Guillaume Anabat exerça à Paris entre 1505 (ou peu avant) et 1510. Un exemplaire du Tractatus sillogismorum de Gaspar Lax, révèle qu'il était né à Morlaix, dans le voisinage de l'église Saint-Martin [1] :
Anabat hec struxit fulgente volumia nixu
Quilibet ambrosias hauriat ore dapes
Hunc mons guillermum gaudet genuisse relaxus
Quo perlustraris clare britanne solum
Diui martini sub celsis edibus ortus
Nunc decorat miro nomine parisius
Qui causas ideo librorum noscere queris
Per pauco viseas munere lector eum
Omnia
pro
meliori.
Sur sa grande marque (ci-contre) l'imprimeur y est représenté à genoux et mains jointes, devant la Vierge allaitant. Une licorne, qui fut son enseigne parisienne sur le Petit Pont, porte un écu qui rappelle les armes de la famille Le Lagadec, seigneur de Mezédern, d'argent à 3 trèfles d'azur, 2 et 1. Elles sont ici surmontées en chef à senestre d'une étoile.
Mezédern, situé en Plougonven (ancien diocèse de Tréguier), conserve encore aujourd'hui son image de manoir des XV/XVIe s., avec sa cour fermée, ses deux logis, sa chapelle (dédiée à saint Yves), son étang, son moulin ... [2]
Les armes des Lagadec se trouvaient jadis contre le sixième pilier, d'un autel dédié à Notre-Dame de Bon-Secours, dans l'église de Saint-Martin de Morlaix, là où naquit Guillaume Anabat. De même, sur un vitrail de l'autre église de Morlaix, Saint-Melaine, se voyait la figure d'Hervé Le Lagadec, seigneur du Roudour, en 1507, son fondateur [2bis].
Curieusement, une autre famille Lagadec, mais ayant des armes différentes, - d'hermines à la quintefeuille de gueules -, était possessionnée à Kernabat (en Plouisy, dans le même diocèse de Tréguier), toponyme à associer au nom Anabat porté par notre imprimeur. En effet, le patronyme breton an Abat (pour le français "L'abbé") a été, du fait de la liaison an-abat, compris comme composé de an + nabat d'où, à côté de L'Abat, Labat, les noms de famille Nabat, et même Le Nabat. ... (Charpiana : mélanges offerts par ses amis à Jacques Charpy, 1991, p. 364).
Les Lagadec de Kernabat possédaient sépultures en la cathédrale de Tréguier, en l'aile du côté de la sacristie (ancienne chapelle Saint-Nicolas), et remontaient à "Guille" (Guillaume ?) dont Jean, puis Geoffroy qui épousa Constance Bellec (R. Couffon, in BSECdN, 1931, p. 21)
A la famille Lagadec de Mezedern appartient Jean, Johannes Lagadeuc parrochie de Ploegonven diocesis Trecorensis in artibus et decretis bachalarius, qui composa en 1464 ad utilitatem pauperum clericulorum britanie un dictionnaire triliinge (breton, français, latin), appelé Cathlolicon, connu par plusieurs éditions anciennes, dont celles de Jean Calvez (Tréguier) en 1499 et d'Yvon Quilleveré (Paris) de 1521. Au reste, une lignée de Lagadec, installée à Paris aux environs de la Sorbonne, s'illustra dans la charge de bedeau des écoles, depuis le milieu du XIIIe siècle au moins [3].
La première adresse parisienne de Guillaume Anabat est donnée En la rue Sainct Iehan de Beauuais, pres les grandes escolles de decret, a l'enseigne des Connis. C'est en fait celle qu'Antoine Chappiel présente sur un livre d'heures imprimé par ses soins en 1504. On peut supposer qu'Anabat a pris la succession de Chappiel à cette enseigne. En 1508, il exerce à une nouvelle adresse : Sur petit pont, a l'enseigne de la Lycorne, ou encore Apud parvum pontem, ante hospitium Dei, prope intersignium Imperatoris. Sur l'ouvrage de Gaspar Lax déjà cité, il ajoute et in collegio Calvi, qui doit signifier un lieu de dépôt. Ce collège, encore appelé Petite Sorbonne, avait été fondé par un breton, célèbre théologien au XVe siècle, Geoffroy Le Moal [4].
Les premières impressions de Guillaume Anabat sont essentiellement des livres heures dont plusieurs ne portent pas de date. Les almanachs sont ainsi utiles pour fournir des éléments d'identification. "On sait cependant que l'almanach était souvent imprimé sur une feuille qui n'était pas recomposée chaque fois et qui pouvait servir à plusieurs éditions consécutives: on connait des Heures imprimées vraisemblablement en 1495 et dont l'almanach commence en 1488 et des Heures imprimées par les Hardouyn le 24 novembre 1503 dont l'almanach débute en 1497.
Les premières Heures imprimées par Anabat, sans date, avec un almanach commençant en 1500" sont données à l'année 1505.
A Paris, les Hardouyn, Poncet Le Preux, Jean Granjon, Geoffroy de Marnef, Durand Gerlier, Guillaume Godard, font appel aux services de Guillaume Anabat; à Caen, le libraire de l'Université, Pierre Regnault lui confie l'impression de ses Heures d'Evreux. Anabat travaille également pour Philippe Coste et Louis Bouvert à Rouen.
Guillaume Anabat utilisait deux marques très semblables : une grande (123 x 83 mm), et une plus petite (60 x 32 mm), moins soignée. L'imprimeur y est représenté à genoux devant la Vierge, avec ses armes, D'argent (?) à trois trèfles de même, surmontés en chef à senestre d'une étoile.
Guillaume Anabat semble avoir adopté pour devise Tout pour le mieulx, visible vers 1505 sur plusieurs éditions, et en 1510 sous la forme latine Omnia pro meliori.
L'imprimeur breton utilise un caractère romain (20 ll. = 73 mm) que l'on ne rencontre que dans des Heures à l'usage de Rome, en 1508 (Renouard 69). Anabat, qui se présente à deux reprises comme in arte characterum expertus, a-t-il gravé en partie ses propres caractères ?
Les descriptions détaillées sont tirées de l'ouvrage de Philippe Renouard, Imprimeurs et libraires parisiens du XVIe siècle, publié par la Commission des travaux historiques de la ville de Paris, tome 1, 1964 (rédaction : Erwana Brin, Paule Guiomar, Madeleine Jurgens, Henri-Jean Martin, Brigitte Moreau, Jeanne Veyrin-Forrer) [ compte-rendu de Louis Desgraves ]
§ Heures à l'usage de Rome. Paris, Guillaume Anabat pour Gilles et Germain Hardouyn. Ca 1505. In-8°. 140 f. 22 lignes. Almanach pour les années 1500-1520.
Renouard 56 ; Bohatta, Livres d'heures, n° 699 ; Daunou, Catalogue des incunables de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, 1892, n° 1191 ; Lacombe, n° 87 ; Van Praet, Velins, I, n° 205, IV, n° 205.
Exemplaires
Paris, Sainte-Geneviève, OE XV 365 RES (Initiales "P.G.W." à l'encre brune au titre. Ex-libris gravé aux armes de la famille de Montholon, XVIIIe s : ? Nicolas de Montholon (17..-1789), premier président aux parlements de Metz puis de Rouen (OHR 2116) ou Nicolas de Montholon (1736-1809), député de la Seine en 1808 ). [ Numérisé ]
Carpentras (incomplet)
Un exemplaire présenté par Antiqua Global Art GmbH, ci-dessous (Pentecôte) ; provenance : "Bibliothecae Nicolfourgensis" (XVIIe s. pages 2 et 3) - A. Grienberger (signature) - Rudolf Gutmann (reliure) :
Biblio : Joseph-Noël de Wailly, "Notice sur un livre d'Heures donné par l'impératrice Marie-Louise à la duchesse de Montebello", dans Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. 23/2, 1879, p. 113-121. [ en ligne sur Persée ]
¶ Horae secundum usum Romanum. Paris, Guillaume Anabat pour Germain Hardouyn. 1er octobre 1505.
In-8°. 108 f. n. c. Signatures: a8-n8, o4. 29 ill. Caract. goth.Renouard 50 ; Bohatta, Livres d'heures, n° 807 (et 811 ?) ; Brunet, Heures, n° 225 ; Catalogue of manuscripts and early printed books from the libraries of William Morris, Richard Bennett, Bertram, fourth Earl of Ashburnham, and other sources now forming portion of the library of J. Pierpont Morgan, London, Chiswick Press, 1906-1907, no. 586 ; Firmin-Didot, Catalogue raisonné, n° 838 ; Graesse, VII, p. 376 ; Lacombe, n° 148-149 ; Van Praet, Vélins, I, n° 167 et III, n° 157, 172 ; Vente Firmin-Didot, Paris, mai 1879, n° 120 ; vente Robert Hoe, New York, 1912, n° 1681.
Exemplaires
Paris, Mazarine Rés. 34970 (vélin, séminaire saint-Sulpice)
Paris, Musée des Beaux-Arts, Dutuit (incompl. de 4 f., vélin)
Chicago, Newberry (vélin)
Manchester, John Rylands Library (vélin)
New-York, Pierpont Morgan Library PML 586 (vélin)
San Marino, Huntington 108782.
Kenneth Spencer Research Library (The University of Kansas)
On trouvera sur le site de la Lehigh University Digital Library de très bonnes images numérisées de cette édition, d'après l'exemplaire (BX2080.A53 1505) de la Library of Pennsylvania State University. Ci-contre, à gauche, f. 24v, Visitation. Voir un autre exemplaire sur le site de Roch de Coligny (cabinet « Honoré d'Urfé »), ci-dessous à gauche :
§ Geronimo Pardo. Medulla dyalectices. Edition de John Mair & de Jacopo Ortiz. Préface de Jacopo Ortiz à Pedro de Meneses.
Epigramme de Nicolas Chappusot. Paris, Guillaume Anabat pour Durand Gerlier. 7 décembre 1505. In-f°. 8 f. n. c., 169 f. c. i-clxix, i f. bl. Signatures: a8, b-z6, A-E6, F8. Caract. goth., n. et r. Texte sur 2 col.
Composition de l'ouvrage :
De veritate et falsitate propositionis (1r-9v) ~ De regulis generalibus consequentiarum (9v-24r) ~ De contradictoriis (24r-38r) ~ De conversionibus (38r-40v) ~ De ypotheticis (40v-67r) ~ De ampliationibus (67r-84r) ~ De appellationibus (84r-106r) ~ De modalibus (106r-126r) ~ De sillogismi (126v-145r) ~ De descensu (145r-169v)
Renouard 51.
Exemplaires
Amiens BM (inc. du f. de titre et du f. de fin) - Grenoble BM - London British Library IB.42833.(1.) - München BSB - Sevilla Bibl. Columbina - Valognes BM.
Jerónimo Pardo : Logicien espagnol actif à Paris à la fin du XVe et au début du XVIe s. On connaît peu de sa vie, sinon qu'il était (selon certaines sources) originaire de la province de Burgos. Il étudia au collège de Montaigu, où il enseigna lui-même par la suite, comme un des pionniers de la colonie des nombreux élèves espagnols du cercle de Jean Mair, dont il fut l'un des premiers collègues. Pardo mourrut jeune, dans la trentaine, sans avoir obtenu son doctorat en théologie, car l'épidémie de peste qui sévit à Paris l'obligea à se réfugier à Melun, où il enseigna encore quelques mois avant sa mort (ca 1502 x 1505). Voir Scholasticon.
Sur l'oeuvre voir les articles du professeur Paloma Pérez-Ilzarbe à la page de l'Université de Navarre, dont en ligne Ex impossibile quodlibet sequitur.
§ Heures à l'usage de Paris. Paris, Guillaume Anabat pour Gilles et Germain Hardouyn. Ca 1505.
In-8°. 144 f. n. c. Signatures : A-S8. 22 ill. Caractères gothiques. Bandeaux, bordures, encadrements au titre et aux planches. Marque.
Renouard 52 ; Bohatta, Livres d'heures, n° 248 ; Brunet, Heures, n° 218 ; Lacombe, n° 92 ; Van Praet, Velins, I, n° 243.
Exemplaire : Paris, BnF, Vélins 1636.
§ Heures à l'usage de Rome. Paris, Guillaume Anabat pour Gilles et Germain Hardouyn. Ca 1505.
In-8°. 94 f. n. c. Signatures : A-L8, M6. 28 ill. Caractères gothiques. Bandeaux, bordures, encadrements au titre et aux planches. Marque.
Renouard 53 ; Bohatta, Livres d'heures, n° 710 ; Brunet, Heures, n° 215 ; Lacombe, n° 91 ; Van Praet, Velins, I, n° 156..
Exemplaire
Paris, BnF, Vélins 1552.
§ Heures à l'usage de Rome. Paris, Guillaume Anabat pour Gilles et Germain Hardouyn. Ca 1505.
In-8°. 132 f. n. c. Signatures : A-Q8, R4. 22 ill. Caractères gothiques. Bandeaux, bordures, encadrements au titre et aux planches. Marque.
Renouard 54 ; Bohatta, Livres d'heures, n° 706 ; Brunet, Heures, n° 216 ; Lacombe, n° 89 ; Van Praet, Velins, I, n° 157.
Exemplaire
Paris, BnF, Vélins 1553.
Christie's 9 décembre 2014 lot 10 :
§ Heures à l'usage de Rome. Paris, Guillaume Anabat pour Gilles et Germain Hardouyn. Ca 1505.
In-4°. 116 f n. c. Signatures: A-O8, P4. 29 ill. Caract. goth.
Titre dans encadrement. Cette édition présente dans les bordures latérales un ensemble de vignettes 65 x 31 mm, tirées de la Danse des morts, et parmi les grandes planches (162 x 103 mm) une Flagellation assez remarquable.Deux tirages de cette édition :
■ Renouard 55A
Exemplaires
Paris BnF Smith-Lesouëf Rés. 270 (vélin, inc. du f. O ii) - Chantilly Musée Condé (vélin) - Poitiers BM - Baltimore Walters Art Gallery - Parme Palatina (vélin) - San Marino Huntington 88372 - Berkeley.
■ Renouard 55B
Exemplaires
Orléans BM (vélin, inc. de 11 f.) - Poitiers BM (vélin, inc. de 7 f.) - Cambridge Fitzwilliam Museum (vélin, inc. du f. Ai) - London British Library C.29.h.11 (vélin) - - Vente Tajan: bibliothèque de Martial Lapeyre, 25-2-2003, lot 21 : figures enluminées à l'or et aquarellées; reliure XVIIe s. aux armes et chiffre de Philippe de Bétune (+ 1649). Voir catalogue au format pdf.
Trevor Peach, Béatrice Drecq, Catalogue descriptif des éditions françaises, néo-latines et autres, 1501 ... Bibliothèque municipale de Poitiers, 2000.
Exemplaire ca 1507. 18 et 25 petites gravures par Jean Pichore et son atelier.Rare Book & Manuscript Library University of Pennsylvania Ms. Codex 1531 f. B3v-B4
§ Heures à l'usage de Rome. Paris, Guillaume Anabat pour Gilles et Germain Hardouyn. Ca 1505.
In-8°.104 f. n. c. Signatures : A-N8. 26 ill. Caractères gothiques. Bandeaux, bordures, encadrements au titre et aux planches. Marque.
Renouard 57 A et B.
Notes
[1] Une des anciennes paroisses de Morlaix.
[2] Voir Jean-Luc Deuffic, "Au service de l'Université et au conseil du duc ... Notes sur le canoniste breton Henri Bohic (+ v. 1357)", dans Pecia, 4, 2004, p. 47-101 (p. 50, note 82).
[2bis] Et entré dans la dicte chapelle des Cinq Playes, qu’on nous a dicte appartenir au sieur du Roudour, et sont les armes au premier escusson d’argent à trois trèfles d’azur, deux et un, et aux deux seconds escussons de mesme en alliance, à my-partye, au premier quartier d’azur, à six besans d’or, deux et un, et au second d’argent au sautoir de sable, et au second les mesmes et d’argent, à la quinte feuille de gueules, et au bas de la vitre sont les mesmes armes dans la robe d’un priant et dessoubz est escrit Hervé le Lagadec, et dans la mesme vitre de l’autre costé, au pied d’un Christ, posé en chiffre mil cinq cent sept et au hault du restable de l’autel sont les armes en plein des Lagadec, et en bosse, dans le pilier, dans la quelle chapelle, il y a deux arcades remplies de quatre escussons de mesme et d’au autre dans le pilier de la dicte chapelle, les dictes arcades de la dicte chapelle contenant de long dix-neuf piedz et de large dix et demy, dans la quelle, il y a deux bancs l’un dans l’arcade bas d'icelle, de la grandeur de la dicte chapelle et un autre au milieu contenant trois prie-Dieu avec quelques tombes armoyéez, et à la sortie de la dicte chapelle, il y a un banc, joignant l’autel de Saincte-Catherine, contenant de long six piedz et de large deux pieds et demy sans armes (Procès-verbal des prééminences dans l'esglise et paroisse Sainct-Melaine).
[3] Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. CXXXIV, 2005, p. 308-309. Sur les Lagadec voir la page d'Hervé Torchet [ lien ]. P. Potier de Courcy, Nobiliaire et armorial de Bretagne, II, Nantes-Paris, 1862, p. 59 :
[4] "Quand on montait la rue de la Sorbonne, on rencontrait successivement la grande salle carrée, une tour, un bâtiment percé d'une grande porte donnant sur la cour, la chapelle avec son porche, les constructions du collège Calvi, que l'on nommera plus tard la Petite Sorbonne, où travaillaient les jeunes artiens qui aspiraient à devenir sociétaires...". Cf. P. Champion, François Villon, sa vie et son temps, H. Champion, 1913.
Le manuscrit Lille BM 103 ( XVe s.) conserve quelques sermons de Geoffroy Le Moal qui a donné son nom au Collège de Calvi. Le colophon (f. 169) présente notre maître en théologie, qui suo tempore fuit vicecancellarius Parisiensis, tempore magistri Johannis de Olliva, cancellarii, et ex post; qui Calvi fuit Brito britonizans, doctor Parisiensis in theologia, ipse magnus et magnum nomen ejus in ternum operaque ejus immensa, tam in theologia quam in artium facultatibus... Voir notre notule : "Geoffroy le Moal et le collège de la Petite Sorbonne", dans Notes de bibliologie (Pecia : le livre et l'écrit, 7, 2009, (2010), Turnhout, Brepols, p. 177-180.