Reconstruction de notre divino-humanite

Reconstruction de notre divino-humanité

Le carême est un temps fort dont nous avons besoin, mais il n’est qu’un temps de rappel par rapport à ce qui devrait être quasiment permanent. Il s’agit d’instaurerune autre relation avec ce qui m’entoure. Une relation auto-contrôlée, équilibrée, régulée. Peut-être faut-il s’imposer des périodes, des cycles, et c’est ce que nous proposel’Église. Mais ce n’est qu’une pédagogie et cela ne prétend pas à autre chose. Nous sommes supposés rester libres, et la liberté est lourde et difficile. Sinon, le risque estd’aller vers l’intégrisme, au nom d’une pédagogie devenue un but en soi, en manquant de respect à l’autre, en le tuant psychologiquement, si ce n’est physiquement.

La pédagogie divine est inscrite dans l’ancienne Alliance, mais elle n’a d’autre point d’arrivée que la reconnaissance du Christ comme Dieu et homme. L’ascèse est lafidélité au nom et à la personne du Christ comme Dieu et homme. Reconnaissance qui s’enracine dans l’ascèse du Fils venu dans ce monde, et qui est, fondamentalement, ouverture à l’Esprit.

L’ascèse du Christ s’est développée en deux temps. L’ascèse-jeûne de quarante jours dans le désert, après le baptême au Jourdain, qui fonde notre jeûne de quarantejours de Pâques et de Noël. Le second temps est celui de l’ascèse-prière sacerdotale du Christ (Jean, 17), à la fois prière pour les disciples, prière pour ceux qu’il va envoyerdans le monde et prière pour le monde.

L’ascèse-jeûne et l’ascèse-prière, toutes deux précèdent un moment de décision et un moment d’obéissance. Le Christ part au désert avant de commencer sa viepublique par les noces de Cana. Les noces de Cana, c’est pour le Christ l’obéissance à sa Mère, qu’il exprime d’une manière étonnante :

« Femme, de quoi te mêles-tu ? ». Pas plus que la cananéenne, Marie ne se laisse impressionner ; elle passe outre et donne un ordre : « Faites ce qu’il vous dira ». Danscet ordre, il y a à la fois l’abnégation de la Mère, qui représente par définition l’humanité (elle pressent le mystère de son fils) et l’obéissance du Fils.

Il y a, semble-t-il, une association entre le jeûne qui a précédé le « lancement » du Christ dans sa mission, pour laquelle il avait une réticence, et d’autre part, laprière ultime, la prière sacerdotale, mais aussi celle de Gethsémanie : « Père, cette coupe peut-elle s’éloigner de moi ? », puis « Qu’il soit fait selon ta volonté ». Cette prièredébouche à son tour sur le pardon ultime, tel que nous le rapporte Luc : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Une perspective qui donne un sens à l’ascèse : contribuer à reconstituer notre « humano-divinité », non pas auto-déification mais redivinisation en Christ.

Père Jean