Pierre ARNOULD et Henri SOLÉ en 1990
L'abbé Henri SOLÉ est décédé à Bruxelles, le mercredi 21 décembre 2022, à l’âge de 88 ans.
Né à Bruxelles le 1er mai 1934, il a été ordonné prêtre le 17 juillet 1960.
Henri a d’abord été vicaire à Jette (Saint-Pierre, 1960-1977).
Ensuite coresponsable de pastorale francophone à Bruxelles (Notre-Dame de Laeken), Jette (Saint-Joseph, Dieleghem) et Jette (Saint-Pierre 1977-1990).
Nommé aumônier de prison à Forest (1989-1994), il fut aussi curé à la paroisse du Saint Curé d’Ars (1990-1999) où il continua à assurer des services après sa mise à la retraite.
D’une famille engagée aux plans politique et social, Henri était un fonceur, dont le caractère et l’engagement ne laissaient pas indifférent. C’est ainsi que des sortis de prison trouvèrent refuge chez lui. Des sans-abris aussi, réfugiés sous un chapiteau devant le CPAS, il leur proposa la chapelle pour un peu de réconfort.
Son souci de faire communauté l’amena, par exemple, à ce qu’une fois par mois après la messe soit organisé un pique-nique pour que les gens puissent se rencontrer et bâtir des projets.
Ses funérailles ont été célébrées le mardi 27 décembre 2022 en l’église du Saint-Curé d’Ars.
2003
Une paroisse sans prêtre ?
Nous cherchions une vraie église, plantée au centre d'une place, ou s'affichant à front de rue. Non, non, c'est bien là, dans le petit parc.
Qu'y a-t-il donc de particulier en ces lieux ? Rien de bien singulier, dira-t-on d'ici quelques années, mais qui aujourd'hui nous intrigue : une paroisse qui fonctionne sans curé. Nous venons interroger sur le "sans curé", et nous allons apprendre ce qui fonctionne.
Il était une fois…
En 1997, Henri Solé, curé, rappelle qu'il en est à deux ans de son départ et que la paroisse doit assurer sa continuité. L'équipe pastorale, bien vivante et forte d'une déjà longue expérience de prise en charge, entreprend une réflexion et s'organise pour aboutir à ce statut inédit : la paroisse continuera à vivre, sans curé. La démarche est menée en toute transparence avec la hiérarchie : le doyen lui-même assure une fonction de répondant officiel, et l'évêque, invité, appréciera bientôt ce qu'il aurait pu considérer comme "le refus du don d'un prêtre".
Qu'est-ce que vivre pour une paroisse ? La réponse est donnée : c'est d'abord une célébration dominicale, qui ici réunit une centaine de pratiquants, de fidèles dirait-on si le mot n'était piégé ! La célébration eucharistique accueille à l'occasion les baptêmes. C'est une assemblée présidée par un des cinq ou six prêtres, fidèles eux aussi, invités tour à tour. Prêtres heureux de cette collaboration où ils exercent le cœur même de leur ministère, sans le fatras administratif. Au premier rang desquels les deux anciens curés, Pierre Arnould et Henri Solé, heureux de se retrouver dans cette communauté qu'ils ont longtemps animée.
Respiration hebdomadaire, mais la paroisse prévoit aussi quelques moments forts au cours de l'année. Devenue une institution véritablement constituante, une assemblée trimestrielle (la quarantaine de paroissiens actifs) fixe les orientations et prend des décisions. Vite fait, mais bien fait et fort sympa : un p'tit dèj convivial à 9 heures et le débat d'une heure avant la célébration de 10h30. Autres moments revigorants en cours d'année : deux ou trois week-ends de retraite où l'on creuse, à une vingtaine. Et tout au long de l'année, deux célébrations, mardi et jeudi soir, animées par Raymonde : prière, lecture, partage, réflexion.
Les mariages ? Il se fait que les candidats font plutôt appel à des officiants de leur connaissance et recherchent les églises mieux équipées en tapis rouges et chandeliers vernissés. Peu de funérailles, mais un accompagnement des familles est assuré par une petite équipe attentive à se former à cet effet.
Là se trouve donc la particularité la plus visible de la démarche : il n'y a pas, il n'y a plus de curé ; c'est l'équipe pastorale qui invite des prêtres pour la célébration. On serait tenté de dire pour la présidence si le terme n'avait la connotation, ici suspecte et dédaignée, de pouvoir ou de décorum. Il s'agit donc bien d'une église locale, avec son (vrai !) lieu de culte, et des eucharisties (valides !) avec des prêtres (heureux !). L'administration a changé, et aussi, l'animation. Aux mains d'une équipe pastorale.
La paroisse est bien localisée, dans le bas de Forest, mais avec une composition sociologique témoignant d'une évolution observée par ailleurs: un tiers des fidèles viennent de l'extérieur, et ont fait du Saint Curé d'Ars leur communauté d'élection. Par exemple, un groupe de jeunes parents d'une entité voisine a adopté la communauté, et les enfants devenus ados animent une messe des jeunes inventive et inspirée.
Comment s'expliquer cette réussite ? Jean Legein nous livre des réflexions qu'il a longuement mûries. Il intervient avec l'aisance, la courtoisie, l'à-propos d'un cadre commercial qu'il dut incarner dans une vie antérieure. Qui s'autoriserait à le taquiner, le verrait en parfait doyen laïc. Il évoque le passé, analyse le présent puis esquisse des perspectives.
Il y a cette chance pour la communauté de n'avoir connu en quarante ans que deux pasteurs, appelant tous deux avec insistance la participation des laïcs.
Il est indispensable de bénéficier d'une présence régulière, assurée, attentive, efficace, et la communauté a cette chance. Raymonde Escoyer-Liénard proteste. Menue, alerte, riante, repoussant au coin de la table les paquets de documents qu'elle vient de photocopier. Que c'est bien naturel, que c'est bien volontiers, que c'est tout simple … d'être là, au centre, tous les matins que fait le Bon Dieu, de répondre au téléphone, de préparer les célébrations, d'aider aux baptêmes, aux visites des malades, aux préparations de liturgies, à ceci, à cela et à bien d'autres choses. D'être l'âme de cette communauté. De tenir "la cure", le souci de la communauté.
Il se fait que la formule fonctionne dans une paroisse petite, de cinq mille habitants, avec des assemblées d'une centaine de fidèles.
Est-ce un miracle ? Mais il n'y a pas de clan. Les assemblées sont chaleureuses, et la cloche doit insister pour arrêter effusions et papotages à l'heure de la célébration. Lors des votes pour le renouvellement de l'équipe pastorale, les candidats sont plus nombreux que les fonctions à pourvoir. Et il n'y a pas eu difficulté à constituer plusieurs cellules pour gérer le temporel : la Fabrique, les Œuvres paroissiales, l'aide au Tiers-Monde, … Ce qui n'est pas un miracle, mais un résultat, dûment recherché, c'est l'autonomie financière de la paroisse.
La démarche est connue comme originale, mais pragmatique, sans snobisme, ni repli. Les collaborations avec les paroisses voisines fonctionnent pour la catéchèse, pour la formation à l'assistance aux malades ou l'apprentissage à l'écoute.
Jean Legein poursuit. La formule actuelle est originale, certes, elle fonctionne bien, appliquée pour l'essentiel au registre de l'administratif. Mais l'avenir ? Les questions qu'il va formuler en finale, vous en conviendrez, ne concernent pas que l'avenir du seul Saint Curé d'Ars. Elles sont suscitées par l'irrémédiable raréfaction des prêtres dans les prochaines années, mais elles touchent au cœur même du catholicisme. Qu'est-ce qu'une célébration chrétienne, et qu'est-ce que l'animation d'une communauté chrétienne ? Qu'est-ce que le ministère chrétien ? Comment, demain, imaginer les formes nouvelles que prendra la fidélité à Jésus ?
Jean-Marie Culot, Hors-les-murs, n°92, 6/2003
J’ai découvert Henri à travers ses écrits dans le feuillet « Lettre de passage » que je recevais dans ma boite aux lettres à Forest. C’était un journal couleur saumon qui m’intriguait et m’intéressait par ses articles et ses dessins humoristiques engagés sur l’actualité. Quelques années plus tard, en participant à la communauté du Saint curé d’Ars, je découvrirai davantage l’auteur de ce périodique, Henri.
Une des premières assemblées paroissiales à laquelle j’ai participé avait à l’ordre du jour, l’heure de la messe de la seule célébration du w-e. Ces échanges m’avaient marqué par le respect des uns et des autres et la discrétion du prêtre Henri qui a laissé aux membres de la communauté le soin de décider entre 10h et 11h. Ce sera 10h30.
Ensuite, j’arrive au moment où Henri annonce qu’il partira à la pension dans les 2 ans. Dès lors la communauté se prépare à davantage s’engager dans les différentes tâches assurées par le curé. La façon de voir l’Eglise d’Henri se concrétisait par cette implication des laïcs dans leur communauté. Il osait innover !
Etant nouvellement arrivée dans la paroisse, j’ai aussi été touchée par le fait qu’Henri m’avait invitée après la messe à prendre l’apéro et le repas chez lui avec d’autres paroissiens. Il faisait « table ouverte ». Cela a été pour moi une occasion de me lier et de faire connaissance et de découvrir un curé accessible pour qui la communauté paroissiale était devenue sa famille.
J’ai aussi eu l’occasion de vivre des sessions SOIF (Sessions Œcuméniques Interrégionales de Formation) à Blankenberge avec lui, et de partager des temps d'échange et de réflexion à partir de nos vies et engagements pour un monde plus juste et plus humain.
Merci Henri pour l’homme engagé et de conviction que tu as été, sans peur d’entrer en conflit lorsque des valeurs évangéliques étaient en jeu. Tu avais le souci du plus petit, du plus démuni, du plus fragile. Tu reconnaissais la présence de Jésus dans chaque être humain à commencer par le plus méprisé, le plus pauvre pour qui tu avais de l’attention et du respect.
Merci pour ta générosité car tu donnais de ton temps, de ton savoir, de tes lectures (et ton livre « Passage » en est l’illustration), de ton argent. La solidarité pour faire face à l’exclusion.
Tu nous invitais à travailler tous ensemble à créer un monde plus humain et plus égalitaire avec d’une main la Bible et de l’autre les droits humains et l’actualité. Tu refusais toute magie dans les célébrations et veillais à rester incarné et ancré dans le réel de nos vies et engagements.
Que cet esprit d’amour de Jésus qui t’habitait nous remplisse d'audace, de courage et de joie et nous rende de plus en plus fraternels.
Anne B.
Certains d’entre nous ont été des fidèles compagnons du St Curé d’Ars depuis très longtemps, alors que d’autres sont venus plus tard. Mais tous nous avons été marqués par Henri Solé, par ce qu’il pouvait transmettre, par sa foi, son intransigeance et sa générosité.
Il a été après Pierre Arnould la pierre d’angle du St Curé d’Ars, alliant toujours cette double exigence d’une pratique adulte avec un grand engagement social. Cet engagement était déjà présent du temps de Pierre Arnould, mais plus tourné vers les pays qu’on appelait « en développement ». Henri a ajouté la dimension locale dont A.R.S. (Accueil et Réinsertion Sociale, puis Action et Réflexion Sociales) est issue, mais qui a aussi compris son travail d’aumônier de prison. Il a aussi travaillé à la mise en place du temporel, avec le charisme que nous lui avons connu.
C’est en 1999 qu’il a imaginé le modèle qui est encore en place au Saint Curé d’Ars : une paroisse sans prêtre fixe. Inexorablement cela impliquait la mise en place d’une structure de coordination spirituelle, l’Equipe Pastorale.
Un article de P.A.V.E.S de ces années-là, décrit ainsi l’EP : « Là se trouve donc la particularité la plus visible de la démarche : il n'y a pas, il n'y a plus de curé ; c'est l'équipe pastorale qui invite des prêtres pour la célébration ».
Dans ce modèle, chaque célébration était préparée en équipe : prêtre ET préparateur(s) issu(s) de la communauté des paroissiens. Et c’est ce que nous faisons encore.
C’est en 2002, qu’il a terminé son livre, « Cascade : une proposition pour des chrétiens libres 2000 ans après Jésus ». Nous avons choisi de vous lire le début du chapitre : « Les 3 vœux ».
Les trois préceptes les plus urgents de la loi, d’après Jésus sont la justice, la miséricorde et la fidélité. C’est Mathieu qui l’affirme au verset 23 du chapitre 23 de son évangile :
- LA JUSTICE, elle est inséparable du bon droit, de la droiture, du respect des règles du jeu humain. Elle est la base même de la paix entre les hommes, comme dans les familles. Elle comprend le respect de la parole donnée, de la personne et de la réputation d’autrui, le rejet de la fourberie et du mensonge.
- LA MISÉRICORDE, proche de la compassion des bouddhistes, nous appelle à avoir pitié des faiblesses humaines, des autres comme de nous-mêmes, car nous sommes des êtres faible, imparfaits et mortels. La miséricorde trouve son apogée dans le pardon dont Jésus va faire la condition même de l’agir et du témoignage de ses disciples : sans pardon, il n’est pas de chrétien.
- LA FIDÉLITÉ nous apprend qu’il n’est rien de plus important pour un être humain que d’être un ami sur lequel on peut compter. Elle est décision de croire en l’autre, de lui faire confiance. Elle donne goût et saveur à la vie, elle est la base même de la vie sociale.
En 2010, a lieu un colloque sur la même thématique, de l’autonomisation des fidèles, avec le titre : « Du curé résident au prêtre engagé aussi en paroisse ». On y trouve, à propos de notre paroisse, la phrase suivante : « Clairement nous refusons de prescrire notre modèle mais nous acceptons de fonctionner comme laboratoire du vivre-ensemble chrétien ».
En tant qu’équipe pastorale nous essayons et continuerons d’essayer d’être à la hauteur de ce qu’Henri nous a confié. Il y a des signes d’espérance : la formation « Laudato sí », notre participation active au synode, et beaucoup d’autres.
Ça va aller, on va continuer sur le bon chemin. Merci Henri pour la mise en route.
L’équipe pastorale 2021-2023