La France de demain


S’il est un sujet où chacun se considère en droit de donner son sentiment, c’est bien l’éducation. Fort de son expérience personnelle et de son parcours éducatif, il est normal que chaque personne pense avoir une vision objective et complète de la question. Et ça tombe bien, puisque le ministre de l’éducation nationale a annoncé une future réforme du BAC. D’interminables débats nous attendent donc à partir du 14 février, mais force est de constater que le BAC n’est plus le Graal des études comme il l’a longtemps été. Sur fond de surchauffe du système éducatif, aborde-t-on le sujet par le bon angle ?


C’est un euphémisme de dire que le système éducatif français est à la dérive. Il sombre littéralement. Manque de professeurs, école toujours plus inégalitaire, de moins en moins bien notée dans les classements internationaux et qui cultive un esprit de compétition chez des enfants en bas âge qui ne le comprennent pas, et dont la vision de la société sera conditionnée par cette culture. Au vu de ce triste tableau, il serait tentant de dire que l’annonce du ministre est une décision de bon sens. Sauf que…


BAC et brevet des écoles, des diplômes indispensables mais inutiles


L’objectif - louable - de nos dirigeants consiste depuis des années à faire accéder au BAC la plus grande partie de la population. Sauf qu’un problème se pose déjà… pour un employeur, un diplôme n’a de valeurs que s’il permet une sélection des meilleurs éléments, autrement ce n’est rien d’autre que du socle commun. Un exemple flagrant est le Brevet des écoles. Suffisant pour accéder au marché du travail à une certaine époque, il a souffert de la démocratisation de l’accès au lycée, pour devenir aujourd’hui tellement insignifiant qu’il ne viendrait à personne l’idée d’aller préciser qu’on l’a bien obtenu.


Faut-il alors se lamenter de la perte d’attractivité du BAC ? Si la raison en est l’accès à un niveau de connaissance élevé d’une majeure partie de la population, alors il s’agit d’un processus parfaitement logique, naturel et bénéfique. Les générations suivantes auront un socle de connaissances de base plus large que le nôtre, et c’est tant mieux pour eux. En 2017, ce sont près de 90 % des candidats qui ont décroché leur sésame pour les études supérieures. Mais on peut aussi estimer que ces bacheliers ne possèdent rien qui les différencient les uns des autres hormis un classement subjectif entre filières S, L, et ES. Donc BAC = socle commun = absence de sélection. Hors la question est là. Qu’attend-on de notre école ?


Quelle école pour quelle société ?


Comme écrit plus haut, le système français est l’un des plus inégalitaires au monde… Pour la patrie de l’égalité, c’est assez triste. En effet les catégories socio-professionnelles s’y reproduisent quasi à l’identique d’une génération à l’autre avec une petite nouveauté depuis peu : le déclassement… Alors qu’il était naturel de voir des enfants terminer leur carrière avec une meilleure situation que leurs parents, aujourd’hui l’heure est à la crainte de les voir finir dans une situation moins bonne. Si l’objectif est de tirer vers le haut le maximum d’individus, il est manifestement complètement raté. En réalité le système éducatif français est même reconnu pour son élitisme.


Les progrès des sciences cognitives, auxquelles notre ministre prête une noble attention, ont révélé ces dernières années un certain nombre d’éléments dont il est important de tenir compte. En premier lieu : « tout se joue avant 5 ans ! » En effet, la seule différence du nombre de mots entendus, avant 5 ans, entre un enfant de famille socialement aisée et un enfant de famille issue de l’immigration peut provoquer un retard quasi irrécupérable. Il semble donc plus opportun de s’attaquer à la racine du problème et non à son fruit. Une fois cela dit, une réforme du BAC apparaît bien inutile car elle ne règle pas le problème fondamental du système éducatif français.


Tout miser sur les premières années


Il est important de garder en tête deux notions économiques qui pèseront bien plus que tous les arguments universalistes aux yeux de nos dirigeants. Un chômeur coûte plus cher qu’un actif à la société (évidence, même s’il est toujours bon de le rappeler) et le retour sur investissement dans l’éducation décroît à mesure qu’augmente le niveau d’étude (notion moins répandue). L’effort devrait donc se porter prioritairement sur la petite enfance, car il est plus rentable, mais aussi car il permettrait de réduire les inégalités inhérentes au milieu social des enfants et ainsi offrir une véritable « égalité des chances de réussite », comme le souhaite notre président Emmanuel Macron.


L’éducation est le fondement d’une société, puisqu’elle forme les citoyens de demain. Il est naïf d’espérer une grande nation d’un peuple qui n’est pas instruit. De là se pose un autre question. Souhaitons-nous une école qui produise quelques élites au prix de beaucoup d’échecs, ou une génération de personnes diplômées et insérées dans le monde du travail ? Économiquement, la réponse est claire : mieux vaut une génération de diplômés du supérieur qu’une poignée de super élites. Socialement la réponse est la même, il y aura moins de tensions dans une société plus homogène. La lutte contre les inégalités commence avec l’école.