PRIGENT et SIMON CALVARIN
Jean-Luc Deuffic
Prigent Calvarin, d'une famille bretonne du pays du Léon - sans doute de la région de Ploudalmézeau -[1], eut une longue carrière, travaillant à Paris entre 1518 et 1559. Il débuta probablement avec Jean de Gourmont comme semble l'indiquer ses premières impressions, installé e regione collegii Coquereti, sub signo duarum cipporum, au Clos-Bruneau, In clauso brunello ad insigne geminarum cipparum, aux deux boules, rue du Mont-Saint-Hilaire. Il épouse la veuve de Jean de Gourmont, Jeanne Néret, par contrat du 29 juin 1523 (Paris, AN Min. central xxxiii, liasse 8, f. 126, notaire Pierre Crozon), et en secondes noces, en 1543, la fille d'un marchand hôtelier, Catherine Hébert, qui lui apporte en dot 150 livres tournois. Prigent Calvarin possède quelques propriétés dans la banlieue parisienne, à Suresnes, Rueil, Nanterre ou Louvanciennes, en terres et vignes.
En 1551 (8 septembre), il marie son fils Simon avec la fille de Philippe Le Noir (libraire et relieur juré de l'Université de Paris) (2), Antoinette, dotée de 600 livres tournois, et lui donne pour aide un ouvrier de sa propre boutique située rue Saint-Jean de Beauvais, ainsi que du matériel et marchandises de libraire pour 50 livres tournois (Minutier cent. lxxiii, 17 (8-9-1551) ; xlix, 46 (17-12-1551).
"En 1552, Antoinette est devenue majeure, en épousant le libraire Simon Calvarin. Marguerite Le Noir baille la maison de la rue Saint-Jacques à la Rose blanche couronnée à son fils Guillaume, qui a hérité de son père le titre de libraire, l’un des deux relieurs jurés de l’Université, pour 62 £, 13 s., 4 d. t. Elle pose comme condition à ce bail de pouvoir continuer à occuper deux chambres « au corps d’hôtel de devant », pour elle et pour son fils Jean, toujours mineur. En 1554, le bail est reconduit, cette fois pour les deux tiers seulement de la maison – on devine que Marguerite se réserve le tiers restant –, moyennant 56 £ t. Marguerite meurt probablement peu après, avant 1558 en tous cas. La maison est alors divisée en trois parts égales, léguées à Antoinette, Guillaume et Jean. Sous l’impulsion de Guillaume, divers échanges seront effectués pour préserver l’intégrité de l’atelier, laissé aux mains de Guillaume et de Simon Calvarin." (Florine Stankiewicz, p. 25-26)
Sources : Bail passé le 8 janvier 1552 par Marguerite Dupuys, veuve de Philippe Le Noir, en son nom et comme tutrice de Jean Le Noir, mineur, son fils, et par Symon Calvarin, libraire, et Anthoinette Le Noir, sa femme, à Guillaume Le Noir. Archives nationales, Minutier central, étude LXXIII, 17. Bail passé le 14 octobre 1554. Archives nationales, Minutier central, étude LXXIII, 20.
Par un acte signé du 6 novembre 1557, Simon Calvarin, rue Jean de Beauvais, et Antoinette Le Noir, sa femme, vendent à Guillaume Pothier, laboureur à Gentilly, 17 perches de terres labourables audit lieu moyennant 60 l. t. (Archives nationales, Minutier central, étude XI, 37). Simon fait entretenir des terres à Limoges en Brie. Son laboureur a le devoir de le loger et de le nourrir à chacune de ses visites. De même, il doit lui porter à Paris, tous les ans, certaine quantité de blé (1558, Bail passé par Simon, Antoinette et Jean avec Jean Chevallier le Jeune, laboureur à Villaroche, moyennant 3 muids de 3 setiers de blé froment par an. Archives nationales, Minutier central, étude LXXIII, 52).
Le 9 mai 1572 il achète une maison à Saint-Marcel, rue Neuve Sainte-Geneviève, à l'image de Sainte-Barbe ( Paris, Arch. Nat., Y 126, f. 56 ; S 1653, f. 79 V(3); Bibl. Nat., ms. fr. 22103, f . 122: Pichon et Vicaire, p. 161. P. Renouard, Documents sur les imprimeurs, p. 38 :
"À la mort de Guillaume Le Noir, après une courte tutelle de Marguerite Dupuys, l’épouse de celui-ci, qui semble s’être mal passé, Simon Calvarin devient tuteur de leurs enfants mineurs, Guillaume et Marie, et récupère l’atelier. Cette succession avait été bien préparée puisque dès 1564, Guillaume Le Noir et Simon Calvarin, représentant Antoinette, s’accordaient sur le partage en deux lots de la fameuse maison" (Florine Stankiewicz, d'après Accord du 12 août 1564. Archives nationales, Minutier central, étude LXXIII, 58).
Simon Calvarin a exercé successivement au clos Bruneau, rue Saint-Jean de Beauvais, à l'enseigne de la Vertu (in vico Bellovaco ad virtutis insigne), puis rue Saint-Jacques à l'enseigne de la Rose blanche couronnée, chez son beau-père, et sans doute à la mort de ce dernier, étant tuteur de ses enfants. cette maison sera vendue en 1585 à l'imprimeur Abel L'Angelier :
Cette enseigne avait été acquise le 27 avril 1506 par Michel Le Noir (Paris, AN S 904, f. 100v) . Le Livre de la deablerie d’Eloy Damerval, qu'il imprima en 1508 porte que :
L’imprimeur est Michel Le Noir
Qui a Paris en son manoir
En la rue saint Jacques en somme
A la roze blanche, cest homme
Est vray librayre et usité
Juré en luniversité.
Simon Calvarin meurt le 13 mars 1593 et sera enterré à Saint-Benoît, avec son épouse, morte également la même année, le 24 juillet.
On peut penser qu'une soeur de Simon, nommée Marguerite, fut mariée à Guillaume Ricouart, un marchand-papetier issu d'une lignée de libraires connue de la place de Paris. Guillaume, leur fils, né ca 1581 sera mis en apprentissage pour 5 ans, le 23 mai 1594, alors âgé de 13 ans, chez Charles Roger, maître imprimeur (Minutier cent. lxxiii, 145 : Denis Pallier, Recherches sur l'imprimerie à Paris pendant la Ligue, p. 542, n° 408). La maison à l'enseigne de "Saincte Barbe" de la rue Neuve Sainte Geneviève fut saisie le 11 novembre 1596 à la demande du libraire parisien Robert Micard (décédé vers 1601) :
"La proprieté d'une maison et deux jardins sciz rue neufve Saincte Geneviefve ou est pour enseigne contre le mur Saincte Barbe, saisye a la requête de Robert Micart sur Guillaume Ricouard, tuteur de Guillaume Ricouard, filz myneur d'ans de luy et de Marguerite Calvarin sa femme, héritier par bénéfice d'..... de feu Symon Calvarin et de Anthoinette Le Noir, adjugez a Sebastien Moutyon present en sa personne, assisté de Maître Jehan Loret, a deux cens escus, cy IIc." [image en ligne / transcription A.-F. Grall-Peres]
Sources : Ph. Renouard, Documents sur les imprimeurs, 1901, p. 38. Anne Parent, Les métiers du livre à Paris au 16e siècle, p. 172, 189, 192.
[1] Un nommé Prigent Calvarin et ses frères et soeurs, Yves, Jean et Catherine, apparaissent dans un aveu daté de 1476, peut-être enfants d'un Mathieu Calvarin (Nantes, ALA B 1014). Voir fil de discussion sur le forum des Généalogistes du Finistère.
[2] Sur Philippe Le Noir et Calvarin, voir l'étude en ligne de Florine Stankiewicz, [format pdf] Répertoire de Michel Le Noir
Marque avec devise de Prigent Calvarin : Deum time, Pauperes sustine, Finem respice. Ph. Renouard, Les marques typographiques, n° 118 et 119; Silvestre, n° 137 et 994.
Prigent Calvarin x 1/ (29 juin 1523) Jeanne Neret 2/ (1543) Catherine Hébert
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Simon Calvarin (+13 mars 1593) x (1551) Antoinette Le Noir (+24 juillet 1593)
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Marguerite Calvarin x (ca 1580) Guillaume Ricouart
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Guillaume Ricouart (° 1581)