Philippe Mouzon a fait toute sa carrière professionnelle dans le champ de la réinsertion sociale et l’accompagnement social lié au logement. Il a été instructeur bénévole à la Fondation de France de 2017 à 2023 et c’est dans ce cadre qu’il a appris à connaître Dedici.
Le projet paraissait difficile à appréhender pour la Fondation, je le trouvais complexe, j’avais du mal à comprendre les tenants et les aboutissants. J’ai décidé de passer quatre jours à Mulhouse pour rencontrer tous les acteurs concernés. Ça m’a permis d’éclaircir complètement mes idées.
Le premier point : j’ai réalisé que c’était un collectif, pas seulement l’idée d’une personne très engagée, Jean-Luc Lemoine, mais toute une équipe de personnes derrière lui qui avaient beaucoup de compétences, une expérience propre dans le monde du handicap, un fort potentiel. J’ai aussi rencontré les chercheurs de l’école supérieure Praxis de Mulhouse qui suivent le projet.
Ce qui m’a vraiment intéressé, c’est une méthode théorique solide, dont la mise en œuvre pouvait être complexe, mais un projet pertinent, associant des acteurs, des chercheurs, plusieurs associations différentes ...
Cette idée de renforcement des acteurs.
J’ai fait l’expérience dans ma carrière de la mise en œuvre de démarches collectives et à cette occasion, je me suis rendu compte de l’intérêt de la mise en place de groupes de parole. Dédici allait au-delà, avec cette idée qu’il fallait renforcer les ressources pour aider les personnes à dire les choses.
L’idée de renforcer la coopération entre les trois rôles clés, la personne en situation de handicap, le défenseur ultime et la personne qui s’occupe de la situation, est aussi fondamentale. C’est là qu’il y avait des faiblesses. Toute l’architecture d’ensemble s’appuie sur ces trois acteurs principaux.
Vous poursuivez votre compagnonnage avec Dedici ...
J’ai accepté d’intervenir à Dedici comme regard extérieur.
La notion d’autodétermination de la personne en situation de handicap est dans la loi, mettre la personne au centre est dans la loi. Mais entre la loi et le terrain, il y a un fossé.
Je sens à Dedici une volonté farouche de mettre la personne au centre, cela bouscule l’institution mais cela donne aussi aux institutions du grain à moudre. Cela ne va pas de soi, surtout quand les personnes ont un handicap important qui rend la parole difficile.
Cette expérimentation ne va pas changer le monde mais elle apporte vraiment quelque chose !
Elle casse une routine professionnelle,
elle oblige chacun à réinterroger les pratiques.
Mais c’est aussi une valorisation essentielle du rôle des professionnels, ça les renforce dans leur détermination, leur capacité à interpeller leur institution. Les institutions deviendront plus souples et moins routinières...
Tout ce travail doit éclairer les professionnels qui ne voyaient plus que le caractère routinier de leur boulot, ils gagnent un regard neuf sur les pratiques.
Ce qu’ils perdent peut être perturbant : ils sont remis en cause. Mais face à la grosse question actuelle qui est celle du sens du travail, face au turn-over important dans les établissements qui son confrontés à des difficultés de recrutement, cette question du sens autour d’un principe simple : réécouter les personnes, retravailler avec les familles, fait que les professionnels ont beaucoup à y gagner.
Propos recueillis par F.M