Lavieeco avec MAP, le 21 mai 2024 (https://www.lavieeco.com/influences/une-salle-omnisport-et-une-piscine-semi-olympique-a-kasbat-tadla/)
L’offre sportive s’est renforcée dans la commune de Kasbat Tadla avec l’inauguration, lundi, d’une nouvelle salle omnisports et d’une piscine semi-olympique. D’une capacité d’accueil de 900 places, la nouvelle salle omnisports de Kasbat Tadla a été édifiée sur une superficie de plus de 1 800 mètres carrés pour un coût total de 21 millions de dirhams, dans le cadre d’un partenariat entre le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’Éducation nationale, du préscolaire et des sports, le département de la Jeunesse, le conseil de la région Béni Mellal-Khénifra et le Conseil communal de Kasbat Tadla. Pour ce qui est de la piscine municipale couverte, celle-ci a été réalisée sur une superficie de 1 290 m2 pouvant accueillir 500 spectateurs, dans le cadre d’un partenariat entre le département de la Jeunesse, le Conseil de la région de Béni Mellal-Khénifra et la commune de Kasbat Tadla. Cette nouvelle structure qui a nécessité une enveloppe financière de 7,4 millions de dirhams ambitionne de renforcer l’offre sportive et de favoriser l’épanouissement des jeunes et le développement de leurs talents dans les différentes disciplines sportives. Elle permettra à la ville d’abriter de grandes manifestations internationales dans plusieurs disciplines sportives.
Commentaires : Ces inaugurations eurent lieu après avoir repeint bordures de trottoirs, troncs d’arbres, parapets du nouveau pont et masqué des tags muraux, ainsi le balisage du cortège officiel était parfait et lisse. La salle omnisports dédiée au sports de ballon en salle, basket-ball, volley-ball, hand-ball et futsal est très belle et étonnamment fraîche malgré la toiture en tôle. La piscine à l’origine privée, dont la couverture débuta il y a dix ans, ne sera pas vraiment ouverte aux habitant.es, on a l’impression qu’elle sera réservée aux associations. La dernière phrase est drôle ou ironique « Elle permettra à la ville d’abriter de grandes manifestations internationales dans plusieurs disciplines sportives. » ; une grande manifestation sportive INTERNATIONALE à Kasba-Tadla, ?
Pour des photographies des piscines tadlouïas, voir à piscines tadlaouïas, sur cette même page.
© Copyleft Q.T. 04 juillet 2024
Quand on écoute les tadlaouis, quand on lit les comptes-rendus d’une tournée du Sultan Mohammed V au Tadla (voir, ici, onglet Les Petites) il apparaît que la première pierre de la Grande Mosquée de Zraïb, située sur l’ancienne place du souk (voir photographie satellitaire) a été posée le 29 juin 1941, et que les travaux se terminèrent en 1943 (plaque gravée à gauche de l’entrée principale – face à la fontaine dégradée dans le jardin qui occupe l’ancienne place du souk – entrée des hommes ; les femmes entrant par une porte située dans une ruelle étroite longeant le côté Nord de la mosquée). Ce qui interpelle, c’est un cliché daté du 30 avril 1938 avec comme légende « 30-04-1938 – Kasbah-Tadla : mosquée, marché, monument légion » ; cliché appartenant à une série de quatre (ou plus) photographies de Kasba-Tadla toutes datées du 30 avril 1938. Dans un premier temps je pensais que la date inscrite sur ces quatre clichés était fausse. Je fis défiler le stock de photographies anciennes de Kasba-Tadla et acquis la conviction que cette Grande Mosquée exista à un moment donné, antérieurement à 1941, dans une architecture différente de celle visible aujourd’hui ; architecture actuelle déjà observable en 1948, sur des photographies de Jacques Belin. L’architecture du minaret sur plusieurs photographie est différente ; la grande porte d’entrée également. Une carte postale écrite en mars 1941, montre très bien ces différences architecturales. La chronologie de ces transformations sera difficile à établir. De même la disparition des anciens tadlaouis, l’absence de notes précises disponibles, si jamais elles existent, rendront rude l’établissement de certitudes sur cette mosquée magnifique au coucher du soleil et peu fréquentée, même le vendredi pour la prière du dohr.
Ajout du 04 août 2024 à propos d’une photographie visible sur le forum Dafina, discussion La ville de Kasba-Tadla, page 10 : Cela serait-il facile de situer cette porte à côté du minaret … ??? demandait ALAND le 04 mai 2009 sur le forum DAFINA, page de Kasba-Tadla ; je répondis le 18 mai 2023, naïvement « le minaret prouve que nous ne sommes pas à Kasba-Tadla », je pensais alors à la mosquée almohade de la casbah ; aujourd’hui, je réponds, c’est peut-être l’ancienne version de la mosquée de la place du souk à Zraïb, cette photographie serait donc précieuse.
Photographies, ici
© Copyleft Q.T. 03 mai 2024 modifié le 04 août 2024
Sans évoquer le fait que cet arbre situé à côté du marabout Sidi Hammou ez-Zine, au milieu d’un cimetière ancien et délaissé (aujourd’hui) fut d’après la légende le seul arbre du coin, au point que Charles de Foucauld n’en parla même pas (Le Palmier, existait-il en 1883 ? Le Palmier, était-il si petit que Charles de Foucauld ne le vit pas ? N’oublions pas que Charles de Foucauld ne vit qu’un minaret dans la casbah de Tadla et ne vit pas Al Manzah), constatons simplement que le marabout fut sur une carte postale intitulé « Le Marabout des fusillés », qui y étaient fusillés ? Constatons aussi que cette photographie du Palmier fut aussi localisée à Beni-Mellal. Le marabout Sidi Hammou ez-Zine, ne fut pas le seul marabout tadlaoui détourné de son rôle premier, d’autres furent utilisés comme poste de garde, de blockhaus, le colonisateur oubliant la sacralité du lieu.
En 1929, un soldat, qui écrit à sa fiancée, précise (recopie du texte sans correction) :
Tadla 6-7-29
Chere petite georgette j’espère que ma petite carte te trouvera en très bonne santé de mon côté tout marche toujours très bien jai reçu des nouvelle de Marthe elle est en très bonne santé ainsi que Gustave [incertain ; note de Q.T.] et toute la famille alors tout est pour le mieux ma petite chérie je t’envoi le palmier qui est a 3 cents mètres du Camp du reste c’est le seul arbre que l’on voit [illisible ; note de Q.T.] si que la verdure car tout est rousi par la chaleur alors ma petite poupée je te quitte en t’embrasent bien tendrement de loin Ton petit chéri qui pense a toi et qui t’envoi c’est plus gros baisers du Maroc Ton petit fiancé andré [incertain ; note de Q.T.]
© Copyleft Q.T. 26 avril 2024
Le 17 janvier 2022, lors d'une balade à pied dans Kasba-Tadla, et alors que le chemin emprunté m'était parfaitement connu, j'aperçois un escalier en pierres plates patinées qui conduit à une petite plate-forme horizontale circulaire en contre-bas du Camp Sud. De la plate-forme, elle-même construction humaine, le Pont Portugais semble proche, on peut y surveiller le passage. Les jujubiers de chaque côté semblent récemment coupés, est-ce pour cela que cet escalier me devint visible ?
On peut supposer que ce fut un point de surveillance du Pont Portugais avec soldats et peut-être même une mitrailleuse.
Pour s'y rendre rien de plus facile : à l'entrée du Pont Portugais, rive gauche, à proximité d'une buvette, l'escalier grimpe à gauche de la RP3211 allant à Ouled Saïd.
Sur la photographie en noir et blanc, l'absence de la seguia cimentée passant sous le pont permet d'affirmer que cette photographie est antérieure à 1920/1921 (voir article sur la première adduction d'eau de Kasba-Tadla sur l'onglet « les petites », ici.)
Petite vidéo ici.
Album photographique, ici
© Copyleft Q.T. 29 mai 2022
... je pense qu'en regardant par le fente lumineuse il avait cette information en tête et que cette information ajoutait quelque chose à sa manière de regarder. Anne Serre - Notre si chère vieille dame auteur (Mercure de France, 2022)
Pour voir un film au cinéma, longtemps les habitants du Tadla se déplacèrent jusqu'à Kasba-Tadla, seule bourgade possédant une salle. Deux salles connues : Les Arcades et Le Chantecler.
L'enquête débuta lors de la découverte des quelques lignes de la photographie A. Se terminera-t-elle un jour ? À chaque fois que j'aborde un « monument » tadlaoui, tout semble simple, je glane des informations, au commencement tout semble clair, au fur et à mesure de l'afflux d'informations tout semble se brouiller, les certitudes vacillent. Je laisse les informations décanter lentement, parfois des mois, je sais qu'inconsciemment j'y travaille, et au moment de rédiger, tout semble s'articuler gauchement, je devine alors la fin, toujours la même, une impasse ramifiée.
1) Les salles connues et certaines
Le Chantecler, dont on dispose du programme dans différents quotidiens, avec (pour le moment) une première mention le 04 janvier 1934, Le Petit Marocain (Source gallica.bnf.fr / BnF), ainsi que des photographies actuelles de la salle ; le nom Chantecler, demeure sur la façade de la salle fermée depuis plusieurs décennies ; des tadlaoui.as, se souviennent encore de ce cinéma, des films qu'ils y virent, entassé.es dans une salle bruyante, enfumée et proche, par sa température, d'un hammam.
Le 04 janvier 1934, dans Le Petit Marocain, on apprend donc que le cinéma Le Chantecler diffusera du 05 au 11 janvier 1934 « Faut-il les marier ? », un film de Pierre Billon et Carl Lamac sorti le 01 juillet 1932 ; précision dérisoire qui montre cependant le décalage important, un an et demi, entre la sortie du film en France (01 juillet 1932) et sa projection à Kasba-Tadla (05 janvier 1934).
Qui peut évoquer une séance de cinéma aux Arcades ?
Pour la salle des Arcades, mention dans des revues dédiées au cinéma : Cinaedia, N°626 du 15 octobre 1932 et Le Cinéopse, n°159 de novembre 1932 (Source gallica.bnf.fr / BnF) ainsi que dans un quotidien, probablement marocain, non-identifié à ce jour (photographie A). Ces deux revues évoquent simplement l'équipement sonore par une société française importante, Radio-Cinéma, de la salle des Arcades ; société réalisant l'équipement sonore de ce cinéma en décembre 1932 ou janvier 1933, selon une publicité parue dans la revue La Critique cinématographique, du 28 janvier 1933 qui précise le modèle de l'équipement (Source gallica.bnf.fr / BnF). On peut en déduire que la salle existait avant 1933 et que l'installation d'un nouvel équipement sonore améliora le confort des spectateurs.
2) Une information dérangeante
Un café tadlaoui, non localisé précisément, pour le moment, s'appela « le Grand Café Cinéma » (légende de la carte postale) ; pourquoi nommer ainsi un café s'il n'offre pas, en plus du café, des projections cinématographiques ? Au dernier plan de la photographie D on observe le minaret de la grande mosquée de la casbah. Ce café était donc situé dans une rue perpendiculaire à la casbah et entre cette dernière et le camp nord. Les nombreux militaires assis prouvent que Kasba-Tadla était déjà une ville de garnison importante. Si ce Café Cinéma était dans la rue de la République, anciennement rue Principale, il était situé du côté opposé à celui de l'Hôtel des Alliés et du café des Arcades. On peut aussi supposer que s'il ne faisait pas office de cinéma, il était proche d'un cinéma comme les cafés de la gare voisinent les gares ferroviaires ou routières. Certains précisent que cette carte daterait de 1919 sans aucune preuve tangible pour le moment ; ni l'architecture de l'auvent qui semble en bois, ni le mobilier, ni l'embryon de trottoir visible en bas à droite, ni les uniformes, permettent de dater avec précision cette photographie. Jean Théophile Geiser (1848-1923) étant le photographe, la date de 1919 reste cependant possible.
3) Localisation des cinémas, Les Arcades, Le Chantecler
Pourquoi localiser deux cinémas, Les Arcades et Le Chantecler au même endroit, rue de la République, anciennement Avenue ou Rue Principale (sur les cartes postales) et maintenant rue Mohammed V ?
Le cinéma Chantecler (orthographié Chanticair par Google Maps) est situé face à l'Hôtel des Alliés comme le fut le grand café des Arcades (voir photographies B et C). À propos de ces deux photographies on remarque sur la carte postale écrite en 1916, la présence d'un trottoir côté droit de la rue de la République, trottoir absent de la carte postale écrite en 1923 qui nous montre le retour d'une colonne au camp nord (derrière le photographe) ; quelle carte est la plus ancienne ? Peut-être pas celle écrite en 1916.
Sur la page Facebook, Tadlawood, où apparaît le document de la photographie A, le 16 juillet 2016, (copies d'écran, quelques corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres), on trouve :
Tadlawood, à propos de la photographie A : « Avant cinéma Chantecler il y avait [CINÉMA DES ARCADES] à Kasba Tadla. »
Abdeljabar Chekouff commente : « Le cinéma des Arcades ce n'est pas "Chanteclair" de Zaarati géré par feu El Meskini. Cinéma des Arcades c'est peut-être les ruines qui se trouvaient derrière le siège de l'ONE haute tension. Juste en face de Berraka et qu'on appelait à l'époque l'ancien cinéma ; là où ont été construites les maisons où habitent actuellement les familles Hassine, Drouby, Grida, Benmassoud ... »
Tadlawood répond : « Abdeljabar Chekouff, le grand café cinéma des ARCADES c'est justement cinéma chantecler voir dessus la photo en 1916. » - la photographie de 1916 évoquée, correspond à la photographie B.
Tout cela est parfait, étayé par d'anciennes cartes postales de la rue de la République conduisant de la place de France où trônait le bureau des renseignements, des affaires indigènes, aujourd'hui palais municipal (baladia) au camp Nord (Garnier-Duplessis). Le Chantecler s'appelait, précédemment Les Arcades, mais ...
Une autre carte plus récente montre le café des Arcades et l'Hôtel des Alliés, carte écrite par un soldat le 02 octobre 1951, affecté à Kasba-Tadla, photographies E et G, dont il existe une version colorisée chez un autre éditeur de cartes postales et des publications où elle est tronquée. L'Hôtel des Alliés existe depuis au moins 1934 dans sa version architecturale actuelle. (voir page Kasba-Tadla , ici, onglet « Kasba Tadla dans les guides » ANNUAIRE DE L'AUTOMOBILE ET DU TOURISME AU MAROC, 1934 et 1937), et photographies F. Sur la photographie E (colorisée ou non) on voit très nettement qu'il est inscrit sur deux piliers « HÔTEL RESTAURANT » et sous les balconnets du premier étage « CAFÉ DES ARCADES », la mention cinéma n'apparaît pas. On se dit alors que sur la page Tadlawood, le commentaire de Abdeljabar Chekouff est loin d'être inutile en introduisant un doute sérieux dans le raisonnement apparemment sans faille de Tadlawood qui ne fait peut-être pas assez attention à ce que montre réellement et seulement les photographies, à savoir aucune certitude que le café des Arcades fut également salle de cinéma ; quand on ne sait pas, on imagine.
On constate également le chamboulement architectural du café des Arcades : pas d'étage et arcades en forme d'ogive en 1916 ; édifice avec un étage et balconnets, arcades rectangulaires ; aujourd'hui et depuis longtemps, disparition des balconnets sauf celui face à l'Hôtel des Alliés et arcades fortement modifiées ; en 2021 les volets des fenêtres de l'étage apparaissent en bois, refaits ; si l'entrée de la salle se faisait rue de la République, aujourd'hui rue Mohammed V, la salle est réellement située dans la rue séparant le cinéma de l'Hôtel des Alliées, rue Georges Clemenceau, aujourd'hui rue A. ibn Abdellah (voir photographies personnelles). Le cinéma des Arcades était peut-être localisé à l'arrière (rue Georges Clemenceau) du café des Arcades. En 1955 (Annuaire téléphonique du Maroc, dont des pages sont visibles sur le site Dafina), on note « 36 Neuburger (Maurice), Directeur Cinéma Chantecler (domicile), rue G. Clemenceau ».
4) Le doute croît
Sur la même page Facebook (Tadlawood) apparaît une photographie (photographie H) du café des Arcades datée - sans preuve - de 1933 ; la légende « Cafe des Arcades Tadla » (orthographe respectée) semble rajoutée (la police de caractères paraît terriblement actuelle). Une affiche au dernier plan « MI ULTIMO AMOR » film de 1931 réalisé par Lewis Seiler avec les acteurs José Mojica, Ana María Custodio, Mimi Aguglia et Andrés de Segurola, est collée sur un mur séparé du café par une rue ; ainsi la date de 1933 apparaît logique.
Mais ... si cette photographique est authentique, l'affiche du film « MI ULTIMO AMOR » est collée sur le mur de l'Hôtel des Alliés, et le jour de la photographie, le café au rez-de-chaussée de l'Hôtel des Alliés a installé ni table, ni chaise, les pompes à essence SHELL n'étaient pas encore présentes. Si cette photographique est authentique, elle fût prise l'après-midi, la rue de la République étant orientée grosso-modo Sud-Nord. Si cette photographique est authentique, les enfants, la femme assise avec un journal, la femme à droite, posent, et les enfants regardent le/la photographe (que contient ou contenait la bouteille montrée par l'enfant à droite de celui qui arbore la boite de cireur de chaussures ?). Si cette photographique est authentique les ombres des arcades sont invisibles. Tout ce qui précède m'oriente vers l'hypothèse que cette photographie, non sourcée ne raconte pas ce qu'elle affiche « Cafe des Arcades Tadla » ; Tadlawood, et ce n'est pas la première fois, se serait fourvoyé.
5) Une autre piste
Toujours à propos de la photographie A, publiée par Tadlawood :
Mohamed Elamari précise « L'endroit dont parle Monsieur Abdul Jabbar Shaqouf est situé dans le détroit de Moulay Idris en face du détroit de Sidi Belqasem (maintenant groupe résidentiel). Cet endroit on l'appelait "La maison détruite" car en fait, comme il semble, c'est un bâtiment moderne qui n'a pas été achevé et qui dit à la génération que le propriétaire du site français envisageait de construire en plus de sa maison, cinéma, cafés et boutiques de divertissement, il est mort dans un accident de circulation et le projet s'est arrêté, et selon ce que nous avons réalisé, il conclut que la salle de cinéma avait une porte en face de Baraka »
Tadlawood répond : « Mohamed Elamari je n'ai aucune idée de cet endroit, même si je le connais très bien... (Merci pour l'information) Je parle ici du début des années vingt, c'est-à-dire de la date de préparation de la première rue principale - rue de la République - au sein de la nouvelle ville, qui comprenait toutes les facilités vitales de la vie quotidienne, dont grand café des arcades, qui a été offert à ses clients avec des boissons, des projections de films cinématographiques. Et puis peu de temps après, il s'est transformé en cinéma des arcades ou plutôt grand café cinéma des arcades. »
Commentaires : Mohamed Elamari renvoie à une piste totalement improbable et pourtant ... la réponse de Tadlawood, dans un raccourci incroyable, affirme que dès les années 1920, le Grand Café des Arcades faisait office de cinéma, comme quoi quelques lignes dans quotidien marocain (photographie A) possède la capacité d'engendrer un tsunami de certitudes.
Le Petit Marocain du 06 juin 1934, (Source gallica.bnf.fr / BnF)(reconnaissance OCR puis corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres)
KASBAH-TADLA - Amicale des Mutilés et Anciens Combattants de Kasbah-Tadla - Compte rendu de la réunion du 26 Août 1934
Cette réunion avait été organisée à la station nautique « Les Pingouins » à Sidi Bel Gacem, pour mieux faire connaître ce coin reposant aux portes de Tadla, aménagé et amélioré par des moyens de fortune, grâce au dévouement et à la ténacité de quelques sportifs tadlaouis. Malheureusement, la saison estivale au Tadla ne se prête pas aux assemblées nombreuses, la plupart des membres de l'amicale sont en vacances, et une douzaine de camarades seulement sont présents.
L'abstention des colons, qui ont cependant terminé leurs travaux de moissons est remarquée, et l'on s'étonne de l'absence du trésorier, instigateur de cette réunion, au cours de laquelle une collecte devait être effectuée pour concourir à l'érection d'un monument au Maréchal ; certains camarades viennent de loin, et sont peu satisfaits de s'être déplacés pour rien.
Pour ne pas s'être réunis en vain, l'apéritif est servi sous l'ombrage apprécié des arbres, qui font le charme de Sidi Bel Gacem, et si l'on est peu nombreux, les propos échangés ne manquent ni d'âpreté, ni d'amertume.
Le secrétaire rend compte des démarches qu'il a faites à grand renfort de correspondance mais il constate mélancoliquement que les résultats sont maigres. C'est ainsi qu'à une lettre adressée le 9 Juillet, à la Direction de la Colonisation, au sujet des lots vivriers destinés aux Mellalis qui attendent ces Lots depuis 1927, n'a pas encore été répondu.
Quant à ceux de Kasba-Tadla, rien ne peut être envisagé tant que la question des droits d'eaux du Zemkil ne sera pas apurée. Notre Camarade Vaugier, délégué à la Chambre d'Agriculture de Casablanca, s'est occupé de cette question et en a saisi Monsieur Journey.
... Dans le nouveau lotissement urbain qui est envisagé à Beni-Mellal, dix lots doivent être réservés aux A. C. de cette localité pour y édifier des habitations à bon marché. Mais le secrétaire ne peut s'empêcher de faire remarquer, dans quelles conditions étranges sera constitué ce lotissement, alors qu'il était si simple, étant situé en zone d'insécurité, de le préserver de toute spéculation.
En ce qui concerne les habitations à bon marché, quelqu'un fait remarquer, combien les camarades du bled ont été jusqu'à maintenant désavantagés, alors que ceux des centres importants sont servis largement et depuis longtemps.
Thollon donne très brièvement un aperçu des démarches faites à Rabat, pour le maintien du Chef-lieu de la région à Tadla.
De tout ce qui précède, il ressort très nettement que rien n'aboutit, parce que le Commandant du Territoire au lieu d'aider au développement de cette contrée, restée si longtemps en sommeil, s'oppose à la réalisation de ce qui pourrait lui donner un peu de vie. Tout semble aller à la dérive ; c'est ainsi que le Général De Loustal étant en permission, tout le monde ignore qui le remplace. Le Contrôleur est également en congé, en un mot, ce territoire est comme un navire abandonné.
Le Résident Général a promis formellement sa visite pour Octobre, et il faut espérer qu'il apportera enfin avec lui, le remède à une situation qui empire tous les jours du fait de la crise, du départ des troupes, et de la non ouverture du pays remise d'année en année, de mois en mois.
En l'absence du Trésorier, il ne peut être donné que des indications assez vagues sur le résultat financier du pique-nique de Ksiba. Grâce à des dons généreux, la caisse n'a pas eu à souffrir d'un prélèvement trop douloureux. Le résultat moral a été atteint, et il est juste de reconnaître qu'à cette occasion, les autorités locales, tant civiles que militaires, ont contribué au succès de la fête. La question tourisme est d'une importance capitale pour l'avenir de Tadla, et sur ce point le Commandant du Territoire semble disposé à porter ses efforts.
Le cas du Camarade Chastel est invoqué : Surveillant aux T. P. il vient d'être subitement licencié sous un vague prétexte. Il est décidé de demander à l'Administration de lui trouver un autre emploi ; des cumuls ou abus nombreux dans notre région seront signalés.
Chantel [Chastel ?, note de Q.T.] est A. C. et supporte des charges de famille très lourdes, il ne devait être remercié qu'en cas de faute grave. Les Membres présents remercient l'employeur qui a bien voulu procurer du travail à Chastel, sans lui, notre camarade se serait trouvé dans une situation désespérée.
... En vue de propositions pour le Ouissan à l'occasion du 11 Novembre, le secrétaire demande encore une fois à ceux qui ne l'auraient pas fait, de lui procurer leur état signalétique, et le bureau sera convoqué très prochainement.
Enfin, un appel pressant est fait aux membres de l'Amicale, pour qu'ils viennent nombreux à la réunion qui aura lieu en Octobre, la grave question du rattachement à l'U.N.C., qui sera peut-être une cause de scission, devant être posée.
La séance est levée à 12 h. 30.
Commentaires : voilà un bon sujet de recherche, la station nautique « Les Pingouins » sise à Sidi Belkassem.
6) Deux mentions du cinéma à Kasba-Tadla, plus anciennes
article paru dans CINÉ-MAGAZINE N°6 - JUIN 1930 (disponible sur Internet) (reconnaissance OCR puis corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres)
TRAVERSER de longues plaines rocailleuses, dénudées, et, en arrivant à Fez, voir à ses pieds une immense étendue de maisons, qui semblent se recroqueviller les unes contre les autres et d'où émergent que des minarets, le tout teinté d'un mauve de soleil couchant : ça c'est le Maroc. Mais ne faut pas le regarder comme font des Anglais d'autocars. Une ville comme Fez mérite que l'on se mêle au va-et-vient des indigènes, que l'on aille de souk en souk, pour aller retrouver dans des rues sombres, dans des ruelles, dans les nombreux culs-de-sac, les restes de cette vie moyenâgeuse que pratiquent encore les indigènes.
C'est avec un caïd, lettré et savant, que je me suis rendu à une séance de films parlants, mémorable entre toutes.
Depuis plusieurs jours, la ville était couverte de grandes affiches rouges, où en gros caractères noirs on lisait ceci : « VENEZ VOIR ET ÉCOUTER LA PRODIGIEUSE INVENTION DES FILMS PARLANTS UNIQUE Pas de phonographe »
Bien entendu,le soir de la représentation, il y avait foule et queue, pour payer le double du prix ordinaire. Je m'empressai de renseigner mon Arabe sur des détails techniques, mais je fus surpris de voir qu'il connaissait presque aussi bien que moi ce nouveau moyen d'expression, ayant étudié la question dans un journal cinématographique français.
La salle était archi-pleine et surchauffée.
On peut dire que le résultat fut tragique ou comique, suivant les dispositions du spectateur. Tragique s'il venait là pour apprendre quelque chose de nouveau, comique s'il connaissait le film parlant. Bien entendu, il ne broncha pas (chahuteurs, ne venez jamais au Maroc, il n'y aurait pas de répondants). Pendant trois heures, la lumière revint toutes les dix minutes, car on projeta une série de petits films ineptes, médiocrement synchronisés et vieux de plusieurs années. Il n'y eut pas de « morceau de résistance ». Cette séance était organisée par une compagnie espagnole, qui, arrivant à six heures du soir, installait tant bien que mal ses appareils dans une salle et, à minuit pliait bagages.
Le film parlant n'avait fait que des mécontents.
Le lendemain, je croisais sur la route une petite camionnette rouge avec ce titre «Films Parlants».
Ainsi elle allait de ville en ville semer des déceptions.
RABAT
Rabat, c'est une fleur, un parfum, un ensemble de jolies villas enfouies dans la végétation méditerranéenne, de modernes palais de marbre et de fer forgé, renfermant les postes, la résidence, etc.
Il n'y a là que des fonctionnaires, avec leur famille, dans une ville où il ne se passe rien. Éternel apéritif, éternel café, éternelle partie de cartes à l'unique brasserie. Chacun possède sa voiture, il faut « paraître ».
Et ma foi «paraître» oblige à d'aller tous les vendredis, bien sagement, en famille, au Cinéma de la Renaissance. Le spectacle commence par les actualités venues de Paris par avion. Après, c'est une comédie faite de nombreux quiproquos et se terminant par le baiser que l'on attend depuis le premier mètre. Bien entendu, il n'y a pas d'applaudissements. D'ailleurs qui oserait donner le signal ! Entracte. On parle de la toilette de Mme X..., de l'avancement prochain que doit avoir M. Y..., qui vient de passer. Sonnerie.
L'orchestre de cinq musiciens attaque un morceau compliqué, pour satisfaire le goût musical (?) des spectateurs, et sur l'écran passe une comédie dramatique ancienne et française. Seuls de beaux paysages de Provence sont un régal pour les yeux. Il n'en faut pas plus que ce rappel du pays pour que l'assistance soit satisfaite. Cependant tout le monde bâille, cela se comprend, tant l'histoire est longue. Enfin chacun se couvre et rentre bien sagement chez soi.
OUJDA
Le soir même de mon arrivée, je me rendis au Cinéma Jost. Des actualités vieilles de trois semaines, un film de cow-boy de 1926. Beaucoup d'Espagnols, dans la salle. Elle devient trépidante lorsque le beau cavalier va rejoindre le vilain traître dans sa fuite. Tout à coup, lumière dans la salle ; la cabine n'a qu'un appareil de projection, et l'on entend des « Oh ! », des «Ah !». Mais le film reprend, la poursuite aussi. Le bruit de l'unique piano nous parvient rarement, tant est bruyante la salle.
Baiser final. Entracte.
La salle se vide; le patron, qui tournait, redescend et sert maintenant à boire, car un immense bar est attaché au Cinéma ; ce sont deux bons commerces, et l'entracte se poursuit longtemps, laissant largement le temps de boire et de payer.
Je remarque l'absence totale de Marocains.
CASABLANCA
Et enfin voici Casablanca, cette ville champignon aux rues larges, aux buildings de dix étages, éclatante de blancheur, toujours baignée de soleil ! Ville moderne, ville d'affaires, qui a perdu tout caractère indigène en poussant depuis vingt ans sur un ancien marais.
Le soir vient, tout s'illumine. La lueur argentée de la lune baigne toujours de blancheur Casablanca, tandis que des tubes au néon mettent leurs notes bleues, vertes, rouges et que des journaux lumineux annoncent les dernières nouvelles. Tous les cinémas de Casablanca rivalisent pour attirer leur public nombreux : Empire, Rialto, Aubert, salles élégantes ; Le Roi de la Bière, place de France, à côté de la brasserie célèbre du même nom, cinémas populaires comme l'Apollo.
- Quel talkie ira-t-on voir ce soir ? demande-t-on.
Talkie, le mot fait fureur au Maroc. Casablanca connaît les derniers succès de Paris.
Si notre protectorat fut assez souvent visité par les cinéastes, ce ne fut chaque fois que pour y prendre quelques vues de palmiers, quelques minarets, quelques maisons blanches, deux ou trois femmes voilées laissant croire au monde que nous n'avons, derrière la Méditerranée, qu'un pays quelconque, aux dimensions vagues, aux terres inconnues. Mais le Maroc, ce n'est pas ça : c'est un pays qui, en vingt ans, a rattrapé sa voisine l'Algérie, un pays où vivent deux races différentes : l'une ayant gardé son caractère moyenâgeux, ses habitudes ancestrales ; l'autre neuve, qui fait surgir des villes, crée des champs de blé, exploite des mines de phosphates, des rubans de macadam de 1 200kilomètres et pose les rails sur lesquels circulent des trains électriques.
Voilà ce que cachent les palmiers et mosquées entrevus, ainsi que les forteresses de Taza ou de Kasba Tadla.
Les Arabes, qui remplissaient les cafés maures il y a quelques années, vont aujourd'hui aux « permanents » et, de deux à sept, calés dans leur fauteuil, regardent les films. Or, une agence américaine de Casablanca me disait que le marché marocain était alimenté de films yankees dans la proportion de 80 pour 100. Donc non seulement nous négligeons de montrer par le cinéma les beautés de notre protectorat, mais nous semblons nous désintéresser de l'éducation des indigènes, que nous saturons de productions étrangères.
Pour terminer, laissez-moi vous raconter une représentation de La Grande Épreuve, qui eut lieu il y a quelques mois, au cinéma Apollo à Casablanca.
Il y avait foule pour voir le film. La salle était archi-comble. Aux premiers rangs, de nombreux enfants, des couples d'ouvriers, des Espagnols, des Arabes.
Au balcon, beaucoup d'Arabes. Le film commença dans une atmosphère fiévreuse. Longs applaudissements, repris dès que terminés. La vue de nos maréchaux, de nos généraux, de nos troupes, qui assaillent les tranchées allemandes, la remise des décorations à Paul (Jean Murat) ... autant de prétextes. Et je n'entendis que de fortes mains frapper bien fort. A la sortie je ne vis que des yeux rougis ...
« J'ai vu beaucoup d'Arabes applaudir. »
La France s'implante de jour en jour. Elle apporte de grandes idées modernes. Chaque jour, elle compte ainsi de nouveaux amis. Le cinéma peut faire beaucoup.
« J'ai vu des Arabes applaudir » à un film national.
Demain, dans d'autres villes marocaines, d'autres films nationaux seront présentés (?), d'autres Arabes applaudiront la France.
Ce soir-là, j'ai compris que le cinéma pouvait être une «grande chose » dans une œuvre de colonisation.
JEAN MÉZERETTE
Commentaires : au-delà du fait que Kasba-Tadla soit mentionné dans ce récit, sans savoir si précisément la ville possédait ou non une salle de cinéma avant 1930, on peut s'interroger sur le passage éventuel de la petite camionnette rouge arborant la mention « Films Parlants ». On note aussi le décalage temporel, « une série de petits films ineptes, médiocrement synchronisés et vieux de plusieurs années », « Des actualités vieilles de trois semaines, un film de cow-boy de 1926 ».
J'évite de gloser, encore une fois, sur l'image de l'Arabe renvoyée par cet écrit, de l'atmosphère moyenâgeuse qui se dégage des médinas, tellement cela est affligeant ; j'ai lu des textes d'une autre tenue, datant des années 1950 où les auteurs-journalistes voyaient autres choses que le bleu du ciel, le mauve des montagnes, l'ocre des murailles s'enflammant au soleil couchant, l'ombre furtive de la mauresque voilée de blanc, etc.
B) Dans CINÉMAGAZINE N°29 - 16 JUILLET 1926 (disponible sur Internet)(recopie du texte), on trouve : « Nous avons bien reçu les abonnements de ... Marcel Pion (Kasbah Tadla, Maroc) »
Commentaires : ce bref extrait n'indique nullement la présence d'un cinéma ou d'une salle avec projection de films à Kasba-Tadla en 1926, seulement la présence dans cette ville d'un passionné de cinéma.
Album photographique, ici
Ajout mai 2023 : « Actuellement, il (R. P. Adrien) fait ouvrir la crypte à une extrémité pour y aménager une salle de cinéma ... » MAROC-MONDE ou CASA-CITÉ du 26 janvier 1952, (Source gallica.bnf.fr / BnF) ; nous sommes en 1951/1952 ; en mars 2023, un ami tadlaoui me signale l'existence d'une ancienne salle de projection cinématographique au niveau de l'ancienne place du souk ; tout cela mérite vérification, mais sur quels éléments, témoignages fiables ?
© Copyleft Q.T. 31 décembre 2022 modifié le 27 juin 2023
KASBAH-TADLA - INAUGURATION DE LA PISCINE, La Vigie Marocaine, 17 mai 1944 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR, corrections manuelles, respect de l'orthographe des noms propres)
Kasba-Tadla - Dimanche 21, grande réunion sportive pour l'inauguration de la piscine de Kasba-Tadla. Cette réunion est donnée au profit de l'œuvre de « Dar El Askri ». Voici le programme actuellement arrêté :
Le matin au Stade Ruchou à 9 heures : matchs de basket-ball, en féminin RAC (champion de la Chaouia et champion du Maroc 1943) contre le RC d'Oued-Zem. En match masculin : RAC contre Aviation de Tadla.
L'après-midi à 15 heures 30 pour l'officielle inauguration de la piscine de Kasba-Tadla : épreuves de natation avec le concours des nageurs du RAC et des meilleurs champions du Maroc. En finale : grand match de water-polo Nous reviendrons sur cette union.
KASBA-TADLA, La Vigie Marocaine, 22 mai 1944 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR, corrections manuelles, respect de l'orthographe des noms propres)
Kasba-Tadla - Belle réunion sportive où les Casablancais et les visiteurs d'Oued-Zem complétèrent le succès des efforts des organisateurs locaux. En basket-ball, les Casablancaises et Casablancais démontrèrent leur grande classe. En natation, les Casablancais, où brillait le jeune Vallerey, remportèrent toutes les épreuves. Porchez gagna le 100 mètres en 1' 11", Georges Vallerey le 200 en 2' 38" et le 100 mètres dos en 1' 14"; Vallerey enleva également l'Australienne. Le match de water-polo fut spectaculaire. De l'avis de tous, la piscine est splendide, mais le bassin s'annonce dur pour les performances à réaliser.
Les Casablancais se retirèrent enchantés de la réception dont ils avaient été l'objet. Ils furent notamment reçus chez S. E. le Pacha Au cours d'une magnifique fête indigène qui enthousiasma tous les visiteurs.
Commentaires : Sans vouloir être méchant, il est qu'en même étonnant de constater deux orthographes différentes pour Kasba-Tadla dans un article aussi court (17 mai 1944).
Dans l'article du 22 mai 1944, je ne sais pas ce qu'est « l'Australienne » en natation et pour quelle raison le bassin tadlaoui sera « dur pour les performances à réaliser » ; langage codé pour moi. Georges Vallerey fut un grand nageur français possédant une fiche sur WikipédiA.
La nouvelle piscine « privée » en service depuis le début des années 2000 (2002 d'après mes notes), juste à l'ouest de la piscine historique, non-fonctionnelle depuis les travaux pour la couvrir (2014/2015) et la transformer en stade nautique ; mes filles adoraient cette piscine malgré l'absence d'autres filles pour jouer, même si de rares fois une de leurs cousines tadlaouïas les accompagnait après d'interminables discussions auprès de la mère pour vaincre des préjugés liés au soleil, à la qualité de l'eau, aux cheveux qui seront mouillés, au regard, au « mauvais œil », etc. Cette nouvelle piscine jouxtait un parc de jeux payant, devenu un dépotoir.
Des créneaux horaires spécifiques aux femmes furent mis en place (2017/2018) ; on a beaucoup gloser sur cette non-mixité, en Europe ; en Italie, à Trieste, existe une plage non mixte ; à Kasba-Tadla, je trouve, au risque de choquer, salutaire cette non-mixité, tant le rigorisme religieux progresse au Maroc, les jeunes filles amorçant leur puberté pouvant ainsi profiter de l'eau comme leur congénères masculins.
« Stade Ruchou », l'orthographe est-elle exacte ? Où était ce stade ?
C'est quoi une « fête indigène » ? De l'exotisme du « bled » pour les modernes casablancais.es ?
Les photographies A (1959) et B, ont été mises sur le forum, https://dafina.net/forums/, page Ville de Kasba-Tadla, par Minat et Tine, qu'ils.elles soient ici remercié.es pour ces photographies ; allez sur ce forum qui évoque bien le Maroc et ouvre des perspectives.
Album photos, ici
© Copyleft Q.T. 10 mars 2022 modifié le 27 juin 2023
La casbah abrite deux mosquées. La casbah actuelle résulte, semble-t-il, de deux constructions, une première édifiée par Moulay Ismaïl en 1687 (?) et une seconde que des sources annoncent plus grande, par son fils, Ahmed Ed Dehbi (?) en 1705 (?) (MAROC, GUIDES BLEUS, par PROSPER RICARD (Directeur honoraire des Arts Indigènes au Maroc) Hachette 7° Édition, 1950 et le maroc en poche, Henri BARBEAU, Jean DELAGE, Paul LEFORT, S.M.A.T.E. CASABLANCA 1972, déjà publiés, ici, onglet « kasba-Tadla dans les guides »). Prosper Ricard nous précise qu'Ahmed Ed Dehbi fit construire une mosquée plus grande que celle de son père. On déduit, logiquement, de tout cela, que la mosquée « sahélienne » fut édifiée par Moulay Ismaïl et la grande mosquée avec un minaret aux dessins curvilignes par son fils ; j'invente, je n'en sais rien du tout ; rien dans ce que j'ai lu, dans ce que je possède permet d'écrire cela ; je ne peux constater que la présence de deux mosquées dans l'enceinte actuelle de la casbah, une en ruines mais restaurée et l'autre fonctionnelle depuis sa restauration débutée en 2010/2011. Toutes les deux sont magnifiques. En fait, suite à des discussions avec un ami tadlaoui, A.D., et aux recherches sur la casbah, la plus grande mosquée est la « sahélienne », la mosquée avec le minaret de type almohade étant une petite mosquée destinée au « seigneur » local ; cette mosquée réhabilitée, se dégrade rapidement, est taguée, les tuiles vernissées vertes jonchent le sol, les déjections d'oiseaux abondent.
Plusieurs détails m'étonnent :
- l'utilisation de ces deux mosquées par l'autorité française d'occupation, la « sahélienne » comme « hôpital », « T.S.F. », « infirmerie », et la grande comme « dépôt », - des cartes postales montrent qu'il y a 100 ans sa toiture était en partie présente -, que ses ouvertures furent grillagées (plusieurs style de grillage au cours du temps), on y voit même, à l'intérieur, sur des cartes postales, une tente, comme celles présentes dans les camps militaires, son minaret comme celui de la « sahélienne » porta également une antenne (l'antenne réelle reliant les deux minarets) (sur une carte l'expéditeur nota « devant le pylône pour la télégraphie sans fil »), enfin selon les cartes postales son rôle changea : « foyer du soldat - U.F.F. », « bureau de la place », « Minaret du Foyer du Soldat » ; utilisation qui me semble contraire à la politique affichée par Lyautey ;
- la présence d'un minaret de type « sahélien » ; il semble qu'au Maroc, Tiznit (je m'y suis rendu plusieurs fois, mais n'ai pas vu ce type de minaret) et peut-être Boudenib abrite une/des mosquées avec un tel minaret ;
- pourquoi Charles de Foucauld (1883) et le Capitaine Cuny (1910) ne virent pas le minaret de la mosquée « sahélienne » ? Était-il en partie en ruines et donc non distinguable d'une autre construction ? Charles de Foucauld précisant que la partie Ouest de la casbah abrite les demeures des habitants en ruines (déjà publié) ; le mystère demeure, voire s'épaissit ; Le Chef de bataillon Aubert note à propos de la casbah, en 1911, lors du passage de sa colonne à Kasba-Tadla les 19 et 20 juin 1910 « À 7 heures, nous étions en vue de la kasbah Tadla, ensemble crénelé, cachant l'oum Er-Rebia, dominée par deux minarets et englobée dans des cases indigènes nombreuses. » ;
- sur une photographie aérienne de 1913, paru dans La Vie au grand air, le 06 septembre 1913 (Source gallica.bnf.fr / BnF), puis reprise en carte postale et datée de juin 1913, on distingue nettement la « séparation » évoquée par Charles de Foucauld et la « porte » située entre les deux parties de la casbah, ainsi que les habitations en ruines voisinant la mosquée « sahélienne ».
Le Petit Parisien, 01 juillet 1941 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles en particulier des noms propres le texte parlant de Beni-Mellat)
Le Maroc acclame son sultan
De notre correspondant particulier Rabat, 30 juin.
Le sultan du Maroc a été l'objet à Azrou d'une réception enthousiaste, laquelle n'a pas été moins chaleureuse à Khénifra où un magnifique spectacle l'attendait : près de deux mille tentes berbères étaient rassemblées autour du cirque grandiose. Plusieurs milliers de cavaliers des tribus zaïanes ont défilé devant le sultan qui s'est rendu ensuite à Kasba-Tadla où il a posé la première pierre de la mosquée.
A Beni-Mellal, le souverain a reçu les autorités locales et régionales, ainsi que les notabilités européennes.
Commentaires : la première pierre posée par le sultan, Sidi Mohammed, le 30 juin 1941, est celle de la « grande mosquée » de l'ancienne place du souk en contrebas de la casbah, cela donne un repère temporel pour caler des cartes postales ou des photographies anciennes ; depuis quelques années cette grande mosquée est fermée pour cause d'effondrements de la toiture, sera-t-elle réparée ? Après de longs mois de travaux, cette mosquée est de nouveau fonctionnelle.
Enfin on ne peut que constater la « prolifération » des mosquées dans les villes et villages marocains, mosquées sous forme d'édifices spécifiques ou de simples locaux transformés en salle de prières, chaque quartier tadlaoui en possède ; Abdelhak Serhane l'avait écrit dans un revue il y a déjà bien longtemps, il se passe donc quelque chose.
Je profite de cette maigre contribution pour insérer une photographie de la mosquée Hassan II de Casablanca, en construction, en 1990, ainsi que des mosquées d'autres villes marocaines.
Remarque sur les photographies : on constate dans les titres la grande variabilité orthographique de Kasba-Tadla, Casbah-Tadla, Kasbah-Tadla, Tadla, Casbah-Teilah (?)
© Copyleft Q.T. 14 mai 2021 modifié le 12 décembre 2023
J'écris souvent que le « hasard » m'entraîne sur des chemins imprévus, lieux de découvertes parfois inattendues et heureuses. Il faudrait plutôt préciser que mon acuité attentionnelle grandit, avec un espoir de plus en plus ténu de trouver une trace ancienne d'Al-Manzah ; j'aime commencer des choses qui ont de grandes chances d'échouer.
Un plan de 1934 de Kasba-Tadla (déjà publié) montre le Nouveau Pont, le site https://structurae.net/fr/ précise que ce pont fut mis en service en 1933, assemblage parfait, jusqu'au dimanche 02 mai 2021. La Journée industrielle du 28 juillet 1937 (source, retronews.fr) (recopie du texte) précise : « MAROC. Casablanca. Travaux publics. 2 janvier. Construction d'un pont de 65 mètres à Kasba-Tadla. Adjudication : « L'Entreprise Marocaine », F. Rateau, 248 boulevard de la gare Casablanca pour 459 134,71 francs. » ; La République du 22 février 1938 (source, retronews.fr) (recopie du texte) note : « Le pont de Tafrani sur l'Ouerrha, ouvrage de 144 mètres a été livré à la circulation au début de 1937. Un autre pont de 66 mètres d'ouverture, en amont de l'ancien pont portugais de Kasba-Tadla, a été commencé sur l'oued Oum-er-Rebia et sera prochainement livré à la circulation. ». Pourquoi un journaliste annoncerait en 1938 la fin prochaine de la construction d'un pont et sa livraison à la circulation, pont, soi-disant, mis en service en 1933 ?
Sur un autre sujet on me fit remarquer que le cimetière « français » ou « chrétien » abritait également des sépultures juives et musulmanes, qu'il suffisait de regarder les symboles visibles sur le plan (plans du guide Michelin de 1950 et celui de 1934, déjà publiés) et donc que le qualificatif « chrétien » pour ce cimetière était inapproprié ; peut-on se fier à un plan qui indique un pont inexistant ? La proposition d'« existence invisible » appliquée à Al-Manzah aurait pour corollaire la proposition de « visible inexistence » pour le Nouveau Pont.
Le Vieux Pont, « le Portugais », fut probablement - en l'absence de preuves irréfutables, restons prudents - construit sous le règne de Moulay Ismaïl (1672 - 1727), comme la première casbah, même si certain.es le pensent antérieur ; pont photographié des millions de fois depuis plus d'un siècle, avec quasiment toujours le même angle, preuve que nos photographies ne sont guère différentes de celles des guides touristiques ou des cartes postales, mais en les prenant on a le sentiment d'être original.e. Le site https://structurae.net/fr/, qui semble recenser les ponts du Monde précise sans problème que le matériau pour construire les 10 arcs, du Pont Portugais, est de la « terre compactée », jamais je n'aurais imaginé une telle résistance aux crues de la terre compactée. Au niveau de ce pont, on observe de nombreuses tortues d'eau. J'ai traité par ailleurs de l'hypothèse « portugaise » d'un certains nombres de ponts marocains.
Un autre pont, bien en aval de Kasba-Tadla, permet de franchir l'Oum-er-Rbia ; en amont de Kasba-Tadla un radier au pied du barrage d'Aït-Messaoud, permet aussi ce franchissement.
Enfin deux énigmatiques piliers à mi-chemin, entre le barrage d'Aït-Messaoud et le marabout de Sidi-Belkassem, montre l'existence d'un projet, pont ou passerelle datant de ? J'écris projet car les piliers sont récents, en béton, avec des orifices caractéristiques des bétons « actuels ».
Des gués existent, permettant, en l'absence de lâchés d'eau au niveau du barrage d'Aït-Messaoud, de traverser l'oued, en particulier au niveau d'Aït-Messaoud ; gués qui finiront par se modifier, certainement, du fait de l'exploitation irraisonnée du lit de l'Oum-er-Rbia pour y extraire des sables et graviers nécessaires à la construction immobilière.
Les deux photographies satellitaires proviennent du site https://satellites.pro/, les photographies y étant insérées étant personnelles.
© Copyleft Q.T. 04 mai 2021 modifié le 27 juin 2023