Fiche technique :
Massif : Arves
Département : Savoie
Altitude : 3.514m pour l'Aiguille Méridionale, la plus haute des trois. La Centrale culmine un mètre en dessous, à 3.513m. La Septentrionale, aussi appelée Tête de chat est à 3.364m
Curieusement la Centrale paraît presque toujours plus haute que les deux autres, mais c'est évidemment à la Méridionale que je me suis attaqué, faisant confiance aux géographes. La Centrale est plus belle est possède une voie normale plus facile, mais c'est le jeu ma brave dame !
Itinéraires possibles pour la Méridionale :
Par la face Sud (AD+ 5b>3b A0 II X2 P3 E3) . Peut être considéré comme la voie normale, l'accès par la face Sud, en partant du refuge du Goléon est a priori plus simple et moins pénible que par l'arête SE. En début de saison, une partie de la face est en neige, ce qui facilite l'ascension.
Par l'Arête SE, depuis le Col N de Jean-Jean (AD+ 5c>4c II P2 E3 ). A partir de la brêche supérieure, le final est le même que par la face Sud.
Voie empruntée : compte tenu d'un départ côté Valloire, c'est l'arête SE via le col N de Jean-Jean qui s'est imposée.
Dénivelé de la course : 2000m de D+ et 16 km.
Date de réalisation : Août 2025
Récit :
4h11, dimanche 3 août 2025. Nous nous élançons plein ouest, Pascal, mon guide du jour, et moi, sur le petit sentier qui part du lieu-dit "Bonnenuit", au sud de Valloire. Nos pas ne sont éclairés que par nos frontales. La nuit est parfaitement claire et étoilée mais sans lune. A l'instar de l'ascension du Grand Galibier, non loin d'ici, c'est à l'occasion de vacances dans le secteur que je m'attaque à ce 13e sommet du projet. Sur les trois guides de Valloire, Pascal est le seul à pouvoir assurer ce genre de course. Le petit bureau des Guides propose généralement l'Aiguille Centrale, dont la voie normale est plus facile mais je suis venu avec mon projet et Pascal a accepté le challenge après bien sûr s'être enquis de mes capacités.
Après 1h15 de marche nous passons devant le refuge des Aiguilles d'Arves en y jetant à peine un oeil et continuons dans la combe. Les Aiguilles commencent à se montrer avec le lever de soleil. D'abord la Méridionale, sur la gauche, et la Centrale. Puis la "Tête de chat". Quand nous laissons le sentier sur notre droite, nos frontales sont éteintes et je découvre le chantier que nous allons devoir affronter. Peut-être pas le plus difficile de la course mais à coup sûr le plus pénible : un énorme éboulis de 600m (!) de dénivelé, fait d'ardoise de schiste. Des milliers de morceaux de toutes tailles, une instabilité à chaque instant. Un effort soutenu à chaque pas pour ne pas reculer au lieu d'avancer. Pascal semble galérer presque autant que moi. Nous faisons de petites haltes régulièrement car cette montée nous épuise. Pour ne rien arranger, et alors que nous sommes manifestement la seule cordée présente, des pierres tombent d'on ne sait où. Je me prends la première, qui vient taper mon majeur gauche et mon avant-bras. Je n'avais rien vu venir, ayant la tête dans le guidon, ou plutôt dans le schiste. Douleur assez vive mais en même temps soulagement que ce ne soit pas la tête qui ait été touchée. Nous mettons nos casques dans la foulée, alors que nous pensions jusque là pouvoir nous en passer. Pascal essaye de voir si on ne peut pas bifurquer vers la droite. Une alternative qu'il a déjà empruntée lors d'ascensions précédentes, et qui permet de sortir de ce bourbier, au prix d'une modeste escalade sur du bien meilleur rocher. Malheureusement il a fait très froid cette nuit et une fine couche de givre fait encore briller la roche. Trop risqué. Nous continuons donc notre chemin de croix dans l'ardoise et arrivons enfin au Col N de Jean-Jean après près de 3 heures d'effort. Petite pause au col, où nous buvons un coup et déposons les affaires inutiles (bâtons, casse-croute, t-shirt trempés de sueur). Personne ne viendra les voler ici. On s'encorde et on est heureux car ici commence l'alpinisme.
La suite commence par un petit bout d'arête très facile puis une grande traversée vers le N, le long d'une vire plus ou moins étroite. Celle-ci est protégée par des spits, néanmoins très espacés (15-20m). Le spectacle est magnifique, avec pas mal de gaz, une vue sur l'Aiguille Centrale et la combe. Il faut être vigilant mais cette traversée, quasiment en balcon, est reposante après le pierrier horrible. Nous arrivons à une brèche (la Brèche Brulle), qui nécessite un court rappel pour y descendre et quelques pas d'escalade pour remonter. La traversée repart alors sur la face Est de l'Aiguille, toujours en direction du N et nous mène au bas des rappels que nous emprunterons plus tard pour la descente du sommet. La vire reprend et se fait plus montante. Puis nous attaquons la partie grimpe, parfois en "corde tendue", parfois en tirant des longueurs, de difficultés très raisonnables. Nous passons la brèche supérieure, grimpons une longueur en III et arrivons au pied du "mauvais pas". C'est le nom donné à la longueur la plus difficile de l'ascension (5c). En réalité, surtout un pas dans cette cotation, bien protégé par des spits rapprochés. S'ensuit une petite partie en dalle, un petit bout en cheminée et on arrive enfin sur l'arête sommitale. La fin se fait sans problème en corde tendue et nous voilà, à 10h30, enfin au sommet !
Nous ne restons pas très longtemps au sommet, malgré la beauté incroyable du panorama (vue dégagée sur les Ecrins, la Vanoise, le Mont Blanc et même jusqu'au Grand Paradis...). En effet le petit vent est bien frais et nous savons qu'il nous reste une longue descente.
Six rappels en principe, nous en ferons 5 en prenant grand soin d'éviter tout coincement de corde. Un des rappel, justement pourrait être assez propice à ce genre de désagrément. Et comme la pente n'est pas très raide à cet endroit, Pascal préfère que l'on désescalade, ce que nous faisons avec plus ou moins d'aisance (plutôt moins pour moi ^^). S'ensuit toute la traversée via la vire. Bizarrement je la trouve plus délicate au retour. Est-ce le côté légèrement descendant ? La fatigue ? En tout cas je suis très précautionneux car j'ai peur du faux pas. Enfin arrivés au col N, où nous avions laissé certaines affaires, nous pouvons faire la pause casse-croute. Il est presque 14h. Bientôt c'est le retour dans l'énorme pierrier de schiste. Plus facile en glissade contrôlée dans ce sens qu'à la montée ! Il nous en coûte quelques chutes sur les fesses néanmoins ! Vers 15h45 nous sommes au refuge et faisons une petite pause rafraîchissement bien venue. Il fait aussi chaud en ce début d'après-midi qu'il faisait frais en début de course et au sommet. Pascal discute avec les tenanciers du refuge, qu'il connait bien, puis nous repartons pour le sentier du retour, qui semble interminable.
Arrivée à la voiture vers 17h, soit près de 13h de course, pauses comprises. Ce fut une belle ascension, plutôt physique, avec beaucoup de boulot pour Pascal, que je salue et remercie ici (itinéraire, rappels, etc...). Bien content de l'avoir faite en ayant profité de ma présence sur Valloire.