L’Interview de David,


"Illustrateur,

chanteur et danseur de claquettes. "





David est une source inépuisable d’inspiration, avec ce portrait, j’avais envie que d’autres personnes découvre son univers et comprennent sa démarche artistique. 



Peux-tu te décrire en un mot ou quelques phrases ?

Je suis un jeune homme d’une quarantaine d’années animé par le fantasque, la rêverie, les songes. Je pense avoir beaucoup de tristesse en moi, pas forcément malheureuse, plutôt une mélancolie ou nostalgie heureuse qui va d’ailleurs nourrir ma créativité. 


A quel moment de ta vie le dessin a fait son entrée ? 

Celui que je suis aujourd’hui c’est celui que j’ai toujours été. 

Quand j’étais enfant, je faisais des spectacles où je me déguisais, je voulais faire une comédie musicale, j’ai commencé les claquettes à 6 ans et je voulais en faire toute ma vie. Le dessin avait déjà une place importante, je dessinais beaucoup, j’ai même gagné des concours. 


Quel est ton parcours de vie ? 

Au collège, je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire, comme pas mal de gamins de mon âge. Puis j’ai eu un coup de foudre professionnel pour mon prof de dessin qui m’a beaucoup poussé en arts plastiques, c’est lui qui m’a conseillé de suivre une voie artistique.

Ce dernier a pu me dire que j’avais quelque chose à faire dans le dessin, j’ai donc intégré un lycée avec une section d’arts appliqués à Avignon, d’où je suis originaire. J’ai été initié, de la seconde à la terminale, au domaine artistique : le stylisme, la publicité, l’art plastique et l’histoire de l‘art. 

J’y allais car j’étais passionné aussi par tout ce qui était publicitaire en me disant que plus tard j’en ferais mon métier.


Tu aimais quoi dans le domaine de la publicité ? 

Trouver des slogans, des rimes, des trucs un peu drôles, un peu à l’ancienne, une double image qui te fait du storytelling (méthode de communication qui consiste à raconter des histoires). 

À la fin de la seconde, après avoir été initié à l’architecture et le stylisme, je me suis dit : c’est la mode/le stylisme qui m’intéresse !!!!

Ensuite, j’ai fait des rencontres amicales dans cette classe très lookée. La fringue a commencé à prendre beaucoup d’importance comme élément pour se démarquer, se distinguer et s’affirmer. A la fin de ma terminale, j’ai passé mon bac avec l’idée de partir très loin d‘Avignon, pour m’éloigner du sud et de ma famille. 


Et tu es parti très loin comme tu le souhaitais ?

J’ai postulé pour 2 écoles, une dans le sud et une autre à Tourcoing, dans l’idée de partir le plus loin possible. Quand j’ai fait la visite de l’école à Tourcoing : la pluie, les briques, je me suis dit: 

“je ne vais pas y arriver, même si je veux m’éloigner, je ne vais pas supporter” donc je suis allé à Nîmes à 30 minutes d’Avignon. J’ai fait 2 ans de stylisme en BTS mode.

Pendant ce parcours, les retours à propos de mon travail étaient “trop artistique” et “pas assez commercial”. Je me suis dit finalement que peut-être la mode n’était pas faite pour moi, j’ai alors décidé de faire une année d’Arts plastiques à la fac pour préparer une licence que je n’ai pas fini. 

D’une part, je n’étais pas fait pour ne pas avoir de cadre et d’autre part, le prof me disait que j’étais trop porté sur le tissu et me demandait d’arrêter de faire des choses autour de la mode.

J’ai alors pris la décision de monter sur Paris.


Avec quelle idée en tête ? 

Trouver du travail auprès d’un créateur de mode. Pas dans la mode industrielle car j’avais des aspirations artistiques.

J’ai travaillé au 3 Chardons (Théâtre pour enfants) pendant 1 an et demi en CDD. Je démarchais les écoles, j’ai pu découvrir d’autres métiers.

Et puis je suis rentré chez H&M où j’ai découvert le métier que je fais aujourd’hui : 

« Visual Merchandiser »

Je m’occupe de lancer des préconisations pour la mise en place des vitrines, des produits et du mobilier à l’intérieur des magasins d’une enseigne de prêt à porter.


Ça te plait ce que tu fais aujourd’hui ?  Tu as réussi à trouver une voie dans la mode ?

J’adore ce que je fais, ce n’est pas de la création effectivement mais ça reste dans la mode. Il n’y a pas de prise de risques de ma part, d’échecs ou de réussite et surtout je me suis découvert des compétences d’encadrement et de formateur.

Je pense d’ailleurs que je finirai certainement mon cursus professionnel par de la formation ou du professorat lié au visuel merchandising ou la mode.


Quelle place au dessin dans ta vie alors ?

Quand j’étais à Nîmes et un peu à Avignon en seconde, ils insistaient sur la réalisation de carnets de croquis à avoir à coté de soi. Quand tu te déplaçais quelque part, tu devais faire des croquis, l’idée était de partager ce que tu vois par le biais du dessin. 

En terminale, j’ai eu mon premier chagrin d’amour, j’ai commencé un carnet de croquis/journal intime. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à dessiner un personnage qui me ressemblait.

Tous les jours, je dessinais le look que j’avais.

Une fois que j’avais dessiné ce dont j’avais besoin, je jetais le carnet.


Tu ne ressentais pas l’envie de garder tes dessins ? 

Je n’ai pas trop d’attaches sur mes dessins une fois terminés. Qu’ils partent à la poubelle ou qu’ils soient publiés sur Instagram, acheter ou donner, cela n’a pas une grande importance pour moi. 


  « Le moment le plus fort, c’est au moment de le faire »


C’est comme si tu as toujours des idées dans la tête et que le seul moyen de t’en débarrasser est de faire des dessins pour pouvoir passer à autre chose.


Quel a été le déclic alors ?

Sous l’impulsion de mon chéri et de quelques amis qui m’ont conseillé d’en faire quelque chose, j’ai commencé à garder des dessins. Ils ont réussi à me convaincre qu’ils en valaient la peine. Pourtant, au départ, je ne comprenais même pas comment quelqu’un pouvait être intéressé.

J’ai décidé d’ouvrir un compte Instagram, à créer assez rapidement une communauté super fidèle et à faire grossir le compte. Ce qui est assez fou pour moi, c’est de se dire :

ce que tu fais peut avoir de l’intérêt pour quelqu’un ».


Tes dessins sont principalement de l’autoportrait, pourquoi ?

Quand j’ai commencé à publier des dessins, certaines personnes m’ont demandé des dessins personnalisés, notamment d’eux. Très rapidement, je me suis rendu compte que ça ne me conviendrait pas car les gens ont des attentes précises. 

Pour avoir quelque chose de modulable, j’ai repris le système d’autoportraits pour pouvoir dessiner ce fameux personnage « gros/pas gros/moche » et pour le mettre dans toutes les positions, toutes les histoires sans avoir de compte à rendre. Ce qui m’offre une vraie liberté.

Je me questionnais quand même : “comment les gens vont réussir à s’identifier? En quoi c’est intéressant d’avoir un dessin qui représente quelque d’autre?” Et finalement ce n’est pas du tout une barrière, la plupart des gens ne le voient même pas. 


Ce personnage justement, que raconte t’il ? 

J’ai essayé de continuer ce principe de journal intime car il n’y a que de ça dont j’ai envie de parler : 

Des sentiments amoureux, des émotions, des différences entre les gens. Moi qui travaille dans la mode, je connais l’importance que les vêtements peuvent avoir dans l’apparat, le pouvoir de se cacher derrière, c’est pourquoi je me débarrasse de cela dans mes dessins.


Il y a aussi beaucoup d’attention portée sur le poil, les grains de beauté ce qui identifie chacun de nous car nous n’avons pas tous les mêmes grains de beauté au même endroit, le même nombre de poils, les mêmes implantations,... ça m’intéresse de le montrer. Même si le personnage c’est ma tête et qu’elle est majoritairement poilue.

C’est aussi une espèce de banderole que j’agite pour des personnes qui sont poilues et complexées de montrer que oui « on peut être beau et poilu » c’est un habillage du corps. Effectivement, la nudité est présente et importante, ce qui peut aussi poser problème parfois. 

 

C’est à dire ?

La nudité a pu me gêner car certaines personnes étaient attirées que par ça, pas spécialement par le propos autour. Quand j’ai commencé mon compte Instagram, très rapidement, c’est une communauté Queer qui est venue me suivre.


Pour les personnes qui ne connaissent pas le terme « Queer » tu peux m’expliquer ? 

Ç’est toutes les personnes qui ne correspondent pas à la norme établie dans les attirances sexuelles, dans les normes de genre.


Et dans ta communauté, tu as beaucoup de personnes de ce mouvement ?

Énormément, parce que c’est vrai que quand je parle de relation amoureuse, c’est sous mon angle homosexuel, essentiellement entre hommes. La majorité des personnes qui me suivent sont des hommes.

Attention, ce n’est pas l’image que je veux développer. J’essaie, sans me censurer, de faire attention sur le propos que j’ai à affirmer, que ce ne soit pas quelque chose de trop présent non plus.


Maintenant, j’aimerais que tu me parles de ta technique de dessin ?

Il y a beaucoup d’ornementation, la décoration est très importante, il y a différentes techniques qui suivent tous les dessins : un peu de pointillisme, des spirales qui envahissent le dessin puis une espèce de nuit étoilée et tout ça, plus tout un tas d’autres d’ornementations, formes, quelque chose de très décoratif autour de la thématique principale.

Ce que les gens apprécient, c’est que c’est assez différent de ce que l’on voit en général, il y a beaucoup de détails à voir ou essayer de comprendre et finalement, ce personnage passe presque en second plan.


Question organisation, avec un travail à temps plein, pour produire des dessins, gérer ton Insta et ton site, comment fais-tu? 

Ça dépend des périodes de vie. J’ai emménagé il y a peu donc c‘est un peu compliqué, ça reste  très vampirisant quand je dessine. Je ne suis plus disponible pour quoi que ce soit et en plus je n’arrive pas à m’arrêter.

Quand il y a des moments de vacances,  je profite de ce temps là, ce sont des moments de détente et zéro contrainte de planning pour justement me mettre sur les dessins au moment où j’en ai envie et pouvoir m’étaler laisser le bordel.


En 2023, tu as fait ta première exposition dans une galerie parisienne «  La galerie du lendemain » peux-tu nous dire comment ce projet a vu le jour ? 

Quand j’ai commencé mon compte instagram, je n’avais pas de but précis, j’ai suivi les conseils me disant de garder et montrer mes dessins. Puis il y a eu des demandes d’achats assez régulières. Au tout début de mes premières ventes, une galerie s’est ouverte sur Paris qui a montré de l’intérêt pour mes dessins, nous avons alors engagé un dialogue puis il m’ont proposé une expo solo. 

J’ai refusé car je me sentais pas prêt, la démarche était un peu trop rapide.

Je pense que je n’accordais pas assez de crédit à ce que je faisais, je me demandais qui est ce que ça allait intéresser. Nous sommes restés en contact et par la suite, la galerie a proposé une exposition collective autour du nu masculin.


Avoir été exposé dans une galerie t’a t’il permis de gagner en légitimité ? 

Oui complètement, ça m’a boosté et donné envie de faire une exposition en solo, j’ai quelque chose a raconter. 

Puis il y a eu les retours très positifs qui m’ont été faits de parfaits inconnus et de personnes importantes du milieu de l’art au moment du vernissage

A ce moment-là, je me suis dit “mon travail n’est pas seulement approuvé par des amis et des followers”.


Quelle sont les prochaines étapes ? 

J’ai créé mon site. Maintenant, il faut que j’arrive à l’entretenir. 

Quand tu as un métier à coté, c’est beaucoup d’investissement d’entretenir un site internet, de gérer un compte Instagram et de le maintenir à flots, de commercialiser une partie des dessins sous des formes plus abordables de prix par des prints pour que cela revienne moins cher. 

Car aujourd’hui je ne vends que les originaux, n’ayant pas d’attaches aux dessins et aussi parce j’ai envie que la personne qui a le dessin entre les mains vive l’expérience complète du crayon qui a arraché un peu la feuille, des taches à droite, à  gauche, du relief. 

Je trouve que le print va aplatir tout ça. Mais il y a des personnes qui n’ont pas les moyens d’acheter un dessin 100 euros donc les prints permettent de faire des prix plus bas et aussi des formats différents.


 Tu considères que c’est un deuxième métier ou une passion ?

Une passion. Si je devais choisir demain entre mon métier actuel et ma passion pour le dessin, je choisis mon métier du moment car j’ai les pieds sur terre et je n’ai pas envie de me lancer dans une vie de Bohême et artistique. Mais avoir plus de temps et un espace dédié pour ça, c’est un rêve clairement. Ce qui est en cours...


Est ce que tu aurais un conseil pour des personnes qui ont une passion et qui n’osent pas se lancer ? 

Pour ma part, toutes les passions que j’ai et qui ne sont pas liées directement à mon intime, j’arrive à les faire assez facilement et les rendre visible comme le compte Instagram  « badinfluenceur » . 

Mais dès l’instant que ça touche à l’intime comme le chant ou les dessins, c’est plus difficile d’aller au-delà, de se mettre à nu, de prendre le risque que quelqu’un te dise que c’est pas bien.


Alors justement comment tu prends le risque ? 

S’appuyer sur l’entourage, ce sont eux qui vont te donner la force et le courage d’en faire quelque chose d’important.

Entre la passion que tu fais chez toi et la tentative de le rendre public, finalement dans le pire des cas, tu reviens chez toi. Il n’y a rien à perdre, il faut tenter le coup. Nous avons tous 1 million de choses riches à offrir, à partager avec les autres. 


Et avant de se quitter les questions d’Odette plus perso ! Y a t’il des endroits ou des personnes qui sont des inspirations et te nourrissent dans ta vie ?

Le sud que j’ai voulu quitter jeune homme. Aujourd’hui, c’est quelque chose de très présent dans mes dessins, c’est peut être la nostalgie ou c’est aussi parce que c’est là que tout s’est construit. Ce sont mes racines et mes origines. Il y a ce coté un peu gitan en moi que je retrouve souvent qui est une vraie source d’inspiration, un peu d‘Espagne, un peu du sud de la France coté Provence. 

Et pas de personne en particulier. En général, j’ai une idée de ce dont je veux parler, je vais chercher l’inspiration par des images sur Internet, des photos de personnes avec des positions différentes qui correspondent à ce que je veux dessiner. Puis j’assemble le tout, je fais des compositions, j’y mets tout l’habillage de mon personnage. 

L’inspiration vient beaucoup d’Instagram aussi. Depuis le début, c'est une énorme source d’inspiration. En plus des encouragements, j’ai découvert plein d’artistes que j’adore, notamment des photographes qui font des photos de nu.

Je pense que quand tu crées un compte Instagram, en tout cas pour ma part, ça ne peut pas être à sens unique, tu es là pour montrer ton travail, c’est vrai, mais pas que. 

Tu es aussi là pour pour recevoir et t’inspirer.

Quand tu regardes un compte Instagram, le nombre de followers et le nombre de comptes suivis est significatif et bonne indicateur sur la notion de partage.


Un endroit dans ta maison où tu te sens le mieux ? 

Ça a toujours été sur le canapé assis en tailleur. Je commence ma journée dans cette position au moins 3/4 d’heures sans parler, sans son.


Des plaisirs quotidiens ?

La bière et le saucisson.


Un plat préféré ?

Il y en a plein, ça va faire plaisir à ma belle mère, 


« La potée au choux de Jeannie » ( la belle-maman)

« les pâtes au rognon de Kalou » 

« les oreillettes de ma maman » 

Et un dernier pour finir la « tarte aux citron meringuée de ma mère » c’est mon meilleur dessert, celui que je préfère.




Je remercie David pour son précieux temps et pour ce partage de moments de vie et conseils.

 J’espère que cela va vous inspirer, et vous donner envie de vous lancer.



Site internet :

divadavid.fr


Instagram:

@divadavidrawings