B. Sammelbände Band 14 - Collected Volumes Volume 14

Optimiser l'enseignement des langues étrangères en sortant des sentier battus 

Méthodes - Matériaux - Mentalités

Les publications sur l'apprentissage et l'enseignement des langues étrangères cherchent généralement à l’optimiser. Cette optimisation repose souvent sur des méthodes, des matériaux et des mentalités ayant fait leurs preuves dans la pratique quotidienne des professeurs et enseignants de langues étrangères. Pourtant, il est parfois nécessaire de sortir des sentiers battus et de s'ouvrir à de nouvelles approches. C'est ce que font les auteurs de ce livre, en proposant des idées innovantes pour rendre l'apprentissage des langues plus intéressant et créatif. Les enseignants peuvent apprendre de la pratique, en réfléchissant sur leurs méthodes et en étant créatifs. Cela permet de combiner des éléments qui ne semblent pas évidents, comme le théâtre en ligne ou les mangas animés, pour enrichir l'apprentissage des langues. Bien que les articles de ce livre se concentrent sur le français langue étrangère, les trouvailles présentées peuvent être appliquées à d'autres langues. En somme, ce livre offre une approche novatrice et pratique pour améliorer l'enseignement et l'apprentissage des langues étrangères.



Éditeur

Thomas Tinnefeld, docteur ès lettres, est professeur des universités en langues appliquées à l'Université des sciences appliquées en Sarre (Allemagne). Ses recherches portent sur l'étude des langues de spécialité, la didactique des langues étrangères ainsi que sur le plurilinguisme et le pluriculturalisme. Il est l'éditeur de la revue scientifique Journal of Linguistics and Language Teaching (JLLT) et fondateur ainsi que directeur scientifique des Congrès internationaux sarrebruckois de l’enseignement des langues étrangères. En plus, il est président du Conseil de linguistique de Sarre et correspondant allemand du GERAS (Groupe d'Étude et de Recherche en Anglais de Spécialité).



Avec la collaboration de


Frédérique Grim, professeure des université en linguistique et en didactique des langues secondes à la Colorado State University aux États-Unis. Elle forme des enseignants de langue seconde en formation initiale et continue. Ses publications portent sur des sujets tels que l'éducation bilingue, l'enseignement de la prononciation, l'apprentissage expérientiel, l'enseignement de la culture, l'utilisation des L1 et L2 et les anglicismes.

Avant-propos

La motivation essentielle des publications sur l’apprentissage et l’enseignement des langues étrangères réside dans l'effort de l'optimiser. Cette optimisation repose souvent sur des méthodes, des matériaux et des mentalités ayant fait leurs preuves dans la pratique quotidienne des professeurs et enseignants de langues étrangères. Dans d’autres cas ou situations, il n’est pourtant pas suffisant d’agir comme on le fait toujours, mais il est indispensable de s’ouvrir à de nouvelles approches, méthodes ou expériences qui peuvent s’avérer prometteuses, c'est-à-dire de sortir des sentiers battus. C’est bien ce que font les auteurs de ce volume ; c’est bien ce qui fait la particularité de ce livre. 

Découvrir de nouveaux sentiers implique aussi de sortir de sa zone de confort, de prendre des risques, d’être critiqué et même d’échouer. C’est donc tout le contraire de ce que fait un professeur qui enseigne une langue étrangère de la même façon dont il l’a apprise lui-même. Même si cet exemple est un peu extrême, on ne peut guère nier le fait que de tels cas existent. Par contre, il existe bien d'autres cas – et c’est certainement la majorité des enseignants – où les professeurs ont la ferme volonté de rendre leur propre vie et celle de leurs élèves et étudiants plus intéressantes en cherchant d’autres modes d’enseignement et, en fin de compte, en étant créatifs et innovants. Cette motivation représente bien la caractéristique centrale de ce volume. 

Or, la créativité didactique ne s’apprend pas forcément à l’université ou dans des contextes purement théoriques. Elle s’apprend plutôt dans la pratique et à travers la pratique, une pratique pourtant qui repose pourtant sur une théorie solide. En adaptant un proverbe bien connu à notre situation, on pourrait dire que c’est en enseignant qu’on devient enseignant. La pratique, aussi sous-estimée qu’elle soit souvent, nous apporte donc un trésor d’expériences et une richesse inestimable dont nous pouvons nous servir si jamais nous prenons conscience de ce que nous faisons tous les jours, c'est-à-dire si nous réfléchissons sur nos méthodes, notre comportement et nos succès et faillites. Et cela aussi est l’aspect sous-jacent des contributions faites à ce volume. 

En dehors de tout cela, sortir des sentiers battus implique aussi de combiner des « ingrédients » qui ne se combinent pas forcément ou qui échappent à la plausibilité. Combiner le théâtre à l’enseignement des langues étrangères, par exemple, représente un sentier assez bien battu ; le faire en ligne devant l’écran est pourtant quelque chose de tout à fait différent. Lire un manga dans sa vie privée représente un loisir que pratiquent des millions de personnes ; l’utiliser (même sous une forme animée) en classe de langue étrangère est tout autre chose. Ces deux exemples illustrent un peu ce qui attend nos lecteurs. 

Bien que la plupart des articles publiés ici se focalisent sur le français langue étrangère, les trouvailles présentées ici sont transférables à d’autres langues. Même si cela va sans dire, il nous est important de mentionner cet aspect pour clarifier que l’étendue thématique de ce livre est beaucoup plus grande que l’on le dirait à première vue.

Dans ce qui suit, nous jetterons un coup d'œil sur les différentes contributions pour éveiller la curiosité de nos lecteurs.

Le volume présent est ouvert par la contribution de Martina Sobel (Franc-fort-sur-le-Main, Allemagne), qui plaide pour profiter de l’apprentissage mixte afin d’améliorer la communication en classe de français langue étrangère. Il est évident que l'enseignement et/ou l'apprentissage d'une langue étrangère implique l'utilisation de structures orales. Cependant, la communication auto-contrôlée, spontanée et libre est souvent négligée en classe de français, en particulier dans les cours pour débutants, qui se concentrent principalement sur les structures linguistiques plutôt que sur la communication axée sur le contenu. Ainsi, étant donné les difficultés de communication des apprenants de français en Allemagne, l'auteure a conçu un cours d'apprentissage mixte visant à exploiter les médias numériques pour encourager et développer la compétence orale des élèves dans des situations de communication de plus en plus complexes. Le type de cours présenté ici vise à favoriser l'expression orale en fournissant des tâches de communication, axées sur le contenu et présentées en petites portions, et une méthodologie variée. Ces réflexions théoriques sont complétées d’exemples pratiques qui illustrent leur applicabilité dans la pratique de l’enseignement.

En se penchant également sur la communication, Rachid Hanchi (Aix-Marseille, France) offre une nouvelle approche à l’apprentissage de l’oral en classe de français langue étrangère. C’est le cadre d'une formation continue qu’un collectif de pensée décide de développer une séquence pédagogique dans une perspective transformative. Cette action vise avant tout à comprendre la réalité effective telle qu'elle se présente sur place, et cet article sert de base à ce projet. Il consiste en une étude qui vise à analyser la réalité effective des classes de français en ce qui concerne l'apprentissage de la compréhension et de la production orales. Dans une optique heuristique, il s'agit de mettre en évidence comment les enseignants initient des échanges linguistiques en vue de construire un environnement propice à l'apprentissage. Cette recherche, qui mobilise le cadre de la théorie de l’action conjointe en didactique et la littérature sur l'oralité, s'appuie sur une approche ethnographique qui donne lieu à deux analyses complémentaires afin d'élargir la portée de l'étude : une analyse qualitative basée sur le quadruplet du jeu et une analyse quantitative fondée sur le triplet des genèses. Parmi les résultats obtenus, l’auteur montre que les partitions topogénétiques imposées par les enseignants privent les élèves d’élaborer des stratégies efficaces et entravent le caractère relationnel de l'action pédagogique. En résumé, l’article montre combien il est important d’analyser le comportement et les motivations des enseignants pour améliorer les processus d’apprentissage de leurs élèves et étudiants.

Dans une approche pratique et en liant l’art à l’enseignement des langues, Marina Šišak & Maja Pivčević (Zadar, Croatie) appliquent la pratique théâtrale à la classe de français langue étrangère. Dans l’optique des auteures, cette pratique constitue, à bon droit, une méthode créative, dynamique et efficace pour enseigner une langue étrangère à tous les niveaux et à tout public. Leur article a pour objectif de présenter le processus de mise en place d'une pièce de théâtre virtuelle avec des étudiantes en licence de français à l'Université de Zadar (Croatie), en mettant en lumière le contexte de choix du texte et du genre, les circonstances de préparation de l'atelier ainsi que les défis liés à la représentation théâtrale en ligne. Cette description est suivie d'une analyse des résultats attendus et atteints du cours, évalués à l'aide de la méthode d'observation participante ainsi que d'un questionnaire. En définitive, cet article présente une méthode pour intégrer la pratique théâtrale, réalisée en ligne, dans l'enseignement supérieur des langues étrangères. Il met en avant l'impact du travail théâtral sur le développement des compétences communicatives langagières et interculturelles, ainsi que sur l'autonomie dans l'appropriation de la langue. Enfin, il témoigne de la réalisation des acquis d'apprentissage dans le contexte du programme de licence de français concerné. L’approche théâtrale s’est avérée être motivante, impression qui s’impose quand on regarde la vidéo de la représentation et l’interaction des étudiantes-actrices. 

Un autre genre d’art, à savoir le manga, est dans le focus de l’article de Francis Yannick Rakotomanana (Antananarivo, Madagascar), pour qui il représente une meilleure didactique des langues étrangères. À son université, les étudiants qui sont formés pour enseigner des langues étrangères ont des difficultés à comprendre les concepts didactiques et pédagogiques. L’étude présentée ici aborde un aspect nou- veau de la transmission des connaissances et des compétences en envisageant l'utilisation du manga éducatif, également connu sous le nom de « gakushû manga », adapté en version animée. Toutefois, deux questions se posent lorsque l'on parle de l'utilisation du manga animé comme moyen d'apprentissage: pourquoi recourir à ce genre et comment l'utiliser à des fins d'apprentissage ? Pour y répondre, un test de connaissance sur le profil d'un bon enseignant a été organisé et analysé suite à un séminaire sur le sujet. Ensuite, l'adaptation animée du manga de Yūsei Matsui, « Ansatsu Kyoshitsu », également connu sous le titre international « Assassination Classroom », a été utilisée lors d'un séminaire avec les étudiants pour leur permettre de comprendre rapidement les concepts didactiques et pédagogiques de l'enseignement des langues étrangères ainsi que le profil du bon enseignant. Le même test de connaissance a ensuite été renouvelé après la visualisation de l'épisode 4 du manga animé et analysé. Enfin, un questionnaire a été administré pour évaluer l'opinion des étudiants sur l'utilisation du manga animé et leur niveau de compréhension. Les résultats montrent une bonne réception de la nouvelle méthode d'enseignement et une meilleure assimilation des concepts didactiques et pédagogiques de l'enseignement des langues étrangères. Ainsi, l'utilisation de manga animé dans l'enseigne- ment universitaire représente une nouvelle façon de repenser la pédagogie universitaire. On voit donc que l’intégration de types d’art quelque peu inhabituels non seulement à l’école, mais aussi à l'université, peut  faire une différence par rapport à la motivation des étudiants et même à celle des professeurs.  

Ce ne sont pas seulement les matériaux utilisés en classe de langue qui peuvent avoir une influence positive ou négative sur la motivation et le succès des apprenants, mais, bien évidemment, c’est aussi leur attitude vis-à-vis de la langue à apprendre. Dans cet esprit, Asmae Lahlou (Berrechid, Maroc) examine les représentations des élèves marocains concernant le français et l'anglais et leur impact sur leur implication en classe de langue. L’objectif est d'expliquer les raisons pour lesquelles les élèves ont moins d'appétence pour le français que pour l'anglais. Dans ce contexte, il est présenté les résultats d'une enquête menée auprès de lycéens marocains sur l'enseignement du français au lycée, qui est principalement basé sur des œuvres littéraires. Le rapport des élèves avec le français et l'anglais est analysé et des recommandations, qui, des fois, touchent à la politique linguistique du Maroc, sont formulées pour favoriser une meilleure coexistence des langues secondes et/ou étrangères dans le paysage linguistique et éducatif marocain. Dans un deuxième temps, cette étude démontre la relation étroite de l’histoire (récente) d’un pays avec les attitudes des élèves et la formation linguistique qui en résulte tout concrètement en salle de classe. Elle montre aussi que de tels facteurs doivent être pris en considération par la didactique des langues étrangères.

Sortir des sentiers battus est aussi une question de mobilité. C’est cet aspect-là sur lequel se focalisent Marie Červenková (Brno, République tchèque), Hana Delalande (Brno, République tchèque) & Daniela Olejárová (Bratislava, Slovaquie) dans leur contribution en se référant aux étudiants tchèques et croates qui passent une partie de leurs études dans des pays francophones. Les programmes de mobilité internationale offrent aux étudiants la possibilité de découvrir un autre système universitaire et de renforcer leurs connaissances (inter)culturelles et leurs compétences linguistiques, notamment en vue du marché du travail. En se basant sur les résultats de recherches psychologiques montrant les étapes de l'acculturation, les mécanismes d'adaptation et les changements durables de la personnalité, les auteurs soulignent l'importance de la mobilité internationale sur le développement personnel des jeunes adultes, y compris leur développement interculturel, et en proposant des mesures didactiques pour mieux préparer les étudiants à ce type de séjour. Dans sa partie empirique, cet article présente une recherche en cours portant sur la mobilité Erasmus+ des étudiants tchèques et slovaques de l'Université Masaryk de Brno en République tchèque, dans un pays francophone. L'analyse des données recueillies sous forme d'entretiens semi-directifs avec les étudiants a permis de dégager les besoins des participants. Dans le but de rendre la mobilité internationale plus efficace, il s'avère important d'adapter les contenus didactiques des cours afin d'éviter ou de diminuer le choc culturel et de soutenir le développement de la compétence communicative interculturelle. En fin de compte, dans ce contexte aussi, il s’agit de travailler sur les attitudes des apprenants.

Les étudiants qui passent un semestre ou une année à une université à l’étranger ne font généralement pas seulement de grands progrès par rapport à leur (inter)culturalité ou leur personnalité, ils ont aussi, qu’ils le veuillent ou non, un rôle médiateur par rapport aux stratégies d’internationalisation chez soi. C’est cette thématique dont s’occupent Milenna Brun & Francisneide Albano (Feira de Santana, Brésil) dans leur contribution. Elles proposent de retracer l'historique du processus d'internationalisation de l'Université d'État de Feira de Santana (UEFS) en Bahia au Brésil en mettant en évidence le rôle médiateur joué par les étudiants internationaux dans les stratégies d'internationalisation chez soi. Bien que l'UEFS ne soit pas encore recon- nue internationalement et qu’elle ne soit pas située dans une zone attractive pour les étudiants internationaux, qui préfèrent les centres urbains et les villes côtières, elle participe activement au mouvement d'internationalisation de l'enseignement supérieur dans la région Nord-Est du Brésil depuis 1997. Si la mobilité académique est l'action la plus visible de ce processus, elle ne concerne cependant qu'1 % de l'ensemble des étudiants de l'université. Les flux d'étudiants entrants et sortants sont disproportionnés, comme c’est le cas dans d'autres régions d'Amérique latine. Toutefois, des programmes institutionnels et des événements d'internationalisation chez soi ont été mis en place par le Conseil Spécial des Relations Institutionnelles (AERI). Les 154 étudiants internationaux venus d'Europe, d'Amérique et d'Afrique ont contribué à la promotion d'une culture internationale sur le campus. Ainsi, afin de documenter leur participation en tant qu'agents médiateurs dans le processus d'internationalisation de l'UEFS, les deux auteures analysent des documents institutionnels et mènent des entretiens semi-directifs avec les responsables de l'AERI. Les résultats indiquent que la participation des étudiants à des programmes d'internatio- nalisation chez soi facilite leur intégration dans le milieu universitaire. Ces pratiques de relations sociales, configurées comme des stratégies de diffusion des aspects socioculturels, linguistiques, économiques et éducatifs de leurs pays d'origine, contribuent à la qualité des activités d'enseignement et de recherche, ainsi qu'à une formation universitaire socialement engagée. La mise en place d'une politique linguistique à l'université est une priorité actuelle qui doit être associée à la formation universitaire de citoyens altéritaires capables de dialoguer culturellement et linguistiquement dans différents contextes. On voit donc que, dans cette optique, les avantages que comportent les programmes d’échange prennent une autre dimension.

La diversité humaine est aussi le thème de l’article d’Eric Brun (Feira de Santana, Brésil), qui présente les premiers résultats d'une recherche quanti-qualitative portant sur la représentation de la diversité humaine dans un corpus constitué des manuels scolaires de CM1 et CM2 utilisés dans les écoles publiques de Feira de Santana et de sa région en Bahia au Brésil. L’objectif est de comprendre la manière dont la diversité humaine est présentée aux enfants selon trois catégories d'analyse regroupant des indicateurs relatifs au handicap, aux cultures-langues du Brésil et du monde, au sexe biologique des auteurs cités comme référence ainsi qu'à celui des personnes et personnages présentés en contexte professionnel et non professionnel. L’auteur se base sur un référentiel théorique constitué des approches plurielles européennes, de la sociodidactique française et de l'analyse de contenu. L’étude porte sur l'analyse de la représentation de la diversité humaine à travers les illustrations et les textes des manuels scolaires des six disciplines obligatoires au Brésil. Les résultats obtenus indiquent des déséquilibres significatifs dans la présentation de la diversité humaine aux enfants ainsi que la persistance de stéréotypes sociétaux.

Dans l’ensemble, les études esquissées dans ce volume mettent en évidence non seulement la créativité didactique mentionnée auparavant, mais aussi des efforts bien fructueux de décomposer le connu et de le recomposer pour en faire quelque chose de nouveau. C’est cette création de nouvelles choses de toute sorte qui représente une grande partie du travail des professeurs de langues, qu’ils travaillent à l’université en faisant des recherches ou à l’école en instruisant leurs élèves. Nous espérons qu’avec la publication de ce livre, nous y avons fait une humble contribution.


En février 2023                                                                                                          Thomas Tinnefeld (Sarrebruck, Allemagne)

                                                                                                                                            avec la collaboration de 

                                                                                                  Frédérique Grim (Fort Collins, États-Unis)