Cette nouvelle a été publiée fin 2018 dans l’anthologie Rebelle 2018.
L’histoire en soi parlera d’une jeune femme atteinte d’une maladie qui l’a isolé du monde durant de longues années et de son escapade pour tester la liberté… Enfin ça, c’est ce que j’annonce, en réalité, on parlera de tout autre chose, mais je ne peux pas le révéler ici…
L’arbre est toujours là, beaucoup plus grand que dans mes souvenirs. Ça fait quoi… 10 ans, 11 ans peut-être. J’en ai 17 aujourd’hui et ce lieu est resté gravé si intensément dans ma mémoire que je devais absolument y revenir pour l’occasion. Une femme d’une trentaine d’années se trouve là également. Elle tient une fillette par la main et lui montre l’arbre. Cela fait tant d’années que je n’ai vu personne d’autre que ma famille et mes deux amis, mais ça y est, je suis libre. Je suis sortie et tant pis pour la maladie. Je ne pouvais plus vivre ainsi. La jeune mère se tourne vers moi et réprime sa surprise en me voyant avec mon masque sur le visage, mes bouteilles dans le dos et mes gants. À travers la visière transparente, je lui souris. Défiant les règles qui m’ont été imposées durant ces dix dernières années, je lui tends la main, d’abord avec hésitation puis fermement :
— Je m’appelle Maria. Je venais ici quand j’étais petite. J’ai même gravé mon nom. dis-je en lui désignant le tronc. À l’époque, je savais à peine écrire…
— Bonjour Maria. Je suis Rosie dit-elle avec un sourire. C’est une coïncidence amusante ; moi aussi j’ai fait ça quand j’étais petite, mais probablement des années avant toi. Regarde, juste ici. Ajoute-t-elle en posant son doigt sur le bois.
Je m’approche et reconnais la forme de ma signature. Le nom à l’intérieur n’est pas le mien, c’est le sien… Je survole l’écorce au cas où ma gravure soit ailleurs. Il n’y a rien d’autre. Je me revois pourtant très clairement inscrire mon nom sur cet arbre avec un gros clou que j’avais trouvé par terre. Je m’étais même fait mal à force d’appuyer dessus. Inconsciemment, je me frotte la main à travers mon gant, là où je m’étais blessée.
— Je l’avais gravé avec un vieux clou qui traînait par là… ajoute la dame, le regard plongé dans ses souvenirs. Elle se frotte machinalement la main comme je l’ai fait à l’instant et je distingue la cicatrice minuscule… ma cicatrice. Mon cœur s’emballe, je retire mon gant pour voir la mienne. Elle n’y est pas… Mon souvenir serait-il le sien ?