Le conte de faits
© Cosimo D. Tassone - ℗2021
Le conte de faits
© Cosimo D. Tassone - ℗2021
Chap I - Place Benjamin Zix
Il fait très chaud à Strasbourg ce jour-là, trop chaud pour un printemps.
Giacomo Toscani, photographe renommé, décide de faire une pause et de prendre un verre à l’ombre des platanes de la place Benjamin Zix.
La terrasse du café "La Corde à Linge" est bondée.
Une femme, seule à table, lunettes noires, semble absorbée par son bouquin.
Giacomo s’approche pour lui demander s’il peut partager sa table.
— Bonjour, la chaise est libre ? Je peux m'installer?
Pas de réponse. Giacomo insiste :
— Excusez-moi, je peux ? Montrant la chaise du doigt.
Le regard de la femme s’extirpe enfin du livre et lève la tête.
Les lèvres encore pincées par la concentration s'entrouvrent tout à coup.
Des yeux écarquillés par l'étonnement se devinent sous ses lunettes.
Elle reste là sans dire un mot, immobile, comme pétrifiée.
— Je peux ? répète Giacomo.
— Eh bien… oui, oui ! Répond-elle sur un ton un peu agacé.
Giacomo prend place en lâchant un profond « poooohhh » de soulagement.
— Quelle chaleur ! S’exclame-t-il à voix haute.
La femme pose délicatement son livre et retire ses lunettes.
— Giacomo ? C’est une blague ?
Lance-t-elle, avec un regard entre inquiétude et circonspection.
Giacomo, sur un ton nourri de cette satisfaction propre à ces artistes à l’ego démesuré :
— Ah ah ! Vous m’avez reconnu ?!.
Il enchaîne :
— Vous aimez mes photos ? Vous êtes déjà venue à une de mes expos ? Vous êtes de ...?
La femme l'interrompt dans son élan :
— de quoi ? De Strasbourg ? Mais c’est quoi ce sketch ? J’hallucine là ? S’exclame-t-elle agacée.
Giacomo, un peu médusé :
— Je vous prie de m’excuser, madame. Je ne voulais vraiment pas vous importuner. Je vais attendre qu’une table se libère.
La femme lui jette un regard glacial, se lève, jette son bouquin dans son sac à main et s’en va en laissant son verre à moitié plein.
Le serveur arrive.
— Bonjour, Monsieur Toscani. Comme d’habitude ? Une bière blanche en 25 avec une rondelle de citron ?
Giacomo, quelque peu troublé :
— Euh… oui, oui ! Parfait, Sam.
Deux minutes plus tard, le serveur revient avec la commande.
— Et voilà pour vous, Monsieur Toscani. Dites-moi, la dame qui était à votre table s’en est allée ?
Giacomo :
— Mmm… oui.
— Vous la connaissez ? demande le serveur
Giacomo :
— Euh non, non ! Pas le moins du monde. Pourquoi vous me demandez ça ?
Le serveur, effaré :
— J’y crois pas ! Elle s’est cassée sans payer la pimbêche ! Vous faites fuir nos clients maintenant ? Dit-il, retrouvant aussitôt sa bonhomie.
Giacomo esquisse un rictus d’une seule commissure :
— Ne vous inquiétez pas, Sam. Je payerai sa consommation. Je me suis un peu imposé à sa table faute de place. Je lui dois bien ça. Et puis elle n’est pas trop mal, non ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
Le serveur :
— Mouais, pas ma came ! Franchement.
D’un sourire pincé, Giacomo met court à la discussion et le serveur s’en retourne à ses clients.
Quelques gorgées de bière fraîche plus tard, le téléphone de Giacomo sonne.
— Ouais, Philippe ? Comment vas-tu, mon cher ?
Philippe, à l’autre bout du fil :
— Super ! Figure-toi que Monsieur Van De Velde, le collectionneur belge dont je t’ai parlé l’autre jour, est de passage à Strasbourg. Il compte passer à la galerie cet après-midi ! Ce mec est un client de taille. Ce serait bien que tu sois là pour t’entretenir avec lui.
J’te fais pas un dessin !? Tu sais comment ils sont !
Giacomo :
— Pas de souci. Je suis à la corde à linge, je finis ma bière et j’me pointe.
Comme la plupart des artistes, Giacomo déteste les mondanités.
C’est donc en marche arrière qu’il interrompt son instant de détente, un peu troublé, pour aller défendre son bifteck.
Il termine sa bière en suçotant le citron et, d’un signe éloquent, signale au serveur de lui amener la note au plus vite.
Le serveur s’exécute. Giacomo paye son dû ainsi que celui de la resquilleuse.
Il se rend à son vélo.
— Bordel ! Quelle poisse ! Un pneu à plat !
Il faut dire que cela était prévisible. Quelques mois plus tôt, notre homme avait colmaté un trou dans la chambre à air à l’aide de deux bouts de scotch d’électricien qui se maintenaient par simple pression une fois le pneu gonflé.
Le scotch n’aura pas résisté aux fortes chaleurs.
Chap II - Monsieur Van De Velde
Quai de Paris, Giacomo arrive enfin à la galerie Philippe Renaudin.
Épuisé et en nage après quinze minutes de marche sous le soleil alsacien, il est loin d'être dans son meilleur état.
Pour couronner le tout, le collectionneur est déjà là, tout pimpant.
En pleine immersion au sein d’une salle d’exposition tapissée d’autoportraits, M. Van De Velde reconnaît aussitôt Giacomo qu'il interpelle de manière tonitruante.
— Et voilà l’artiste ! Quel heureux hasard. dit Van De Velde avec un accent belge qui détrône de loin celui de [Chef], le cuisinier suédois du Muppet Show
— Tu parles d’un heureux hasard. pense Giacomo.
Philippe les présentant l'un à l'autre :
— Giacomo, voici M. Van De Velde, dit-il en lui posant une main amicale sur son épaule aussi large que haute.
Giacomo, le visage luisant et marqué par sa traversée du désert :
— Ravi de faire votre connaissance, M. Van de Velde.
Van De Velde :
— Avec Philippe, nous étions déjà dans le vif du sujet. Vos œuvres nous plongent réellement dans un univers singulier dont il est difficile de s’extirper. Singulier, mais à la fois tellement universel !
Van De Velde, légèrement songeur, marque un temps d’arrêt en hochant la tête. Sa bouche dessine un croissant de lune dirigé vers le bas.
— Savez-vous pourquoi je suis collectionneur, M. Toscani ?
Giacomo :
— Ce serait présomptueux de ma part de prétendre pouvoir répondre à cette question. Certains ne savent pas eux-mêmes se l’expliquer tant les raisons peuvent être profondes. J’imagine que vous aimez les belles choses, rares et particulières ?
Van De Velde :
— Vous savez, dans le monde des affaires où j’évolue, chaque visage que je rencontre n’est qu’une façade qui s’érige devant moi. Tout y est opaque et l’hypocrisie y règne en maître. Même dans ma vie privée, je ne sais plus en qui je peux avoir confiance. Voyez-vous ? Vos photos, en revanche, sont des instants de vérité pure. Et malgré l’immense douleur qui s’en dégage, la sincérité que je perçois dans vos œuvres me procure un apaisement salutaire qui me permet de rester… (d’une voix légère, posée, marquant un net décalage de ton) humain !
Giacomo :
— Cela ne fait aucun doute ! Mon travail est basé sur mes expériences. C’est un travail autobiographique sans concession où le mensonge n’a pas sa place. J’ai pour habitude de dire que mon œuvre est un conte de faits : F-A-I-T-S.
La tête haute et bras croisés, Van De Velde écoute les propos de Giacomo en esquissant un sourire de satisfaction.
Giacomo, sur un ton sérieux :
— Puis-je être honnête avec vous, M. Van De Velde ?
Van De Velde :
— Mais bien évidemment, M. Toscani.
Giacomo :
— J’ai eu une expérience particulière éprouvante aujourd’hui. Une expérience qui pourrait d’ailleurs bien se transposer en un nouvel autoportrait. Si vous n’y voyez aucun inconvénient, je préférerais vous laisser entre les mains de Philippe qui saura répondre à toutes vos attentes. Au-delà d’être mon galeriste, il est également un ami proche qui connaît parfaitement mon travail et son histoire.
Van De Velde :
— Oui, je comprends.
Giacomo remercie le collectionneur d’un clignement des yeux et, sans aucune autre forme de procès, se dirige alors vers Philippe au fond de la galerie pour l’informer de son intention de partir, prétextant un état de fatigue sans plus de détail.
Giacomo rentre chez lui, se vautre sur son canapé et s’endort en un temps record, comme anesthésié !
Chap III - Le règlement de comptes
Le lendemain, Giacomo se réveille la gueule enfarinée et la bouche pâteuse.
Il se traîne jusqu’à la cuisine pour se préparer un petit déjeuner : deux tranches de pain beurrées et un café bien fort.
Ce matin-là, il laisse de côté sa guitare qu’il a pour habitude de grattouiller entre deux bouchées de pain.
Il se prépare un deuxième café et consulte son courrier sur son smartphone.
Un SMS de Philippe :
« Hello Giaco, je sais pas ce que tu as bien pu dire à Van De Velde hier, mais sache qu’après ton départ il m’a commandé une série complète! [Emoji Dollar]
Bon, sinon j’espère que ça va mieux ? Parce que t’avais une sale tête tout à l’heure ! »
Une bonne nouvelle, mais insuffisante pour sortir Giacomo de sa torpeur.
Laborieusement, il attrape sa Fender Jazz Bass et joue une bonne vieille ligne de Jaco.
Pendant ce temps, place Benjamin Zix, Sam, le serveur de "La Corde à Linge", est déjà de service. Il n’y a pas foule.
Il en profite pour retirer son masque chirurgical et fumer une cigarette tout en restant attentif au moindre mouvement ou sollicitation de ses quelques clients.
Tout à coup, une silhouette féminine, qui n’échappe pas à son œil de lynx, s’avance dans la Petite Rue des Dentelles.
Son pas gracieux et assuré l’arrache un instant à sa vigilance et ses obligations.
Arrivée à distance suffisante, il reconnaît cette femme qui, la veille s’en était allée sans payer sa consommation. Elle se dirige droit vers lui.
— Bonjour ! Dit-elle au serveur, en maintenant, plus par réflexe que par nécessité, la distance qui était devenue courante depuis la crise sanitaire.
Le serveur :
— Madame. Que puis-je pour vous ?
La femme :
— J’ai pris un verre en terrasse hier. Je suis partie précipitamment et j’ai oublié de payer ma consommation. Je voudrais régler cela. Je viens d’arriver dans le quartier et je tiens à garder une bonne relation avec les commerçants du coin.
Le serveur :
— Oui, je me souviens très bien de vous. J’ai une mémoire photographique infaillible ! dit-il en souriant fièrement. Cependant, votre verre a déjà été réglé.
La femme :
— Réglé ? Par qui ?
Le serveur :
— Par le monsieur qui partageait votre table, dit-il en écrasant sa cigarette et en remettant son masque. C’est un habitué de la maison. Vous n’avez pas à vous inquiéter ! Il m’a expliqué votre histoire de A à Z.
La femme :
— Notre histoire ? Vous avez dû y passer la soirée alors ? dit-elle en lâchant un rire guttural.
Le serveur :
— Moui ! Histoire ! Histoire ! C’est un bien grand mot en effet. À peine une aventure. Mais ce n’est pas tous les jours qu’un parfait inconnu règle votre addition ! M. Toscani m’a bien expliqué que, faute de place… et patati et patata… il s’était quelque peu imposé à votre table alors qu’il ne vous connaissait pas. Vous n’avez pas apprécié, c’est votre droit ! Quoi qu’il en soit, il a absolument tenu à payer votre boisson pour s’excuser. Voilà tout.
— Une inconnue ? Ben voyons ! murmure-t-elle.
En arrière-plan, le serveur aperçoit du coin de l’œil une main qui se lève.
— J’arrive ! lance-t-il au client. Je vous prie de m’excuser, on m’appelle. Bon, eh bien, bienvenue dans le quartier et à bientôt, j’espère ?
Sam pose sur son avant-bras gauche une serviette blanche impeccablement pliée, attrape son plateau et se dirige vers son client.
Une fois le serveur à bonne distance, la femme se met à pester discrètement dans son masque :
— Punaise ! C’est bien ma veine ça ! Le quartier général de mon ex juste en bas de ma rue ! En plus, il a chopé Alzheimer ! À moins qu’il ne se moque de moi, ce crétin ?
La femme rebrousse chemin jusqu’à ce que sa silhouette disparaisse dans la cage d’escalier du numéro 1 de la Petite Rue des Dentelles.
Chap IV - L'amnésie
Deux jours plus tard, Giacomo se rend à l'U Express de la Grand'Rue pour y faire quelques courses de première nécessité.
Il se dirige vers le rayon des légumes bio. Et là, surprise ! Il l'aperçoit de dos. Aucun doute, c'est bien elle !
D'un pas rapide mais retenu, il emprunte le rayon adjacent pour pouvoir la rencontrer de face.
— Hé, bonjour ! dit-il avec un sourire un peu forcé, feignant la surprise d'une rencontre fortuite. Vous me reconnaissez ?
La femme retient un instant son souffle, le cou dressé comme un coq de combat.
Sans dire un mot, elle le fixe comme si elle se trouvait face à un fantôme.
Giacomo reprend son monologue, d’une voix rassurante :
— Je vous prie encore de m’excuser d’avoir été aussi cavalier. Je ne voulais pas vous importuner.
Giacomo attend une réaction. Mais rien ne vient. Il enchaîne aussitôt pour ne laisser s'installer un vide interstellaire.
— Au fait, j’ai payé votre boisson ! J’espère que vous ne m’en voulez pas d’avoir pris cette liberté ? Après tout, c’est de ma faute.
Toujours sans aucune réaction, Giacomo décide de mettre fin à la « discussion ».
Sur un ton neutre :
— Bon et bien… bonne continuation ! À un de ces jours, peut-être ?
Sans rien ajouter de plus, il reprend son chemin, achète le strict nécessaire et s'en va.
La femme fait de même. En sortant du magasin, elle regarde furtivement autour d’elle comme pour s’assurer qu’elle n’est pas suivie.
Elle sort son téléphone et appelle une amie :
— Allô ? Sandra ?
Sandra :
— Hello Caro ! Comment va ?
— Écoute, il m’arrive un truc de fou ! Une histoire à dormir debout !
Sandra :
— Quoi comme ?
— Tu te souviens de Giacomo, mon ex qui est devenu photographe ?
Sandra :
— Euh mouais… l’espèce de débile narcissique qui ne fait que des autoportraits ?
— Yes ! Et bien figure-toi que le mec s’est chopé Alzheimer ou une merde dans le genre ! Ça fait deux fois que je le croise dans le quartier et apparemment, il ne me reconnaît même plus !
Sandra :
— Non ? Arrête ! T’es sérieuse là ?
— On ne peut plus sérieuse !
Sandra :
— Pouah… il accumule le mec ! C’est bien lui qui avait chopé un cancer non ?
— Oui… c’est vrai ! dit-elle d’une voix trahissant une certaine compassion. Qu’est-ce que tu fais ce soir ? T’as pas de date ?
Sandra :
— Arrête, je suis encore tombée sur un loser hier ! La vraie cata ces gars ! Je vais arrêter les frais là. Tant pis si je finis vieille fille en string léopard !
— Faut dire que t’en es pas loin ahahaha ! Bon, trêve de plaisanterie, ma bonne dame ! Si ça te dit, passe manger un bout à la maison ce soir. Je suis encore dans les cartons mais ça va le faire ! On se fait un truc à la bonne franquette !
Sandra :
— Ok ça roule ma poule ! Comme j’ai trop hâte… mdr !
— Bye ! À tout’ !
Chap V - Du vin et des remords
Vers 20 heures…
Carolina commence à préparer sa soirée avec Sandra.
L’appartement est sens dessus dessous et un peu de rangement ne serait pas de trop.
Elle commence par dégager de la place dans le salon en déplaçant une paire de cartons encore pleins qui traînent.
Les autres serviront de support pour les plateaux repas. Sa table n’est pas encore montée.
Un ami doit passer dans la semaine pour l'aider à remonter ses meubles.
Pour le repas, rien de bien sophistiqué : des toasts aux œufs de lump, des olives et quelques radis roses pour l'apéritif, suivis d’un assortiment de sushis, des avocats à la vinaigrette et une salade de carottes. Un petit vin blanc fera l’affaire pour accompagner le tout.
Ça sonne à la porte. Carolina se rend à l’interphone…
— Sandra ? demande-t-elle avec quelques décibels de trop.
Sandra :
— Yep !
Carolina :
— Troisième étage ! La première porte à droite !
Pour ouvrir, Carolina tente sa chance avec l’un des deux boutons disponibles.
Cinq étages sans ascenseur ! À bout de forces, Sandra s’arrête à quelques mètres seulement du but.
Elle aperçoit Carolina qui l’attend, toutes dents dehors, sur le palier et lui lance sur un ton moqueur :
— Tu vas y arriver ? Tu as besoin d’aide ?
Sandra :
— C’est ça ! Paie-toi ma poire, Amélie Mauresmo.
Avant les festivités, Sandra s’enfile un grand verre d’eau fraîche.
Quelques jours seulement sont passés depuis leur dernière rencontre, pourtant, les anecdotes et critiques de toutes sortes s'enchaînent.
Après quelques verres de vin blanc, quelques instants de silence finissent par s'installer.
Les murs restituent la chaleur emmagasinée dans la journée, la moiteur et l’alcool ont rosi les visages.
Carolina :
— Dire que ça fait déjà plus de cinq ans que Giacomo et moi nous sommes séparés, et je n’ai toujours pas retrouvé chaussure à mon pied depuis. Quand je fais un retour en arrière, je me rends compte que beaucoup de choses ont changé dans ma façon d’être, et pas forcément en mieux ! J’ai troqué mes sobres dessous noirs pour de la dentelle bon marché aux couleurs aguicheuses. Je me suis mise à vapoter alors que je n’ai jamais fumé de ma vie ! Je dépense une fortune en teinture, maquillage, parfums et crèmes de toutes sortes : de jour, de nuit, hydratante, anti-rides… Pfff ! Des fois, j’ai l’impression de ressembler à une tartine de pâté tellement j’en ai sur moi ! C'est pathétique, quoi ! Je ne suis vraiment plus moi-même. Je ne suis plus cette fille pleine d’assurance qui cultivait un charme discret. Je ressemble à toutes ces idiotes écervelées qui n’ont qu’un seul rêve : ressembler à des bimbo. Quand nous nous sommes quittés avec Giacomo, je me suis même créé un compte Facebook alors que pendant quinze ans, je le faisais suer en lui rabâchant que c’était nul et qu’il perdait son temps. Pourtant, je savais pertinemment qu’il l’utilisait à bon escient ; ça lui permettait de rester en contact avec ses amis en Lorraine. Il ne les voyait plus qu’une fois par an lorsque nous allions y fêter la nouvelle année. Je le sais très bien ! Je l’ai espionné avec un faux compte sous le pseudonyme de « Christine Muller ». Qu’est-ce que j’ai été idiote quand j’y pense ! Tant de suspicion pour rien ! J’ai supprimé le compte quand j’ai appris qu’on pouvait retrouver ton identité à partir de ton adresse mail si tes paramètres de confidentialité n’étaient pas correctement configurés. Pfff ! Excuse-moi Sandra, je suis en train de gâcher la soirée avec mes conneries. J’ai un peu abusé du vin blanc.
Carolina essuie une larme qu’elle s’empresse d’absorber avec un Sopalin.
Sandra :
— Ne t’inquiète pas ! Ça fait du bien de temps en temps de se vider, de laisser de côté les futilités pour se recentrer sur des pensées plus profondes. J’ai mon quota aussi, tu sais ? Regarde ! Ça va faire bientôt deux ans que Laurent et moi nous sommes quittés. J’ai vu passer une dizaine de mecs depuis. Et le résultat ? Rien ! Je ne tombe que sur des obsédés ! Et quand j’ai la chance de tomber sur un mec plutôt correct, il ne l’est jamais assez ! Je lui demande de me décrocher la lune ! Qui suis-je, moi, pour être aussi exigeante ? Avec mes triceps de chauve-souris et mes fesses de Barbamama ! Sans déconner ?
Rien ne pouvait plus les arrêter.
La discussion dérape dans un grand déballage d’aveux plus honteux les uns que les autres.
Au final, les deux amies se regardent et fondent en larmes.
Chap VI - La liaison dangereuse
Le lendemain
Carolina ne quitte pas son appartement de la journée.
Elle est encore sous le choc émotionnel et probablement aussi sous l'effet de la veille.
En début de soirée, affalée sur son canapé, elle entend son téléphone sonner de manière un peu sourde :
— Zut alors ! Où ai-je bien pu mettre ce téléphone ?
Elle finit par le retrouver au fond d’un des cartons de déménagement, mais il est trop tard pour répondre.
C'était Jean, l’ami qui doit l'aider à monter ses meubles et qui, à défaut de pouvoir lui remonter le moral, est toujours prêt à rendre service.
Dans un message vocal, il lui propose de passer le lendemain matin.
Elle sait pertinemment qu’il va tout faire pour prolonger sa visite et qu’elle va devoir le supporter une bonne partie de la journée.
Ce n'est pas sa première fois. Mais bon, c’est toujours mieux que de rester entourée de cartons pendant un mois !
Elle lui envoie un simple SMS pour confirmer sa venue.
Il est 21h30, rue des Dentelles, et la nuit tombe enfin.
Carolina n’attendait que çela: que cette journée se finisse.
Après une bonne nuit de sommeil elle est de super bonne humeur et semble s’être délestée d’un poids.
Jean sonne à sa porte. Elle l’accueille, radieuse.
Il ne s’en plaint pas et après un café, Jean se met à l’œuvre.
Peu avant midi, Carolina reçoit un appel de Sandra.
Carolina :
— Allôôôô ? Dit-elle sur un ton coquin.
Sandra :
— Et bien ! Je vois que tu t’es bien remise de ta cuite de l’autre soir !
Carolina :
— Oui, super ! Mais hier c’était pas folichon. J’ai végété toute la journée.
Sandra :
— Pareil. T’as pris quoi pour être d’aussi bonne humeur ce matin ?
Carolina se dirige vers la chambre pour plus d’intimité et d’une voix discrète :
— J’ai bien réfléchi à tout ça.
Sandra :
— Quoi, tout ça ?
Carolina :
— A propos de Giacomo… J’ai pris conscience que je n’ai pas été correcte avec lui. Avec son amnésie, ou je ne sais quoi, j’ai comme l’impression qu’une force divine m’apporte sur un plateau l’opportunité d’appuyer sur le bouton reset, vois-tu ? Il n’était pas parfait, non, mais moi non plus ! Qui l’est d’ailleurs ?
Sandra :
— Et ? Tu n’es pas en train de vouloir me dire que tu pourrais te remettre avec lui ?
Carolina :
— Je n’en suis pas là, mais j’avoue que l’idée m’a traversé l’esprit. C’est un bel homme ! Et puis, il a l’air de m’apprécier. Alors, pourquoi pas ?
Songeuse, Carolina expire bruyamment par le nez, un souffle chargé de profonds regrets.
— J’ai cinquante balais, je suis célibataire, et ménopausée…
Sandra :
— Waouh ! On peut dire que tu as l’amour du risque, toi ! Tu n’as pas peur qu’il retrouve la mémoire un jour ? Tu ne m’avais pas dit qu’il avait complètement coupé les ponts avec toi à l’époque ?
Carolina :
— Pire ! Il avait entamé une thérapie basée sur de l’hypnose pour l’aider à m’oublier. Mince alors ! Mais c’est ça son amnésie ! La vache ! Elle n’y est pas allée de main morte, la psy !
Sandra :
— Carrément ! Je devrais faire pareil pour effacer quelques chapitres de ma vie.
Au même moment, une voix se fait entendre jusqu’à la chambre.
C’est Jean qui propose de faire une pause déjeuner. Carolina, le téléphone à l’oreille, lui fait signe qu’elle arrive.
Carolina :
— Sandra, je te laisse. J’ai Jean à la maison qui me monte les meubles depuis ce matin. Son ventre commence à crier famine. Je vais m’occuper de lui.
Sandra :
— Pas de souci. Salut ma belle. On se rappelle. Biz.
Carolina à Jean, qui s’en était retourné au salon.
— J’ai préparé un émincé de porc au curry. Avec du riz ? Ça te va ?
Jean :
— Impeccable ! Avec une petite bière et un bout de frometon, ce sera parfait.
Chap VII - Nuit d'amour
La semaine suivante, l'appartement de Carolina était enfin débarrassé des cartons qui encombraient ses déplacements, et rien n'avait encore altéré sa bonne humeur.
Tout au long de ces derniers jours, chacune de ses sorties était une occasion d'espérer rencontrer Giacomo.
Elle était déterminée à renouer le contact avec lui.
Un soir, en rentrant du travail, elle le vit sortir du Nouvel Hôpital Civil (NHC).
Elle l’avait aperçu depuis le bus qu’elle prenait quotidiennement pour se rendre au travail.
Elle le regarda avec insistance, espérant qu’il la remarque. Mais rien ! Il marchait tête baissée, d’un pas décidé, et semblait absorbé par ses pensées.
Il s’était rendu à son rendez-vous annuel de contrôle dans le cadre du suivi de son cancer.
Malheureusement, les résultats n’étaient pas très bons cette année. Des examens complémentaires étaient nécessaires.
Mais après toutes ces années de combat, Giacomo avait appris à ne pas se projeter dans des scénarios catastrophiques.
« La vie est un combat qu’il faut apprécier, pas craindre », enseignait-il volontiers à qui voulait l’entendre.
Le soir venu, une agréable petite brise serpentait dans les rues étroites de Strasbourg.
Giacomo comptait bien en profiter en allant boire une bière fraîche sur sa terrasse préférée.
En plein milieu de la terrasse bondée, il aperçut une main levée qui lui faisait signe.
Au bout du bras : Carolina, qui l’invitait à la rejoindre. Giacomo ne se fit pas prier.
Au bout du bras : Carolina qui l’invitait à la rejoindre.
Giacomo ne se fait pas prier.
Giacomo :
— Bonsoir ! C’est vraiment gentil. Je commençais à désespérer, avec tout ce monde ! dit Giacomo.
Durant toute la soirée, ils rirent aux éclats sans que rien ne puisse les perturber.
Carolina, qui connaissait la plupart de ses blagues, feignait de les découvrir et rayonnait de bonheur.
Au moment de se quitter, les yeux pétillants, elle lui fit un tendre baiser sur la joue.
Giacomo resta encore quelques minutes pour finir son verre et se remettre de ses émotions.
Pour rentrer chez lui, il emprunta la Petite Rue des Dentelles. Arrivé au numéro 1, Carolina l’aperçut et l’interpella.
Elle lui proposa de monter. Il n’en redescendit que le lendemain.
Chap VIII - Pronostic vital et testament
Le dernier scanner faisait apparaitre des nodules suspects au niveau du foie. Une biopsie s'imposait
Au service hépato-digestif, où il avait été hospitalisé à plusieurs reprises, tout le monde appréciait Giacomo.
Quelques infirmiers venaient même le chercher pour partager leur pause.
Le personnel hospitalier lui avait apporté ce supplément d’âme qui faisait que le séjour, qui n’avait rien d’une colonie de vacances, se passait dans les meilleures conditions.
Pour les remercier, Giacomo leur tirait le portrait.
À cette époque, il était loin d’imaginer que son travail allait le propulser aussi loin dans le monde de l'art.La rencontre avec Philippe avait été déterminante.
C’est lui qui, le premier, avait compris que derrière l’histoire tourmentée de Giacomo se profilait une œuvre qui aurait sa place parmi les plus grands. Il avait vu juste.
Les résultats tombèrent comme un couperet.
Cette fois, il ne s’en sortirait pas. La fin avait sonné. Les médecins ne lui donnaient que deux mois, tout au plus !
Cloîtré dans son appartement, Giacomo resta injoignable pendant trois jours.
Le premier à en être informé, fut Philippe.
— Ce n’est qu’une fois mort que l’on devient éternel
Pour Philippe, ces mots étaient glaçants
Depuis sept ans, Giacomo se savait en sursis et s’était préparé à cet instant depuis le début: le jour de son anniversaire où on lui diagnostiquait un cancer de l'estomac, le 12 avril 2014.
Aujourd'hui, le plus difficile restait à faire : informer sa famille, à qui il avait caché sa maladie tout ce temps.
Une tâche ardue, particulièrement en ce qui concernait sa maman.
De nature très anxieuse, elle s’inquiétait toujours de manière excessive, même pour une simple toux.
Elle n’avait pas les épaules pour gérer une information de cette importance.
Cette fois-ci, elle allait devoir affronter la perte du cadet de ses enfants.
On peut cacher une maladie, mais pas la mort.
Quelques jours avant son décès, Giacomo ne parvenait plus à supporter les douleurs.
Il fut aussitôt admis au service des soins palliatifs. Son dernier souffle ne fut pas assez puissant pour embuer le masque à oxygène.
Dans sa chambre, le bip, encore alternatif quelques secondes plus tôt, se mit à retentir à fréquence fixe. Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii.
Un dernier bip dont le « p » ne se ferait jamais entendre.
La tumeur aurait pu être traitée par radiothérapie, mais Giacomo avait refusé.
Il savait pertinemment que ce n’était qu’un moyen de retarder l’échéance et de faire endurer encore plus de peine à ses proches.
Fidèle à lui-même, il avait préparé son départ sans négliger le moindre détail : les obsèques, l’héritage, les adieux, sa postérité en tant qu’artiste. Il ne laissait jamais rien au hasard. Derrière ces photos d’apparence brute et minimaliste se cachait un travail minutieux et savamment orchestré.
Il confia à Philippe la responsabilité de quelques-unes de ses dernières volontés, notamment l’organisation d’une dernière exposition à la galerie pour laquelle il lui avait donné des consignes à appliquer à la lettre.
Philippe avait également en charge d’informer Carolina de son décès, puisque Giacomo n’avait plus l’intention de la revoir avant de mourir.
Quand ce jour arriva, Philippe fut interloqué par sa réaction et l’immense peine qu’elle témoigna.
Après tout, il ne la connaissait que depuis peu. Philippe tenta de la consoler, mais en vain.
Il en profita malgré tout pour l’informer que Giacomo avait souhaité qu’elle soit présente à l’exposition.
Il ne se passa que trente-cinq jours du diagnostic à la morgue. Un coup d’éclair.
Épilogue
Le 26 septembre à 19h.
La galerie Philippe Renaudin ouvre ses portes.
Au centre de la salle d’exposition, un généreux buffet est élégamment présenté sur des tables rondes soigneusement recouvertes de longues nappes d’un blanc éclatant et impeccablement repassées.
Le parquet miel et les murs violet pastel mettent en valeur une collection impressionnante d’autoportraits de l’artiste.
Les vieux cadres rococo et le style intemporel de certaines des œuvres confèrent une dimension muséale et hautement solennelle à l’exposition.
Deux jeunes et beaux serveurs se tiennent debout comme des enfants de chœur derrière le mini-bar disposé en quart de cercle dans un coin de la pièce.
Tous deux vêtus de chics costumes noirs affichent une sobriété irréprochable, prêts à accueillir les prestigieux invités en provenance de toute l’Europe, qui ont massivement répondu présent à l’ultime invitation de l’artiste. Une cinquantaine de personnes !
Un étroit passage voûté en pierre de taille donne accès à la deuxième salle, au fond de laquelle on peut voir, fixé au mur, un grand écran noir.
À gauche de celui-ci, un troublant portrait présente l’artiste, le visage tourmenté, les veines sous haute pression et bâillonné avec du plâtre verdâtre.
Le regard triste et vitreux, le sujet est au bord des larmes.
Il semble retenir une immense douleur et un lourd secret.
Sur la droite, un plan serré au format paysage le met cette fois en scène, bâillonné d’une étoffe blanche.
Bien que l'air serein, la photo semble représenter l’artiste mort.
Les premiers invités arrivent très vite.
Philippe en surprend quelques-uns qui ne parviennent pas à cacher leurs sentiments face aux portraits plus grands que nature qui les accueillent en vitrine.
La bouche et les yeux ronds, ils passent la porte vitrée de la galerie.
— Et bien ! On est direct dans l’ambiance, marmonne l’un d’entre eux.
À 19h30, mis à part M. Van De Velde, un farouche antivax, la foule pousse la plupart à renfiler leur masque.
Peu après 20h, Carolina fait son apparition accompagnée de Sandra.
En bon professionnel, Philippe fait une estimation approximative des invités.
Les deux femmes se dirigent droit vers lui pour le saluer.
Carolina :
— Bonsoir Philippe.
Philippe :
— Mesdames ! Vous êtes ravissantes !
Carolina :
— Quel flatteur ! Tu sais, Philippe, je ne sais pas comment te remercier pour tout ce que tu fais pour Giacomo. Personne d’autre que toi ne pouvait organiser cela et tu y as mis toute ton âme.
Philippe :
— Je n’ai aucun mérite, Carolina. Giacomo m’a apporté bien plus que je ne pouvais l’espérer. Et je ne parle bien évidemment pas d’argent. Je vous laisse, la plupart des invités sont déjà là et je dois vérifier les derniers détails pour la suite.
À 21h tapantes, Philippe se rend dans l’arrière-chambre pour récupérer son discours ainsi que les deux enveloppes qu’il avait soigneusement déposées dans un tiroir fermé à clé.
Les deux enveloppes en main, Philippe demande l’attention de tous et invite Carolina à le rejoindre devant l’écran toujours noir.
Sans préambule, Philippe entame la lecture du "discours", à peine quelques lignes, que lui avait confié Giacomo avant sa mort :
« Chers amis.» (Philippe observe quelques secondes d’arrêt – le silence s’installe)
Les quelques mots qui vont suivre sont ceux que j’aurais dû prononcer il y a bien longtemps si j’en avais eu le courage.
Au lieu de cela, j’ai produit une longue et énigmatique œuvre photographique signée du sceau de la lâcheté.
Cette œuvre ! Je la laisse désormais entre vos mains.
Puisse-t-elle inspirer le plus grand nombre d'entre vous.
Sortis de leur contexte, ces mots n’ont aujourd’hui pas l’impact qu’ils auraient dû avoir alors.
Ces mots ? Les voici :
*** Je suis au courant de tout, je l'ai toujours su ! *** »
Surpris par ce court et énigmatique message, Philippe fait comprendre à son auditoire que la déclaration est terminée.
Dans la salle, plane une nappe de questionnements.
Carolina, quant à elle, est envahie d’un sentiment de panique.
Elle pensait avoir compris à quoi faisait référence ce message, mais elle ne pouvait plus se dérober.
C’étaient les dernières volontés de Giacomo et tous étaient réunis là pour les honorer.
De toute manière, la foule désormais compacte constituait un rempart infranchissable.
Philippe tendit à Carolina la première enveloppe, celle qui lui était destinée.
Un silence de monastère enveloppa la salle. Giacomo avait en effet pris soin de demander à ses invités d’observer un moment de silence pendant la remise de l’enveloppe.
Toujours conformément aux consignes, Philippe lance sur l’écran le diaporama contenu sur la clé USB qu’il vient de retirer de la deuxième enveloppe.
Sans qu’elle puisse encore s’en apercevoir, derrière Carolina défilent aux yeux de tous d’anciennes photos du couple avant leur rupture.
Personne, mis à part Sandra et Philippe, ne comprend la portée de ce qui est en train de se passer dans son dos.
Par contre, ils sont loin d’imaginer ce que Carolina découvre au même moment dans l’enveloppe : une impression de tous les échanges de mails qu’elle a eus avec son chef de service, un homme marié avec deux enfants, son amant, leur voisin de palier !
Une correspondance riche en détails : leurs petits rendez-vous dans le grenier de l’immeuble, leurs moments coquins au bureau et sur le bureau.
Mais aussi une panoplie complète de ce que chacun d’entre eux pensait mutuellement de leur conjoint officiel.
Tout cela pendant que Giacomo luttait dur contre son « petit cancer », comme elle le lui répétait souvent sur un ton dédaigneux. .
Carolina ne prend pas la peine de contrôler tout le contenu de l’enveloppe.
Elle sait. Elle en est l'autrice.
Ceci la plonge dans un état second qui la détache complètement du reste.
Autour d’elle, le trou noir.
Des révélations dévastatrices, mais étrangement, également rédemptrices.
Le public, lui, est à mille lieux de s’imaginer dans quel moment de solitude elle se trouve.
La croyant émue, tous se mettent à lancer des bravos, à l'applaudir à en faire trembler les murs, pensant qu’il s’agit là d’un dernier hommage à sa bien-aimée.
Elle est seule.
Non pas face à tous ces inconnus et témoins ignorants, mais face à elle-même.
Quel sens pouvait bien avoir cette révélation posthume ?
Était-elle motivée par de la vengeance ? Une leçon de vie ?
Carolina devait écrire seule la fin de l’histoire.
Fin