Etonnement

Qu’est-ce que s’étonner ?

· De quoi faut-il s’étonner ?

Article de Patrick Ghrenassia, avec des ajouts de textes et d'articles de ma part.

http://blog.letudiant.fr/bac-philo/2012/11/26/de-quoi-faut-il-setonner/ *

Etonnant, un homme qui saute à 39 kms de la Terre pour franchir la vitesse du son. Etonnante, la déchéance totale d’un ancien champion américain de cyclisme. Etonnantes, les images d’un Tsunami à Hawaï. Etonnant, le chiffre du nombre de morts de la guerre civile en Syrie.

Les médias nous abreuvent de choses étonnantes, d’exploits, de monstres, d’images époustouflantes ou effrayantes, de chiffres mirobolants, de petites phrases choquantes. Toujours plus haut, plus vite, plus fort. Toujours le choc des images et des mots. Comme si le spectateur, que nous sommes, demandait sans cesse : « étonnez-moi ! »

L’étonnement est à l’origine de la philosophie. « C’est l’étonnement qui poussa les premiers penseurs aux spéculations philosophiques », dit Aristote.http://philia.online.fr/txt/aris_010.php *

On commence à philosopher quand on s’étonne du pourquoi et du comment, ou même de la simple existence des choses et du monde : « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », s’étonne Leibniz.

http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-rien-14-pourquoi-y-a-t-il-quelque-chose-plutot-que- *

Mais étonner n’est pas s’étonner : s’étonner en philosophe n’est pas l’étonnement du badaud béat devant le bateleur ou le prestidigitateur.

En grec, s’étonner se dit « Thaumazein », qui signifie aussi s’émerveiller ou admirer. C’est la première passion philosophique, avant même l’amour de la sagesse, qui vient ensuite. « La philosophie n’a pas d’autre origine », dit Socrate.

Théêtète [155d] SOCRATE

« Je vois, mon ami, que Théodore n’a pas mal deviné le caractère de ton esprit ; car c’est la vraie marque d’un philosophe que le sentiment d’étonnement que tu éprouves. La philosophie, en effet, n’a pas d’autre origine, et celui qui a fait d’Iris la fille de Thaumas n’est pas, il me semble, un mauvais généalogiste. »

Il faut donc s’étonner, mais comment ? Aucune passion ne se déclenche sur commande, c’est plus souvent la volonté qui obéit aux passions que l’inverse. Pourtant, comme on peut apprendre à aimer, on peut apprendre à s’étonner. On peut se donner de bonnes habitudes pour incliner sa volonté vers la passion voulue.

De quoi s’étonne-t-on ? En général, de l’inhabituel et de l’exceptionnel, de ce qui contredit nos attentes et nos croyances. On s’étonne de la taille énorme d’un fruit ou d’une personne. On s’étonne de la vitesse de la lumière, et de tout ce qui dépasse l’imagination. On s’étonne de ce qui rompt avec nos habitudes et les lois de la nature. « Etonnant, ce record cycliste ! ». « Etonnant, cet effondrement soudain du mur de Berlin ! » C’est là l’étonnement facile et naturel.

Mais le difficile, le philosophique, est d’apprendre à s’étonner de ce qui est banal. S’étonner de l’existence d’une fleur quelconque ou de la présence de l’être aimé, le matin au petit déjeuner, même si c’est la centième fois.

David Hume s’étonnait de ce que le soleil se lève chaque matin. Etonnant, non ? De mauvais esprits disent qu’il n’est pas étonnant qu’on puisse douter du lever du soleil dans son pays, l’Ecosse, où le ciel est si souvent couvert. Il ne viendrait pas à l’esprit d’un Grec de douter que le soleil se lèvera demain, n’est-ce pas ? Et pourtant ! C’est bien ce qu’il faudrait faire.

http://www.philolog.fr/verite-de-raison-et-verite-de-fait/ *

S’étonner non pas du train qui arrive en retard, mais de tous les autres trains qui arrivent à l’heure. S’étonner non pas de la violence extrême d’un serial killer, mais de la gentillesse et de la civilité de tant de gens « normaux ». S’étonner non pas du miracle, mais de la régularité des lois naturelles, qui sont comme un miracle permanent.

Il ne s’agit pas de s’étonner de tout, mais de s’étonner d’un rien. S’ébahir benoitement de tout serait tomber dans le ridicule. Ce serait surtout banaliser et affadir la force de l’étonnement. Il faut donc choisir, dans la banalité du quotidien, ce qui mérite l’étonnement, à savoir ce qui réjouit le cœur et enrichit l’esprit : le soleil après la pluie, la présence de l’ami fidèle, le ruissèlement d’une goutte de pluie sur la vitre, un accord de musique.

S’étonner d’un simple mot, par exemple, comme le verbe « s’étonner » : on y entend ce qui tonne et détone, tonnerre et éclairs, et la terre qui gronde ; on y sent vaciller nos certitudes et nos idoles, on y devine une vérité ou une émotion nouvelle qui vient.

Les médias nous proposent chaque jour l’extraordinaire, l’exceptionnel, le monstrueux. Le philosophe, au contraire, s’étonne du quotidien, de l’habituel, du normal. Les médias banalisent l’étonnant, le philosophe s’étonne du banal. Les médias imaginent du merveilleux, le philosophe s’émerveille du réel. Les médias désenchantent l’étrange, le philosophe s’enchante du familier. Les médias s’efforcent d’étonner, le philosophe invite à s’étonner.

http://www.initiationphilo.fr/articles.php?lng=fr&pg=459 *

C’est peut-être cela l’exercice de la sagesse, le contraire de la résignation et du fatalisme : rien n’est nécessaire, tout est contingent, tout pourrait être autrement, ou ne pas être du tout ; la vie est comme un miracle, rien n’est acquis, l’imprévu est la règle.

Etre capable de s’étonner, c’est regarder la vie et le monde comme au premier jour. C’est, au fond, rester vivant.

· Quels sont les obstacles qui empêchent l’étonnement ?

ü La paresse (Kant : qu’est-ce que les Lumières ?)

ü Les erreurs des sens (se limiter à ce que nos sens perçoivent, sans aller plus loin)

o Ex : le bâton qui apparait brisé dans un verre d’eau

o http://philia.online.fr/txt/desc_009.php *

ü le conformisme et la normalisation du groupe

o http://www.scienceshumaines.com/le-groupe-en-psychologie-sociale_fr_10805.html * (paragraphe : Peut-on résister à l'influence du groupe ?)

ü Nos codes sociaux et culturels.

Pour aller encore plus loin dans la question de l’étonnement

http://philia.online.fr/txt/scho_001.php *

http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/articles.php?lng=fr&pg=24 *

http://guykarl.canalblog.com/archives/2010/12/27/19547486.html *