L’antisémitisme est-il un racisme comme les autres


Avant-propos : Pour couper court à toute interprétation, l’auteur de ce blog ne prend parti pour aucune religion quelle qu’elle soit, les considère sur le même plan, et estime que si la question religieuse doit être prise en compte par l’État, aucun culte ne doit être autorisé à intervenir dans le domaine public ou politique. Il est aussi bon de le rappeler même si ce n’est que la loi : « le racisme n’est pas une opinion mais un délit ».


La récente parution, dans le journal Le Monde, d’une tribune contre l’antisémitisme grandissant dans certains pans de la société française a causé un malaise aussi bien à droite qu’à gauche. La tribune en question, signée par de nombreuses personnalités d’horizons très divers, résonne comme un écho aux affaires Mireille Knoll, Sarah Halimi et surtout, celle d’Ilan Halimi. Et si les mots « épuration ethnique » et « antisémitisme musulman » ont à juste titre choqué, il n’en demeure pas moins qu’un réel sentiment d’insécurité touche les Français de confession juive. Dans le pays hébergeant la première communauté juive d’Europe, la haine religieuse et les préjugés sont-ils aussi et présents qu’on le dit ? Que fait l’État pour répondre à cette peur que ressent une partie de sa population ?


Des chiffres et des actes

Les « faits » racistes, d’après les chiffres du ministère de l’intérieur, ont reculé en 2017. Et ce pour toutes les catégories, à savoir : les actes antimusulmans, les actes racistes et actes antisémites. On notera au passage que c’est pour savoir quelles populations sont victimes de racisme qu’on utilise une dénomination différente : il s’agit de bien de racisme dans chacun des cas. Pourtant, si on y regarde de plus près, on remarque que la baisse n’est pas uniforme. Les faits antimusulmans reculent de près de 35 %, là ou les faits racistes régressent de 14 %, mais les faits antisémites stagnent quasiment avec seulement 7 % de baisse. Et pire encore, si on regarde uniquement les « actes violents » : ceux visant les populations juive ont augmenté de presque 25 %. A tels point que les familles effectuant une « Alya interne », comprenez « déménager dans un quartier moins sensible », se multiplient d’après certains signataires. Un chose est certaine, les juifs sont - proportionnellement à leur population et au nombre d’actes racistes – plus susceptibles d’être victime de racisme.


La peur est un atavisme

La question de l’antisémitisme en France n’est pas manichéenne comme pourrait le laisser penser simplement la lecture de cette tribune. Oui, il existe un « antisémitisme des cités », mais il ne peut résumer à lui seul ce sentiment d’insécurité. Celui-ci trouve aussi son origine dans un antisémitisme plus profond, qui au cours de l’histoire de l’Occident n’a pas particulièrement brillé. « Les heures les plus sombres de notre histoire » n’ont pas suffit à mettre fin à cette haine. Et si le Front National cherche à se racheter une image au près des juifs, c’est bien parce qu’il est conscient que des années durant, il a véhiculé une pensée antisémite parfaitement nauséabonde, assumée et pourtant très peu condamnée par la justice. Ensuite, il existe, en France et ailleurs, une confusion volontaire ou non, entre la question du conflit Israélo-Palestinien et la religion juive : comme si être de confession juive impliquait de non pas seulement soutenir, mais aussi être responsable de la politique menée par Israël dans les colonies. Dans la mesure où il existe des Israéliens qui contestent la politique expan-sion(n)iste (ce calembour douteux est libre de droits, faites vous plaisir) de leur pays, on peu supposer qu’il en est de même pour les Français de confession juive, en théorie. Enfin, cette logique de l’amalgame « ce sont tous les mêmes », dont sont aussi victimes nombre de musulmans, est parfois véhiculée au travers des textes religieux. Les cause du malaise juif en France sont donc à chercher aussi bien du coté historique, que politique et religieux, mais il faut aussi garder à l’esprit que la peur est un atavisme, et le traumatisme vécu par une génération entière ne peut s’effacer aussi facilement.



Une demande irréalisable

Les signataires de la tribune demandent donc aux autorités théologiques de l’Islam de frapper d’obsolescence les versets du Coran appelant au meurtre des juifs. Petit souci : si vouloir réaliser l’équivalent du concile Vatican II est compréhensible, c’est aussi avoir une très mauvaise connaissance de l’Islam. Car il n’existe pas de clergé hiérarchisé ni d’autorité universelle musulmane reconnue par tous. Il faudrait pour qu’une telle déclaration soit reconnue, qu’elle soit émise par un grand mufti d’un pays musulman, et comme il n’existe pas de hiérarchie entre grands muftis de différents pays, celle-ci pourrait tout aussi bien être contredite par une autre fatwa. Bref cette demande est irréalisable en plus d’attiser le sentiment d’une certaine partie de la population musulmane : qu’elle est le bouc-émissaire de tous les problèmes de société en France. S’il existe une une réelle question sur l’antisémitisme musulman, celle-ci ne doit pas occulter les autres formes d’antisémitisme en France. Il ne faut pas oublier que les actes de vandalisme dans les cimetières juifs sont bien souvent le fait de partisans de l’extrême droite. Enfin, l’histoire du Moyen-Orient démontre à de multiples reprises que la coexistence entre juifs et musulmans était réalisable, dès lors que chacun respectait l’autre. Pourquoi cela ne serait-il pas possible en France aujourd’hui ?


Cependant, cette tribune à le mérite de soulever un point sur lequel l’État ne peut plus jouer l'ignorance et doit désormais se pencher. Il n’est pas acceptable de laisser des citoyens, de quelque confession qu'ils soient, vivre dans un état d’insécurité permanent.