REFRACTION ASTRONOMIQUE
La réfraction astronomique est la mesure du déplacement angulaire des objets astronomiques à partir de leur position vraie, ou position géométrique, lorsqu’ils sont observés depuis la Terre. En astronomie d’observation, la réfraction astronomique conduit à une erreur de mesure de la position angulaire réelle des astres observés : ils sont vus plus haut qu’ils ne le sont réellement. Ce phénomène optique est dû à la courbure des rayons lumineux lorsqu’ils traversent l’atmosphère terrestre. Car si la lumière se propage en ligne droite dans le vide et dans tous les milieux transparents et homogènes, elle ne se propage pas en ligne droite dans l’atmosphère terrestre qui n’est pas homogène. L’atmosphère est un milieu hétérogène, tout particulièrement dans les basses couches, dans lesquelles il existe un fort gradient moyen de densité, ce qui induit un gradient vertical d’indice de réfraction. L’indice de réfraction de l’air, comme sa densité, diminue, en général, lorsque l’altitude augmente. La réfraction dans l’atmosphère terrestre est beaucoup plus importante lorsqu’un objet est observé au voisinage de l’horizon que lorsqu’il est observé au zénith. La réfraction dans l’atmosphère est aussi fonction de la longueur d’onde, la lumière bleue est plus affectée que la lumière rouge par le phénomène.
Figure 1. Cette figure illustre schématiquement la réfraction des rayons lumineux dans l’atmosphère terrestre. Les lignes solides montrent les chemins suivis par les trois couleurs spectrales de la lumière émise par le Soleil, bas sur l’horizon, violet (V), vert (G) et rouge (R). Ces rayons lumineux qui arrivent sous une incidence faible subissent une réfraction importante. Les droites pointillées montrent les directions d’où semblent venir les rayons reçus par les yeux de l’observateur situé sur le sol, après avoir été courbés par la réfraction lors de leur traversée de l’atmosphère. Ces rayons lumineux sont également dispersés et forment un spectre. Les autres couleurs du spectre bleu (B’), jaune (Y’) et orange (O’) se trouvent entre les trois rayons lumineux représentés sur la figure, dans l’ordre normal. Cette figure est empruntée à l’article de Daniel O’Connell, The Green Flash, Scientific American, Janvier 1960.
Réfraction astronomique
Théorie de la réfraction, première approximation.
La variation continue de la courbure des rayons lumineux rend le calcul de la réfraction difficile, car le chemin emprunté par les rayons lumineux dépend à la fois de la courbure de la Terre et de la distribution verticale de la densité de l’atmosphère. Pour aborder ce problème nous pouvons faire une hypothèse simplificatrice, celle de négliger la courbure de la Terre. Cette hypothèse qui considère une atmosphère constituée de couches planes parallèles à la surface de la Terre est justifiée au voisinage du zénith. Dans ce modèle, la réfraction ne dépend que de la réfractivité de l’air au niveau de l’observateur, la distribution verticale de la réfractivité, c’est-à-dire le profile de la température n’ayant aucun effet. Mais cette approximation n’est pas valable pour les rayons lumineux proche de l’horizon, car dans cette hypothèse, la réfraction horizontale serait voisine de 1,4°. Alors que les modèles d’atmosphère standard donnent une valeur d’un peu plus qu’un demi degré pour la réfraction au niveau de la mer, c’est-à-dire une valeur légèrement supérieur au rayon du Soleil.
Pour étudier la réfraction dans l’atmosphère terrestre, nous suivons la présentation qui a été faite par André Danjon dans le paragraphe 73 de son ouvrage Astronomie générale, Albert Blanchard Paris, 1994. Nous considérons que la densité de l’air décroît lorsque l’on s’élève, c’est-à-dire que la densité de l’air ne dépend que de la hauteur par rapport au sol. Ainsi, les surfaces d’égales densité, qui sont également des surfaces d’égal indice de réfraction, sont des plans horizontaux. Nous négligeons la courbure de la Terre dans cette première approximation.
Figure 2
Nous pouvons représenter l’atmosphère dont l’indice croît de manière continue lorsqu’on s’approche du sol, par une atmosphère formée de couches homogènes très minces, séparées par des surfaces réfringentes planes et horizontales (figure 2a, à gauche). La couche d’indice n est située au-dessus de la couche d’indice n + dn, où dn est positif. Si l’angle d’incidence sur la surface d’indice n est z, l’angle de réfraction du rayon lumineux est z + dz. Si nous appliquons la loi de la réfraction de Descartes, nous pouvons écrire : n sin z = (n + dn) sin (z + dz). Cette égalité montre que la quantité n sin z reste constante le long du rayon lumineux, et cette propriété se conserve si l’on augmente indéfiniment les couches. Nous pouvons admettre que la quantité n sin z se conserve encore dans le cas d’une variation continue de l’indice de réfraction.
La figure 2a montre le trajet d’un rayon lumineux dans les dernières couches de l’atmosphère dans laquelle l’indice de réfraction augmente lorsque l’on s’approche du sol. A chaque réfraction, le rayon lumineux rencontre une couche d’indice de réfraction plus élevé, et s’approche à chaque fois de la normale. Chaque réfraction que le rayon lumineux subit le courbe d’avantage vers le sol.
Supposons maintenant que le rayon lumineux vienne d’un astre dont la distance zénithale est z1 (figure 2b, à droite). z1 est l’angle de la tangente au rayon lumineux à l’infini avec la normale en O, c’est-à-dire l’angle de l’asymptote. L’observateur placé en O voit cet astre dans la direction d’où la lumière semble venir, c’est-à-dire dans la direction de la tangente en O au rayon lumineux, faisant l’angle z0 avec la verticale en O (figure 2b). La distance zénithale observée est z0, alors que la distance zénithale de l’astre z1, appelée distance zénithale vraie, est donnée par la relation : z1 = z0 + R (figure 2b), dans laquelle la quantité : R = z1 - z0 est appelée réfraction astronomique. La réfraction astronomique rapproche toujours les astres du zénith. Nous pouvons également dire que pour ramener la distance zénithale observée à ce qu’elle serait en l’absence d’atmosphère, il faut l’augmenter de la valeur de la réfraction R.
Puisque le produit n sin z est constant, nous pouvons écrire sin z1 = n0 sin z0, d’où
sin (z0 + R) = n0 sin z0 (1)
La quantité R est toujours suffisamment petite dans les limites où la théorie est légitime, pour que l’on puisse confondre cet angle exprimé en radians et son sinus, et remplacer son cosinus par l’unité. La relation (1) s’écrit alors : sin z0 + R cos z0 = n0 sin z0, ce qui donne : R = (n0 – 1) tg z0, ou encore en posant : α0 = n0 – 1 :
R = α0 tg z0 (2)
Remarque. La réfractivité (n – 1) est une quantité presque exactement proportionnelle à la densité de l’atmosphère ρ, donc sa variation s’écrit : d(n – 1) ≈ dρ, mais la différentielle de l’expression (n – 1) est égale à : d(n – 1) = dn. De cette égalité, nous déduisons que la variable indépendante n est une fonction linéaire de la densité atmosphérique. Et, lorsque la température varie de moins d’un facteur 2 à travers l’atmosphère, l’indice de réfraction n est également une fonction linéaire de la pression.
Dans les conditions normales : température 0° C, pression atmosphérique 76 cm de mercure à 0°C, l’indice de l’air a pour valeur : n = 1,00029255 pour la longueur d’onde 0,575 m. La réfractivité dans les mêmes conditions a pour valeur : a0 = 0,00029255 = 60,343’’. C’est également la valeur de la réfraction normale pour z = 45°.
La réfractivité est donnée à la température t et à la pression P, par la relation de Gladstone :
Dans des conditions température et de pression différentes des conditions normales, la réfraction astronomique est donnée par la relation (3) :
La relation (3) est valable avec une bonne approximation près du zénith. Elle ne saurait être utilisée pour des astres au voisinage de l’horizon. D’autre part, il n’est pas légitime de négliger la courbure de la Terre, ni celle des surfaces d’égal indice lorsque les rayons lumineux parcourent des distances de plusieurs centaines ou milliers de kilomètres à travers l’atmosphère terrestre.
Théorie approchée de la réfraction astronomique
Dans son ouvrage Astronomie générale, André Danjon présente une seconde théorie approchée de la réfraction astronomique au paragraphe 74. La lumière des astres subit, de la part de l’atmosphère terrestre, une réfraction qui modifie leur position apparente. Nous supposons maintenant que la Terre est une sphère de 6 371 kilomètres de rayon (c’est le rayon d’une sphère de même volume que celui de la Terre), et que les surfaces d’égal indice sont des sphères concentriques de centre C, centre de la Terre de rayon r0. D’autre part, la densité de l’air décroît avec la hauteur, distance de la surface d’égal indice au centre de la Terre. Le rayon lumineux partant d’un point O du sol reste dans le plan vertical qui contient sa tangente en O, faisant l’angle z0 avec la verticale en O, CZ (figure 3).
En un point A du rayon lumineux, la verticale CA de ce point fait un angle V avec la tangente au rayon lumineux (figure 3). Posons : CA = r, CO = r0, r0 représente le rayon de la Terre, et notons θ l’angle OCA. Soit z l’angle de la tangente en A au rayon lumineux, avec la verticale CZ du point O (figure 3). Lorsque le point A s’éloigne de l’observateur jusqu’à la limite de l’atmosphère, la tangente en ce point tend vers une position limite qui est l’asymptote du rayon lumineux. L’angle z tend vers une limite z1. On appelle réfraction astronomique la différence : R = z1 – z0, c’est aussi l’intégrale :
Figure 3 Figure 4
Pour établir les équations fondamentales du problème, nous supposons que l’atmosphère est formée de couches homogènes de faible épaisseur, limitées par des surfaces réfringentes sphériques et concentriques, de centre C centre de la Terre. Soit AB le trajet rectiligne du rayon lumineux à travers une de ces couches dont l’indice de réfraction est n (figure 4). L’angle de réfraction en A est V, et (V + dV) en B. L’angle ACB étant égal à dθ, l’angle d’incidence en B est (V - dθ). La loi de la réfraction en B s’écrit :
n sin (V - dθ) = (n + dn) sin (V + dV)
en outre, nous pouvons écrire la relation suivante entre les éléments du triangle ACB :
(r + dr) sin (V - dθ) = r sin V
des deux relations précédentes nous déduisons la relation (4) :
n r sin V = (n + dn) (r + dr) sin (V + dV)
La relation (4) met en évidence l’invariance de la quantité : n r sin V, dont la valeur peut être déduite des conditions initiales au point O, relation (5) :
n r sin V = n0 r0 sin z0
Cette égalité est valable en chaque point A du rayon lumineux. Si A se déplace le long du rayon lumineux, l’angle V et la distance r changent de telle façon que sin V compense exactement la variation de la distance r, la quantité : p = n r sin z est constante. Cette égalité fondamentale est utilisée pour tracer la marche des rayons lumineux à travers tous les modèles d’atmosphère. Pour un modèle donné, l’indice de réfraction n est une fonction de r, ainsi la pente locale du rayon lumineux peut être calculé à partir de sin V.
La dérivée logarithmique d’un invariant est nulle :
mais nous avons la relation : dr = r dθ cotg V et z = V + θ.
L’élimination de θ et de r entre ces trois équations conduit à :
L’équation de la réfraction R s’écrit, équation (6) :
que nous pouvons écrire en tenant compte de la relation (5), équation (7) :
Pour évaluer cette intégrale, André Danjon introduit d’autres variables : le rapport ρ de la densité δ de l’air en A à la densité δ0 de l’air en O, et la loi de Gladstone qui permet d’écrire : n – 1 = ρ (n0 – 1) et puisque ρ ≤ 1, n = 1 + α0 ρ, d'où nous obtenons :
Le calcul développé ensuite par André Danjon dans son cours d’Astronomie Générale, au chapitre IX, § 74, conduit à la formule de Laplace :
André Danjon a montré que cette relation est suffisante, en pratique, jusqu’à 70° environ du zénith. Mais, les observations astronomiques de très grande précision ne s’écartant pas aussi loin du zénith, la formule de Laplace permet de calculer la réfraction astronomique.
Calcul de la réfraction astronomique
Le calcul rigoureux de la réfraction astronomique nécessite une intégration numérique utilisant une méthode telle que celle qu’ont publiée Auer, Lawrence H.; Standish, E. Myles "Astronomical Refraction: Computation for All Zenith Angles", Astronomical Journal 119 (5): 2472–2474 (2000).
Bennett a développé, en 1982, une formule empirique simple pour calculer la réfraction dans l’atmosphère terrestre à partir de l’altitude apparente, utilisant l’algorithme de Garfinkel B. "Astronomical Refraction in a Polytropic Atmosphere", Astronomical Journal 72: 235–254 (1967).
Si ha est l’altitude apparente en degré, la réfraction R en minutes d’arc est donnée par la relation :
Bennett, G.G. "The Calculation of Astronomical Refraction in Marine Navigation", Journal of Navigation 35: 255–259 (1982).
Willmann-Bell et Saemundson "Astronomical Refraction", Sky and Telescope 72: 70 (1986), ont développé une relation pour déterminer la réfraction à partit de l’altitude vraie, si h est l’altitude vraie en degrés, la réfraction R est donnée en minutes d’arc par la relation :
Cette relation est en accord avec celle de Bennett à environ 0,1’. Les deux relations supposent une pression atmosphérique de 101,0 kPa et une température de 10° C. Pour des valeurs différentes de la pression P et de la température T, la réfraction calculée à partir des deux relations précédentes doit être multipliée par :
Figure 5. Variation de la réfraction atmosphérique en fonction de l’altitude angulaire, calculée à l’aide de la relation ci-dessus, établie par Bennett. La formule est précise à 0,07’ dans le domaine d’altitude 0° à 90°.
Valeurs de la réfraction normale données par la Connaissance des Temps
altitude 0, latitude 45°, température 0° C, pression 1 013,25 hPa
La réfraction augmente d’environ 1 % pour une augmentation de 0,9 kPa, elle décroît d’environ 1 % pour une diminution de la pression de 0,9 kPa. De même, elle augmente d’environ 1 % pour chaque diminution de 3° C de la température, et décroît d’environ 1 % pour chaque augmentation de température de 3° C.
La réfraction atmosphérique des rayons lumineux émis par une étoile est nulle au zénith, voisine d’une minute d’arc à une altitude apparente de 45°, et seulement de 5,3’ à 10°. Elle augmente rapidement lorsque l’altitude apparente décroît, atteignant 9,9’ à 5°, 18,4’ à 2° et 35,4’ à l’horizon. Toutes ces valeurs sont données pour 10 °C et 101,3 kPa, dans le domaine visible.
A l’horizon, la réfaction atmosphérique est légèrement supérieure au diamètre du Soleil, ainsi, lorsque le Soleil est tangent à l’horizon, l’altitude vraie du Soleil est négative. Par convention, lorsque le limbe supérieur du Soleil apparaît ou disparaît, au lever ou au coucher du Soleil, l’altitude vraie du Soleil est – 51,4’ : - 35,4’ due à la réfraction et – 16’ pour son demi diamètre. Parce que la réfraction atmosphérique est de 34’ à l’horizon, et seulement 29’ à 0,5° au-dessus de l’horizon, le soleil couchant ou le Soleil levant semble aplati d’environ 5’, c’est-à-dire de 1/6 de son diamètre apparent. http://canigou.allauch.free.fr/Deformation-soleil.htm
La lumière des objets éloignés situés sur la Terre, est également réfractée par l’atmosphère. Le rayon lumineux rectiligne qui va de œil de l’observateur à une montagne éloignée, peut être arrêté par une colline plus proche, mais dans certaines conditions, le chemin suivi par le rayon lumineux peut être courbé suffisamment par la réfraction terrestre pour permettre à l’observateur de voir la montagne.
Dispersion atmosphérique
Ainsi que le montre schématiquement la figure 1, empruntée à l’article de Daniel O’Connell paru dans le numéro de janvier 1960 de Scientific American, les rayons lumineux des différentes longueurs d’onde constituant la lumière émise par le Soleil, sont non seulement réfractés lorsqu’ils traversent l’atmosphère terrestre, mais en plus ils sont dispersés et forment un spectre lumineux.
Figure 6. Dispersion de l’indice de l’air dans le domaine visible
La réfraction est légèrement différente pour chacune des longueurs d’onde du domaine visible. La variation de l’indice de réfraction avec la longueur d’onde est une propriété de tous les milieux transparents. La dispersion de l’air, comme celle de l’eau, de la glace du plastique transparent, et de nombreux autres matériaux, est faible, la réfractivité (n – 1) varie d’environ 1% dans le spectre visible. Comme la dispersion est très faible, elle est souvent négligeable. Ce n’est que dans des situations particulières que la dispersion de l’air est visible à l’œil nu.
Les valeurs portées sur la figure 6 sont calculées à l’aide des relations de E.R. Peck et K. Reeder, Dispersion of air, JOSA 62, 958-962 (1972), valeurs ajustée à 0°C.
La relation de Cauchy, dans laquelle la longueur d’onde est exprimée en nanomètres, permet de calculer l’indice de réfraction de l’atmosphère en fonction de la longueur d’onde :
Le calcul montre que la variation de l’indice est au moins deux fois plus importante dans la partie du spectre comprise entre 400 et 560 nm, du violet au jaune, que dans le reste du spectre visible, de 560 à 700 nm, du jaune au rouge, ce que nous observons également sur la figure 6.