no 61 à 64

61.    22 janvier 1909 — Comment Jésus contracte des dettes d'amour avec l'âme, dettes qu'il conserve et garde toujours dans son Coeur.

Je pensais à mes nombreuses privations et me rappelais que, il y a plusieurs années, j'avais attendu Notre-Seigneur pendant plusieurs heures et, quand il était venu, je m'étais plainte d'avoir dû lutter tellement avant qu'il vienne. Il m'avait dit: «Ma fille, quand je te surprends en venant sans que tu m'attendes, alors tu es en dette avec moi; mais, quand je te fais attendre pendant un certain temps et que je viens ensuite, je suis en dette avec toi. Et penses-tu que c'est peu de choses qu'un Dieu soit en dette avec toi?»

Alors je me suis dit: «À cette époque, c'était des heures, maintenant ce sont des jours. Qui pourrait dire combien de dettes il a envers moi? Je pense qu'elles sont innombrables, car il a tant abusé de ces fantaisies.» Ensuite, je me suis dit: «Et quel est le bien pour moi d'avoir un Dieu qui soit en dette avec moi? Je pense que le fait d'être en dette avec lui ou que lui soit en dette avec moi, c'est la même chose pour Jésus, parce que, en un instant, il peut tant donner à l'âme pour égaler et même surpasser les dettes qu'il pourrait avoir. Ainsi, toutes ses dettes sont annulées.»

Pendant que je réfléchissais ainsi, Jésus béni me dit en mon intérieur: «Ma fille, tu parles sottement. À côté des "dons spontanés" que je fais aux âmes, il y a les "dons obligatoires". Pour ce qui est des dons spontanés, je peux les faire ou ne pas les faire, c'est mon choix, car je ne suis lié par rien. Pour ce qui est des dons obligatoires, comme c'est le cas avec toi, je suis obligé de donner ce que l'âme réclame et d'ajouter des cadeaux.

«Imagine un gentleman et deux personnes dont l'une laisse son argent entre les mains du gentleman et l'autre pas. Ce gentleman peut donner aux deux personnes, mais laquelle est la plus sûre d'obtenir ce qu'elle veut en cas de besoin: celle qui a de l'argent entre les mains du gentleman ou l'autre qui n'en a pas? Il est évident que la personne qui garde son argent dans les mains du gentleman est celle qui a toutes les bonnes dispositions, le courage, la confiance d'aller demander au gentleman ce dont elle a besoin. De plus, si elle le voyait hésitant à donner ce qu'elle demande, elle pourrait lui dire franchement: «Dépêche-toi de me donner ce dont j'ai besoin, car ce que je te demande ne t'appartient pas, mais est à moi.»

D'autre part, si celui qui n'a rien déposé entre les mains du gentleman va le voir pour lui demander quelque chose, il le fera timidement, sans confiance, et le gentleman aura le choix de l'aider ou non. Voilà la différence qu'il y a entre être en dette avec quelqu'un ou ne pas l'être. Tu peux comprendre les immenses avantages que tu as à m'avoir comme ton débiteur.»

Pendant que j'écrivais, j'ai pensé à un autre non-sens: «Quand je serai au Ciel, mon cher Jésus, tu te sentiras irrité d'avoir accumulé tant de dettes envers moi, tandis que si tu viens maintenant, puisque je serai en dette avec toi, toi qui es si bon, dès notre première rencontre, tu vas annuler toutes mes dettes. Mais moi, qui suis mauvaise, je ne laisserai pas aller les choses et je demanderai paiement même pour le moindre moment d'attente.»

Pendant que je pensais ainsi, il me dit en mon intérieur: «Ma fille, je ne serai pas irrité, mais content, parce que mes dettes sont des dettes d'amour et que je désire bien plus être en dette avec toi que le contraire. En fait, ces dettes que j'aurai avec toi seront des gages et des trésors que je garderai dans mon Coeur pour l'éternité et qui te donneront le droit d'être aimée plus que les autres. Ce sera plus de joie et de gloire pour moi et tu seras récompensée pour ne fût-ce qu'un soupir, une minute, un désir, un battement de coeur. Et plus tu demanderas avec empressement et avidité, plus grand sera le plaisir que tu me donneras, et plus je te donnerai. Es-tu contente maintenant?»

Je suis restée confuse et ne savais quoi dire de plus.

62.    27 janvier 1909 — "Luisa de la Passion du Tabernacle".

Étant dans mon état habituel, je me disais: «Quelle vie inutile que la mienne! Quel bien est-ce que je fais? Tout est fini! Plus aucune participation aux épines, à la croix et aux clous. Tout est vraiment terminé! Je ressens bien des souffrances, au point même de ne pouvoir remuer, mais ce sont des rhumatismes, quelque chose de complètement naturel. Il ne me reste que la pensée continuelle de sa Passion et l'union de ma volonté à la sienne, en lui offrant ce qu'il a souffert et en lui offrant tout mon être, comme il le veut et pour qui il le veut. Mais, à part ça, rien d'autre que ma désolante misère. Quel est donc le but de ma vie?»

Pendant que je pensais ainsi, Jésus béni vint comme un éclair et me dit: «Ma fille, sais-tu qui tu es? "Luisa de la Passion du Tabernacle". Quand je te partage mes souffrances, tu es "du Calvaire" et, quand je ne le fais pas, tu es "du Tabernacle". Vois comme cela est vrai. Dans le tabernacle, je ne montre rien à l'extérieur, ni la croix, ni les épines et, cependant, mon immolation est la même qu'au Calvaire: mes prières sont les mêmes, l'offrande de ma vie se poursuit, ma Volonté ne change pas, je brûle de soif pour le salut des âmes, etc.

«Je peux dire que les choses de ma vie sacramentelle et celles de ma vie mortelle sont toujours les mêmes; elles n'ont diminué en rien, mais tout est intérieur. Par conséquent, si ta volonté est la même que lorsque je te fais partager mes souffrances, si ton offrande est la même, si ton intérieur reste uni à moi et à ma Volonté, n'ai-je pas raison de dire que tu es "Luisa de la Passion du Tabernacle?" La seule différence est que, lorsque je te fais participer à mes souffrances, tu participes à ma vie mortelle et j'épargne le monde de fléaux plus grands; et quand je ne te fais pas participer à mes souffrances, je châtie le monde et tu prends part à ma vie sacramentelle. Néanmoins, c'est ma vie dans les deux cas.»

63.    28 janvier 1909 — Ce que signifie être choisi comme victime.

Je lisais un livre mentionnant diverses manières de se comporter intérieurement avec Jésus et comment il récompense l'âme par une surabondance de grâces et d'amour. Je comparais ce que je lisais avec ce que Jésus m'avait enseigné sur cette question et qui me paraissait comme une vaste mer comparativement à la petite rivière de ce que je lisais dans le livre. Et je me disais: «Si cela est vrai, qui pourra dire combien de grâces mon toujours aimable Jésus déverse en moi et combien il m'aime!»

Pendant que j'entretenais ces pensées et que j'étais dans mon état habituel, mon bon Jésus vint brièvement et me dit: «Ma fille, tu ne sais pas encore très bien ce que veut dire être choisi comme victime. En tant que victime, je contenais en moi-même tous les actes des créatures, leurs satisfactions, leurs réparations, leurs actes d'adoration et leurs actions de grâce. Ainsi, je faisais pour tous et chacun ce qu'ils auraient dû faire eux-mêmes. De la même manière, en tant que victime, tu ne dois pas te comparer aux autres, mais contenir en toi, non pas une seule personne, mais toutes les personnes.

«Et puisque tu dois agir pour toutes, je dois en conséquence te donner, non pas les grâces que je donne à une seule personne, mais assez de grâces pour égaler celles que je donne à toutes les personnes considérées ensemble. Pareillement, l'amour que je te donne doit surpasser celui que je donne à toutes les personnes considérées ensemble, parce que la grâce et l'amour vont toujours de pair; ils ont le même pas, la même mesure, et découlent de la même volonté. L'amour attire la grâce et la grâce attire l'amour, les deux sont inséparables. C'est pourquoi tu as vu la vaste mer que j'ai placée en toi et les petites rivières que j'ai placées dans les autres.»

Je me suis sentie toute confuse en comparant toutes les grâces que j'ai reçues à ma si grande ingratitude et méchanceté.

64.    30 janvier 1909 — L'histoire du "pourquoi".

Étant dans mon état habituel, je me suis retrouvée hors de mon corps. Il m'a semblé voir dans le purgatoire une âme que je connaissais. Je lui ai dit: «Dis-moi, quel est mon état devant Dieu? Je suis si inquiète à ce sujet.»

Elle me dit: «C'est très facile de savoir si ton état est bon ou mauvais. Si tu apprécies souffrir, c'est que tu es dans un bon état; si tu n'apprécies pas souffrir, c'est que tu es dans un mauvais état. En fait, quand on apprécie souffrir, c'est qu'on apprécie Dieu et, en appréciant Dieu, on ne peut lui déplaire. Les choses que l'on apprécie, on les estime, on les chérit et on les protège plus que soi-même. Est-il possible que quelqu'un veuille du mal pour lui-même? Ainsi, il est impossible que l'on puisse déplaire à Dieu si on l'apprécie.»

Par la suite, Jésus béni vint brièvement et me dit: «Ma fille, dans presque tout ce qui arrive, les créatures répètent sans cesse: «Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi cette maladie? Pourquoi cet état d'âme? Pourquoi ce fléau? Et bien d'autres "pourquoi".

«Les réponses à ces "pourquoi" ne sont pas écrites sur la terre, mais dans le Ciel. Là, tous liront les réponses. Sais-tu d'où proviennent ces "pourquoi"? De l'égoïsme nourri par l'amour de soi. Sais-tu où furent créés ces "pourquoi"? En enfer. Qui fut le premier à prononcer le mot "pourquoi"? Un démon. Les effets du premier "pourquoi" furent la perte de l'innocence dans le Paradis terrestre, la guerre des passions indomptables, la ruine de beaucoup d'âmes et les misères de la vie.

«L'histoire du "pourquoi" est longue. Il est suffisant de te dire qu'il n'est pas de maux dans le monde qui ne portent la marque du "pourquoi". Le "pourquoi" est la destruction de la sagesse divine dans les âmes. Et sais-tu où le "pourquoi" sera enterré? En enfer, pour y rendre les âmes perdues sans repos pour l'éternité, sans qu'elle puissent trouver la paix. L'art du "pourquoi" est de faire la guerre aux âmes sans répit.»