Faim, citoyenneté et l'héritage de Josué de Castro

Josué de Castro, médecin et géographe brésilien, ancien député fédéral, est mondialement connu pour ses contributions en tant qu'intellectuel et homme public dans la lutte contre la faim. En 1946, dans l'étude classique «Géographie de la faim», traduite en plus de 25 langues, Josué dénonçait le fléau de la faim au Brésil comme conséquence des inégalités sociales héritées du système colonial qui se maintenaient grâce à une structure foncière basée sur la grande propriété et la monoculture. Il conçoit la faim comme l'un des plus grands problèmes écologiques de l'époque dont les formes de manifestation sont différentes dans chaque région. En 1948, avec la publication de l'ouvrage «Géopolitique de la Faim », il attire l'attention sur le fait que la majorité de la population mondiale est sous-alimentée et que, fréquemment, les gens meurent de faim dans tous les hémisphères, en particulier dans le Sud, où sont localisés les pays alors classés comme sous-développés (Andrade, 1997). Les répercussions de ses travaux ont conduit Josué de Castro à assumer, en 1951, la présidence du Conseil exécutif de la FAO.

Au Brésil, il était en charge de projets et programmes visant à garantir et à améliorer les conditions de repas scolaires et de repas pour les travailleurs ruraux. Pour lui, la faim était traitée comme un tabou et des actions comme celles-ci ont fini par remettre en cause les orientations de la politique brésilienne de lutte contre la faim, mesures qui sont encore en vigueur malgré les changements politiques de ces dernières années. C'est pour avoir défendu ces idées, en 1964, après le coup d'État militaire au Brésil, que Josué de Castro se voit révoquer ses droits politiques; il s'installe à Paris où il restera jusqu'à sa mort, en 1974. L'exil ne l'empêche pas de poursuivre son engagement pour la lutte contre la faim. Professeur associé au Centre universitaire de Vincennes et à l'Institut des hautes études d'Amérique latine, il a imprimé une influence dans le monde académique français, notamment en ce qui concerne la perception des inégalités sociales et les questions de nutrition.

Près de 80 ans après les écrits-dénonciations de Josué de Castro, l'éradication de la faim dans le monde reste un défi majeur. Un rapport récent de la FAO (2019) souligne que le nombre de personnes souffrant de malnutrition dans le monde est en augmentation depuis 2015 et qu'il est revenu aux niveaux observés en 2010-2011, lorsque l'objectif était d'éradiquer la faim d'ici 2030.

En 2014, le Brésil a célébré les résultats des politiques menées contre la faim pendant la première décennie du XXIe. siècle. Cependant, à partir de 2015, la réduction des investissements sociaux, les changements dans la politique agricole et de l'ensemble des mécanismes de protection sociale associée à l'aggravation de la crise économique mondiale indiquent une aggravation aigüe de la situation. Le rapport de la FAO (2019) indique que l'impact de la crise économique sur la sécurité alimentaire et la nutrition ne peut être séparé des principales causes de la malnutrition: la pauvreté, les inégalités et la marginalisation. Les idées de Josué de Castro résonnent dans l'Agenda 2030: «La fin de la faim et de la malnutrition d'ici à 2030 exigera des efforts accrus et des approches intégrées pour éradiquer l'extrême pauvreté, garantir un travail décent, une croissance économique inclusive et réduire les inégalités".

Ces questions seront abordées lors du V Colloque franco-brésilien «Faim, citoyenneté et héritage de Josué de Castro» qui réunira des chercheurs brésiliens et français. La cinquième édition du colloque qui se tiendra à l'Université fédérale du Rio Grande do Norte, à Natal, sera l'occasion de valoriser la recherche portant sur les alternatives de production et de consommation liées à l'alimentation, soulignant également l'urgence de politiques publiques innovantes pour répondre en même temps à la question de la faim, les problèmes sociaux et la transition agroécologique.

Les chercheurs français invités sont experts en problématiques alimentaires, commerce solidaire et préservation de l'environnement. Des spécialistes de différents horizons disciplinaires d'institutions brésiliennes participeront aux débats, privilégiant la participation active de jeunes chercheurs. A cet effet, deux sessions coordonnées seront ouvertes aux étudiants en master et en doctorat, et une publication sera préparée sur les thèmes abordés lors du colloque.