no 21 à 40

21.   9 mai 1899 — Jésus déverse son amertume en Luisa.     Audio

Ce matin, j'étais dans une mer d'afflictions à cause de l'absence de Jésus. Après beaucoup de souffrances, Jésus est venu et s'est approché si près de moi que je ne pouvais plus le voir. Il posa son front contre le mien, pencha sa face contre la mienne et fit de même pour tous les autres membres de son corps.

Pendant qu'il était dans cette position, je lui ai dit: «Mon adorable Jésus, tu ne m'aimes donc plus?» Il répondit: «Si je ne t'aimais pas, je ne serais pas aussi près de toi.» Je poursuivis: «Comment peux-tu dire que tu m'aimes si tu ne me laisses plus souffrir comme avant? Je crains que tu ne me veuilles plus dans cet état. Au moins, libère-moi de l'embêtement du confesseur

J'avais l'impression qu'il n'écoutait pas ce que je disais. Il m'a plutôt fait voir une multitude de gens qui commettaient toutes sortes de péchés. Indigné, il envoyait au milieu d'eux diverses maladies contagieuses et, en mourant, plusieurs personnes devenaient noires comme du charbon. Jésus semblait vouloir faire disparaître de la face de la terre cette multitude de pécheurs. En voyant cela, je l'ai supplié de déverser son amertume en moi afin d'épargner le peuple, mais il ne m'écoutait pas. Il me dit:

«Le pire châtiment que je pourrais vous envoyer, à toi, aux prêtres et au peuple, ce serait de vous délivrer de cet état de souffrance car, ne trouvant plus d'opposition, ma justice se déverserait alors dans toute sa fureur. Ce serait un grand malheur pour une personne de se voir confier un poste pour ensuite se le voir enlever car, en abusant de sa fonction, cette personne n'en aurait pas profité et s'en serait rendue indigne.»

Jésus est revenu plusieurs fois aujourd'hui, mais il était triste à fendre l'âme. J'ai essayé de le consoler de mon mieux, tantôt en l'embrassant, tantôt en soutenant sa tête endolorie, tantôt en lui disant des paroles dans le genre de celles-ci: «Coeur de mon coeur, Jésus, tu n'as pas l'habitude de te montrer à moi aussi souffrant. Quand tu le faisais par le passé, tu déversais ta souffrance en moi et tu changeais aussitôt d'apparence. Mais là, je suis incapable de te consoler. Qui aurait cru qu'après m'avoir fait partager si longtemps tes souffrances et après avoir tant fait pour m'y disposer, tu m'en prives maintenant? Souffrir par amour pour toi était ma seule consolation. C'est la souffrance qui m'a permis de supporter mon exil sur cette terre. Mais j'en suis maintenant privée et je ne sais plus où trouver un appui. La vie est devenue très pénible pour moi. Oh! je t'en prie, mon Époux, mon Bien-Aimé, ma Vie, je t'en prie, redonne-moi tes douleurs, laisse-moi souffrir! Ne regarde pas mon indignité et mes graves péchés, mais plutôt ta miséricorde inépuisable!»

Pendant que j'épanchais ainsi mon coeur en Jésus, il s'approcha et me dit: «Ma fille, c'est ma justice qui veut se déverser sur toutes les créatures. Les péchés des hommes ont presque atteint la limite et la justice veut manifester sa furie avec éclat et trouver réparation pour toutes ces offenses. Afin que tu comprennes à quel point je suis rempli d'amertume et, pour te satisfaire un peu, je vais seulement déverser mon souffle en toi.» Approchant ses lèvres des miennes, il souffla en moi. Son haleine était si amère que j'ai senti ma bouche, mon coeur et tout mon être s'intoxiquer. Si, à elle seule, son haleine était amère à ce point, qu'en était-il du reste de sa personne? Il m'a laissée tellement souffrante que mon coeur en fut transpercé.

22.  12 mai 1899 — Jésus laisse couler de son côté de la douceur et de l'amertume.     Audio

Ce matin, se montrant toujours affligé, mon adorable Jésus m'a transportée hors de mon corps et m'a montré diverses offenses qu'il recevait. Cette fois encore, je lui ai demandé de déverser son amertume en moi. Au début, il n'a pas semblé m'écouter. Il m'a simplement dit: «Ma fille, la charité n'est parfaite que si elle cherche uniquement à me plaire. Seulement alors elle peut être appelée charité. Elle ne peut être reconnue par moi que si elle est dépouillée de tout.»

Voulant tirer parti de ces paroles de Jésus, je lui ai dit: «Mon Bien-Aimé, c'est précisément pour cela que je te demande de déverser en moi ton amertume, pour te libérer de tant de souffrances. Si je te demande aussi d'épargner les créatures, c'est parce que je me souviens qu'à d'autres occasions, après avoir châtié les créatures puis les avoir tellement vu souffrir de la pauvreté et d'autres choses, tu en souffrais beaucoup toi-même. Ensuite, après que je t'aie supplié au point de te fatiguer, tu prenais plaisir à déverser en moi tes souffrances afin d'épargner les créatures et, ensuite, tu en étais très content. Ne t'en souviens-tu pas? D'ailleurs, tes créatures ne sont-elles pas à ton image?»

Rejoint par mes paroles, il me dit: «Parce que c'est toi, je vais accéder à ton désir; approche-toi de moi et bois de mon côté.» Je me suis approchée pour boire de son côté, mais ce n'était pas de l'amertume que je buvais, mais un sang très sucré qui enivrait tout mon être d'amour et de douceur. J'en fus rassasiée, même si ce n'était pas ce que je cherchais. Me tournant vers lui, je lui ai dit: «Mon Bien-Aimé, que fais-tu? Ce qui coule de ton côté n'est pas amer mais sucré. Oh! je t'en prie, déverse en moi ton amertume.» Il m'a regardée avec bienveillance en me disant: «Continue de boire, l'amertume viendra ensuite.»

Je me suis donc remise à boire et, après que le sucré eut coulé quelque temps, l'amer est venu. Je ne saurais définir l'intensité de cette amertume. Rassasiée, je me suis levée et, voyant la couronne d'épines sur sa tête, je la lui ai enlevée et l'ai enfoncée sur ma propre tête. Jésus semblait tout à fait obligeant même si, à d'autres occasions, il n'aurait pas permis cela. Comme il était beau à voir après avoir déversé son amertume! Il semblait presque désarmé, sans force, et doux comme un petit agneau.

J'ai réalisé qu'il était très tard, et puisque le confesseur était venu tôt le matin, j'ignorais s'il reviendrait. Alors, me tournant vers Jésus, je lui ai dit: «Très doux Jésus, ne permets pas que je sois un embarras pour ma famille ni pour mon confesseur en l'obligeant à revenir. Oh! je t'en supplie, fais-moi revenir dans mon corps.» Jésus répondit: «Ma fille, aujourd'hui, je ne veux pas te quitter.» Je repris: «Moi non plus, je n'ai pas le coeur à te quitter, mais fais-le juste pour un peu de temps, afin que ma famille me voit présente à l'intérieur de mon corps. Ensuite, nous reviendrons ensemble.»

Après avoir longtemps tergiversé et avoir échangé nos adieux, il me quitta pour quelque temps. C'était précisément l'heure du repas de midi et ma famille venait m'y convier. Même si je sentais que j'avais réintégré mon corps, j'étais très souffrante et je ne pouvais tenir ma tête levée. L'amer et le doux que j'avais bu du côté de Jésus me laissaient à la fois tellement rassasiée et souffrante que je n'aurais pu absorber rien d'autre. Liée par ma parole donnée à Jésus et en prétextant le mal de tête, je dis à ma famille: «Laissez-moi seule, je ne veux rien.» De nouveau libre, j'ai aussitôt commencé à appeler mon adorable Jésus qui, toujours très affable, est revenu.

Comment dire tout ce qui m'est arrivé aujourd'hui, le nombre de grâces dont Jésus m'a comblée, le nombre de choses qu'il m'a fait comprendre? Après être resté un bon moment afin d'apaiser mes souffrances, il laissa couler de sa bouche un lait succulent. Dans la soirée, il me quitta en m'assurant qu'il reviendrait bientôt. Je me suis ainsi retrouvée de nouveau dans mon corps, mais un peu moins souffrante.

23.   16 mai 1899 — Les vertus de la croix. Le renoncement à notre volonté personnelle.     Audio

Durant quelques jours, Jésus a continué à se manifester de la même façon, ne voulant pas se détacher de moi. On aurait dit que le peu de souffrances déversées en moi l'attirait tellement qu'il ne pouvait s'éloigner de moi. Ce matin, il a déversé un peu plus d'amertume de sa bouche à la mienne, puis il m'a dit: «La croix dispose l'âme à la patience. Elle unit le ciel à la terre, c'est-à-dire, l'âme à Dieu. La vertu de la croix est puissante et, quand elle entre dans une âme, elle a le pouvoir d'éliminer la rouille de toutes les choses du monde. La croix amène l'âme à considérer les choses de la terre comme ennuyantes, dérangeantes et méprisables; elle lui fait goûter la saveur et les délices des choses célestes. Cependant, peu d'âmes reconnaissent les vertus de la croix et, par conséquent, on la déteste.»

Par ces propos de Jésus, que de choses j'ai comprises concernant la croix! Les paroles de Jésus ne sont pas comme les nôtres dont on ne comprend que ce qui est dit. Un seul de ses mots répand une lumière tellement intense en nous qu'on pourrait passer toute la journée en profonde méditation pour le comprendre. Par conséquent, vouloir tout dire serait trop long et je ne puis le faire.

Un peu plus tard, Jésus est revenu. Il avait l'air un peu affligé. Je lui en demandai la raison. Il m'a fait voir plusieurs âmes dévotes et m'a dit: «Ma fille, ce que j'aime dans une âme, c'est qu'elle se départisse de sa volonté personnelle. Alors seulement, la mienne peut s'investir en elle, la diviniser et la faire mienne. Regarde ces âmes qui s'affichent comme pieuses quand tout va bien, mais qui, à la moindre contrariété (par exemple, si leurs confessions ne sont pas assez longues ou si le confesseur leur déplaît) perdent la paix. Certaines en arrivent même à ne plus vouloir rien faire, ce qui montre clairement que ce n'est pas ma Volonté qui domine en elles, mais la leur. Crois-moi, ô ma fille, elles ont choisi la mauvaise voie. Lorsque je vois des âmes qui désirent vraiment m'aimer, j'ai bien des façons de leur accorder ma grâce.»

C'était pitoyable de voir Jésus souffrir pour de telles personnes! J'ai fait de mon mieux pour le consoler, puis tout s'est terminé.

24.   19 mai 1899 — L'humilité et la simplicité attirent les faveurs célestes.     Audio

Ce matin, j'ai craint que ce ne soit pas Jésus mais plutôt le démon voulant me tromper. Me voyant craintive, Jésus dit: «L'humilité attire les faveurs célestes. Dès que je trouve l'humilité dans une âme, j'y déverse en abondance toutes sortes de faveurs célestes. Plutôt que de te troubler, assure-toi que tu es remplie d'humilité et ne t'inquiète pas du reste».

Ensuite, il m'a fait voir plusieurs personnes pieuses, parmi lesquelles il y avait des prêtres, dont quelques-uns menaient une vie sainte. Mais, si bons qu'ils étaient, ils n'avaient pas cet esprit de simplicité qui permet de croire aux nombreuses grâces et aux multiples moyens que le Seigneur utilise avec les âmes. Jésus me dit: «Je me communique aux humbles et aux simples, même s'ils sont pauvres et ignorants, car ils croient immédiatement à mes grâces et les apprécient grandement mais, avec ceux-là, je suis très réticent. Ce qui approche l'âme de moi, c’est d'abord la foi.

Ces personnes, avec toute leur science, leur doctrine et même leur sainteté, ne font jamais l'expérience de recevoir un rayon de lumière céleste. Elles suivent la voie naturelle mais n'arrivent jamais à toucher le moindrement au surnaturel. C'est d'ailleurs pourquoi, durant ma vie mortelle, il n'y avait pas un érudit, pas un prêtre, pas un homme puissant parmi mes disciples; tous mes disciples étaient ignorants et de condition modeste, car ces gens-là étaient plus humbles, plus simples et aussi mieux disposés à faire de grands sacrifices pour moi.»

25.   23 mai 1899 — Fruits de la douceur et du détachement.     Audio

Cette fois, mon adorable Jésus voulait s'amuser un peu. Il s'approchait comme s'il voulait m'écouter mais, dès que je commençais à parler, il disparaissait comme l'éclair. Ô Dieu, quelle souffrance! Pendant que mon cœur baignait dans cette douleur amère et trépignait d'impatience, il revint en disant: «Qu'y a-t-il? Qu'est-ce qui ne va pas? Sois calme! Parle, que veux-tu? Mais dès que j'ouvris la bouche pour parler, il disparut

J'ai tout fait pour me calmer, mais je n'y arrivais pas. Après un certain temps, mon cœur s'est remis à trépigner, même plus que précédemment, à cause de l'absence de son seul et unique réconfort. Revenant encore une fois, Jésus me dit: «Ma fille, la douceur peut changer la nature des choses. Elle peut rendre douce l'amertume. Donc, sois plus douce!» Mais il ne m'a pas donné le temps de dire un mot. C'est ainsi que s'est passé l'avant-midi.

Ensuite, je me suis trouvée hors de mon corps avec Jésus. Il y avait une foule de personnes, dont certaines aspiraient aux richesses, d'autres aux honneurs, d'autres à la gloire ou à autre chose; il y en avait aussi qui aspiraient à la sainteté, mais aucune n'aspirait à Dieu lui-même; toutes voulaient être reconnues et considérées comme importantes. Se tournant vers ces personnes et en hochant la tête, Jésus leur dit: «Vous êtes insensées; vous travaillez à votre perte.»

Ensuite, se tournant vers moi, il me dit: «Ma fille, voilà pourquoi je recommande en premier lieu de se détacher de tout et de soi-même. Quand l’âme s’est détachée de tout, elle n'a plus besoin de lutter pour ne pas succomber aux choses de la terre.  Les choses de la terre, en effet, se voyant ignorées et même méprisées par l'âme, lui disent adieu, s'en vont et ne la dérangent plus.»

26.   26 mai 1899 — Le mépris de soi doit être vécu dans la foi.     Audio

Ce matin, j'étais dans un tel état d'anéantissement que j'en étais devenue impatiente et exécrable. Je me voyais comme l'être le plus abominable de la terre, comme un petit ver de terre qui se tourne et se retourne toujours au même endroit, sans jamais pouvoir avancer ni sortir de la boue. Ô mon Dieu, quelle misère, je suis si méchante, même après avoir reçu tant de grâces!

Toujours aussi bienveillant pour la misérable pécheresse que je suis, le bon Jésus est venu et m'a dit: «Le mépris de soi est louable s'il est accompagné de l'esprit de foi. Sinon, au lieu de conduire au bien, il peut nuire à l'âme. En effet, si, sans l'esprit de foi, tu te vois telle que tu es, incapable de faire le bien, tu seras portée à te décourager et même à ne plus faire un seul pas sur le chemin du bien. Mais, si tu t'appuies sur moi, c'est-à-dire si tu te laisses guider par l'esprit de foi, tu en viendras à te connaître et à te mépriser mais, en même temps, à mieux me connaître et à demeurer confiante de pouvoir tout faire avec mon aide. De cette manière, tu marcheras dans la vérité.»

Oh! comme ces paroles de Jésus ont apaisé mon âme! J'ai compris qu'il me faut plonger dans mon néant et découvrir qui je suis, mais sans m'arrêter là. Au contraire, quand j'ai bien vu qui je suis, je dois m'immerger dans la mer immense de Dieu pour y retirer toutes les grâces dont mon âme a besoin, sans quoi ma nature se fatiguerait et le diable aurait beau jeu pour me conduire au découragement. Que le Seigneur soit béni à jamais et que tout concoure à sa gloire!

27. 31 mai 1899 — L'opposition a pour conséquence de faire briller la vérité au temps voulu.    Audio

Ce matin, alors que j'étais dans mon état habituel, mon adorable Jésus est venu en compagnie de mon confesseur. Jésus semblait un peu déçu de ce dernier car, apparemment, il voulait que tout le monde soit d'avis que mon état était l'oeuvre de Dieu. Il essayait de convaincre d'autres prêtres en leur dévoilant des choses de ma vie intérieure.

Jésus se tourna vers le confesseur et lui dit: «Cela est impossible. Moi-même, je fus en proie à l'opposition, même de la part de gens très distingués, de prêtres et d'autres personnes en autorité. Ils ont trouvé à redire sur mes oeuvres saintes, allant jusqu'à dire que j'étais possédé du démon. J'ai permis cette opposition, même de la part de personnes religieuses, afin que la vérité éclate davantage au moment voulu. Si vous voulez consulter deux ou trois prêtres parmi les meilleurs, les plus saints et les plus érudits afin d'être éclairé, je vous y autorise. Mais pour le reste, non et non! Ce serait vouloir gâcher mes oeuvres, les tourner en risée, ce qui me déplairait beaucoup.»

Ensuite, Jésus me dit: «Tout ce que je te demande, c'est de rester dans la droiture et la simplicité. Ne te préoccupe pas des opinions des créatures. Laisse-les penser ce qu'elles veulent sans te troubler le moindrement, car en voulant chercher l'approbation de toutes, tu cesses d'imiter ma propre vie

28.   2 juin 1899 —La connaissance de soi est la plus grande grâce qu'une âme puisse recevoir.     Audio

Ce matin, mon très doux Jésus voulait que je touche mon néant de mes propres mains. Les premières paroles qu'il m'adressa furent: «Qui suis-je et qui es-tu?» Cette double question fut accompagnée de deux intenses rayons de lumière: l'un me montrait la grandeur de Dieu et l'autre, ma misère et mon néant. J'ai réalisé que je n'étais qu'une ombre, comme celles que forme le soleil en illuminant la terre; ces ombres dépendent du soleil et, à mesure que le soleil se déplace, elles cessent d'exister, privées de sa splendeur. Il en va ainsi de mon ombre, c'est-à-dire de mon être: cette ombre dépend de Dieu qui, en un instant, peut la faire disparaître.

Que dire alors du fait que j'ai déformé cette ombre que le Seigneur m'avait confiée et qui ne m'appartenait même pas? Cette pensée m'horrifiait, me paraissait nauséabonde, infecte et remplie de vers. Cependant, dans mon état horrible, je fus forcée de me tenir debout devant Dieu saint. Oh! comme j'aurais aimé pouvoir me cacher dans le plus profond des abîmes!

Ensuite, Jésus m'a dit: «La plus grande grâce qu'une âme puisse recevoir, c'est la connaissance de soi. La connaissance de soi et la connaissance de Dieu vont de pair; plus tu te connais toi-même, plus tu connais Dieu. Quand l'âme a appris à se connaître, elle réalise que, seule, elle ne peut rien faire de bien. En conséquence, son ombre (c'est-à-dire son être), se transforme en Dieu et elle en vient à tout faire en Dieu; elle est en Dieu et marche à ses côtés sans regarder, sans sonder, sans parler; c'est comme si elle était morte. De fait, étant consciente de la profondeur de son néant, elle n'ose rien faire par elle-même, mais elle suit aveuglément la trajectoire de Dieu.

«L'âme qui se connaît bien ressemble à ces personnes qui voyagent en bateau à vapeur. Sans faire un seul pas, elles entreprennent de longs voyages, mais tout se fait grâce au bateau qui les porte. Il en est de même pour l'âme qui, en confiant sa vie à Dieu, fait des envols sublimes sur les chemins de la perfection, sachant toutefois qu'elle les fait non par elle-même, mais par la grâce de Dieu.»

Oh! comme le Seigneur favorise cette âme, l'enrichit et la comble de ses plus grandes grâces, sachant qu'elle ne s'attribue rien à elle-même mais lui rend grâce et lui attribue tout! Heureuse es-tu, ô âme qui te connais toi-même!

29.   3 juin 1899 — Jésus déverse son amertume en Luisa.     Audio

Ce matin, je baignais dans un océan d'afflictions car Jésus n'était pas encore venu. Il ne m'a même pas laissé voir l'ombre de lui-même, comme il le fait habituellement quand il ne vient pas directement, par exemple en me laissant voir sa main ou son bras. Ma douleur était si intense que je me sentais comme si l'on m'arrachait le coeur. D'autre part, les jours où je dois recevoir la sainte communion (comme ça allait être le cas ce matin), il vient généralement lui-même me purifier et me préparer à le recevoir dans le sacrement. Je lui disais: «Saint Époux, aimable Jésus, que se passe-t-il? Ne viendras-tu pas me préparer toi- même? Comment vais-je pouvoir te recevoir?»

L'heure est finalement arrivée, le confesseur est venu, mais Jésus n'y était pas. Quelle peine déchirante! Que de larmes versées! Cependant, après la communion, j'ai vu mon bon Jésus, toujours aussi bienveillant envers la misérable pécheresse que je suis. Il m'a transportée hors de mon corps et je le portais dans mes bras (il avait pris la forme d'un jeune enfant affligé). Je lui ai dit: «Mon petit enfant, mon seul et unique Bien, pourquoi n'es-tu pas venu? En quoi t'ai-je offensé? Que veux-tu de moi pour me faire tant pleurer?» Ma douleur était si intense que, même en le tenant dans mes bras, je continuais de pleurer.

Avant même que j'aie fini de parler, Jésus, sans me répondre, approcha sa bouche de la mienne et y déversa son amertume. Quand il s'arrêtait, je lui parlais, mais il n'écoutait pas. Puis il recommençait à déverser son amertume. Ensuite, sans répondre à aucune de mes questions, il me dit: «Laisse-moi déverser ma douleur en toi, sans quoi, comme j'ai châtié d'autres endroits par la grêle, je châtierai ta région. Laisse-moi déverser mon amertume et ne pense à rien d'autre.» Il n'a rien ajouté et tout s'est terminé.

30.   5 juin 1899 — Le pénible état de Luisa. La santé du confesseur.     Audio

Mon état d'anéantissement se poursuivait toujours. Il devint si profond que je n'osais même pas en glisser un mot à mon bien-aimé Jésus. Ce matin, ayant pitié de mon triste état, Jésus voulut me réjouir. Voici comment. Quand il s'est montré et comme je me sentais tout anéantie et honteuse devant lui, il s'est approché si près de moi que j'ai cru qu'il était en moi et moi en lui. Puis il m'a dit: «Ma fille bien-aimée, qu'est-ce qui te fait tant souffrir? Dis-moi tout, car je vais te faire plaisir et remédier à tout.»

Je n'ai rien osé lui dire, car je continuais à me percevoir comme je l'ai décrit l'autre jour, c'est-à-dire très méchante. Mais Jésus répétait: «Allons, dis-moi ce que tu veux. N'aie pas peur. La digue de mes larmes éclata et, m'y voyant presque forcée, je lui ai dit: «Saint Jésus, comment ne pas être affligée. Après avoir reçu tant de grâces, je ne devrais plus être méchante; cependant, même dans les bonnes oeuvres que j'essaie de faire, je mêle tant de défauts et d'imperfections que je me fais horreur. Comment ces oeuvres peuvent-elles paraître devant toi, toi si parfait et si saint? Et mes souffrances qui se font plus rares qu'avant, et tes longs délais à venir, tout cela m'indique clairement que mes péchés, mes terribles ingratitudes en sont la cause et, qu'ainsi, parce que tu es indigné contre moi, tu me refuses même le pain quotidien que tu donnes à tout le monde, c'est-à-dire la croix. Ainsi, tu finiras par m'abandonner complètement. Y a-t-il plus grande affliction que celle-là?»

Rempli de compassion, Jésus m'a serrée sur son Coeur en disant: «Ne crains pas. Ce matin, nous ferons des choses ensemble. Je pourrai ainsi compenser pour tes oeuvres à toi.» J'eus alors l'impression que, dans le sein de Jésus, il y avait une fontaine d'eau et une fontaine de sang. Il plongea mon âme dans ces deux fontaines, d'abord dans l'eau, ensuite dans le sang. Je ne saurais dire combien mon âme en fut purifiée et embellie. Ensuite, nous avons récité ensemble trois "Gloire au Père" et il m'a dit qu'il faisait cela afin d'épauler mes prières et mes adorations dues à la majesté de Dieu. Oh! comme c'était beau et touchant de prier avec Jésus! Après, il m'a dit: «Ne sois pas affligée à cause du manque de souffrance. Voudrais-tu devancer mon heure? Je ne suis pas pressé. Chaque chose en son temps. Tout sera accompli, mais au moment propice.»

Ensuite, en raison d'une circonstance providentielle tout à fait imprévue, le viatique ayant passé pour d'autres malades, j'ai pu communier. Après tout ce qui s'est passé entre Jésus et moi, je ne saurais dire le nombre de baisers et de caresses que Jésus m'a donnés. C'est impossible de tout dire. Après la communion, j'ai cru voir l'hostie sacrée et, dans son centre, je voyais tantôt la bouche de Jésus, tantôt ses yeux, tantôt une main, puis son corps tout entier. Il m'a transportée hors de mon corps et je me suis trouvée d'abord dans la voûte des cieux, ensuite sur la terre au milieu des gens, mais toujours en sa compagnie. De temps à autre, il répétait: «Ô ma bien-aimée, comme tu es belle! Si tu savais combien je t'aime! Et toi, comment m'aimes-tu?»

En entendant cette question, j'ai cru mourir, tellement j'étais confuse. Malgré tout, j'ai eu le courage de lui dire: «Jésus, beauté unique, oui, je t'aime beaucoup. Et toi, si tu m'aimes vraiment, dis-moi, est-ce que tu me pardonnes tout le mal que j'ai fait? Mais donne-moi aussi des souffrances!» Jésus répondit: «Oui, je te pardonne et je veux te satisfaire en versant mon amertume en abondance en toi.» Alors, il m'a donné son amertume. Son Coeur semblait en contenir une pleine fontaine, causée par les offenses des hommes. Il en a déversé la plus grande partie en moi. Il ajouta: «Dis-moi, que désires-tu encore?»

Je lui répondis: «Très saint Jésus, je te recommande mon confesseur. Fais-en un saint et accorde-lui la santé du corps. Cependant, est-ce vraiment ta volonté que ce prêtre vienne?» Il reprit: «Oui!» J'ajoutai: «Si tu le voulais, tu le guérirais.» Jésus reprit: «Sois tranquille, n'essaie pas trop de scruter mes jugements.» À ce moment, il me fit voir l'amélioration de sa santé corporelle et la sanctification de son âme, puis il ajouta: «Tu veux aller trop vite, alors que moi, je fais tout au bon moment.»

Ensuite, je lui confiai mes proches et je priai pour les pécheurs en disant: «Oh! comme j'aimerais que mon corps éclate en petits morceaux, pourvu que les pécheurs se convertissent.» Ensuite, j'ai baisé son front, ses yeux, son visage et sa bouche en faisant différents actes d'adoration et de réparation pour les offenses que les pécheurs lui infligent. Oh! comme Jésus était content, et moi de même! Après avoir obtenu la promesse qu'il ne me quitterait plus jamais, je suis revenue à mon corps et tout s'est terminé.

31.   8 juin 1899 — Luisa souhaite que tout le monde se convertisse.     Audio

Mon adorable Jésus, plein de douceur et de bienveillance, continue de se manifester. Ce matin, lorsque j'étais avec lui, il m'a encore répété: «Dis-moi, que veux-tu?» Je répondis: «Jésus, mon Chéri, en vérité, ce que je désire le plus, c'est que tout le monde se convertisse.» Quelle demande disproportionnée, n'est-ce pas? Néanmoins, mon aimable Jésus m'a dit: «Je pourrais t'exaucer si tous avaient la bonne volonté d'être sauvés. Et pour te montrer que je veux bien t'accorder tout ce que tu désires, allons ensemble au milieu du monde et, tous ceux que nous trouverons et qui veulent sincèrement être sauvés, si mauvais qu'ils soient, je te les donnerai.»

Nous sommes donc allés parmi les gens en quête de ceux qui voudraient être sauvés. À ma grande stupéfaction, nous en avons trouvé un nombre si infime que c'était pitoyable! Parmi ce nombre, il y avait mon confesseur, la plupart des prêtres et une partie des fidèles, mais tous n'étaient pas de Corato. Ensuite, il m'a montré diverses offenses dont on l'affligeait. Je l'ai supplié de me laisser partager ses souffrances et, de sa bouche à la mienne, il a déversé son amertume. Ensuite, il m'a dit: «Ma fille, ma bouche est trop remplie d'aigreur. Ah! s'il te plaît, remplis-la de douceur!»

Je lui dis: «Je te donnerais n'importe quoi avec plaisir, mais je n'ai rien! Dis-moi ce que je puis te donner.» Il me répondit: «Laisse-moi boire le lait de tes seins car, ainsi, tu pourras me remplir de douceur.» À l'instant même, il s'est couché dans mes bras et s'est mis à téter. Alors j'eus peur que ce ne soit pas l'Enfant Jésus mais le démon. J'ai donc posé mes mains sur son front et j'ai fait le signe de la croix. Jésus m'a regardé tout joyeux et, pendant qu'il continuait à téter, il souriait et ses yeux pétillants semblaient me dire: «Je ne suis pas un démon, je ne suis pas un démon!»

Une fois rassasié, il grimpa sur mes genoux et m'embrassa partout. Étant donné que j'avais aussi un goût amer dans la bouche à cause de l'amertume qu'il avait déversée en moi, à mon tour j'eus envie de téter ses seins, mais je n'osais pas. Jésus m'invita à le faire. Enhardie par son invitation, je commençai à téter. Oh! quelle douceur paradisiaque sortait de ce sein béni! Mais, comment exprimer ces choses? Ensuite, je revins à moi, tout inondée de douceur et de joie.

Je dois maintenant expliquer que lorsque Jésus tète mes seins, mon corps ne participe nullement à tout cela. En fait, cela se passe lorsque je suis hors de mon corps. Tout semble se produire uniquement entre l'âme et Jésus et, lorsqu'il le fait, il est toujours un enfant. L'âme seule est présente quand cela se produit: je suis généralement dans la voûte des cieux ou en train de me balader dans quelque coin du monde. Parfois, en revenant à moi, je ressens une douleur à l'endroit où il a tété, car il le fait avec une telle force qu'on croirait qu'il veut m'arracher le coeur de la poitrine. Je ressens une véritable douleur et, en revenant à moi, mon âme communique cette douleur à mon corps.

La même chose se produit aussi à d'autres occasions. Par exemple, lorsqu'il me transporte hors de mon corps et me fait partager sa crucifixion: il me couche lui-même sur la croix et transperce mes mains et mes pieds avec des clous. La douleur est si intense que je pense en mourir. Ensuite, quand je reviens à moi, je ressens cette crucifixion dans mon corps, à tel point que je ne peux bouger ni mes doigts ni mes bras. C'est la même chose pour les autres souffrances que le Seigneur partage avec moi. Vouloir tout dire serait trop long.

J'ajouterai que lorsque Jésus tète mes seins, je sens que c'est dans mon coeur qu'il puise ce dont il a soif. Cela est tellement vrai que j'ai l'impression qu'on m'arrache le coeur de la poitrine. Parfois, en ressentant cette douleur, je dis à Jésus des choses comme: «Mon beau petit, tu es un peu trop impertinent! Vas-y plus doucement car c'est très douloureux.» Quant à lui, il sourit.

De même, quand c'est moi qui tète Jésus, c'est de son Coeur que j'absorbe le lait ou le sang, à tel point que, pour moi, téter le sein de Jésus, c'est comme boire à la plaie de son côté. Cependant, étant donné que le Seigneur se plaît de temps à autre à verser en moi un doux lait de sa bouche ou à me laisser boire le très précieux sang de son côté, alors, quand il tète de moi, il ne tète rien d'autre que ce que lui-même m'a donné, car je n'ai personnellement rien pour adoucir ses peines et, au contraire, beaucoup pour lui en donner. C'est tellement vrai que, parfois, pendant qu'il me tète, je le tète en même temps en comprenant clairement que ce qu'il tire de moi n'est rien d'autre que ce que lui-même me donne. Je crois m'être expliquée suffisamment et du mieux que j'ai pu sur ce point.

32.   9 juin 1899 — Le grave péché de l'avortement. Unir nos souffrances et nos prières à celles de Jésus.     Audio

Tout l'avant-midi, j'étais très angoissée à cause des nombreuses blessures que les hommes infligent à Jésus, en particulier de certaines malhonnêtetés monstrueuses. Quelle souffrance pour Jésus de voir les âmes se perdre! Quand c'est un nouveau-né que l'on tue sans le baptiser, il souffre encore plus. J'ai l'impression que ce péché pèse lourd dans la balance de la divine justice et qu'il provoque davantage les punitions divines.

De telles scènes se renouvellent fréquemment. Mon très doux Jésus était triste à en mourir. En le voyant ainsi, je n'ai pas osé lui parler. Il m'a simplement dit: «Ma fille, unis tes souffrances et tes prières aux miennes pour qu'elles soient plus acceptables par la divine Majesté, qu'elle les agrées non pas comme venant de toi, mais de moi.» Il se manifesta ainsi à quelques reprises, mais toujours en silence. Que le Seigneur soit béni à jamais!

33.   11 juin 1899 — La lumière qui permet de comprendre Luisa.    Audio

Mon doux Jésus a continué de ne se manifester que quelques fois et presque uniquement en silence. Mon esprit était confus parce que je craignais de perdre mon unique Bien et pour beaucoup d'autres raisons qu'il n'est pas nécessaire de mentionner ici. Ô Dieu, quelle souffrance!

Pendant que j'étais dans cet état, il s'est montré brièvement. II semblait tenir une lumière de laquelle émanaient d'autres petites lumières. Il me dit: «Chasse toute crainte de ton coeur. Regarde, je t'ai apporté cette lumière pour la placer entre toi et moi de même que ces autres petites lumières pour les placer en ceux qui t'approcheront. Pour ceux qui t'approcheront avec un coeur droit et pour te faire du bien, ces lumières éclaireront leur esprit et leur coeur, les rempliront de joie et de grâces célestes et ils comprendront clairement ce que je fais en toi. Ceux qui t'approcheront avec d'autres intentions éprouveront le contraire: ces lumières les rendront abasourdis et confus.»

Après ces paroles, je devins plus tranquille. Que tout concoure à la gloire de Dieu!

34.   12 juin 1899 — Jésus prépare Luisa à la communion.     Audio

Comme je devais communier ce matin, je priai mon bon Jésus de venir lui-même m'y préparer avant que le confesseur arrive pour célébrer la sainte messe: «Autrement, Jésus, comment pourrai-je te recevoir, moi si méchante et mal disposée?» Pendant que je priais ainsi, mon Jésus se montra heureux de venir et, en le voyant, j'ai eu l'impression qu'il me pénétrait de ses regards très purs et étincelants de lumière. Comment expliquer ce que ces regards produisirent en moi? Pas l'ombre d'une petite poussière lui échappait. Je préférerais ne pas parler de ces choses, vu que les opérations de la grâce peuvent difficilement s'exprimer par des mots et qu'il y a grand risque de déformer la vérité. Mais dame obéissance ne veut pas que je me taise et, quand elle exige quelque chose, on doit fermer les yeux et se soumettre sans rien dire. Étant une dame, elle sait se faire respecter!

Je poursuis donc ma narration. Dès le premier regard de Jésus, je l'ai supplié de me purifier et il m'a semblé que tout ce qui jetait une ombre sur mon âme fut balayé. À son deuxième regard, je lui ai demandé de m'illuminer. En effet, à quoi servirait à une pierre précieuse d'être pure si elle ne peut attirer les regards admirateurs en brillant devant leurs yeux? On la regarderait peut-être, mais d'un oeil indifférent. J'avais besoin de cette lumière non seulement pour faire resplendir mon âme, mais aussi pour m'aider à saisir la grandeur de ce qui allait m'arriver: j'allais être non seulement regardée par mon doux Jésus, mais identifiée à lui. Jésus semblait me pénétrer comme la lumière du soleil pénètre le cristal. Ensuite, comme il me regardait toujours, je lui ai dit: «Très aimable Jésus, puisqu'il t'a plu de me purifier, puis de m'illuminer, sois gentil maintenant et sanctifie-moi. Cela est très important puisque je vais te recevoir, toi le Saint des Saints. Il n'est pas convenable que je sois si différente de toi.»

Toujours aussi bienveillant envers sa misérable créature, Jésus prit mon âme dans ses mains créatrices et y fit des retouches un peu partout. Comment dire ce que ces retouches ont produit en moi et comment mes passions ont ainsi repris leur place? Sanctifiés par ces touches divines, mes désirs, mes penchants, mes affections, les battements de mon coeur et tous mes sens furent complètement transformés et, sans se bousculer comme avant, ils formèrent une douce harmonie aux oreilles de mon cher Jésus. Ils étaient comme des rayons de lumière blessant son Coeur adorable. Oh! comme il s'amusait et quels instants heureux j'ai savourés! Ah! j'ai expérimenté la paix des saints! Ce fut pour moi un paradis de joie et de délices.

Ensuite, Jésus revêtit mon âme du manteau de la foi, de l'espérance et de la charité en murmurant à mon oreille la façon de pratiquer ces vertus. Il poursuivit en me pénétrant d'un autre rayon de lumière qui me fit voir mon néant. Ah! j'avais l'impression de n'être qu'un grain de sable au fond d'un vaste océan (qui est Dieu) et ce grain de sable se dissolvait dans cette mer immense (c'est-à-dire en Dieu). Puis il m'a transportée hors de mon corps en me tenant dans ses bras et en murmurant sans cesse des actes de contrition pour mes péchés. Je me souviens seulement de m'être vue comme un abîme d'iniquités: «Ah! Seigneur, combien j'ai été ingrate envers toi!»

Pendant ce temps, je regardais Jésus; il portait la couronne d'épines sur sa tête. Je la lui enlevai en disant: «Donne-moi les épines, ô Jésus, car je suis une pécheresse. Les épines me conviennent, mais pas à toi, le Juste, le Très Saint.» Alors Jésus l'enfonça sur ma tête.

Ensuite, je ne sais comment, j'ai aperçu de loin le confesseur. Aussitôt, j'ai prié Jésus d'aller le préparer lui aussi à la communion. Je crois qu'il y est allé car, peu après, il est revenu et m'a dit: «Je désire que ta façon d'agir avec moi et avec le confesseur soit la même; et je veux la même chose en ce qui le concerne: il doit te voir et te traiter comme si tu étais un autre moi-même, car tu es une victime comme je le fus. Je veux cela afin que tout soit purifié et que seul mon amour brille en toute chose.»

J'ai dit: «Seigneur, cela me paraît impossible d'agir avec le confesseur comme je le fais avec toi, surtout en raison de mon instabilité.» Jésus reprit: «L'amour vrai fait disparaître toutes les aspérités et, avec une maîtrise enchanteresse, il laisse briller Dieu seul en toute chose.» Ensuite, le confesseur est venu m'appeler à l'obéissance. Il a célébré la sainte messe à l'occasion de laquelle j'ai communié. Tout s'est terminé ainsi. Comment parler de l'intimité avec laquelle tout s'est passé entre Jésus et moi? C'est impossible à exprimer; je n'ai pas de mots pour me faire comprendre. Par conséquent, je m'arrête ici.

35.   14 juin 1899 — Jésus veut châtier le monde.      Audio

Ce matin, mon adorable Jésus ne venait pas. Je me disais: «Pourquoi ne vient-il pas? Qu'y a-t-il de nouveau maintenant? Hier, il est venu si souvent et, aujourd'hui, l'heure est avancée et il n'est pas encore venu. J'ai le coeur brisé. Comme il faut être patient avec Jésus!» Le désir de voir Jésus souleva une telle lutte dans tout mon être que j'ai cru en mourir de douleur. Ma volonté, qui devrait tout dominer en moi, tenta de persuader mes sens, mes penchants, mes désirs, mes affections et tout le reste de se calmer, puisque Jésus allait venir.

Après un temps prolongé de souffrance, Jésus est arrivé en tenant dans sa main une coupe de sang coagulé, putréfié et nauséabond. Il me dit: «Tu vois cette coupe de sang? Je vais la verser sur le monde.» Pendant qu'il parlait, ma Maman (la Très Sainte Vierge) est venue et mon confesseur était avec elle. Ils ont supplié Jésus de ne pas verser cette coupe sur le monde, mais de me la faire boire. Le confesseur dit à Jésus: «Seigneur, pourquoi l'avoir choisie comme victime si tu ne veux pas verser la coupe en elle? Je veux absolument que tu la fasses souffrir et que tu épargnes le peuple.»

Ma Maman pleurait et, avec le confesseur, elle disait à Jésus qu'elle continuerait à prier jusqu'à ce que Jésus accepte l'échange. Au début, Jésus semblait presque désapprouver la suggestion et il persistait à vouloir verser la coupe sur le monde. J'étais confuse et ne pouvais rien dire, car la vue de cette horrible coupe me remplissait d'une telle terreur que j'en tremblais de tout mon être. Comment pourrais-je la boire? Cependant, j'étais résignée. Si le Seigneur me la donne à boire, j'accepterai. Si, d'autre part, le Seigneur décidait de verser ce sang sur le monde, qui sait quels châtiments il s'ensuivrait? Il me semblait qu'il gardait en réserve de la grêle qui allait causer beaucoup de dommages et qui allait se poursuivre pendant plusieurs jours.

Ensuite, Jésus parut un peu plus calme; il embrassa le confesseur parce qu'il l'avait prié de cette façon, sans toutefois trancher s'il allait, oui ou non, verser la coupe sur le monde. Tout s'est terminé ainsi, me laissant dans une souffrance indescriptible à cause de ce qui pourrait arriver.

36.   16 juin 1899 — Les châtiments sont nécessaires.     Audio

Jésus continue de se manifester avec l'intention de châtier les créatures. Je l'ai supplié de déverser son amertume en moi et d'épargner le monde entier ou, au moins, les miens et ma ville. Le confesseur est du même avis que moi. Quelque peu conquis par nos prières, Jésus a versé en moi un peu d'amertume de sa bouche, mais non la coupe de sang mentionnée plus haut (cf. 14 juin). Le peu qu'il a versé, j'ai cru comprendre qu'il le faisait pour épargner ma ville ainsi que les miens, mais pas complètement.

Ce matin, je fus une source de souffrance pour Lui. Comme il avait l'air plus calme après avoir versé une partie de son amertume en moi, je lui ai dit sans trop réfléchir: «Mon aimable Jésus, je te prie de me libérer de l'ennui que je cause au confesseur en ayant à venir chaque jour. Que t'en coûterait-il de me délivrer toi-même de mon état de souffrance, puisque c'est toi-même qui m'y as placée? En effet, cela ne te coûterait rien et, quand tu le veux, tout t'est possible.» À ces mots, le visage de Jésus exprima une telle affliction qu'elle pénétra jusqu'au fond de mon coeur et, sans me répondre, il disparut. J'en suis restée très peinée, seul le Seigneur sait à quel point! Surtout à la pensée qu'il ne reviendrait plus.

Cependant, un peu plus tard, il est revenu encore plus affligé. Son visage était tuméfié et ensanglanté à cause des offenses qu'il venait de subir. Tristement, il me dit: «Regarde ce qu'ils m'ont fait. Comment peux-tu me demander de ne pas châtier les créatures? Les châtiments sont nécessaires afin de les humilier et de les empêcher de devenir encore plus arrogants

37.   17 juin 1899 — Luisa ne veut pas coopérer aux châtiments.    Audio

Tout se passe comme d'habitude. Cependant, plus particulièrement ce matin, j'ai mis tout mon temps à plaider auprès de Jésus: il voulait continuer de faire tomber la grêle comme il l'a fait ces derniers jours et moi je ne voulais pas. De plus, un orage se préparait; les démons s'apprêtaient à frapper quelques endroits par le fléau de la grêle.

Pendant ce temps, je vis le confesseur qui m'appelait de loin, m'ordonnant d'aller chasser les démons afin qu'ils ne puissent rien faire. Comme j'étais en route, Jésus est venu à ma rencontre pour m'empêcher d'avancer. Je lui dis: «Ô mon Seigneur, je ne peux pas arrêter, c'est l'obéissance qui m'appelle et tu sais comme moi que je dois me soumettre à elle.» Jésus me répondit: «Eh bien! je le ferai à ta place!» Il commanda aux démons de s'en aller plus loin et de ne pas toucher pour l'instant aux terres appartenant à notre ville. Puis il me dit: «Allons!» Ainsi, nous sommes revenus, moi dans mon lit et Jésus à mes côtés.

En arrivant, il voulut se reposer, disant qu'il était très fatigué. Je l'ai interpellé en disant: «Que signifie ce sommeil? Tu viens de me faire faire un bel acte d'obéissance et maintenant tu veux dormir? Est-ce là l'amour que tu me portes et ta façon de me contenter en tout? Tu veux donc dormir? Eh bien! tu peux dormir, pourvu que tu me donnes ta parole que tu ne feras rien.»

Désolé de me voir si mécontente, il me dit: «Ma fille, malgré tout, je veux te satisfaire. Allons ensemble encore une fois au milieu des gens et voyons lesquels méritent d'être punis pour leurs actions mauvaises. Peut-être que, grâce au fléau, ils se sont convertis. J'épargnerai ceux que tu veux, ceux qui ont moins besoin d'être punis et que tu veux épargner.»

Je repris: «Seigneur, je te remercie pour ton infinie bonté à vouloir me donner satisfaction mais, en dépit de cela, je ne peux pas faire ce que tu me dis; je n'ai ni la force ni la volonté de voir châtier une seule de tes créatures. Quel tourment ce serait pour mon coeur si j'apprenais que l'une d'elles a été châtiée et que c'est moi qui l'aurai voulu. Qu'il n'en soit jamais ainsi, jamais, ô Seigneur!» Puis le confesseur m'a appelée à l'obéissance et tout s'est terminé.

38.   19 juin 1899 — La constance dans le bien.      Audio

Hier, ayant vécu une journée de purgatoire en raison de la privation quasi totale de mon plus grand Bien et des nombreuses tentations du démon, j'avais l'impression d'avoir commis une multitude de péchés. Ô Dieu! quelle souffrance d'avoir offensé mon Jésus! Ce matin, dès que je l'aperçus, je lui ai dit: «Bon Jésus, pardonne-moi tous les péchés que j'ai commis hier.» M'interrompant, il me dit: «Si tu t'anéantis, tu ne pécheras jamais.»

J'ai voulu continuer de parler mais, pendant qu'il me montrait plusieurs âmes dévotes, il me fit comprendre qu'il ne voulait pas m'écouter. Il poursuivit: «Ce qui me déplaît le plus dans ces âmes, c'est leur inconstance dans le bien. La moindre petite chose, une déception, même un défaut, suffit et, bien que ce soit plus que jamais le moment de s'accrocher à moi, elles sont perturbées, s'irritent et négligent le bien déjà commencé. Que de fois je leur ai préparé des grâces, mais devant leur inconstance, j'ai dû les retenir.»

Pour ma part, sachant qu'il refusait d'entendre ce que je voulais lui dire et voyant que mon confesseur n'était pas bien physiquement, j'ai longuement prié pour lui et j'ai posé à Jésus certaines questions qu'il n'est pas nécessaire de mentionner ici. Avec bienveillance, Jésus a répondu à toutes, puis tout s'est terminé.

39.   20 juin 1899 — L'amour dont saint Louis de Gonzague était rempli.     Audio

Ce matin, tout se passait comme d'habitude. Jésus semblait vouloir me réjouir un peu, étant donné que je l'avais longtemps attendu. De loin, j'aperçus un enfant tombant du ciel comme un éclair. J'ai couru vers lui et je l'ai pris dans mes bras. Un doute a effleuré mon esprit que ce n'était peut-être pas Jésus. Alors, j'ai dit à l'enfant: «Mon cher petit trésor, dis-moi, qui es-tu?» Et lui de répondre: «Je suis ton Jésus bien-aimé.» Je lui dis: «Mon adorable petit bébé, je te prie de prendre mon coeur et de l'apporter avec toi au paradis car, après le coeur, l'âme suivra bien aussi.» Jésus sembla prendre mon coeur et il l'a tellement uni au sien que les deux ne firent plus qu'un.

Ensuite, le ciel s'ouvrit et tout semblait indiquer qu'une très grande fête se préparait. Un jeune homme de bel apparence descendit du ciel, tout éblouissant de feu et de flammes. Jésus me dit: «Demain, ce sera la fête de mon cher Louis de Gonzague. Je dois y être.» Je lui dis: «Ainsi, tu me laisseras toute seule! Que vais-je faire?» Il reprit: «Tu viendras aussi. Regarde comme Louis est beau! Mais ce qu'il y a de plus grand en lui, ce qui l'a distingué sur la terre, c'est l'amour avec lequel il faisait tout. Tout en lui était amour. L'amour l'habitait intérieurement et l'entourait extérieurement, de sorte qu'on peut dire qu'il respirait l'amour. C'est pourquoi on disait qu'il n'avait jamais de distraction, car l'amour l'inondait de partout et l'inondera éternellement, comme tu peux le voir.»

En effet, l'amour de saint Louis me semble tellement grand que son feu pourrait réduire en cendres le monde entier. Jésus ajouta: «Je me promène au-dessus des plus hautes montagnes et là, je me délecte.» Comme je ne comprenais pas le sens de ces paroles, il poursuivit: «Les plus hautes montagnes sont les saints qui m'ont le plus aimé et en qui je fais mes délices, à la fois durant leur séjour sur la terre et lorsqu'ils sont au ciel. Tout est dans l'amour!»

Ensuite, j'ai demandé à Jésus de me bénir ainsi que ceux que je voyais à ce moment-là. Après nous avoir béni, il disparut.

40.   21 juin 1899 — Jésus s'amuse avec Luisa.     Audio

Comme Jésus n'arrivait pas, je me disais: «Peut-être qu'il ne viendra plus et me laissera à l'abandon.» Et je répétais sans cesse: «Viens, mon Bien-Aimé, viens!» Soudain, il est arrivé en disant: «Je ne te quitterai pas, je ne t'abandonnerai jamais. Toi aussi, viens, viens à moi!» J'ai couru aussitôt me jeter dans ses bras et, pendant que j'y étais, il poursuivit: «Non seulement je ne te quitterai pas, mais par amour pour toi, je ne quitterai pas Corato.» Et, sans trop que je m'en rende compte, il disparut subitement. Plus qu'avant, je brûlais du désir de le revoir et je répétais sans cesse: «Que m'as-tu fait? Pourquoi es-tu parti si vite sans même me dire au revoir?» Pendant que j'exprimais ma peine, l'image de l'Enfant Jésus, que je garde près de moi, m'a semblé s'animer et, de temps à autre, il sortait sa tête de la cloche de verre pour m'observer. Dès qu'il s'apercevait que je l'avais vu, il la rentrait à l'intérieur. Je lui dis: «On voit bien que tu es trop insolent et que tu veux agir comme un enfant. Je me sens devenir folle de douleur parce que tu ne viens pas, et toi tu t'amuses. Eh bien! joue et amuse-toi tant que tu veux, car je serai patiente.»