MIRAGES INFERIEUR ET SUPERIEUR
Lorsque l’on observe des objets éloignés par temps calme, ou l’ombre que des arbres projettent sur une surface chauffée par le Soleil, on remarque l’oscillation incessante des contours des objets ou des ombres. Des ondes de chaleurs déforment les images des objets lointains, ces ondes présentent un inconvénient pour les observations astronomiques. Des formes plus spectaculaires de ce phénomène existent lorsque les images des objets lointains ne se contentent plus d’onduler et de se déformer, mais qu’elles se dédoublent ou s’inversent. Nous observons alors un mirage. Ces différents phénomènes sont dus à la présence de l’atmosphère autour de la Terre.
Le mirage est un phénomène optique qui est dû à la réfraction atmosphérique, qui courbe, par réfraction, les rayons lumineux traversant des couches d’air de densité différentes. La courbure des rayons lumineux donne l’impression que l’objet que l’on regarde est à un endroit différent de son emplacement réel et déforme l’image observée. Le mirage n’est en rien une illusion d’optique qui est la déformation d’une image due à une interprétation erronée de notre cerveau
Selon la définition du Glossary of Weather and Climate, de l’American Meteorological Society, le mirage est un phénomène dû à la réfraction des rayons lumineux, dans lequel l’image d’un objet éloigné apparaît déplacée de sa position vraie à cause de fortes variations verticales de densité de l’air au voisinage de la surface du sol. L’image peut être déformée, renversée, droite ou oscillante.
Nombreux sont ceux à qui le mot mirage fait penser à des voyageurs assoiffés se déplaçant péniblement à travers un désert de sable vers l’image d’un lac d’eau fraîche et claire. Il est vraisemblable que ceux qui pensent ainsi considèrent le mirage comme une illusion issue de l’imagination d’hommes fatigués et déshydratés. Mais, bien que le mirage puisse créer une illusion d’optique – nos yeux voient quelque chose que notre cerveau interprète de façon erronée – le mirage est une image réelle qui peut être photographiée. Dans le mirage le plus courant, que chacun peut observer sur une route chauffée par le Soleil, ce que notre œil voit et que notre cerveau interprète comme étant de l’eau ce sont en réalité des rayons lumineux qui viennent du ciel bleu et des nuages situés au-dessus et en avant de nous. Ces rayons lumineux sont réfractés par de fortes variations de la densité de l’air au voisinage du sol de telle façon que ces rayons nous semblent venir du sol. Ce mirage est appelé mirage inférieur. Le second type de mirage, appelé mirage supérieur, n’est pas observé aussi fréquemment que l’est le mirage inférieur. Cependant, lorsque l’on a vu le Soleil se lever ou se coucher, on a vu un mirage supérieur, car, lorsque nous pensons voir le Soleil juste sur l’horizon, nous le voyons alors qu’il est déjà juste sous l’horizon, environ deux minutes avant son lever ou deux minutes après son coucher. Le mirage inférieur est vu en dessous de la position de l’objet, alors que le mirage supérieur est vu au-dessus. Ces deux mirages se forment à la suite de conditions météorologiques opposées.
Les mirages sont connus maintenant pour être des phénomènes ordinaires, contrairement à ce que la plupart des gens croyaient il y a plusieurs siècles. De nombreuses légendes ont leur origine dans les interprétations erronées de ce phénomène. Dans un mirage, on observe au moins une image renversée de l’objet. Cette « image miroir » est à l’origine du mot mirage introduit en français en 1753, et qui a été formé à partir du verbe mirer et de age. Se mirer signifie regarder son image dans un miroir.
Réfraction atmosphérique
La réfraction atmosphérique est un phénomène optique qui courbe les rayons lumineux lorsqu’ils traversent l’atmosphère. Ce phénomène n’affecte pas que les rayons lumineux mais de manière générale toutes les ondes électromagnétiques. La réfraction atmosphérique est due à la variation de la densité de l’air avec l’altitude. Pour les objets immergés dans l’atmosphère, le phénomène prend le nom de réfraction terrestre et produit des mirages ainsi que des effets de miroitement et d’ondulation pour les objets lointains. En astronomie d’observation, la réfraction astronomique conduit à une erreur dans l’évaluation de la position angulaire réelle de l’astre observé qui est vu plus haut dans le ciel qu’il ne l’est réellement (figure 1a). Il faut donc effectuer une correction de hauteur dite de réfraction atmosphérique. L’effet dépend aussi de la longueur d’onde des rayons lumineux, et agit comme un phénomène de dispersion qui affecte plus la lumière bleue que la lumière rouge. C’est pourquoi les images de haute résolution des objets astronomiques peuvent être étalées.
Figure 1a Figure 1b
Le fait de voir le Soleil à l’horizon sous une forme oblongue, légèrement aplatie, est un autre effet de la réfraction atmosphérique, observable également pour la Lune (figure 1b). La réfraction atmosphérique est beaucoup plus importante pour des objets proches de l’horizon que pour des objets observés près du zénith. Ainsi pour en limiter les effets, les astronomes programment-ils autant que possible leurs observations d’objet au point culminant de leur trajectoire dans le ciel.
Figure 2. Décalage entre la position réelle et la position apparente du Soleil à l’horizon. S jaune est la position réelle, S’ rouge est la position apparente vue par l’observateur O situé sur la surface de la Terre. La ligne bleue représente l’horizon.
Si l’étoile est au zénith, il n’y a aucune correction à faire, car les rayons lumineux ne sont pas déviés sous incidence normale. A 45° de hauteur, la correction vaut près d’une minute d’arc (1/60 de degré). A l’horizon, 0° de hauteur, elle vaut 34’ soit à peu près un demi degré. Le diamètre apparent du Soleil étant voisin d’un demi degré (32'), la réfraction atmosphérique explique pourquoi il est dit parfois que : « lorsque le Soleil touche l’horizon il est en réalité déjà couché » (figure 2). A l’horizon, la réfraction atmosphérique est légèrement plus grande que le diamètre apparent du Soleil. Ainsi, lorsque le disque solaire est juste au-dessus de l’horizon, à ce moment précis s’il n’y avait pas d’atmosphère, aucune partie du disque solaire ne serait visible. Par convention, le coucher ou le lever du Soleil est le moment où le bord supérieur du Soleil apparaît ou disparaît à l’horizon.
Causes des mirages
La valeur de l’indice de réfraction de l’air n’est pas constante, elle varie avec la température, la pression atmosphérique, ainsi qu’avec l’humidité et la composition de l’air. Les couches d’air froid sont plus denses et de ce fait, leur indice de réfraction est plus élevé que celui des couches d’air plus chaud. L’indice de réfraction varie de façon proportionnelle à la pression, mais de façon inversement proportionnelle à la température. La superposition de couches d’air de plus en plus chaudes ou froides crée un gradient de température et de pression, c’est-à-dire un gradient d’indice de réfraction de l’air.
T ° C n T ° C n
- 20 1,00031489 10 1,000281196
- 10 1,000302844 20 1,000271373
0 1,000291647
L’indice de réfraction de l’air est inversement proportionnel à la température.
Atmosphère terrestre
La troposphère est la partie de l’atmosphère terrestre située au plus proche de la surface de la Terre jusqu’à une altitude d’environ 8 à 15 kilomètres, selon la latitude et la saison. Elle est plus épaisse à l’équateur qu’aux pôles. Cette couche atmosphérique représente environ 80 % de la masse totale de l’atmosphère, elle est importante car on y trouve l’air que nous respirons. La troposphère est également la couche de l’atmosphère la plus importante pour les phénomènes de réfraction atmosphérique. Car dans son état normal et stable, une colonne d’air dans l’atmosphère standard possède un gradient de température de – 6,5 K/km, soit un gradient d’environ – 1.10-2 °C/m. Le gradient de température est négatif car la température diminue avec l’altitude dans l’atmosphère standard. Au niveau de la mer, la norme donne une pression de 1 013,25 hPa, environ 760 mmHg, ou une atmosphère.
Mirages
Pour qu’un mirage ait lieu, il faut qu’il existe un gradient de température de plusieurs degrés par mètres. Selon la littérature, pour qu’un mirage ait lieu et ne soit pas une simple déformation de l’objet, comme un allongement ou une contraction sans effet d’inversion de l’image, il faut un gradient de température d’au moins - 2 °C⋅m-1, voire - 4 ou - 5 °C⋅m-1.
Figure 3a Figure 3b
Lorsque le gradient d’indice de réfraction est suffisamment important, le rayon lumineux traverse de multiples couches d’air, et subit de nombreuses réfractions, qui lui font décrire une trajectoire courbe, jusqu’à ce qu’il subisse une réflexion totale. Si l’air est plus chaud au voisinage du sol, que celui qui est situé plus haut, le rayon lumineux se courbe en une trajectoire concave ascendante, créant un mirage appelé mirage inférieur (figure 3a). Dans le cas où l’air au voisinage du sol est plus froid que celui qui est situé plus haut, les rayons lumineux de courbent vers le bas, créant un mirage appelé mirage supérieur (figure 3b). Dans le cas d’un mirage inférieur, les indices de réfraction les plus élevés sont à des altitudes plus grandes, de ce fait les rayons décrivent une trajectoire descendante et convexe, par rapport à l’axe de l’altitude, jusqu’à ce qu’ils subissent une réflexion totale, à partir de laquelle le rayon s’élève vers l’œil de l’observateur (figure 3a). Dans le cas d’un mirage supérieur, les indices les plus élevés se trouvent aux altitudes les plus faibles, de ce fait les rayons lumineux décrivent une trajectoire ascendante et concave par rapport à l’axe de l’altitude, jusqu’à ce qu’ils subissent une réflexion totale, où le rayon s’incline vers le sol (figure 3b). Dans les deux cas, les rayons lumineux sont réfractés vers le milieu le plus dense.
Lorsque les rayons lumineux atteignent l’œil de l’observateur, le cortex visuel les interprète comme si leur trace était une ligne de visée parfaitement rectiligne. Cette ligne de visée est tangente au rayon au rayon lumineux lorsqu’il touche l’œil de l’observateur (figure 3, ligne pointillée). Le résultat est qu’un mirage inférieur du ciel situé au-dessus de l’observateur apparaît sur le sol. L’observateur peut interpréter cette vision comme une flaque d’eau au niveau du sol, dans laquelle le ciel se réfléchit, ce qui est, pour le cerveau, un événement plus raisonnable et ordinaire. Dans le cas du mirage supérieur, l’observateur voit ce qui était invisible, parce que l’objet est situé en dessous de l’horizon (figure 3).
Mirage inférieur
Ce phénomène est connu et étudié depuis longtemps. Gaspard Monge, qui eut l'occasion de l’observer pendant la campagne d’Égypte (1798-1801) en a donné une théorie élémentaire.
Le mirage se produit dans les plaines étendues, dans les déserts de sable et sur les chaussées, lorsque le temps est calme et le sol chauffé par le Soleil. Par l’action du Soleil, le sol s’échauffe fortement, tandis que l’air ne s’échauffe que peu. Seule la couche d’air située au voisinage du sol s’échauffe par contact. Des mesures ont montré qu’en plein été la température d’une chaussée peut être supérieure de 11° à 17° C à celle que l’on mesure à 1 centimètre au-dessus de sa surface. L’air se trouve donc formé de couches, inégalement échauffées, inégalement denses, ayant par conséquent des indices de réfraction différents. Aux couches les plus basses, qui sont les plus légères et qui par suite ne restent dans cette position que par une sorte d’équilibre instable, correspondent les indices de réfraction les plus faibles. L’équilibre instable est continuellement rompu par places, ce qui donne aux images vues par mirage une agitation qui concourt à les faire prendre pour des reflets causés par des étendues d’eau.
Considérons un arbre et un observateur qui regarde cet arbre (figure 4). Un rayon lumineux issu du point M de l’arbre arrive à l’oeil de l’observateur en suivant une ligne très courbée, car les angles d’incidence suivant lesquels le rayon est réfracté d’une couche à l’autre vont en augmentant, et il arrive un moment où cet angle est l’angle limite. En ce point, il ne se produit plus une réfraction, comme au passage des couches précédentes, mais une réflexion totale, et le rayon remonte vers l'observateur (figure 4).
Figure 4. Schéma d’un mirage inférieur
On observe un phénomène d’inversion de l’image, car les rayons issus du haut de l’objet sont moins inclinés que les rayons issus du bas, ils subissent une réflexion totale plus bas et seront donc perçus en dessous des rayons issus du bas de l’objet. De ce fait, l’image est sous l’objet et renversée par rapport à celui-ci (figure 4). Comme ce phénomène repose sur un échauffement important de l’air au niveau du sol, des turbulences ont tendance à apparaître et donnent une impression de distorsion de l’image. C’est ainsi que les mirages que l’on voit apparaître sur les routes ne donnent pas une réflexion parfaite du ciel, mais une image instable comme celle que l’on observe dans une flaque d’eau.
Figure 5. Mirages inférieurs
La vision la plus ordinaire du mirage inférieur est un mélange de ciel bleu et de nuage. Mais tout objet situé à ou au-delà de l’endroit apparent où se forme le mirage peut être vu. Lorsqu’on voit le mirage de près, on voit des détails des véhicules qui circulent sur la chaussée, mais les images sont renversées dans le mirage inférieur, donnant l’impression que ces objets sont réfléchis par une flaque d’eau. Pour un voyageur fatigué dans le désert, un mirage inférieur peut apparaître comme un lac d’eau au loin. Un mirage inférieur est appelé « inférieur » parce que le mirage est localisé sous l’objet réel. L’objet réel dans un mirage inférieur est le ciel bleu ou tout objet éloigné. Le mirage nous fait voir au loin une surface brillante de couleur bleu-vert sur le sol.
Lorsque le gradient de température est constant dans la couche d’air que les rayons lumineux ont traversé depuis l’objet jusqu’à l’oeil de l’observateur, l’image n’est pas déformée. Cependant, si le gradient de température varie à l’intérieur de la couche d’air – ou bien continûment ou bien en traversant successivement des couches d’air d’indice de réfraction différent – l’image sera déformée de plusieurs façons. L’image apparaîtra plus grande ou allongée, déformation appelée towering, ou bien elle peut apparaître plus petite ou comprimée, déformation appelée stooping. Des réfractions complexes à travers de nombreuses couches de densité différente peuvent créer à la fois towering et stooping de différentes parties des grands objets. La formation d’images multiples est aussi possible pour créer une scène inhabituelle. Lorsque de telles conditions se produisent, on peut voir souvent différentes images de l’objet, en levant ou en abaissant le niveau de l’œil, captant ainsi différends rayons lumineux.
L’une des plus surprenante vision qui puisse résulter d’un mirage inférieur est l’illusion de quelqu’un marchant sur l’eau. En effet, dans les conditions d’un mirage inférieur, une surface plane s’étendant devant l’observateur peut apparaître si l’observateur est debout au sommet d’une colline. Cette position rend l’horizon optique plus proche de l’observateur que l’horizon géométrique du à la courbure de la Terre. Avec une petite distorsion ajoutée à la figure, il serait facile de confondre la personne marchant sur le bord d’une plage de sable chaud, avec une personne marchant sur la surface de l’eau de la mer.
Les mirages inférieurs peuvent être observés partout lorsqu’une surface est plus chaude que l’air situé au-dessus d’elle. Ils peuvent se former au-dessus du métal chaud d’une automobile, la source de chaleur n’est pas nécessairement le soleil. Un engin chaud, peut élever la température du métal suffisamment pour obtenir des conditions de formation d’un mirage inférieur. Les mirages inférieurs peuvent aussi se former sur des surfaces verticales telles qu’une surface rocheuse ou un mur, donnant une vision surréaliste de ce qui apparaît sur cette surface, incluant la flaque d’eau accrochée à la surface verticale.
Les mirages inférieurs sont observés ordinairement sur des surfaces d’eau lorsque l’eau est plus chaude que l’air, que le ciel est clair et qu’un vent calme prédomine. La photographie prise dans ces conditions par Pekka Parviainen sur la côte de Finlande, montre un mirage inférieur. Sur la figure, en dessous du phare et du bateau, nous voyons un mirage du ciel ainsi que les images renversées du phare et du bateau.
Mirage inférieur observé sur la côte de Finlande par Pekka Parviainen, mathematics lecturer, University de Turku, Mirage in Finland, 2001 :
Nous souvenant que la lumière est réfractée vers l’air le plus froid, considérons quelques cas particuliers que nous pouvons observer au bord de la mer. En Finlande, à la fin de l’été et au début de l’automne les nuits deviennent vite plus froides et la température de l’air diminue rapidement au-dessus de la chaleur emmagasinée par l’eau de la mer. La mer chauffe une couche d’air de quelques centimètres au-dessus de l’eau, créant une fine couche d’air chaud, donc moins dense, juste au-dessus de la surface de l’eau. Lorsque la lumière est réfléchie d’une île éloignée vers l’observateur, elle peut alors trouver deux chemins différents : un chemin « normal » passant clairement au-dessus de la surface de l’eau presque directement vers l’œil de l’observateur ; et un autre passant sous un angle faible vers la surface de l’eau, où il est réfracté à une hauteur de quelques centimètres vers l’air plus froid, et atteint l’œil de l’observateur sous la ligne de visée. Cela signifie que l’observateur voit deux images de l’île, une normale et une seconde renversée en dessous de l’île. Ce mirage est appelé mirage inférieur. (figure ci-dessus). Mirages in Finland, Pekka Parviainen : http://finland.fi/public/default.aspx?contentid=160069
Mirage supérieur
Les mirage supérieurs sont compliqués, bien que l’idée de base soit simple : le mirage supérieur est quelque chose comme une « réflexion » produite par une inversion thermique brutale dont le sommet est situé au-dessus de l’observateur. De plus, le terme mirage supérieur est un terme qui inclus une grande variété de situations optiques. Il signifie littéralement tout mirage dans lequel une image renversée apparaît au-dessus d’une image droite. Cela inclut à la fois les mirages à 2 et à 3 images aussi bien que les Fata Morgana. Certains mock mirage, faux mirages, en français, peuvent être appelés « mirages supérieurs ».
Un mirage supérieur se produit lorsque l’air situé en dessous de la ligne de visée de l’observateur est plus froid que l’air situé au-dessus. Cet arrangement non habituel est appelé inversion de température par les météorologistes, puisque la présence de l’air chaud au-dessus de l’air froid est une répartition opposée au gradient de température de l’atmosphère standard. Passant à travers la couche d’inversion de la température, les rayons lumineux sont réfractés, ou courbés, vers l’air le plus froid, le plus dense, c’est-à-dire vers le bas. Cette courbure fait apparaître l’image de l’objet au-dessus de sa position réelle, parce que notre cerveau suppose que les rayons lumineux arrivent en ligne droite de l’objet à nos yeux. Le gradient de température affecte le parcours des rayons lumineux de l’objet à nos yeux. Les mirages supérieurs sont en général moins ordinaires que les mirages inférieurs, et lorsqu’ils apparaissent, ils sont plus stables, puisque l’air froid n’a pas tendance à se déplacer vers le haut et l’air chaud situé plus haut n’a pas tendance à se déplacer vers le bas.
La naissance d’un mirage supérieur survient lorsque l’air proche du sol est plus froid qu’en altitude. C’est le cas dans des lieux où la surface du sol est très froide, banquise, mer froide, sol gelé..., où des couches d’air plus froid, dites couches d’inversion, apparaissent. L’image de l’objet peut être renversée ou non, parfois déformée par la convection de l’air, mais elle est au-dessus de l’objet réel (figure 6). Dans un mirage supérieur, les rayons lumineux issus de l’objet suivent une trajectoire ascendante et concave. Une singularité de ce type de mirages apparaît lorsque les rayons suivent la courbure de la Terre : un objet situé sous l’horizon peut alors être perçu au-dessus (figure 6).
Figure 6. Schéma d’un mirage supérieur
Ainsi la Corse peut être vue de Nice alors que son point culminant le Monte Cinto ne pourrait être observé en principe que d’un point bien plus élevé. De même des bateaux au-delà de l’horizon peuvent apparaître au-dessus, déformés. Il est à noter que si le gradient de température est de + 0,129 °C⋅m-1, où le signe + indique que la température devient plus chaude lorsque l’altitude augmente, les rayons lumineux seront suffisamment courbés par l’effet de mirage pour suivre la courbure de la Terre tant que la couche d’inversion est présente et l’horizon apparaît plat. Si le gradient est plus faible, comme il l’est presque toujours, les rayons ne sont pas suffisamment courbés et se perdent dans l’espace, ce qui est la situation normale pour l’horizon sphérique convexe de la Terre.
Le mirage supérieur fait apparaître une image, ou une partie, de l’objet :
Visible même si l’objet est situé en dessous de l’horizon géométrique, qui est la ligne de visée tracée de l’œil de l’observateur et tangente à la surface de la Terre (figure 6).
Elevée bien au dessus de sa position réelle – par exemple, un bateau apparaît dans les nuages.
Renversée par rapport à l’image normale.
Multipliée, soit droite soit renversée.
Plus haute, plus grande ou plus proche.
Plus courte, plus petite ou plus loin.
Les mirages supérieurs sont communs dans les régions polaires, particulièrement sur les larges plaques de glace qui ont une température basse et uniforme. Ces mirages se produisent aussi à des latitudes modérées, bien que, dans ces cas, ils sont plus faibles et tendent à être moins stables. Par exemple, un grand mat éloigné peut apparaître comme une tour et sembler plus haut, et ainsi peut-être plus près, qu’il ne l’est en réalité. Lorsqu’un bateau est si éloigné de la côte qu’il n’est plus visible au-dessus de l’horizon géométrique, il peut apparaître sur l’horizon ou même au-dessus de l’horizon par mirage supérieur (figure 6). Ce phénomène explique les légendes de bateaux volants ou de cités côtières dans le ciel, décrites par des marins ou des explorateurs polaires.
Lorsqu’une image apparaît beaucoup plus haute dans le ciel que la position réelle de l’objet, la condition est appelée looming. Lorsque l’image apparaît avec une plus grande taille, towering. Lorsque l’image apparaît plus petite, stooping.
Certaines formes de mirage supérieur sont des spectacles tout à fait impressionnants, ils sont désignées par leur nom : le mirage arctique ou hillingar, la Fata Morgana, la Fata Bromosa et le mirage Novaya Zemlya.
Ces deux photographies qui ont été prises par Pekka Parviainen sur la côte de Finlande, montrent un exemple de mirage supérieur. Au début du printemps, lorsque l’eau est encore froide mais que l’air a commencé à se réchauffer, il est possible de voir des mirages supérieurs. L’eau froide et l’air chaud située au-dessus d’elle, créent une inversion thermique qui dévie le trajet rectiligne habituel des rayons lumineux. L’île située au dernier plan sur chacune des photographies est sévèrement déformée, alors qu’aucune déformation n’affecte le premier plan des photographies.
Mirage supérieur observé sur la côte de Finlande par Pekka Parviainen, mathematics lecturer, University of Turku, Mirage in Finland, 2001 :
Au printemps le renversement des températures peut se produire sur la mer ou sur un grand lac : l’eau froide, libérée récemment par la fonte des glaces de l’hiver, est couverte par une couche d’air chaud venant de la terre. Des conditions favorables se produisent lorsque le vent souffle de la terre vers la mer. En Finlande, à cette saison, un vent sec et chaud provenant des steppes de Russie, apporte la première chaleur du printemps sur la mer. A nouveau, la lumière réfléchie par une île éloignée trouve deux chemins pour parvenir à l’œil de l’observateur. Un des deux chemins est pratiquement droit de l’île à l’observateur, mais à cette époque, l’autre chemin quitte l’île sous un léger angle vers le haut en direction de l’air chaud, ayant été réfracté à la frontière entre les couches d’air basses vers l’air plus froid il atteint l’œil de l’observateur sous un angle supérieur à la ligne de visée. Ceci créé à nouveau deux images de l’île, la première est une image normale, mais cette fois la seconde image est un mirage renversé au-dessus de l’île. Ce mirage est appelé mirage supérieur. Le type particulier de condition atmosphérique qui crée des mirages supérieurs est appelée inversion thermique, c’est-à-dire qu’une couche d’air chaud plus léger et moins dense, est située au-dessus d’une masse d’air froid. Une puissante inversion thermique est aussi la cause de perturbations occasionnelles de réception de la radio et de la télévision (figure ci-dessus).
Mirages in Finland, Pekka Parviainen : http://finland.fi/public/default.aspx?contentid=160069
Fata Morgana
La Fata Morgana est une forme complexe et inhabituelle d’un mirage supérieur qui est observée dans une bande étroite juste au-dessus de l’horizon. Bien que parfois le nom soit appliqué de façon erronée aux deux mirages inférieur et supérieur, plus communs, une vraie Fata Morgana n’est ni un mirage supérieur, ni un mirage inférieur. Ce phénomène optique résulte d’une combinaison de mirages qui peut être décrite comme un mirage supérieur complexe ayant plus de trois images déformées droites et inversées. A cause des conditions constamment changeantes de l’atmosphère, ce phénomène peut se modifier de différentes façons en quelques secondes, y compris en une image d’un mirage supérieur. Ce mirage peu stable donne des images multiples, déformées et superposées de l’objet du mirage. Le mirage a l’apparence de tours et de constructions, de plateaux etc ..., il peut mêler presque toutes les sortes d’objets éloignés, tels que des bateaux, des îles et la ligne des côtes. Il contient plusieurs images renversées et droites qui sont empilées les unes sur les autres, et montre également des zones alternativement comprimées et élargies. La Fata Morgana est plus communément observée dans les régions polaires, en particulier sur les grandes étendues de glace qui ont une température basse et uniforme. Cependant ce phénomène peut être observée partout. Dans les régions polaires, ce phénomène est observé les jours particulièrement froids, alors que dans les déserts, sur les océans et sur les lacs, la Fata Morgana peut être observée les jours chauds. La Fata Morgana déforme les objets de telle façon que ces objets sont complètement méconnaissables.
C’est au Moyen Âge que ce phénomène a été rapporté pour la première fois, par des croisés qui, naviguant en Méditerranée, affirmaient avoir aperçu des châteaux fantastiques se refléter dans la brume près du détroit de Messine, entre l’Italie et la Sicile. Ils attribuèrent ce phénomène à la Fée Morgane, d’où le nom de Fata Morgana, Fée Morgane en italien, adopté par la suite. Selon la légende arthurienne, la fée Morgane avait le pouvoir d’élever des palais au-dessus des flots et d’agir sur le vent.
Des conditions particulières sont nécessaires pour que la Fata Morgana soit perceptible : il faut que des couches d’air chaud et des couches d’air froid se superposent, entraînant une succession de mirages supérieurs et de mirages inférieurs. Les images qui parviennent à l’œil de l’observateur sont ainsi amplifiées et déformées de manière spectaculaire, et celui-ci peut alors apercevoir des objets illusoires. La Fata Morgana est causée par la superposition de couches d’inversion et de couches d’air chaud avec des gradients plus ou moins forts. Ainsi ce qui était un rivage lointain est élevé au-dessus de l’horizon par une couche d’inversion alors que d’autres parties sont élargies, déformées par une couche d’air plus chaud ramenant une partie des rayons vers le sol. On observe ainsi des tours, allongées par les couches d’inversion, des plateaux élargis et superposés grâce aux couches d’air plus chaud.
Fata Morgana au Groenland, photographie de Jack Stephens, 1999
Ce phénomène optique se produit parce que les rayons lumineux sont courbés lorsqu’ils passent à travers des couches d’air de différentes températures dans une inversion thermique abrupt dans laquelle s’est formée un guide de rayons lumineux, atmospheric duct en anglais, créé par l’atmosphère. Une inversion thermique est une situation dans laquelle il existe de l’air plus chaud dans une couche bien définie, située au-dessus d’une couche d’air plus froid. L’inversion de température est l’inverse de ce qui est le cas normal dans l’atmosphère standard, l’air est ordinairement plus chaud près de la surface terrestre, et plus froid plus haut.
Dans l’air calme, une couche d’air plus chaud peut rester au-dessus d’une couche d’air plus froid, formant un guide de rayons lumineux qui agit comme une lentille qui réfracte la lumière, produisant une série d’images renversées et droites. La Fata Morgana requiert la présence d’un guide, car seule l’inversion thermique ne peut pas produire cette sorte de mirage. Alors qu’une inversion thermique prend naissance sans qu’il y ait un guide de rayons lumineux, qui ne peut exister sans qu’il existe d’abord une inversion thermique.
Pour produire la Fata Morgana, l’inversion thermique doit être suffisamment intense afin que la courbure des rayons lumineux à l’intérieur de la couche d’inversion soit plus grande que la courbure de la Terre. L’observateur doit être situé à l’intérieur ou en dessous du guide pour être capable de voir la Fata Morgana. Le phénomène optique peut être observé d’un point élevé de l’atmosphère terrestre, du niveau de la mer aux sommets des montagnes, et même depuis les avions.
Effet Novaya Zemlya
L’effet Novaya Zemlya est un mirage particulier des régions polaires. Il est nommé d’après le nom russe de la Nouvelle Zemble, dans l’océan Arctique, où il fut observé pour la première fois en 1597, lorsque l’expédition danoise de Willem Barents cherchait le passage du Nord-Est. L’expédition se retrouva piégée sur l’île, à la latitude de 76° 12’ N, lorsque le bateau devint prisonnier des glaces, les marins durent rester tout l’hiver sur place. Le 24 janvier 1597, Gerrit de Veer observa le soleil se lever deux semaines avant la date normale de son lever. Selon des estimations récentes, le Soleil se trouvait sous l’horizon à - 5,26 °. Trois jours plus tard, le soleil fut à nouveau aperçu par de Veer et une partie de l’équipage. Selon des estimations récentes, le Soleil se trouvait alors à - 4,41 °. Ces observations furent contestées parce que de tels mirages sont rarement vus par des Européens, et les rapports de Barents ne furent pas pris en considération par les scientifiques.
Des observations de ce phénomène furent attestées après l’expédition d’Ernest Shackleton en Antarctique, de 1914 à 1917, où il observa le soleil se lever le 8 mai 1915, à peine sept jours après son coucher et le début de l’hiver polaire austral. Le soleil était alors à une altitude réelle sous l’horizon de -2,37 °. Le 26 juillet 1915, il observa à nouveau le Soleil se lever alors qu’il était à l’altitude réelle de -2°. Plusieurs scientifiques tentèrent de modéliser le phénomène et de comprendre son fonctionnement, notamment Alfred Wegener qui construisit un modèle d’atmosphère stratifié avec des réflexions totales. D’autres analysèrent les phénomènes de réfraction atmosphérique grâce aux modèles de Wegener sans parvenir à expliquer l’effet.
Ce mirage est caractérisé par le fait que le soleil peut rester visible après son coucher très en dessous de la ligne effective de l’horizon. Ce phénomène résulte d’un profil particulier de l’indice de réfraction atmosphérique : l’atmosphère agit en l’occurrence comme un guide d’onde. Une partie de la lumière émise par le soleil se propage selon une trajectoire inhabituelle et peut atteindre le côté de la Terre plongé dans l’obscurité, où elle est alors observée.
L’effet Novaya Zemlya est un mirage froid particulier puisque deux couches d’air sont superposées : en bas, une couche d’air froid, sur une altitude suffisante, et au-dessus une couche d’air chaud servant de guide d’onde à la lumière. La couche d’inversion et la couche d’air chaud forment une thermocline qui, comme une fibre optique va guider les rayons lumineux et les empêcher de s’échapper dans l’atmosphère. Les rayons lumineux suivent alors un trajet « en zig-zag ». Le terrain approprié pour ce phénomène est idéalement plat, dépourvu de montages ou de hautes forêts pouvant intercepter les rayons alors qu’ils atteignent le sol, ainsi la surface de la mer, de la banquise ou de terres gelées et non encaissées sont des lieux où l’on pourra observer le phénomène. Outre ces conditions, les conditions de température, indice de réfraction, pression doivent rester assez homogènes dans l’ensemble du guide d’onde que constitue la couche d’inversion et la thermocline. Pour la température un minimum de 6 °C d’amplitude pour la couche d’inversion avec un gradient de - 0,2 °C⋅m-1 suffisent.
Une couche d’inversion est une couche d’air dont le gradient de température est positif, c’est-à-dire que celle-ci croît avec l’altitude. En effet, la température de l’air diminue normalement avec l’altitude, d’environ 6,5 °C par 1 000 mètres. L’épaisseur d’une couche d’inversion peut aller de quelques centaines de mètres à 1 500 mètres. La couche d’inversion se comporte comme un véritable « couvercle » : l’air plus chaud monte jusqu’à la couche d’inversion, mais ne peut la franchir. La thermocline est un zone de transition thermique rapide.
Autre phénomène de réfraction : looming, sinking, towering, et stooping
http://mintaka.sdsu.edu/GF/mirages/mirsims/loom/loom.html#looming
Alors que les mirages sont les phénomènes de réfractions atmosphériques les plus connus, les quatre phénomènes de réfraction appelés looming, sinking, towering, et stooping, ne produisent pas de mirage. Dans ces phénomènes, suivant les conditions atmosphériques, les objets apparaissent élevés ou abaissés, élargis ou rétrécis. Ces phénomènes peuvent apparaître ensemble, modifiant l’apparence de certaines parties des objets de différentes façons. Parfois ces phénomènes agissent sur l’image réelle d’un véritable mirage.
Looming (to loom = apparaître indistinctement)
C’est le phénomène le plus remarquable et le plus souvent observé. Il correspond à une grande réfraction anormale d’un objet éloigné qui augmente son élévation apparente, et parfois permet à un observateur de voir des objets qui sont situés en dessous de l’horizon. Une des plus fameuses observation a été faite par William Latham, en 1798. Il écrivit : Je pus voir très clairement les bateaux sur la côte opposée, qui, à la partie la plus proche, était distante entre quarante et cinquante miles. Ils semblaient être à quelques miles.
Ce phénomène est observé facilement dans les régions polaires. Il a été responsable d’erreurs faites par les explorateurs polaires. Par exemple, Charles Wilkes porta sur la carte la côte de l’Antarctique, où plus tard on ne trouva que de l’eau.
Sinking (to sink = sombrer)
Ce phénomène est l’opposé du looming. Les objets qui sont normalement vus au-dessus de l’horizon apparaissent moins élevés qu’ils ne le sont en réalité, ou bien, ils peuvent disparaître en dessous de l’horizon. Alors que le looming augmente la courbure des rayons, le sinking produit l’effet opposé. En général le looming est plus remarquable que le sinking, parce que les objets qui deviennent plus grands ressortent plus que ceux qui deviennent petits.
Towering et stooping
Ces phénomènes sont des formes plus complexes de réfraction atmosphérique. Alors que looming et sinking modifient l’élévation apparente d’un objet, towering et stooping modifient la forme de l’objet lui-même. Par towering les objets semblent allongés, par stooping ils semblent rétrécis. L’allongement et le raccourcissement des objets n’est pas symétrique, il dépend du profile de la température de l’atmosphère.
Site d’Andrew T. Young, Astronomy Department, San Diego State University, San Diego
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