Anastassia Liachenko

paysanne de Volokhovka (région de Kharkiv), née en 1910.

Entretien en "sourjik" du 28/07/2000, prise de notes par Inna

Elle a travaillé à la commune "Krasnaïa Zaria" de 1931 à 1933. Elle a adhéré à la commune parce qu'elle s'était mariée à un communard.

Q : Comment s'est organisée la commune ?

R : On a dit aux gens : vous allez bien vivre. La commune s'est assemblée [et] séparément on a organisé un Kolkhoze; ceux qui ne voulaient pas adhérer à ces organisations étaient dékoulakisés, on leur prenait les vêtements, le matériel agricole. Mon père avait une paire de bœufs [taureaux], un chariot [drogi] et un tarrare [vanneuse / vejalka]. Il a tout pris et a tout donné, comme ça, au Kolkhoze, comme tout le monde. C'était plus la jeunesse qui allait à la commune [parce qu'il y avait une vie plus libre, sans les parents; par exemple : ]. Il y avait un foyer pour hommes et un foyer pour femmes, ils s'installaient ensemble dans la maison et l'écurie du propriétaire [pomechtchik]. Le président donnait des chambres à tous ceux qui voulaient, qui étaient pauvres, dont la xata tombait en ruine. Mon appartement était dans l'écurie. Dans la commune, on préparait à chacun le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner; le pain était distribué par portion de 100 g. Le réfectoire était dans la maison du propriétaire, tout le monde s'y rassemblait pour manger.

Q : Comment le travail était-il réparti ?

R : Le président de la commune, Roubtsov, suivait toutes les affaires, donnait des ordres au brigadier [chef d'équipe], qui lui-même disait aux gens qui devait faire quoi ce jour-là.

Q : Y-avait-il des discussions, des conflits là-dessus ?

R : Non, tout était bien.

Q : Parlez-nous du président.

R : C'était Roubtsov le président de la commune, tout le monde l'appelait Roubets. C'était quelqu'un de bien, mais pas de notre nation : solide, noiraud. Beaucoup de gens lui rendaient visite pour regarder comment la commune vivait.

Q : Au village, quelle attitude avait-on vis à vis des communards ?

R : Les gens se comportaient bien, il y avait des réunions communes au club. J'étais stakhanoviste, je travaillais bien, on m'a donné une prime. Les vieilles personnes appelaient les communards des sans-dieu.

Q : A part le travail agricole, quelles étaient les occupations des communards ?

R : A la saison chaude, on jouait de la musique dans le jardin à côté du foyer, la plupart du temps, quelqu'un jouait de la guitare. Tous les enfants allaient à l'école, il y en avait une seule dans le village.

Q : Comment la commune s'est-elle désintégrée ?

R : Quand les riches ont été déportés dans la Taïga (ils y vivent encore : j'y ai des parents), leurs maisons sont restées vides. Les communards les ont démolies pour avoir du bois de chauffage, ils cuisinaient et vivaient bien, mais quand le combustible s'est terminé, ils n'avaient pas de forêt [qui faisait partie du Kolkhoze composé de paysans moyens], et en 1934, la commune s'est défaite.