LES MASSENIES DU SAINT GRAAL AU FIL DU TEMPS

De la première Massenie au XIVème siècle, à la Massenie actuelle

Les renseignements qui suivent concernent la région s'étendant des environs immédiats de Toury, à l'Est, jusqu'à une trentaine de kilomètres à l'Ouest. Ils ne sont pas toujours très précis, car je les ai rapportés de mes "voyages" et, dans certains cas, je n'ai pas eu le souvenir complet de ce qui m'a été dit. Après l'arrestation massive des Templiers, le 13 Octobre 1307, le Chevalier Jean de Rampillon, natif de Rampillon, décida de venir en aide à certains d’entre eux qui avaient pu se sauver. Il voulait surtout que ne s'éteigne pas l'esprit du Temple.

II a pensé qu'il fallait regrouper dans ce but un certain nombre des Templiers et Croisés qu'il avait connus en Orient.

Pour l'aider dans cette tâche, il a fait appel à son fils spirituel, jeune Templier habitant le Midi de la France. Ils ont pu regrouper autour d'eux ving-quatre personnes, ce qui avec eux faisait vingt-six, chiffre que Jean de Rampillon s'était fixé. Tous devaient être initiés au second degré au minimum.

Ils ont choisi comme emplacement de la première Massenie le hameau de Toury, où habitait un ami du chevalier, artisan et philosophe. Cet emplacement était dans le coin Sud-Ouest de ce qui est actuellement notre jardin. La maison du philosophe, "de l’Ariole", était petite et discrète, entourée de bois. Des sentiers et chemins permettaient d'y accéder, à pied ou à cheval. Jean de Rampillon et son fils spirituel ont donc recherché ces Templiers éparpillés, cachés ou reconvertis, et d'anciens Croisés habitant Rampillon et alentours. Ils ont retrouvé un Harodim vivant dans une petite communauté juive, près de Coulommiers. Cette communauté a décidé qu'ils seraient six à la disposition du Chevalier. Ils continueraient à transcrire la Tradition, et auraient, en plus, la garde de certains documents donnés par les Templiers.

Et vingt-six mois après, soit à la fin de l'année 1309, les vingt-six ont pu se réunir pour la première fois à Toury, dans la maison de l'Ariole. Le Chevalier Jean de Rampillon a décidé que cette maison serait leur Loge, et il l'a baptisée "Massenie du Saint Graal". Il en a donné la définition et la règle considérant qu'une nouvelle Chevalerie était née.

Je crois que vous avez tous lu "Le Temps Hors du Temps"; aussi je ne ferai que vous en résumer l'essentiel. Pour être Frère en Massenie, il n'était point besoin d'être noble, mais il fallait avoir l'esprit du Temple, c'est-à-dire une grande tolérance et une grande fraternité. La Massenie œuvre sur trois plans : matériel, humain et social. Elle représente une synthèse de pensées que l'on retrouve chez les Rose-croix, les Francs-Maçons et les Kabbalistes. Un de ses buts était de faciliter aux Frères le chemin initiatique en respectant leurs diverses personnalités. Par exemple, les chrétiens honoraient Saint Jean-Baptiste, patron des tailleurs de pierre et en célébraient la fête le 24 Juin ... J'ajouterai que dans le serment des Chevaliers il est dit «Nous acceptons de nous charger d'âmes et, par notre conduite et notre enseignement, de les amener à la Connaissance».

Au début, il n'y avait en Massenie que des Frères. Ils étaient en contact avec des alchimistes voisins, avec la Tirtha, maison dans laquelle vivait un alchimiste forgeron, à un peu plus d'un kilomètre de Toury, et avec l'alchimiste de la Hotte Bonnot, qui vivait très retiré dans une ferme entourée de bois, à environ t rois kilomètres de Toury.

Les Frères recevaient à la Massenie ceux qui venaient de l'extérieur, voire de l'étranger.

Quelques mois après la création de la Massenie à Toury, des femmes, épouses ou sœurs de Frères, ont formé un petit groupe pour s'occuper des questions matérielles et sociales pour les Frères, particulièrement pour ceux venant de l'extérieur qu'il fallait loger et héberger. Elles ont créé leur propre médaille, que nous possédons. Elle comporte sur une face la croix chrétienne dans la croix templière, et sur l'autre face la représentation du chrisme. C’est deux ans après l'ouverture de la Massenie de Toury que la première femme y fut admise. Elle avait été initiée par son frère.

Pendant un temps assez long, il y a eu peu de femmes dans les Massenies en dehors des épouses des Magisters. Puis, au fil des ans, leur nombre a grandi. La femme du Magister avait un rôle semblable à celui des "mères de la Cayenne des compagnons".

Les Massenies se sont implantées de préférence là où il y avait eu des commanderies templières, ou près des églises, le plus souvent dans des fermes, châteaux ou dans leurs dépendances. Elles ont été d'inégale importance. Certaines ont vécu de nombreuses années, d'autres peu.

Les Massenies ont toujours aidé ceux qui, au cours des siècles, ont combattu pour préserver la liberté et la justice. Aussi, dans le cours des âges, à plusieurs reprises, elles se sont occultées parce que certains de leurs membres étaient poursuivis par l'Eglise ou le gouvernement. Mais il y a eu toujours un survivant pour tenir le flambeau dans la clandestinité et qui était dépositaire des médailles. Celles-ci ont été ensuite conservées soit par un membre de la famille du Magister, soit par un ami sûr, jusqu'à ce qu'elles soient remises à une nouvelle Massenie,

Jean de Rampillon et un "Ancien" d'une Massenie ont bien voulu faire revivre devant moi des faits concernant d'anciennes Massenies, et me donner une nomenclature "approximative" de celles qui ont existé dans la région de Toury. A vous de rechercher autour de vous d'anciennes Massenies. Certaines vivent depuis plusieurs siècles mais ont changé de nom, et ont même quelquefois perdu le souvenir de leur origine.

Le Mitoy

Sous ce nom sont groupés le Grand Mitoy, le Petit Mitoy, et le Plessis aux Tournelles, voisins les uns des autres, entre les communes de Cucharmoy et Chenoise, à une dizaine de kilomètres au Nord-Ouest de Provins, et qui ont eu, suivant les époques plus ou moins d'importance, probablement en fonction de la position sociale, de la personnalité et de l'activité des occupants.

La première Massenie de Toury ayant cessé son activité en 1350 – peut-être au décès du Magister - la suite a été prise par Le Plessis aux Tournelles.

Il y a eu ensuite une occultation due à la guerre de Cent ans. On retrouve la trace d'une Massenie, d'abord en 1460 au Plessis aux Tournelles, puis en 1483 au Petit Mitoy, réuni à la Seigneurie du Plessis aux Tournelles et du Grand Mitoy.

En 1493 il y a une Massenie au Grand Mitoy. Son Magister a été enterré en I5II au Prieuré des Chaises, actuellement hameau de la commune d'Hermé, Ce Prieuré, reconstruit, et sous lequel existe un départ de souterrain, appartient actuellement au ménage Guérinot, cultivateurs, et se trouve un peu plus loin que la maison dans la rue du Prieuré.

En I543, traces imprécises d'une Massenie, puis occultation, et reprise d'une Massenie en 1606. Le fils de son Magister prend la suite en 1566, et on sait qu'il rend hommage au Sieur de Paroy, marquis de Mascrany. Cela dure jusqu'en 1695. Époque à laquelle on perd sa trace.

(C'est en 1695 que François de Mascrany, marquis de Paroy, acquiert la seigneurie d'Hermé. En 1673, ce François de Mascrany avait été le parrain d'un des enfants d'un aïeul direct de Jean, Claude Fortin, notaire au Moulin d’Ocle, devenu un hameau de la commune des Ormes-sur-Voulzie).

En Juillet 1725, un certain Simon, de la famille du Magister du Mitoy est enterré au cimetière d'Hermé à l'âge de vingt ans. Cette date marque la fin des Massenies du groupe Mitoy.

Notre Dame des Champs

Un peu après 1720, une Massenie s'est créée à environ sept kilomètres au nord de Provins, entre Saint-Martin des Champs et Voulton. Je ne vois pas où elle se trouvait exactement ; il faudrait faire des recherches. Elle s’appelait Notre Dame des Champs, nom qui n'apparaît pas dans les documents édités par la Société locale d'Archéologie. Mais je sais qu'il s'agissait d'une petite chapelle et c'est près d'elle qu'était cette Massenie vouée à Notre-Dame. Celui qui 1'a créée venait des environs de Nangis et s'était installé dans la région de Voulton à la suite de son mariage.

Elle a eu beaucoup d'efficacité et a duré de nombreuses années. Un de ses frères était astronome ou astrologue et étudiait le ciel ! ... Alain, qui habite Voulton, et qui scrute souvent le ciel, m'a dit que, effectivement, une petite chapelle dénommée Notre-Dame des Champs avait existé ; elle est actuellement très délabrée, mais réparable.

Les Aulins

En 1715 un Chevalier de Malte habitait un château avec ferme attenante dit Les Aulins, situé sur le territoire de Mouy-sur-Seine, un peu au nord de Bray-sur-Seine. En "voyage", je l'ai vu chez lui, et il m'a dit avoir rencontré Jean au cours d'un périple à l'étranger. Il a créé dans son château une Massenie que Jean fréquentait entre deux voyages, car il revenait chaque fois dans sa maison paternelle du Moulin d’Ocle. Or, les actes généalogiques que nous possédons prouvent que plusieurs générations de Fortin ont habité au Moulin d’Ocle de 1520 à 1719 au moins, année où un Gabriel Fortin devient Provinois. Puis la propriété des Aulins a échu au baron de Berthémy, et il semble qu'il ait continué la Massenie jusqu'à ce que cette propriété passe au général d'armée : Léon Denain, Grand Officier de la Légion d'Honneur, et Ministre de l'aviation, qui avait épousé une des filles du Baron Berthémy. On perd à ce moment la trace de cette Massenie.

En 1939, un incendie a détruit la partie habitation des Aulins ; celle-ci n'a pas été reconstruite, mais les bâtiments de la ferme n'ont pas été touchés. Ils encadrent la cour au fond de laquelle se trouvait le château ; nous en possédons des photographies.

Après l'incendie, la ferme a été rachetée par un cultivateur qui a mis aimablement ses archives à notre disposition. Il y est fait état du château, qui était plus exactement une grande et belle maison d'habitation comportant de grandes pièces de réception, des cuisines au rez-de-chaussée, et quatre chambres à l'étage, avec grenier au dessus. Cela correspond bien à ce qu'avait "vu" Gabrielle.

La Croix en Brie

Puis nous allons à La Croix en Brie où il y avait eu une importante Commanderie Templière dont subsistent encore quelques vestiges. J’ai vu "en voyage" qu'autour de 1787 existait une Massenie dont le Magister se prénommait Guerland. Il était dépositaire des médailles. Un jour, un homme grand, fort, roux, est venu lui rendre visite et lui a remis son cachet que nous possédons maintenant. C'est celui qui a sur une face un éléphant avec la devise "Je n'élève qu'en moi", et sur l'autre face un roseau avec la devise "Telle est ma destinée". Le Magister a dit à son visiteur "elle va rejoindre les autres" et l'a mise dans un sachet. Et ensuite tout le monde s'est embrassé. Cet homme a rapporté d'un voyage en Extrême Orient (?) des arbres dits ' "vernis du Japon" dont il a inondé le pays et les environs.

Savins

Il y a eu une Massenie à Savins, mais je n'ai que peu de renseignements sur elle, si ce n'est qu'elle n'a vécu que quelques années.

La Butte aux Loups

Nous en arrivons autour de 1800 où une importante Massenie a été créée dans une maison isolée au milieu des bois, à environ un kilomètre à l'est de Toury, au lieu dit "La Butte aux Loups", qui, depuis le renouvellement du cadastre, il y a quelques années, a changé de nom et s'appelle "La Motte Givaux". Ce lieu est sur le territoire de la commune de Melz-sur-Seine, mais tout près de la limite entre celle d'Hermé et celle de Melz. Cette Massenie aurait duré une quarantaine d'années, le premier Magister ayant passé la suite à son fils. Le dernier Magister a été enterré au cimetière de Melz-sur-Seine. Cette Massenie était dépositaire des médailles.

En 1872, certaines Massenies ont lutté à côté des républicains. Les Frères ont été obligés de se disperser, mais des petits noyaux se sont reformés, dont un à la Butte-aux-Loups qui était très secret. En I884, il y a eu encore de grands troubles. J'ai vu dans un "voyage" un Frère de la Butte-aux-Loups qui habitait à Montmartre. Il avait 60 ans environ, était très malade, près de sa mort. Il conversait avec un être jeune qui m’est inconnu. Il prédisait l'arrivée au pouvoir des républicains, et disait qu'ils arrêteraient la chasse aux sorcières qui avait repris. Lui mourrait en "sachant", mais hélas des Frères exécutés ou condamnés n'avaient pas "su". Heureux, dit-il, ceux qui ont pu rejoindre l'Angleterre. Grâce à ses compagnons, il a été enterré dans le petit cimetière Saint-Vincent de Montmartre. Après l'éparpillement de 1884, quelques années ont passé avant qu'en 1890, se tienne à la Butte-aux-Loups une grande réunion avec des Frères des Massenies de la région et de l'extérieur, ainsi que des Frères venant de l'étranger qui ont marqué leur passage en laissant des pièces de monnaies de leurs pays. Puis, environ une vingtaine d'années après, ce qui nous amène à 1910, un habitant de la Butte-aux-Loups a jugé nécessaire de transférer le scarabée, les médailles, et les monnaies qui étaient conservées à la Butte-aux-Loups. Il avait des relations avec des amis Allemands et a compris qu’un conflit allait éclater et que, dans ce cas, il partirait à la guerre. C'était un initié très sûr qui a "vu" qu'il fallait qu’il mette les médailles à l’abri dans la cave de la maison que nous habitons maintenant, où elles dormiraient jusqu'à ce que revive la Massenie de Toury. Il est mort le 24 Juillet I9I7 aux tranchées du Bois Petit, près de Sillery (Marne), suite à une blessure de guerre.

Son nom figure sur le monument aux morts de Melz-sur-Seine. Un descendant de la famille de la Butte-aux-Loups que nous connaissons bien vit à Hermé actuellement.

Il m’a été dit, sans m’en donner la raison, que le scarabée et les médailles doivent rester à Toury après ma disparition, et qu'elles devront être confiées à mon fils.

Voici tout ce que je puis vous dire au sujet des Massenies qui ont existé dans la région avant que ne revive la Massenie de Toury.

Région de Toulouse

Ce qui est dit sous ce titre concerne la région de Toulouse, un de mes correspondants, monsieur Charles…, d’origine périgourdine, mais vivant actuellement à Pleurtuit (Ille et Vilaine) m'a communiqué des renseignements dont voici l'essentiel.

En I325, près de 80 ans après la brûlerie des Cathares à Montségur, une Massenie s'est formée dans laquelle 7 troubadours de Toulouse ont fait le vœu de réhabiliter les Cathares et de propager la Doctrine en sauvant ceux qui étaient poursuivis. Ils se nommaient Guilhem de Lobra, Puire de Myane, Serra, Béranger de Saint-Planeret, Guilhem de Gavault, Pierre Camo, Bernard Oth. Ils se réunissaient à Saint Martial, dans le quartier des Augustins. Ils formaient la Massenie du "Gay Saber", ce qui désigne les sciences occultes en langue occitane. Cette Massenie était rattachée à la Massenie du Saint Graal. C'est elle qui a créé les «Jeux Floraux » dans lesquels était organisé un concours annuel de poésie de langue occitane. Les gagnants recevaient comme récompense 3 fleurs symboliques d’Occitanie : un souci, une violette et une églantine

Deux siècles après sa création, la Massenie avait étendu ses activités. La Dame toulousaine, bienfaitrice de sa ville, Clémence Isaure, avait mis une partie de son immense fortune à la disposition de la Massenie. Clémence Isaure est née aux environs de 1450. Pour ceux de la Massenie, elle représentait la "Dame" des Cathares par sa chasteté et ses qualités, c'est-à-dire la Doctrine.

On peut voir actuellement sa représentation à l'entrée d'un Temple maçonnique. Derrière elle, un pavé en forme d'échiquier noir et blanc dit de "maçonnière" ou "Pavé Mosaïque", le "Beaucen" des Templiers. Au pourtour, sa tresse évoquant la chaîne d'union. Sur le fronton, au-dessus des colonnes, « un Delta ». La Dame tient à la main une rose à 5 pétales.

Malheureusement, 50 ans après la mort de la Dame, un litige a éclaté entre la Municipalité et les membres de la Massenie au sujet de son testament ; La Massenie a perdu le procès et a été dissoute.

Mais certains membres se sont regroupés sous le nom de "Félibrigés", ce qui signifie en langue d'Oc "Troubadours". Leur dernière réunion annuelle a eu lieu tout récemment, en Juillet I960, à Périgueux. Mais l'aspect folklorique y prédomine maintenant, avec chants et poésies en langue d'Oc. Cela n'empêche pas qu'existe parmi eux un noyau ésotérique très secret.

Texte de Gabrielle Carmi