Chloé, jeune éducatrice spécialisée à l’internat Sinclair de Mulhouse accompagne Amélia depuis trois ans. C’est dans le cadre de ses études à l’atelier de recherches de Praxis à Mulhouse qu’elle apprend à connaître l’expérience Dedici.
La personne en situation d’handicap est au centre de tout mais surtout elle est l’égale des deux autres personnes qui constituent la cabane.
Il n’y a pas de hiérarchie.
Qui plus est, c’est elle qui déclenche l’évènement de la rencontre, ce n’est pas l’institution. Rien n’est guidé, ni dicté par le professionnel. En cela, cela peut être perçu comme nouveau pour nous professionnels. Autre changement important par rapport à nos pratiques habituelles, c’est une rencontre hors internat, à l’extérieur.
C’est dire qu’avant la tenue de la première cabane, j’avais hâte de découvrir ce que c’était vraiment; j’étais curieuse de voir comment Amélia allait se débrouiller, comment avec sa mère, chacune allait trouver sa place.
C’est Amélia qui m’a conviée à sa première cabane en octobre 2022.
Elle a choisi et le moment et le lieu. En se rendant tous les jours à son arrêt de tram pour aller à l’IMPro, elle a choisi un café place de la République.
Un jeudi j’ai quitté l’internat avec Amélia et nous sommes venues ensemble au lieu de rendez-vous où sa mère nous a rejointes. Je me suis rendu compte que ce n’était pas la meilleure chose parce qu’il n’y avait pas de réelle coupure. C’est pourquoi à la deuxième cabane, Amélia est venue avec sa mère et moi je suis venue de mon côté.
Cela a alors été plus simple pour moi, de laisser ma «casquette d’éduc» un petit peu de côté. Au début, la discussion n’a pas été facile. Amélia, jeune femme timide, n’a pas abordé des sujets de sa vie personnelle. Elle ne prenait pas les devants pour parler. Sa mère a pris davantage la parole pour évoquer la vie familiale et professionnelle d’Amélia.
Ça a été tout différent : Amélia se sentait plus à l’aise et du même coup elle a pris davantage la parole. Le format de l’échange qu’est la cabane ouvre les portes à de nouvelles questions, de nouveaux sujets de discussion.
Je ne sais pas vraiment. Deux cabanes en un an, c’est un peu frustrant. J’aurais été tentée de solliciter d’autres cabanes. Mais ce n’était pas à moi de le faire.
Par ailleurs, la configuration du groupe à trois en présence d’un parent ne permet pas d’aborder certains sujets, plus intimes par exemple. J’ai constaté que le lien fort que j’avais avec Amélia, à deux, avait permis de mieux libérer la parole. Ayant aussi de bonnes relations avec Sylvie, sa mère, la cabane a bien fonctionné.
Je pense que le secret de la réussite est précisément la force du lien entre les trois personnes. C’est comme si la personne en situation de handicap nous invite à entrer dans sa zone privée. Je constate que les jeunes de Sinclair qui ont participé à des cabanes ont adoré ces moments-là, même s’ils ne comprenaient pas forcément l’intérêt de la démarche.
En outre, toutes les personnes en situation de handicap n’ont pas la capacité de prendre l’initiative d’une cabane. Ce d’autant que la cabane n’entre pas dans l’emploi du temps habituel de la personne. C’est peut-être difficile pour les personnes très attachées à la régularité, d’initier quelque chose de neuf. A cela s’ajoute parfois l’indisponibilité du défenseur ultime ou même un manque total de défenseur quand la personne handicapée est sans aucune famille.
Oui, je le fais, car pour moi, cela a été une expérience professionnelle très intéressante. Je vois que des collègues sont susceptibles de s’y intéresser aussi.
Mais, pour certaines, c’est le manque de temps qui fait obstacle. Dans l’avenir, il est très possible que l’on puisse généraliser l’idée des cabanes dans les institutions. J’ai confiance. Il faudra seulement adapter les cabanes en fonction du handicap de la personne.
Propos recueillis par B.d'A
Inutile de vouloir tout faire bien du premier coup ou de grimper aux arbres. Choisir par exemple un endroit où chacun sera à l'aise.
Parmi les cabanes récentes : chez la personne accompagnée, dans un café, au resto pour un anniversaire ...